I
CONTRIBllTIOl! A l'ÉTlIDE AMTÛIÛOE ET CIMUE
PARALYSIES SPINALES SYPHILITIQUES
IMPBIMERIE LEMALB ET Ci<=, HAVEE
CONTRIBUTIOI A L'ÉTIE AMTOIIQUE ET CLIQUE
DES
PAK
Le Docteur Jules SOTTAS
Ancien interne des hôpitaux de Paris
PARIS
G. STEINHEIL, ÉDITEUR
2, BUE CASIMIR-DELAVIGNE, 2
1894
Digitized by the Internet Archive
in 2015
https://archive.org/details/b21702470
DU MÊME AUTEUR
1890. Épithélioma de l'œsophage, ulcération de l'aorte, mort par
hémorrhagie interne. JJuU. Soc. unat., 13 juin 189Ù, p. 282.
Fracture du pubis, rupture de la vessie, péritonite, mort. Bull.
Suo. anat., 13 juin 1890, p. 283.
Kyste des conduits de Gaertner (avec figure). Bull. Soc. anat.,
17 octobre 1890, p. 4:î9. (En collnlioration avec M. le docteur Walther.)
1891. De l'opération de Wladimiroff Mickulicz (avec figures). Arch.gén.
de Mal., avril et mai 1891.
Dilatation bronchique exclusivement limitée au lobe supérieur
du poumon droit ; hyperplasie considérable des fibres mus-
culaires lisses. Bull . Suc. aniit .. juin 1891, p. 376.
Corps libre de la cavité péritonéale chez un vieillard. Bull. Suc.
aiuit., juin 1891, p. 378.
Polyurie, glycosurie, amaigrissement rapide, mort. Lithiase
pancréatique. Bull. Soc. aiiat., novembre 1891, p. 635.
1892. Fièvre typhoïde ou phtisie aiguë. Médecine moderne, 3 mars 1892.
Cancer du cardia ; gangrène de la rate, gangrène pulmonaire
(avec figure). Bull. Soc.anaf., mars 1892, n" 8, p. 252.
Un cas de sclérose en plaques dans la convalescence de la
variole. Gazette des Mpitaux, avril 1892, n° 44.
Sur un cas de syringomyélie unilatérale et à début tardif,
suivi d'autopsie (avec figures). Suc. de hiolug., 23 juillet 1892. (Eu
collaboration avec M. le docteur Dejerine.)
Un cas de tétanos traité par les injections d'iode. Gazette des ho-
pitau.v, août 1892, n» 92.
Note sur un cas de paralysie puerpérale générale. Gazette des
hôpitaux, octobre 1892, n» 123. (En collaboration avec M. le docteur E. Sottas.)
Péricardite et symphyse. Dilatation cardiaque, rétrécissement
de l'aorte et persistance partielle du trou de Botal. Bull . Sue.
anat., novembre 1892, u° 28, p. 710.
Le choléra à l'hôpital Cochin (service de M. Dujardin-Beau-
metz) ; quelques modes de traitement. Bull, de tliérap., 30 dé-
cembre 1892. (En collaboration avec M. Patay, externe des hôpitaux.)
— 6 —
1893. Sur l'état de la moelle épinière dans deux cas de compression
des racines postérieures. Soe. de Iiiol., 4 mars 1893.
Deux cas d'hémiplégie spinale avec anesthésie croisée (avec
figures). lietue de mal., janvier 189:1.
Sur la névrite interstitielle hypertrophique et progressive
de l'enfance (avec figures). Mémoires de la Sue. de hivl., mars 1893. (En
collaboration avec M. le docteur Dejerine).
Contribution à l'étude des dégénérescences de la moelle con-
sécutives aux lésions des racines postérieures (avec figures).
Revue de méd., avril 1893.
Sur la nature des lésions médullaires dans la paraplégie
syphilitique. Sue. de l/iol., avril 1893.
Sur un cas de maladie de Thomsen, suivi d'autopsie. Sue. de bivl.,
24 juin 1893. (En collaboration avec M. le docteur Déjerine.)
Dilatation bronchique lobaire diagnostiquée pendant la vie par
l'absence dans l'expectoration du bacille de Koch (avec figures).
Bévue de méd., août 1893. (En collaboration avec M. le docteur Dejerine.)
Dégénérescence rétrograde du faisceau pyramidal. Soc. de hiul.,
25 novembre 1893.
Je dédie ce travail oomme un faible témoignage de ma reconnaissance
A MON PÈRE, MON PREMIER MAITRE
MONSIEUR LE DOCTEUR E. SOTTAS
A MES MAITRES DANS LES HOPITAUX
A MM. LANCEREAUX, MAURIAC, M. le Profes. GRANCHER
(1886-1887)
A la mémoire du regretté BLACHEZ, à M. le D'' LABBÉ qui ont
bien voulu m'agréer comme externe (1888-1889)
A M. BLUM, M. DEJER1NE, M. DUJARDIN-BEAUMETZ ,
M. LE PROFESSEUR DEBOVE, savants maîtres qui m'ont fait
l'honneur de m'accepter comme interne (1890-91-92-93) dans leurs
services et dont j'ai eu l'heureuse fortune d'apprécier la grande
expérience et l'insigne bienveillance.
A MES
camarades
D INTERNAT
AVANT-PROPOS
L'influence de la syphilis sur le développement des affections du
système nerveux et de la moelle en particulier n'est plus à prouver
aujourd'hui. Les questions qui se posent actuellement sont : d'une
part, la modalité des lésions produites dans la moelle par cette affec-
tion et leurs conséquences ; d'autre part, les limites qu'il convient
d'attribuer à l'influence de l'infection syphilitique sur le développement
des maladies de la moelle.
C'est au premier de ces deux problèmes que nous nous attaclierons ;
quant à fixer les limites de l'influence de l'agent syphilitique sur la
genèse de certaines affections systématiques comme le tabès, par
exemple, c'est une tâche que nous n'entreprendrons pas.
Si la réalité des myélopathies syphilitiques est acceptée, c'est en
grande partie sur l'observation clinique que repose cette conviction.
Et cependant, en restant sur le terrain de la clinique, la nature
syphilitique de telle ou telle affection du système nerveux ne peut
guère être affirmée que par le raisonnement : post hoc, ergo propter
hoc, raisonnement bien aléatoire. Il faut avouer toutefois que dans
nombre de circonstances, cette induction prend une singulière valeur.
Si, en effet, par exemple, chez un jeune sujet, syphilitique depuis
quelques mois ou un petit nombre d'années seulement, on voit appa-
raître des douleurs lombaires, de la difficulté dans la miction, puis
plus ou moins rapidement une faiblesse des jambes faisant bientôt
place aux symptômes d'une paraplégie spasmodique, on pensera
naturellement à l'influence de la syphilis. Si toute autre cause
évidente de lésion de la moelle, comme un mal de Pott, un trauma-
tisme, manque, cette supposition deviendra presqi;e une certitude.
Mais il est d'autres circonstances où le diagnostic repose sur des
données bien moins précises. Si cette paraplégie survient chez un
individu âgé, syphilitique depuis longtemps, pourra-t-on affirmer la
nature syphilitique de l'affection, ou bien s'agit-il d'une paraplégie de
— 10 —
cause inconnue survenue chez un syphilitique? La difficulté bien
souvent ne peut être tranchée du vivant du malade. Il n'est même
pas toujours facile, lors de Tautopsie, d'établir sur des caractères
anatomiques précis la nature spécifique de l'affection.
L'incertitude s'accroît encore à l'égard de certaines myélites
systématisées, le tabès, par exemple, que nombre d'auteurs consi-
dèrent comme relevant ou pouvant relever de la syphilis. Les diver-
gences d'avis des différents auteurs prouvent l'incertitude d'une
opinion qui ne repose que sur la statistique et manque de base ana-
tomique certaine.
Y a-t-il, en effet, en correspondance avec les différentes manifes-
tations cliniques de la syphilis médullaire des altérations anatomiques
particulières qui permettent une classification de ces formes ? Avant
de répondre à cette question, nous rechercherons d'abord s'il existe
des lésions spécifiques de la syphilis, et quels tissus elles pourront
atteindre dans la moelle.
Dans l'ignorance où nous sommes de la nature de l'agent infectieux
syphilitique, nous n'avons pour nous guider que l'étude de la réaction
histologique du tissu affecté. En raisonnant par analogie, on assimile
l'action du virus syphilitique à celle d'autres agents infectieux qui
produisent des lésions à tendance nodulaire comme dans la morve, la
tuberculose, la lèpre, etc. Or la spécificité du tubercule n'a pu être
affirmée que par l'isolement, la culture et l'inoculation du bacille de
Koch. Et même, le tubercule est-il le seul mode de réaction des
tissus en présence du bacille de Koch ? Cet agent ne peut-il produire
des modifications du tissu conjonctif autre que le tubercule, ne peut-il
pas aussi agir sur les éléments nobles des différents parenchymes ?
Les mêmes questions se posent à l'égard de la syphilis, et elles
sont naturellement plus obscures encore, pour la raison que nous
avons indiquée.
D'après l'opinion générale, le virus syphilitique porte surtout son
action sur les éléments dérivés du mésoderme, en particulier sur le
tissu osseux, le tissu conjonctif, les systèmes lymphatique et vascu-
laire sanguin.
11 se peut que les éléments différenciés qui constituent le tissu
noble des différents organes soient également atteints directement
par la vérole, mais cette action n'est pas actuellement démontrée, et,
— 11 —
jusqu'à preuve du contraire, les lésions parenchymateuses doivent
être considérées comme secondaires.
Le mode de réaction du tissu affecté se rapproche beaucoup de
l'inflammation vulgaire ; quelle que soit la date de l'infection, et ici la
distinction en période secondaire et tertiaire n'a pas sa raison d'être,
le processus d'irritation est toujours le même, il consiste en une
hyperplasie des cellules conjonctives, un apport de cellules lym-
phoïdes, et une multiplication des éléments analogues qui entrent en
action dans toute inflammation.
Toutefois, cette hyperplasie inflammatoire se présente souvent
avec une apparence particulière. Elle peut aboutir à la formation de
granulations spécifiques dont la structure a permis d'établir un
rapprochement entre la syphilis et les autres maladies infectieuses à
productions nodulaires.
L'importance de cette néoplasie est très variable, et entre l'infil-
tration plus ou moins conglomérée qui peut être regardée comme la
gomme microscopique (gomme miliaire) et la gomme macroscopique,
il y a tous les intermédiaires. Mais cette hyperplasie cellulaire n'est
pas nécessairement circonscrite, ce caractère spécifique peut manquer
et elle se présente alors sous l'aspect d'une infiltration diffuse. « Au
« point de vue anatomique, disent MM. Cornil et Ranvier, les
« lésions les plus caractéristiques de la syphilis sont les gommes,
« mais toute production syphilitique n'esl pas une gomme, et dans
« beaucoup de ces produits, on ne saurait trouver de différence ana-
« tomique avec les lésions que cause une inflammation simple. »
On considère le tissu gommeux comme naturellement débile.
« Il est formé essentiellement d'éléments de nature transitoire et, en
<■ dernier terme de son existence, il aboutit ordinairement et néces-
« sairement à la dégénérescence, au ramollissement, à l'ulcération,
« à l'atrophie » (Vi rchow) (1).
L'évolution de la gomme peut être divisée en deux périodes : lu
première est caractérisée par l'hyperplasie des cellules du tissu con-
jonctif ou du tissu similaire; dans la seconde, les éléments se multi-
plient sur place, se tassent et diminuent de volume ; en même temps,
les cellules des parties centrales deviennent granuleuses, s'atro-
phient, et le centre de la tumeur subit la transformation caséeuse.
(1) ViECHOW. Bie hranUaften Gescliwulste , Bd. II, p. 387.
Cette tendance aux transformations rétrogrades (dégénérescence
graisseuse et caséeuse) n'est peut-être le propre que des gommes
massives. 11 ne serait pas illogique de la considérer comme résultant
uniquement de la texture même de la tumeur dont les éléments
confluents produisent par leur tassement un obstacle aux échanges
nutritifs des parties centrales.
Les infiltrations gommeuses diffuses étalées ont-elles la même
tendance à la fonte nécrobiotique, ou bien ce tissu bien nourri reste-
t-il toujours vivace et évolue-t-il naturellement vers la sclérose ? Nous
trouverons, au cours de cette étude, des exemples de ces deux évolu-
tions en dehors des gommes proprement dites.
Enfin, la syphilis peut-elle provoquer des scléroses d'emblée? en
d'autres termes, peut-on reconnaître une origine syphilitique à des
lésions scléreuses non accompagnées d'infiltrations gommeuses
diffuses ou conglomérées ? C'est une question encore débattue et que
discutent surtout les partisans ou les adversaires de la nature syphi-
litique de certaines affections systématiques de la moelle.
Nous venons d'indiquer rapidement les modes de réaction du tissu
conjonctif en présence de l'agent infectieux syphilitique, mais cet élé-
ment n'est pas le seul intéressé et la prédilection du virus syphilitique
pour le tissu vasculaire est aujourd'hui bien connue. Nous verrons
plus loin que l'attention a été attirée sur ce fait depuis un certain
nombre d'années ; aujourd'hui on compte les altérations vasculaires
parmi les manifestations pour ainsi dire constantes dans les modifi-
cations anatomiques produites par la syphilis.
Ici comme ailleurs, le processus manque de caractéristique anato-
mique ; il s'agit d'une infiltration d'aspect banal et dont le point de
départ est encore discuté. Certains auteurs (Heubner, Gerhardt,
Litten) regardent la tunique interne comme le point de départ de
l'inflammation. D'autres (Kôster, Lancereaux, Friedlânder,
Baumgarten) pensent que c'est dans la tunique adventice que
débute le processus, les autres membranes n'étant que secondaire-
ment affectées. Enfin, pour Rumpf, c'est à l'inflammation des
vasa-vasorum qu'est dû l'épaississement des parois artérielles, et
l'infiltration débute dans la tunique moyenne où ces capillaires sont
le plus nombreux.
Dans les centres nerveux, et dans la moelle en particulier, la
- 13 -
syphilis n'affecte primitivement que le tissu conjonctif et lymphatique
et le tissu vasculaire.
Quel que soit le tissu affecté, l'inflammation est de même nature, et
il n'y a pas de différence réelle entre la gomme, l'infiltration des
méninges et celle des parois vasculaires.
Mais il importe de déterminer quelle est la fréquence de ces locali-
sations et leur importance relative dans la détermination des lésions
du parenchyme nerveux. Nous croyons que les lésions vasculaires ont
dans la moelle une importance prépondérante, et c'est ce que nous
essaierons de démontrer par le présent travail.
Laissant donc de côté l'étude de certaines maladies systématiques
de la moelle, pour lesquelles l'influence de la syphilis est sujette à
contestation, nous nous occuperons spécialement des formes qui se
traduisent par des symptômes d'une affection diffuse de la moelle.
La plupart des auteurs décrivent deux formes en rapport avec l'in-
tensité des symptômes et la rapidité de leur évolution : la myéiiie
syphilitique aiguë et la myélite syphilitique chronique. La mieux
connue au point de vue clinique, et la plus fréquente d'ailleurs, est la
forme chronique. Elle est souvent désignée par le terme de paraplé-
gie spasraodique syphilitique, en raison de la prédominance des
symptômes spasmodiques dans les membres inférieurs. Charcot l'ap-
pelait myélite transverse syphilitique, et, dans un travail récent,
Erb (1) donna, sous le nom de paralysie spinale syphilitique, le
tableau clinique de cette affection.
La forme aiguë est beaucoup moins connue. Dans les descriptions
données par les auteurs, elle revêt le plus souvent les allures d'une
myélite aiguë centrale diffuse. Quoi qu'il en soit, elle apresque toujours
été complètement séparée de la forme chronique, tant au point de vue
clinique qu'au point de vue anatomique.
Nous aurons précisément à nous demander s'il y a une si grande
différence entre ces deux formes, ou bien si, relevant d'un processus
identique, les apparences différentes dans l'évolution clinique ne tien-
nent pas à une simple variante dans l'intensité et l'étendue d'une
même lésion.
La vraisemblance de cette dernière opinion semble confirmée par
l'existence de nombreuses formes intermédiaires. Il est très fréquent,
(1) Ebb. Ueber syphilitische Spinalparalyse. iVéwwZ. Centralbl., 1892, XI, 161-168.
— 14 —
en effet, de voir la paraplégie syphilitique débuter brusquement et
faire place ensuite à une paraplégie spasmodique persistant à l'état
chronique. D'autres fois, au contraire, au cours d'une paralysie spi-
nale syphilitique à évolution lente, apparaissent des poussées aiguës
qui viennent aggraver la situation du malade et quelquefois déterminer
la mort assez rapidement. Enfin, dans quelques cas, après un début
variable, l'affection continue ses progrès, les symptômes s'exagèrent
progressivement jusqu'au terme fatal.
Il faut ajouter que, si toutes ces formes que nous venons d'esquisser
rapidement peuvent rester isolées et traduire une localisation spinale
pure, il s'y joint fréquemment des symptômes de syphilis cérébrale
qui viennent compliquer le tableau symptomatique.
Nous n'entrerons pas actuellement dans plus de détails au sujet de
la description de ces formes ; il nous suffit pour le présent d'indiquer
sur quel terrain nous désirons nous placer.
DIVISION DU SUJET
Nous avons divisé notre travail en deux parties.
Pour en faciliter la lecture, nous avons préféré grouper à part, dans
la deuxième partie, les principales observations sur lesquelles repose
cette étude, de façon à ne pas couper trop souvent le texte par des
descriptions histologiques et des répétitions.
La PREMIÈRE PARTIE est divisée en deux chapitres.
Dans le Chapitre 1, nous avons passé en revue les opinions des
principaux auteurs qui se sont occupés de la question ; nous avons
recherché les lésions qu'ils ont signalées, les théories qu'ils ont adop-
tées, etc., et nous avons essayé de donner une interprétation des
faits (paragraphes 1 et 2).
L'étude d'un certain nombre d'observations anciennes, de la plupart
des observations récentes et des cas qui nous sont personnels nous a
permis d'établir la fréquence des lésions vasculaires dans la syphilis
médullaire (paragraphe 3).
Examinant au point de vue général l'influence des altérations des
vaisseaux spinaux sur la nutrition du parenchyme médullaire (para-
graphe 4), nous montrerons le rôle important que jouent ces lésions
vasculaires dans la myélopathie syphilitique en particulier (para-
graphe 5).
Le Chapitre II contient une description anatomique et clinique de
la syphilis médullaire dans ses principales formes, et c'est à la fin de
ce chapitre que nous avons placé nos Conclusions.
La DEUXIÈME PARTIE contient 8 observations personnelles
suivies d'autopsies, dont 7 ont été l'objet d'un examen histologique
détaillé. Nous y avons joint 11 observations récentes, empruntées aux
auteurs allemands. Enfin les documents cliniques fournis par ces
observations sont complétés par la relation de 15 cas inédits qui nous
sont personnels.
Le présent travail comporte ainsi les titres suivants :
- 16 -
Étude des paralysies spinales syphilitiques.
PREMIÈRE PARTIE
ÉTUDE CRITIQUE ET DESCRIPTION ANATOMO-CLINIQUE
Chapitre I. — Étude historique et critique des lésions constatées dans les
paralysies spinales syphilitiques.
Chapitre II. — Etude anatomique et clinique de la syphilis médullaire.
Conclusions.
DEUXIÈME PARTIE
OUSERVATIOMS .lUSTIFICATI VES
Chapitre I. — 8 observations cliniques suivies d'examen nnatomique
(personnelles) .
Chapitre II. — 11 observations cliniques suivies d'examen anatomique
{empruntées).
Chapitre III. — 15 observations cliniques [personnelles).
Nous devons ajouter que ces études entreprises en 1891 dans le
laboratoire de l'hospice de Bicêtre à l'instigation et sous la direction
de M. Dejerine, ont été poursuivies en 1892 et 1893 dans les services
de M. Dujardin-Beaumetz et de M. le professeur Debove.
PREMIÈRE PARTIE
Étude critique et description anatomo clinique.
CllAPITlîE PREMIER
SOMMAIRE. — Etude iiistoiuquk et critique des lésions anatoiiiques
CONSTATÉES DANS LES PAnALYSIES SPINALES SYPHILITIQUES.
I 1. — Lésions sypliilidqncs du rncliis.
I 2. — Syphilis inrniii<^o-inédidlaire .
I. — Lésions circonscrites et macrosctjpiques.
A. — Gommes des méninges.
B. — Gommes de la moelle.
G. — Pachyméningite si)inale sypliililique.
II. — La méningo-myélitc sypliililicinc.
§ 3. — Importance des lésions vascidnires
§ 4. — L' Ischémie de la moelle et le ramollissement médullaire .
§ 5. — Du rôle des altérations vasculaires dans la mi/élopathie syphi-
litique. ■
S.
2
CHAPITRE pre:mier
Étude historique et critique des lésions anatomiques constatées
dans les paralysies spinales syphilitiques.
Les auteurs qui ont étudié les mauifestalions de la syphilis inté-
ressant la moelle ou ses enveloppes ont groupé ces lésions en trois
classes :
La première comprend les affections osseuses qui ont leur point de
départ dans les vertèbres et atteignent secondairement la moelle.
Dans la deuxième, on range les lésions des méninges qui seraient
représentées par des gommes, par l'infdtralion diffuse ou l'épaissis-
sement fibreux de ces enveloppes et particulièrement de la pie-mère.
Enfin, dans la troisième classe on fait rentrer les lésions de la
moelle elle-même, lésions que Ton caractérise par le terme de myélite.
Mais ici, la confusion est extrême : on trouve, dans les observations,
des exemples tantôt de ramollissement de la moelle, tantôt d'indura-
tion scléreuse ou d'infiltration embryonnaire, et cette confusion ne
saurait être dissipée par l'usage d'une dénomination aussi vague que
celle de myélite.
On pourrait dans un quatrième groupe ranger les cas où les auteurs
ont remarqué des lésions vasculaires prépondérantes. Ces lésions
avaient d'abord passé inaperçues, mais, aujourd'hui que l'attention a
été attirée sur cet ordre de faits, les observations de lésions vascu-
laires syphilitiques de la moelle se multiplient. Par analogie avec ce
que l'on sait de la syphilis cérébrale, il était naturel de faire jouer un
certain rôle aux modifications vasculaires dans la production des
lésions médullaires. Ce rapprochement a été fait récemment par plu-
sieurs auteurs. Nous verrons que dans tous les types d'altérations
décrits (gomme, méningite, myélite), on peut constater des altérations
vasculaires considérables et nous essaierons de faire ressortir toute
l'importance de ces lésions.
— 20 —
Il est à remarquer que la division établie pour la commodité de
la description entre les lésions de la pie-mère et celles de la moelle,
n'a pas eu réalité raison d'être, car, des altérations quelque peu pro-
noncées de la membrane nourricière delà moelle ne sauraient exister
sans provoquer des troubles de nutrition et des altérations dans cette
dernière. Bien plus, les lésions du parenchyme nerveux même n'ont
aucune autonomie, elles sont toiijours sultordonnées à des modifi-
cations primitives du système nourricier de la moelle : méninges et
vaisseaux.
Nous conformant à la division adoptée, nous passerons en revue
les lésions décrites par les auteurs en discutant leur fréquence et leur
importance réelle. Cherchant un lien entre toutes ces altérations, nous
essaierons de montrer l'enchaînement qui unit le ramollissement
médullaire, la destruction des éléments nerveux, l'infiltration embryon-
naire et l induration scléreuse, et de donner une idée de ce qu'il faut
entendre par le terme de myélite appliqué à la syphilis médullaire.
1 1- -
Lésions s^pliilitiqucs du rachi-s.
Bien que les lésions osseuses et péi'iosli((iies de la colonne verté-
brale n'entrent pas, à proprement parler, dansl'éUule de la syphilis de
la moelle, puisqu'elles n'intéressent cet organe que secondairement,
ces lésions ont joué autrefois un si grand rôle dans la pa(liog('nie des
paraplégies syphilitiques que nous devons discuter leur importance.
C'est, en effet, sur le compte des altérations de la colonne vertébrale
qu'on mettait autrefois la plupart des fails de paraplégie observés
chez des syphilitiques, et, d après les descriptions des auleurs, les
lésions pouvaient se présenter sous deux formes : lantùt il s'agissait
d'une carie osseuse développée sous l'influence de la syphilis et pro-
duisant la paraplégie par le mécanisme de la pachyméiiingile qui
l'accompagne; ou bien, plus simplement encore, c'était une ostéo-
périostite suivie du développement d'une c.vostose qui compi'imait la
moelle.
LemaldePott syphilitique, décrit pour la première fois par Portai
en 1797, fut accepté par D u p u y [ r e n, M o n I f a 1 c o n .
Pour les exostoses, le rôle important qu'on leur attribuait ressort
évidemment de la lecture des premières observations de paraplégies
mises sur le comple de la syphilis. C'est ainsi que, par exemple, dans
la thèse de Bedel (1), est rapporté un fait de paraplégie observé par
Récamier en 1842 et attribué à une exostose. Le malade s'améliora
sous l'influence d'un Iraitemeut spécifique: il n'en fallait pas plus à
cette époque pour contirmer dans l'esprit des auteurs l'opinion qu'il
s'agissait bien d'une exostose résorbée sous riiifluence du trai-
tement.
La théorie des exostoses régna encore longtemps. Sandras (2)
insiste sur l'importance d'un traitement énergique au début des acci-
(1) BtDEL. Thèse de Strasbourg, 1851.
(2) Sandeas. Gii-dte des liôpitan.i; 7 juillet 1852.
22
dénis pour amener la résorplion de l'exoslose avant la destruction de
la moelle. Il mentionne même un cas dans lequel àl'aulopsie il trouva
une exostose avec ramollissement de la moelle. Ces cas isolés, dans
lesquels on trouvait des lésions verléhi'ales (dont l'iiilerprcMnl ion
d'ailleurs est sujette à caution), seud)laient donner raison aux parli-
saus de celte théorie.
\ idal de Cassis (l) rapporle aussi un tait send)lal)le chez un
malade atteint de syphilis constitul ionnelle, mais sans vérilication
anatomique.
Cependant, le doule commençait ;i naîire dans l'esprit des palho-
logistes, et Lagneau (2) fait reuuirquer que si les accidents médul-
laires syphiliti(pies sont généralenuMit attribués ;\ des lésions de la
suri'ace interne des verlèbres, bien des auteurs ;i son époque nient
rexisteuce constante de cette cause.
A cette époque, Ladreitde Lacharrière (.'>) admet encore la pré-
dominance des lésions osseuses et écrit: « Les lésions que l'on
« constate le plus sont des altérations osseuses. » Gros et Lance-
reaux (4), dans leur Irailé, rapportent l.'î cas de paraplégie attribués
à des lésions osseuses du rachis et recueillis dans les dillercnts auteurs.
On peut en vérité émettre des doutes sur l'existence réelle de ces
lésions dans un certain iionilire de cas (pii nianqueid de véi'ilical ion
anatomique ; et pour les autres, la nature en est souvent discutable,
à cause de l'existence fréquente de lésions tuberculeuses concomi-
tantes.
Zambaco (5), tout en admettant l'existence de ces lésions, les
considère comme extrêmement rares et comme tout ;i fait insulli-
santes pour expliquer les différents cas de paraplégie syphililicpu'.
Jaccoud (6), en 1864, se montre aussi scepticpie : « Dans la
'< plupart des observations rapportées comme exemples d'exoslose
« ou de périostose syphilitique, il ne s'agit, après tout, dit-il, que d'un
« diagnostic probable. »
Dans les différentes thèses qui parurent plus tard sur le sujet qui
(1) \''IDAL DE Cassis. Mnlailks vcncrlcnncs, 1853.
(2) Lagneau, Muladics sypli. du sijst. ncrv., 1S60.
(3) Ladreit de Lacharrière. Des ixtraltjsics sijph., Thèse de Parité, ISiil.
(4) Gros et Lancereadx. Des affectioiu nerveuses syph., ISOl.
(5) ZAtMBACO. Des a ffections nerveuses syph., Paris, 1862.
(G) Jaccodd. Lei paralysies et l'ataxie du mouvement, Paris, 18GI.
— 23 —
nous occupe, les auteurs [Vialle (1), Caizergues (2), Julliard (3),
Savard (4)] signalent l'existence des lésions sypliililiques du racliis
mais sai s donner une appréciation de leur degré de fréquence.
Néanmoins, la formule de Zambaco reste vraie, la rareté de ces
lésions est dès lors une notion classique, et, dans son traité didac-
tique Leyden (5) écrit : « En réalité, les affections syphilitiques des
« vertèbres, loin d'être aussi communes qu'on le supi)Ose généra-
« lement, sont au contraire une véritable rareté. »
L'existence des lésions syphilitiques du rachis n'est évidemment
pas contestable; la syphilis peut porter son action aussi bien sur les
vertèbres que sur les autres parties osseuses de l'économie, mais il
n'est pas toujours facile de déterminer, surtout lorsqu'il s'agit de
carie osseuse, si la lésion est bien de nature syphilitique.
Levot (G) a réuni dans sa tlièseun certain nondjre de lésions verté-
brales constatées chez des syphilitiques; mais, sauf un petit nombre,
la plupart de ces faits sont bien sujels à conleslal ion. .lasinski (7) a
repris récemment l liisloire de ces cas en y juignant cinq observations
personnelles.
Ces études modernes prouvent que les lésions vertébrales sy[)]iili-
tiques méritent d'être prises en considération : aussi doni:erons-nous
un résumé de la plupart des cas publiés jus<[u'ici.
Observation 1.
PoRTAL. De la tialure de l'épilepsie. In Gros et Lancereaux, 1861.
— Homme, 3G ans. Paralysie incomplète des extrémités inférieures avec
tumeur au niveau des premières vertèbres lombaires (apophyses épi-
neuses saillantes), exostoses du tibia. Attaques épileptiformcs, symp-
tùmes cérébraux graves, mort. Evolution en quelijues mois, malgré un
traitement mercuriel.
Autopsie. — Corps des deux premières vertèbres lombaires épaissis,
cariés ; saillies osseuses et gommeuses, moelle ramollie.
(1) Vialle. Rssai sur les pavapléijk's sijph., Thèse de Paris, 187.5.
(2) Caizergues. Bcs myélites syph.j Thèse de Montpellier, 1878.
JULLIAED. Étude sur les localisations S2:iinales de la Thèse de Lyon, 1870.
(4) Savard. Étude sur les myélites syph., Thèse de Paris, 1882.
(5) Leyden. Maladies de la moelle épinière, traduction française; 1879, p. 199.
(6) Levot. Bes lésions syphilitiques du rachis, Thèse de Paris, 1881.
(7) Jasimski. Ueber syphilitische Erkrankuugeu der Wirbelsaule. Arch.f. Berm,
und Syph., 1891, p. 409.
— 24 —
Observation 2.
Joseph Franck. Pathologie interne, Iraduction de Bayle. — En
1798, J. Franck soigna à riiôpital do Vienne un homme atteint d'un
ulcère syphilitique ancien de la gorge et qui fut pris d'engourdissement
dans les bras, puis de douleurs de la nuque et Qnalement d'une paraly-
sie des membres supérieurs.
Autopsie. — Carie des troisième, quatrième, cinquième vertèbres
cervicales. L'altération des vertèbres s'étendait jusqu'aux membranes
de la moelle et au tissu nerveux lui-même.
Observation 3.
WiLSON. Transact. ofa Sociclij for the improvcment of med. and
chirurg. hno\K-ledge. Londcn, 1812, vol. III, p. 115, 121. — ■ Homme,
28 ans. Syphilis, troubles céphaliques diffus, parésle des membres supé-
rieur et inférieur gauches, douleurs à la nuque. Quelques vertèbres
cervicales gonflées, plusieurs autres présentant des hyperostoses. Trai-
tement mercuriel, guérison à peu près complète.
Quatre observations tirées du Compendiium.
Observation 4.
DeJ. Cloquet. — Autopsie d'un homme mort de paraplégie : exostose
des lames de la dixième vertèbre dorsale, tissu osseux compact. Apla-
tissement de la moelle réduite à ses enveloppes.
Observation 5.
Exoste des sixième et septième vertèbres cervicales comprimant
Tarière sous-clavière.
Observation 6.
De Ast. Cooper. — Femme soumise depuis quelque temps à un
traitement mercuriel. Mort subite dans un mouvement que la malade
couchée fit pour s'asseoir sur son lit.
Autopsie. — Fracture de l'apophyse odontoïde de l'axis, favorisée
sans doute par une altération osseuse syphilitique (?).
Observation 7.
Homme, dysphagie par exostose du corps des vertèbres cervicales.
Syphilis
— 25 —
Observation 8.
MiNiCH DE Padoue. Ann. de thrrapeutiquc, t. V, p. 423. — Vieux mili-
taire ayant présenté de nomljreux accidents syphiliti(iLies antérieurs.
Faiblesse des jambes, paralysie des sphincters, embarras de la parole.
Saillie douloureuse de la deuxième vertèbre dorsale. Traitement : Kl et
révulsion. Au bout d'un mois, amélioration, puis mort. Pas d'autopsie.
OliSEISVATlON 9.
PiOJinw Moniteur des hôpitaux, i. I. p. 470. — Périostose ou exostoso
de l'apophyse transverse gauche de la troisième vertèbre lombaire
« de cause évidemment syphilitique ». Douleurs lombaires et scialique
par compression nerveuse ; parésic du membre inférieur correspondant.
Traitement mixte, résolution de la tumeur, disparition des symptômes
fonctionnels.
Observation 10.
Ollivieb d'Angers. Maladies de la moelle cp/nfère. 3'^ édition. Paris,
1837, p. 119. — Femme, 33 ans, syphilitique. Un an après, ulcération
profonde bucco-pliarygienne ; puis, sept mois plus tard, symptômes de
méningite spinale aiguë. l\Iort en huit jours.
Autopsie. — Carie du corps de la troisième vertèbre cervicale, fai-
sant communiquer l'arrière-bouche avec le canal rachidien par une
ouverture qui admet le petit doigt, lldmorrhagic sous-arachnoïdienne,
liquide puriforme. IMyélitc.
Observation 11.
Ollivier d'Angers. Loc. ci'f.,p. 422.— Femme, 35 ans. Syphilis il y a
huit ans. Depuis six mois, douleur de la nuque et gène des mouve-
ments. Application d'un appareil de contention. Aggravation, raideur des
membres supérieurs. La malade enlève son appareil, la tête s'incline à
gauche : paraplégie, asphyxie, mort en quelques heures.
Autopsie. — Carie osseuse du corps des troisième et quatrième ver-
tèbres cervicales; déplacement des fragments, compression et ramol-
lissement de la moelle.
Observation 12.
In thèse de Bedel. Strasbourg, 1851, p. 33. — Godelier cite un cas
de paraplégie avec exostose au bas de la colonne vertébrale. Traitement
mixte, résolution de la tumeur, disparition de la paraplégie.
— 26 —
Observation 13.
Debout. Mémoires de la Société de chirurgie, 1852. — Homme,
3-1 ans. Paralysie du membre supérieur droit avec douleur à la pression,
au niveau do l'émergence des racines du plexus brachial. Atrophie
musculaire. Sjnaptômes attribués à une cxostosc vertébrale. Traitement
mixte, amélioration.
Observation 14.
YvAREN. Métamorphoses de la syphilis. Paris, 1854, p. 101. — Jeune
fille. Infection a postera venere. Parésie des membres inférieurs. Carie
du sacrum. Traitement mixte et traitement local. Guérison lente.
Obseuvation 15.
Allain d'angehs. Moniteur des hôpitaux, octobre 1858. — Homme,
3G ans. Syphilis; un an et demi après, douleurs rachidiennes très
vives, puis faiblesse des membres inférieurs avec engourdissement.
Incontinence des urines et des matières fécales. En trois semaines,
paraplégie absolue, anesthésie jusqu'à l'ombilic. Symptômes attribués à
des exostoses syphilitiques. Traitement mixte et révulsion. Améliora-
tion très marquée.
Observation 16.
Lagneau. Maladies du système nerveux, 1860. — Homme, 48 ans.
Infection syphilitique de date indéterminée. A 45 ans, tumeurs duvolume
d'une noix à peu près et siégeant en arrière de l'épaule gauche, près
de la clavicule droite et dans le voisinage du sternum. Tumeurs ana
logues dans d'autres parties du corps. Ces tumeurs s'abcèdent et restent
en partie fi.stuleusos. Nécrose et perforation du voile du palais, marasme.
Mort subite.
Autopsie. — Nécrose et carie des parties molles et osseuses de la
base du crâne, intéressant également l'articulation altoïdo-axoïdienne.
Observation 17.
ViRCHOW. Syphilis constitutionnelle. Traduction Picard, 18G0. —
Homme. Chancre, puis syphilis constitutionnelle. Douleurs de la nuque
et des bras. Raideur du cou. Paraj^légie avec engourdissement des
bras. Mort.
Autopsie (partielle). — Lésions osseuses anciennes et cicatrices du
crâne. Entre la troisième et la sixième vertèbre cervicale, dure-mère
- 27 —
adhérente à l'os, saillies osseuses et ankylosc des articulations verté-
brales.
Observation 18.
De Parrot. In Gros et Lancereaux, 18G1, p. 397. — Femme, 46 ans.
Accidents syphilitiques antérieurs non reconnus, mais dans les antécé-
dents éruption suspecte. A la suite de la fièvre scarlatine, paralysie qui
débute par les membres inférieurs et s'étend aux membres thoraciques.
Pas de phénomènes spasmodiques. Troubles de la vision : diplopie. On
attribue les symptômes à une exostose. Traitement par le mercure et
l'iodure; guérison.
Observation 19.
Zambaco. Des affections nerveuses syphilitiques. Paris, 1862. — Cite
un cas de carie syphilitique du corps de la quatrième vertèbre cervicale,
produisant des symptômes de dysphagie et d'asphyxie imminente. Les
accidents ne se sont dissipés qu'après l'extraction d'un séquestre nécrosé
qui faisait saillie à la paroi postérieure du pharynx. Douleurs locales
intenses et irradiations dans les membres supérieurs.
Observation 20.
William Ogle. Med. chir. Transact., 1872. — Homme, 40 ans. Dou-
leur dans l'arrière-gorge, dysphagie. Vertèbre dénudée, puis nécrose de
l'os, élimination du corps de la quatrième vertèbre cervicale ; plus tard
nouveau séquestre osseux éliminé. Origine syphilitique supposée à cause
de l'heureuse influence du traitement.
Observation 21.
Michel. Article « Exostoses du rachis». In Dict. encyclopédique des
sciences médicales, 1874. — Femme, 45 ans. Pas d'infection syphilitique
avouée. Trois tumeurs considérées comme gommeuses des os du crâne,
amélioration par le traitement mixte. Quelques mois plus tard, tumeur
analogue au niveau des premières vertèbres dorsales, douleurs dans
les jambes, en ceinture et à la base du thorax. Paraplégie incomplète,
guérison par le traitement spécifique.
Observation 22.
J. E. Beck. Transactions de la Société médicale de l'Ulster. Session
1876-1877, 28 novembre 1876. — Homme. Trois ans aprèsTin eclion syphi-
litique, affection grave de l'arrière-gorge, ulcération aboutissant à l'éli-
mination de la surface antérieure de l'axis.
— 28 —
Observation 23.
Leyden. il/a/adtesde la moellc.ohs. XI, in Thèse de Leyot. — Homme,
25 ans. Syphilis à 23 ans. Douleurs de la nuque et raideur^ troubles de
la sensibilité dans les bras, faililesse des jambes, exagération des
réflexes. Traitement. Légère amélioration, puis aggravation et mort
environ deux ans après le début.
Autopsie. — Carie de l'atlas et de l'axis, destruction des articulations
unissant ces deux vertèbres; altération de l'apophj'seodontoïde. Subluxa-
tion avec rotation partielle de l'axis et rétrécissement du canal verté-
bral. Compression de la moelle, plus accusée d'un côté. Cavernes et
granulations tuberculeuses aux sommets des poumons.
Observation 24.
AuTENRiETH. lu Leyden. Mal.de la moelle; trad. franc, 1879, p. 193.
— Homme, 20 ans. Sj-philis. Ulcération de la gorge, si profonde qu'on
pouvait voir au fond de la gorge la moelle épinièrc recouverte seule-
ment par la dure-mère.
Autopsie. — Arc antérieur de l'atlas détruit; la face antérieure de
l'apophyse odontoïde ctaitégalemcnt attciutc. La perte de substance do
l'atlas avait 11 millim. de large.
Observation 25.
Verneuil. In Thèse de Levot, 1881. — Enfant atteint d'un mal de Pott
attribué à la syphilis héréditaire.
OliSEltVATION 26.
Levot. Thèse de Paris, 1881, p. 7G (obs. XXIX). — Homme 36 ans
Piien dans les comméinoratifs. Affaiblissement général, pas de symp-
tômes nerveux prédominants. Dix tumeurs sous-cutanées, sous-aponé-
vrotiqucs nu intramusculaires, considérées comme des manifestations
de syphilis tertiaire. Sarcocèle syphilitique. Ulcération du gros orteil,
atrophie dos muscles fessiers.
Autopsie. — Symi)hysc cardiaque, péritonite chronique, péri-hépa-
tite, cirrhose, tuberculose pulmonaire, carie vertébrale et abcès par
congestion.
Observation 27.
F'OURMER. In Thèse de Levot, p. 90 (obs XXXj. — Homme. Syphilis,
dysphagio, voix voilée. Tumeur dure sur la paroi postérieure du pha-
— 29 —
ryns. Exostosc des troisième et quatrième vertèiDres cervicales. Kl
et sirop de Gibert. Giiérison.
Observation 28.
Levot. Des lésions syphililiquei du racliis. Thèse de Paris, 1881. —
Homme, 49 ans. A 2-1: ans, ulcère et bubon suppuré. Sept ans et demi
après, douleur et raideur de la nuque. lodure de potassium pendant
quatre mois, légère amélioration. Puis reprise de symptômes l'année
suivante. Finalement ankylose des vertèbres cervicales. Actuellement
douleur et empâtement à la pression. Attribué à la syphilis (/).
Obseuvation 29.
A. Foup.NiER. Lerons sur la sijpliilis lerliaire à l'hôpilal Louicine
{Jouryial de l'Ecole de médecine). In Thèse de Levot, p. 92. — Homme.
Dysphagie, dyspnée. Tumeur des corps vertébraux au niveau de l'orifico
glottique. Guérison par Kl.
Observation SO.
JuRGENS. Deu/jic/ie med. W ochenschr., 188S, n° 25, et Berlin, tiliu.
Wochensclir., 1888. — Femme, 30 ans. Au milieu d'une grossesse,
paraplégie brusque, paralysie des sphincters, anesthésie. Raideur du
cou, douleur à la pression au niveau de la troisième vertèbre cervicale.
Mort en quatre semaines.
Autopsie. — Point de départ des lésions à la face interne de la dure-
mère spinale, dans la partie supérieure de la région cervicale. Delà, les
lésions se sont étendues en haut et en bas. Destruction du troisième
corps vertébral. Fracture spontanée de cotte vertèbre. Compression de la
moelle.
Observation 31.
Leyden. Ueber eninen Fall von syphilitischer Wirbelerkrankung.
Berlin, hlin. Wochenschr., 1889, no 21, p. 461. — Homme, âgé de
34 ans en 1889. Chancre en 1872. Début de l'affection il y a deux ans
par des douleurs rachidlcnnes. Un peu plus tard (printemps 1888), dou-
leurs dans la jambe gauche. Symptômes diffus. Enfin paraplégie. En
1889, parésie très prononcée des membres inférieurs, surtout à gauche
et faiblesse du bras droit avec douleurs. Altération de la partie dorso-
lombaire du rachis, sensibilité à la pression de plusieurs vertèbres.
Amélioration par le traitement.
— 30 —
Observation 32.
Jasinski. Gazeta leska)-sha,1883,n'' 46.— Cas de périspoudylite syphili-
tique de la colonne cervicale. Douleurs occipitales surtout nocturnes, rai-
deur complète de la nuque. Ganglions. Eruptions caractéristiques sur les
deux jambes. Traitement par les frictions mercurielles et les injections
de sublimé etl'iodure de potassium. Guérison complète.
OUSERVATION 33.
Jasin'SIvI. Ueber syphilitische Erkrankungen der Wirbelsaulo. Arc/i.
fur Derm. und Sypii., 1891, p. 409. — Homme, 30 ans. Douleur et
contracture de la nuque attribuées à des lésions gommeuses périosti-
ques des vertèbres cervicales. Immobilisation de la région et traitement
spécifique. Guérison.
Observation 34.
Jasinski. Loc. cit. — Enfant de 5 ans. Paraplégie, contracture, anes-
thésie, paralysie des sphincters. Deux tumeurs : région sacro-lombaire
et région dorsale. Syphilis héréditaire!?); amélioration par le traitement
spécifique. Contracture persistante.
Observation 35.
Jasinski. Loc. cit. — Enfant de 6 ans. Douleurs en ceinture, cyphose
angulaire au niveau de la onzième vertèbre dorsale. Exagération des
réflexes rotnliens et phénomène du pied; mais motilité et sensibilité des
membres inférieurs conservées. On pensa à une manifestation de syphilis
héréditaire. Traitement mercuricl et corset de Sayre. Le résultat n'est
pas connu, l'enfant ayant été perdu de vue.
Observation 36.
Jasinski. Loc. cit. — Homme, 18 ans; carie osseuse de la clavicule,
considérée comme résultant de la fonte d'une tumeur gommeuse. Affec-
tion analogue de la sixième et probablement aussi de la cinquième
vertèbre cervicale. D'abord pas de douleur, mais les mouvements de la
tête sont gênés, La pression du rachis n'est pas douloureuse. Quelques
mois plus tard, douleurs occipitales, tête immobilisée. De temps à autre,
sensation d'engourdissement dans les extrémités supérieures. Amélio-
ration parle traitement spécifique.
Observation 37.
Darier. Bulletins de la Société anatomi que, 1823 p. 22. Carie syphi-
— 31 —
inique des vertèbres cervicales avec pachyméning île sypliililique. —
Femme, 52 ans. Syphilis probable à l'âge de 17 ans.
Deux fausses couches et sept grossesses à terme. A 48 ans, en 1889,
accidents de syphilis tertiaire. Entre à l'hôpital le 24 décembre 1892.
Gomme et ostéopériostite du cràue. Tuméfaction de la nuque et immo-
bilisation du cou, Exostoses de la clavicule, du tibia, etc. Céphalalgie,
contracture dos masséters. Engourdissement, puis parésie des membres
supérieurs. Mort le 31 décembre.
Autopsie. — Ostéopériostite gommeuse du crâne, pas de lésions
syphilitiques de l'encéphale. Périhépatite et gommes du foie. Ostéo-
arthrite syphilitique de l'axis, de la troisième, de la quatrième et de la
cinquième vertèbre cervicale. Apophyse odontoïde détachée; nécrose
du corps de l'axis et de la troisième vertèbre cervicale. Pachyméningite
exclusivement externe; dure-mère spinale ayant près de 7 à 8 miliim.
au niveau de l'axis et reprenant son épaisseur normale à partir de la
sixième vertèbre cervicale. Compression des racines spinales au niveau
des trous de conjugaison. La moelle n'est nullement déformée et paraît
saine.
On voit, par la lecture de ce résumé, qu'un certain nombre de cas
manquent de vérification anatomiquc. Dans ces cas, il existait bien
assez souvent une déformation rachidienne ayant une cerlainc valeur
pour l'appui du diagnostic, mais ce signe manquait quelquefois. On
se contente alors de l'iniluence plus ou moins heureuse du traitement
pour affirmer d'abord la nature sypliililique de l'affection, puis con-
clure à l'existence d"une exostose résorbée. Cependant, même dans
les cas où la guérison a suivi l'emploi du mercure, la nature syphi-
litique même de l'affection était loin d'être démontrée, à plus forte
raison l'existence d'une exostose. Ainsi, dans l'observation 18, le
début à la suite d'une scarlatine d'une paralysie à marche ascendante,
sans phénomènes spasmodiques ni troubles des sphincters, la parti-
cipation même des nerfs moteurs oculaires et la guérison sont des
signes qui feraient admettre aujourd'hui une polynévrite infectieuse
liée à l'existence de la scarlatine antérieure, même si le sujet était
syphilitique.
Dans beaucoup d'autres cas oîi la lésion osseuse a été constatée à
l'autopsie, ou affirmée par des signes physiques évidents du vivant du
malade, la nature de cette lésion ne pouvait toujours être affiirmée et
aurait pu souvent être aussi bien mise sur le compte de la tuber-
culose.
— 32 —
Enfin, dans les observations que nous avons rapportées, les lésions
vertébrales n'atteignaient pas toujours la moelle. Les symptômes
nerveux manquaient même quelquefois complètement (obs. 5, 7, 17,
19, 20) ou pouvaient être mis sur le compte des altérations radicu-
laires (obs. '.), 13, 10, 37). L'observation 13 est un type de paralysie
radiculaire du plexus bracbial avec phénomènes douloureux, atrophie
musculaire, etc.
Il ne reste plus alors qu'un nombre relativement restreint de faits
dans lesquels on ait trouvé, avec des phénomènes de paraplégie
spinale, des altérations du rachis d'origine vraisemblablement
syphilitique.
A une époque où les études histologiques étaient dans l'enfance,
l'altention des analomo-pathologislcs n'était fixée que par les altéra-
tions macroscopiques. Les lésions vertébrales renirant dans cette
catégorie furent d'abord remarquées, et do la généralisation de
quelques faits particuliers est née la théorie des exostoses. Mais les
recherches modernes ont réduit l'importance de cette cause à sa juste
valeur. En réalité, la syphilis peut atteindre les vertèbres comme
toutes les autres parties du système osseux; la moelle et les racines
peuvent être intéressées secondairement, mais ces localisations con-
stituent de véritables exceptions en comparaison des autres causes qui
produisent les paralysies spinales syphilitiques.
I 2. — Syphilis iiil^nin(|o-mécliiIlaire.
Dans l'étude de la syphilis médullaire, on décrit quelquefois sépa-
rément les lésions des méninges et celles de la moelle; mais, pour les
raisons que nous avons indiquées, à cause de l'intimité qui unit le
parenchyme de la moelle à ses enveloppes et de la participation ordi-
naire de ces deux organes aux modifications constatées dans les
autopsies, nous étudierons parallèlement leurs altérations.
L — Lésions ciuconscrites et maciîoscoi'iques
Tout d'abord, il est un certain nombre d'altérations que nous consi-
dérons comme relativement rares et qui se manifestent par des modi-
fications localisées et appréciables à l'œil nu. Ce sont les gommes
— 33 —
massives des méninges et de la moelle et Tépaississement consi-
dérable des méninges. Si nous admettons la rareté de ces lésions, ce
n'est pas que les productions gommeuses puissent être considérées
comme exceptionnelles dans l'évolution de la syphilis médullaire,
puisqu'au contraire elles sont extrêmement fréquentes et qu'elles en
sont une des caractéristiques ; mais l'infiltration circonscrite est le
plus ordinairement, ainsi que nous le verrons, réduite au nodule
microscopique. De même, l'épaississement des méninges est fréquent,
mais il est généralement peu prononcé et arrive rarement à produire
ce que l'on a décrit sous le nom de pachyméningite syphilitique.
Cependant, lorsqu'on eut reconnu l'insuffisance de la théorie des
exostoses, ce furent précisément ces altérations plus saillantes de la
moelle et de ses enveloppes qui attirèrent l'attention. Bien que l'on
accordât à la syphilis une certaine importance dans l'étiologie des
myélites diffuses aiguës ou chroniques, on ne considéra comme véri-
tablement caractéristiques de la syphilis médullaire que les tumeurs
gommeuses de la moelle, les gommes et l'épaississement fibreux des
méninges.
Avant d'entrer dans l'étude de la forme anatomique la plus fréquente
de la syphilis médullaire, nous passerons en revue un certain
nombre d'observations où ces altérations macroscopiques ont été
constatées.
A. — Gommes des méjiinges.
Les observations de gommes macroscopiques et isolées des
méninges sont rares. Il existe cependant un certain nombre de cas
anciens, bien souvent cités, dont la critique a été faite par nombre
d'auteurs. Si ces cas sont en effet discutables, des observations plus
récentes paraissent affirmer l'existence de ces lésions. Rien ne
s'oppose, en effet, au développement dans les méninges d'infiltrations
gommeuses massives et circonscrites revêtant parfois la forme de véri-
tables tumeurs. La tumeur gommeuse est une manifestation banale de
la syphilis qu'aucune raison n'exclut du tissu conjonctif des enve-
loppes de la moelle. 11 existe d'ailleurs des formes de transition entre
l'épaississement gommeux léger et étalé des méninges et la tumeur
gommeuse massive. On trouvera dans les observations suivantes les
exemples les plus célèbres de ces cas très rares de tumeurs gom-
S. 3
— 34 —
meuses. Nous chercherons ultérieurement à établir la genèse de ces
productions.
Observation 38 (résumée).
Zambaco. Des affect. nerv. syph., 1862 (obs. XXXIV). — Homme.
En 1850, à 30 ans, chancre induré. Traitement mercuriel. Deux exostoses
du sternum. A 35 ans, paraplégie très intense, douleurs très vives dans
les jambes ; névrite sciatique, gomme ulcérée au sein droit ; périostose
à la base du sternum et sur le maxillaire inférieur gauche ; paralysie du
nerf mentonnier. Nombreuses tumeurs gommeuses le long du rachis.
Aucune action du traitement spécifique. Mort.
Autopsie. — Il existe dans le canal rachidien, dans la moitié infé-
rieure de la région dorsale de la moelle, et dans toute l'étendue de la
région lombaire, un épanchement gélatineux de consistance gommeuse
qui comprime la moelle. Tumeur analogue dans la fesse gauclie, com-
primant le nerf sciatique. Ces tumeurs ont été diagnostiquées gommes
syphilitiques d'après un examen microscopique fait par Ch. Robin.
Observation 39 (résumée).
Westphal. Charité Annalen, 1876, p. 420. — Paraplégie subaiguë
chez une femme arrivée à la période tertiaire de la syphilis.
Autopsie. — La moelle est normale. Au niveau du premier trou
sacré gauche antérieur, on trouve une plaque de tissu conjonctif épaissi,
oblitérant le trou sacré avec carie superficielle de l'os au voisinage. En
ouvrant le canal sacré par la paroi postérieure, on constate qu'il est
rempli par une masse en partie gommeuse, en partie hémorrhagique,
qui envahit la dure-mère et englobe les racines nerveuses. La dure-
mère est encore reconnaissable mais épaissie, entourée de tissu con-
jonctif hyperhémié et parsemé de tumeurs gommeuses.
Observation 40 (résumée).
ROSENTHAL. Maladies du système nerveux, 1877. — Femme. En 1860,
ulcérations vaginales. En 1863, accidents syphilitiques. En janvier 1865,
névralgies dans les jambes, puis paraplégie rapide. A l'automne, on
constate une paraplégie avec anesthésie, analgésie des membres infé-
rieurs et amaigrissement, diminution des contractions électro-muscu-
laires. Puis cystite, lésions de décubitus, mort à la fin de l'année.
Autopsie. — Gomme du volume d'une noisette dans le pariétal
gauche, déprimant la dure-mère. Gomme de l'épaisseur du doigt, longue
de 3 centim., développée dans la dure-mère spinale et comprimant la
moelle à gauche depuis la deuxième jusqu'à la cinquième vertèbre cer-
vicale.
— 35 —
Observation 41 (résumée).
Le Petit. Thèse de Paris, 1878. Étude sur la paraplégie syphilitique
(obs. I, p. 70). — Homme, 20 ans. En décembre 1877, chancre induré de
la verge et accidents secondaires. Trois mois de traitement mercuriel.
Au commencement d'avril 1878, incontinence d'urine; en mai, rachialgie
surtout la nuit et céphalée nocturne. Dans les jambes, douleurs vives,
crampes, fourmillements, secousses. Faiblesse génitale. Fatigue rapide
et anesthésie plantaire, marche mal assurée sans le secours de la vue.
10 juillet. Le malade ne peut plus rester debout, douleurs vives dans
les lombes et dans les jambes. Escarre sacrée étendue, dont le début
remonte à deux mois.
Le 15. Paraplégie complète, sensibilité diminuée.
Le 17. Incontinence des matières fécales.
Amélioration dans les jours suivants, puis aggravation et mort le
6 octobre.
Autopsie. — Au niveau de la queue de cheval, nombreuses petites
tumeurs dont le volume varie de celui d'un grain de millet à celui d'une
noisette. Ces tumeurs se sont développées dans les enveloppes de la
moelle, elles sont dures, grisâtres et de nature gommeuse.
B. — ■ Gommes de la, moelle.
Les observations de gommes dans la moelle sont aussi rares que
celles des gommes méningées et sujettes aux mêmes critiques.
Observation 42 (résumée).
Mac Dowel. Dublin quart. Journal, 1861, n» 5, XXI, p. 321. —
Homme de 24 ans. Offrant les signes évidents d'une syphilis qui remonte
à dix-huit mois (cicatrice du gland, reste d'iritis syphilitique, testicule
syphilitique).
Paraplégie qui amène la mort en deux mois.
Autopsie. — Les membranes spinales sont parfaitement saines, rien
d'anormal à la surface de la moelle. Mais au toucher, la région dorsale
est évidemment diminuée de consistance. Une section verticale delà
moelle montre des altérations plus remarquables. Dans la partie centrale
de la région dorsale, mais s'étendant plus à droite de la ligne médiane^
on trouve une tumeur jaunâtre parfaitement sphérique, unie à la surface
de coupe, offrant une consistance fibro-cartilagineuse et le volume d'un
haricot. Aux environs, la substance médullaire est ramollie et plus
vasculaire que de coutume. Dans le centre d'une de ces aires vasculaires.
— 36 —
on remarque un petit point jaune qui pourrait être comme une minia-
ture de la grande tumeur. Pas traces de tubercules dans les poumons
ni dans le foie. Le testicule n'a pas été examiné.
Observation 43 (résumée).
WiLKS. On the syphilitic affect. of iutern organs. Guy's hospital
reports, 1863, 3o série, IX. — Paraplégie chez une femme de 53 ans qui
ne présente aucun symptôme de syphilis, mais dit avoir eu cette
affection.
Autopsie. — Le cerveau n'a pas été examiné. A la partie droite de
la région lombaire, la moelle renferme un corps dur ayant environ
2 centim. de longueur, le néoplasme entoure les racines postérieures
des nerfs auxquelles il adhère ainsi qu'à la moelle elle-même. Il forme
une masse allongée, irrégulière, du volume d'une noix environ. A lu
coupe, il présente une substance jaune amorphe qui ressemble à de la
lymphe dégénérée, et on trouve dans le foie une substance analogue.
Le foie présente, en effet, deux à trois nodules d'une substance jaune,
amorphe, résistante : l'un d'eux apparaît comme une cicatrice à la sur-
face de l'organe. Le poumon contient quelques masses jaunes de même
aspect.
Observation 44 (résumée).
E. Wagner. Das Syphilom oder die coustitutionnell syphilitische
Neubildung. Arch. d. Heilk., 1863. — Homme, 49 ans. Chancre il y a
un an. Meurt avec le diagnostic de tumeur cérébrale et hydrocéphalie
chronique.
Autopsie. — Gomme du cervelet, du volume d'une noix. Une autre
tumeur, du volume et de la forme d'une noisette, siégeait dans la moitié
gauche de la moelle, immédiatement au-dessous de la protubérance ;
elle présentait une coloration blanche avec un reflet bleuâtre. Le centre
était occupé par un petit noyau jaunâtre. Le reste de la moelle était
intact.
Observation 45 (résumée).
LoRENZO Hales. American journ. of syphilography. Octobre 1872.
In Thèse de Savard, p. 55. — G..., nègre, âgé de 31 ans, syphilitique
depuis cinq ans. Depuis un an, paralysie totale de la jambe droite surve-
nue graduellement. Six semaines avant sa mort, il prend de l'iodure de
potassium, mais le suspend par négligence au bout de deux jours. Enfin,
il survient de la rétention d'urine, une paralysie complète des deux côtés
et de l'ascite. Mort. .
Autopsie. — Gomme de la moelle, au niveau de la troisième vertèbre
lombaire. Les reins offraient les lésions du mal de Bright.
— 37 —
Observation 46.
Savard. Thèse de Paris, 1883, p. 53. — Nous avons observé dernière-
ment un cas de gomme de la moelle chez une femme de 50 ans, qui
était syphilitique depuis cinq ans et qui portait encore des cicatrices
caractéristiques de raffection. Développement d'une paralysie spinale
ascendante aiguë qui amène la mort en quinze jours.
Autopsie. — A l'ouverture du canal rachidien, aucune exostose,
aucune déformation sur les vertèbres, pas de compression médullaire.
A l'œil nu, les méninges rachidiennes paraissent congestionnées.
Ouvertes par la partie postérieure, ces membranes ne sont pas adhé-
rentes. Mais on constate sur la pie-mère et sur l'arachnoïde un exsudât
très apparent et inégalement marqué dans les différentes parties des
méninges ; c'est au niveau des régions dorsales inférieure et lombaire
que cet exsudât est le plus abondant ; il atteint une grande épaisseur et
un aspect très louche à la partie moyenne de la région dorsale. En ce
point, on constate une petite tumeur indépendante des méiiingest
développée sur la moelle même et faisant saillie à gauche. Elle a une
consistance molle, le volume d'un gros pois et une forme régulièrement
arrondie.
Nous avons évidemment sous les yeux une gomme médullaire. De
plus, en examinant la consistance de la moelle dans ses diflérentes
parties, on trouve que cette consistance est très augmentée à la région
dorsale et lombaire ; la moelle est certainement sclérosée.
A la partie antérieure de l'axe nerveux, mêmes altérations des mé-
ninges qu'à la partie postérieure; même aspect louche des méninges,
mais Texsudat est moins développé ; l'injection vasculaire est un peu
plus prononcée qu'à la région postérieure. A la coupe, la moelle parait
saine, de consistance normale dans la portion supérieure ; mais, dans la
région dorsale, le tissu est plus ferme, a un aspect plus blanc que par-
tout ailleurs, la surface de la coupe est comme nacrée.
Cerveau sain, à part un peu de congestion des méninges; pas d'ex-
sudat ; à la coupe, on ne constate aucune tumeur, aucune lésion. Les
autres organes sont sains. Au microscope, on constate, dans toute la
hauteur de la moelle épinière, de l'artérite, avec j)rolifération nucléaire
t )ut autour des vaisseaux, dont les parois sont très épaissies. Atrophie
de quelques cellules des cornes antérieures.
Observation 47 (résumée).
W. OsLER. Case of syphiloma of the cord of the cauda equina ; death
from diffuse central myelitis. J. nerv. and ment, diseases, N.-Y., 1889,
XVI, 449-507. — Homme, avocat, 42 ans, alcoolique et fumeur ; chancre
mou (?) sans symptômes secondaires. 1876, delirium tremens.
— 38 —
Avril 1887. Douleurs lancinantes dans les bras et les jambes, surtout
dans la jambe gauche. Octobre, prend le lit. Novembre, impossibilité de
marcher, atrophie rapide de la jambe gauche et anesthésie des deux
jambes. Miction et défécation involontaires.
Février 1888. Le phénomène du genou existe à droite, il est peu net
à gauche. Réflexe crémastérien aboli à gauche. Escarre. Los bras sont
encore très forts. — Mars. Tuméfaction dans les genoux et les orteils.
Paresthésie dans les doigts de la main gauche, main droite sans force.
A gauche, les mouvements sont faibles et incoordonnés. Douleur au
niveau de la septième vertèbre cervicale. A la fin du mois, fièvre, anes-
thésie du bord cubital des mains. Délire. Mort le 25 mars 1888.
Autopsie. — Gomme dans le cordon antérieur droit, au niveau de la
quatrième racine cervicale. Gommes au niveau des troisième, quatrième,
cinquième racines sacrées antérieures et deuxième, troisième racines
sacrées postérieures du côté gauche. Dégénération ascendante du cordon
de GoU dans la moelle dorsale et de la zone radiculaire dans la région
lombaire.
Myélite centrale, depuis le segment du deuxième nerf cervical jusqu'à
la partie supérieure de la région dorsale.
Dégénération profonde du nerf sciatique gauche.
Nous avons insisté sur la rareté des gommes volumineuses déve-
loppées dans les méninges rachidiennes et la moelle même. Il faut
ajouter que les apparences macroscopiques sur lesquelles on s'est
appuyé le plus souvent pour établir la nature gommeuse syphilitique
de tumeurs constatées à l'autopsie n'offraient pas toujours une
garantie suffisante, et J'on peut émettre des doutes sur la nature
exacte de ces productions. Encore aujourd'hui, le diagnostic anato-
mique est quelquefois bien difficile. Des histologistes compétents
sont souvent embarrassé? ; l'on trouve par exemple la preuve de cette
incertitude dans une observation publiée récemment par Baum-
garten (1). Dans ce cas, il s'agissait d'une femme de 32 ans qui avait
été atteinte de syphilis quatre ans auparavant. Elle était morte rapi-
dement, à la suite d'une hémiplégie précédée de longue date de phé-
nomènes cérébraux diffus. A l'autopsie, on trouva de nombreuses
petites tumeurs d'apparence gommeuse sur les vaisseaux de la base
du cerveau et sur la pie-mère, de la protubérance du bulbe et de la
moelle cervicale. Le diagnostic anatomique était rendu difficile par ce
(1) BAUMGAETEN.Ueber gommose Syphilis, etc. Vircho7v's Archîv. Bd. LXXXVI,
f. 2.
— 39 —
fait que la malade était atteinte de tuberculose pulmonaire, et ce n'est*
qu'après une étude minutieuse, et en s'appuyant principalement sur
l'altération des vaisseaux, que l'auteur put admettre qu'il s'agissait
de gommes et non de tubercules.
Ce n'est donc qu'avec une extrême réserve qu'il faut admettre la
nature syphilitique de ces tumeurs d'apparence gommeuse. On devra
rechercher des garanties dans un examen microscopique approfondi
des différentes parties de l'axe spinal où l'on trouvera des lésions élé-
mentaires dont l'ensemble constitue, ainsi que nous le verrons, une
base plus sérieuse pour le diagnostic.
C. — Pachyméningite spinale syphilitique.
A côté des infiltrations molles, gommeuses, circonscrites ou plus
ou moins étalées des méninges, les auteurs signalent des épaissis-
sements fd^reux considérables de ces méninges.
Les altérations grossières des méninges, et de la dure-mère en
particulier, peuvent être secondaires à des lésions osseuses du canal
vértébral, qui ont pour conséquence le développement d'une pachymé-
ningite externe.
Mais le point de départ peut être dans les méninges mêmes; dans
ce cas, il siège ordinairement dans les membranes molles plus vascu-
laires, la pie-mère surtout. Plus rarement, la lésion occupe primiti-
vement la face interne de la dure-mère. A un degré plus avancé, elle
intéresse toutes les enveloppes qui s'unissent et forment un épais-
sissemeut qui entoure quelquefois la moelle d'une sorte de virole
fibreuse.
Il existe dans la littérature un certain nombre d'exemples remar-
quables de pachyméningite attribuée à la syphilis.
Observation 48 (résumée).
Bruberger. Ein Fall von Meningitis syph., etc. Virchow's Ar-
chiv., Bd LX, 1874. — Homme, 30 ans. Chancre en 1871, à 28 ans,
accidents secondaires. Hiver 1873, ulcération de la gorge et du voile du
palais. 2 juin 1873, attaque brusque, le malade tombe dans la rue et
perd connaissance. Paraplégie, troubles des sphincters.
Etat, lors de l'entrée à l'hôpital, 1<='' juillet 1873 : paraplégie absolue,
— 40 —
diminution de la l'éaction électrique, sensibilité intacte. Pas de dou-
leurs le long du rachis. Traitement mixte.
Août. Incontinence d'urine, puis escarres au sacrum, aux trochanters,
aux malléoles, aux talons. Dans la suite, affaiblissement général; mort
le 23 octobre.
Autopsie. — Les méninges de la région cervicale sont épaissies et
offrent l'apparence d'une couenne épaisse, adhérente en dedans à la
moelle et en dehors au canal vertébral. Hémorrhagie dans la région
cervicale de la moelle, atrophie de la substance grise, élargissement du
canal central.
Méningite delà base du cerveau. Affection des vaisseaux du cerveau
dont les parois sont épaissies.
Observation 49 (résumée).
EiSENLOHR. Meningitis spinalis chronica der cauda equina, etc.
Neurolog. Centralbl., 1884, n° 4, p. 73. — Homme, 30 ans, entre le
31 mai à l'hôpital pour une paraplégie de date récente. Il y a onze ans,
syphilis, plaques muqueuses anales. L'année dernière, constipation ^
faiblesse des jambes, surtout à gauche, incontinence d'urine, puis para-
lysie subite de lajambe droite. A l'entrée, on constate : paralysie com-
plète pour la jambe droite, incomplète à gauche, paralysie des sphinc-
ters, catarrhe vésical. Sensibilité très diminuée surtout dans la jambe
gauche. Douleurs vives dans les jambes, le rectum et la vessie.
Traitement spécifique, légère amélioration.
En juillet, aggravation des symptômes, paralysie, atrophie, lésion du
décubitus.
Dans la suite, les troubles s'accentuent : douleurs vives, perte de la
sensibilité objective, paralysie avec atrophie musculaire et réaction de
dégénérescence. Mort le 12 mars 1878.
Autopsie. — Adhérence de la dure-mère à la pie-mère : en arrière,
depuis la dixième vertèbre dorsale jusqu'à la partie inférieure du sac
durai; en avant, à partir du milieu de la queue de cheval seulement. Les
racines sontenglobées.Les racines postérieures sontdecouleurgris rosé,
très altérées, les dernières racines dorsales sont saines. Les racines
antérieures sont moins atteintes. Destruction delà moelle dans sa partie
terminale. Dégénérescence secondaire ascendante des cordons posté-
rieurs.
Observation 50 (résumée).
BuTTERSAK. Zur Lchre von den syphilitischen Erkrankungen des
Centralnervensystems, etc. Arch. f. Psycli., Bd. XVII, H. 3, p. G0.3. —
Femme, 31 ans, qui se réveilla subitement avec une soif très vive; à la
suite, survinrent bientôt des vertiges avec céphalalgie à exacerbations
— 41 —
nocturnes, courbatures, douleurs de la nuque, diminution de l'ouïe et
de la faculté de penser, paralysie des nerfs oculo-inoteur commun
droit, abducteur de l'œil, facial ; amblyopie, déviation de la langue à
droite.
Les signes de syphilis antérieure mamiuent complètement, car la
malade ne peut donner à ce sujet aucun renseignement. Pendant les
onze mois de la maladie, il y eut deux améliorations remarquables à la
suite de deux cures énergiques par l'iodure de potassium. La polyurie
et la polydipsie qui existaient depuis le début disparurent après un
certain temps sous l'action de ce moyen curatif.
Plus tard, nouvelle aggravation; quatorze jours avant la mort, hémi-
parésie prononcée, hyperesthésie des bras et du tronc, raideur de la
nuque. Mort par pneumonie aiguë.
Autopsie. — On trouva une méningite chronique syphilitique du cer-
veau et de la moelle. Périnévrite et névrite nodulaires des nerfs moteurs
oculaires communs. Les racines médullaires étaient épaissies, surtout
les racines cervicales, qui formaient des cordons volumineux et renflés.
Les méninges et les enveloppes des racines étaient le siège d'une
inflammation diffuse très intense; les vaisseaux altérés d'une façon
typique.
On constata de plus une endartérite flbreuse de l'aorte descendante,
des cicatrices multiples et des gommes du foie.
Observation 51 (résumée).
Oppexheim. ZurKenntniss der syphilitischeu Erkrankungen des cen-
tralen Nervensysteras. Berlin, klin. Wochensch r., 1889, n""" 48 et 49.
— Femme de 24 ans. En octobre 1888 entre à l'hôpital. Infection syphi-
litique, sept ans auparavant. 11 y a trois ans, sténose syphilitique du
rectum. Depuis trois mois, paralysie progressive des jambes, impossi-
bilité de marcher et de se tenir debout, engourdissement des jambes,
douleurs en ceinture. Troubles des sphincters. Quelques mois aupara-
vant : symptômes cérébraux, diplopie, paresse de l'accommodation.
État actuel. — Parésie spastique surtout à gauche, altération de la
sensibilité, surtout pour la température. Station debout et marche im-
possibles. Miction difficile. Douleurs en ceinture. Faiblesse et trem-
blement légers des membres supérieurs. Inégalité pupillaire : ptosis
variable à gauche. Traitement mixte suivi d'une amélioration passagère,
puis reprise des symptômes : paralysie du nerf moteur oculaire com-
mun, paresthésie dans le domaine du trijumeau, paralysie faciale. État
comateux. Mort à la fin de janvier 1889.
Autopsie. — Méningite cérébro-spinale; les méninges cérébrales, au
niveau delà base, présentent des opacités diffuses avec proliférations
en forme de tumeurs. Le processus s'étend aux nerfs crâniens et aux
— 42 —
artères basilaire et vertébrales. Pour la moelle, il existe un épaississe-
inent considérable des méninges qui sont unies entre elles et ne peuvent
se détacher de la moelle dans les deux tiers supérieurs de l'organe. La
moelle est très altérée, ramollie, le tissu est farci de corps granuleux
et de noyaux.
On constate une infiltration embryonnaire des méninges avec envahis-
sement de la moelle et des racines, et des altérations vasculaires
énormes.
Des faits analogues ont été publiés par Jûrgens et par Heub-
ner (1). Jiirgens a rapporté cinq observations donttrois ont trait à
la sypliilis congénitale.
Observation 52 (résumée).
JuRGENS. Ueber syphilis des Ruckenmarks und seiner Haute. Cha-
rité Annalen, 1885 (obs. I). — Enfant mort-né, long de 45 centim. On
constate un épaississernent considérable de la dure-mère au niveau de
la base du crâne, qui présentait une légère hyperostose. La dure-mère,
dans la zone de transition céphalo-rachidienne, est très vascularisée à sa
face interne, trouble, soudée à l'arachnoïde. Les méninges de la con-
vexité du cerveau étaient, au contraire, intactes. Au voisinage du chiasma,
il existe un épaississernent fibreux considérable des membranes molles,
épaississement qui se continue sur la protubérance et la partie infé-
rieure du bulbe. De même, pachyméningite et arachnite spinales, surtout
développées à la région cervicale et disparaissant dans les parties sous-
jacentes de la moelle. Altérations des branches de l'artère vertébrale et
des vaisseaux de la moelle cervicale.
On trouvait de plus une ostéochondrite avec sclérose et périostitc
ossifiante des os longs, une hépatisation grisâtre des poumons, des
gommes multiples miliaires de la capsule et du tissu hépatiques. Péri-
phlébite portale gommeuse ; rate grosse et indurée, péritonite hémor-
rhagique récente, etc.
Observation 53 (résumée).
JuRGENS. Loc. cit. (obs. II). — Enfant né le 8 mars 1885, mort le
13 mai 1885. Ictère, pemphigus de la plante des pieds, gommes des cap-
sules surrénales. Dure-mère crânienne intacte. Pie-mère de la convexité
fibreuse épaissie, trouble. Gommes et petits foyers de ramollissement.
L'altération des méninges se prolonge sur la protubérance.
La pie-mère spinale, dans les régions cervicale et thoracique, est très
(IJ Heubnee. Zienmen's Handbuch, 1878, Bd. II, H. I.
- 43 —
épaissie, unie à la face interne de la dure-mère par de nombreux et
forts tractus. Moelle grise. Dure-mère épaissie dans sa partie postérieure.
Ostéocliondrite syphilitique des fémurs, tibias et vertèbres.
Observation 54 (résumée).
JuRGENS. Loc. cit. (obs. III). — Enfant de 2 ans. Spina ventosa de
plusieurs phalanges des doigts. Abcès de la joue gauche en voie de gué-
risoo. Cicatrice ancienne adhérente à l'os, au tiers supérieur de la cuisse
gauche. Abcès de la malléole interne droite. Pas d'autres symptômes.
Mort de diphtérie.
Autopsie. — Gomme cérébrale, hydrocéphalie interne. Le périoste des
vertèbres et le tissu graisseux intrarachidien sont intacts. La dure-
mère spinale, dans les régions cervicale et thoracique, est unie par de
nombreuses et fortes adhérences à la pie-mère. Sur la face interne de
la dure-mère, nombreuses fausses membranes épaisses et fibreuses.
A la partie inférieure de la moelle, l'affection s'efface peu à peu ;
cependant, dans la région lombaire, on trouve une induration fibreuse,
isolée, rayonnée, grisâtre et longue de 3 centimètres.
Sur les coupes de la moelle, on constata, dans la région cervicale, une
coloration diftuse des cordons postérieurs ; dans la région thoracique,
les cordons cunéiformes seuls sont pris. A la région lombaire, les cor-
dons postérieurs sont intacts. Il existe de plus dans la région cervicale
une petite gomme, de la grosseur d'un grain de millet. Le segment
médullaire correspondant est légèrement renflé ; la néoplasie intéresse
environ la moitié du territoire du cordon latéral droit.
Gomme du rein gauche. Péri-hépatite et périsplénite fibreuses avec
adhérences. Périostite syphilitique ossifiante du tibia. Ostéomyélite et
périostite des doigts de la main gauche. Diphtérie, broncho-pneumonie,
pleurésie.
On peut rapprocher de ces observations le fait suivant, rapporté par
Siemerling.
Observation 55 (résumée).
E. Siemerling. Zur lehre von der congenitalen Hirn und Riicken-
markssyphilis. Arcli. f. Psycli. Bd. XX, H. 1, p. 102. — Fille de 12 ans
dont le père était syphilitique. A l'âge de 4 ans, ictus apoplectique
suivi deparésie droite avec aphasie. La paroleest revenue, mais la parésie
persiste. A 6 ans, incoordination et faiblesse des membres inférieurs ;
pas de troubles nets de la sensibilité.
Avril 1886 (12 ans). Vomissements et vertige.
Juin 1886. Attaques épileptiformes se reproduisant tous les huit ou
quinze jours.
— 44 —
Octobre 1886. Diminution de l'acuité auditive des deux côtés.
Novembre. Surdité complète, atrophie des nerfs optiques, cécité, nys-
tagmus. Commissure labiale un peu abaissée à droite. La malade pou-
vait encore marcher, mais se plaignait de vertiges et ses mouvements
étaient incoordonnés. Les réflexes rotuliens ne sont pas abolis. Intelli-
ligence diminuée.
Pendant son séjour à l'hôpital, la malade a eu plusieurs attaques épi-
leptiformes et a succombé à la suite d'une semblable attaque.
Autopsie. — Cerveau. Hydrocéphalie interne. Gommes de la dure-
mère avec atrophie de cette membrane. Par places, impossibilité de
détacher du cerveau l'arachnoïde et la pie-mère intimement soudées
l'une à l'autre, principalement à la basé. Les nerfs crâniens étaient en-
vahis par l'infiltration syphilitique sur une étendue variable d'une paire
à l'autre. Nerfs optiques complètement dégénérés.
Moelle enserrée dans une gangue épaisse formée par les méninges
altérées. L'examen histologique a fait constater sur la pie-mère des
prolongements en forme de bouchons, parsemés de cellules arrondies
et pénétrant dans la substance blanche de la moelle, sans atteindre la
substance grise qui était néanmoins déprimée. La destruction des élé-
ments nerveux est secondaire et consécutive à la compression exercée
par les produits d'infiltration. Des altérations vasculaires considérables
rxislaient dans le cerveau et la moelle, surtout dans le premier de ces
organes. Les racines spinales étaient à peu près intactes.
Observation 56 (résumée).
JURGENS. Loc. cit. (obs. IV). — Homme, 44 ans en 1885. Signes de syphi-
lis, neuf ans auparavant. H y a quatre ans, douleurs rhumatoï les, engour-
dissement^ douleurs delà nuque. L'année dernière, symptômes analogues ;
de plus, marche entravée progressivement jusqu'à l'impotence fonction-
nelle. A la fin de l'année, aphasie brusque, troubles respiratoires. Depuis
trois ou quatre ans, il existe dans la nuque des douleurs qui s'étendent
à toute la tête. Persistance depuis quatre ans d'un écoulement nasal
avec nécrose des os du nez. A partir du mois de février 1885, le malade
ne peut plus prendre que des aliments liquides. Mort le 11 mars.
Autopsie. — Carie des os du nez. Pachyméningite cérébrale avec
fausses membranes fibreuses et hémorrhagiques. Dans la région infé-
rieure de la moelle allongée, la dure-mère est très épaissie, intimement
unie à l'arachnoïde. Ces lésions vont en s'atténuant à la surface du cer-
velet.
La dure-mère forme une enveloppe épaisse, grisâtre, qui entoure le
bulbe et la moelle cervicale. L'altération s'atténue peu à peu dans les
parties sous-jacentos de la moelle. Altérations vasculaires consi-
dérables.
— 45 —
Aplatissement et envahissement de la moelle allongée, myélite gom-
nieuse et ramollissement de la moelle dans la région cervicale.
Observation 57 (résumée).
JuR&ENS. Loc. cit. (obs V). — Homme, 28 ans. Chancre en 1883, ulcé-
ration phagédénique de la verge et du scrotum. Syphilides maculeuses
et papuleuses du corps. Ulcération syphilitique de la voûte palatine.
Traitement mixte, amélioration (février 1884).
En octobre 1884, crisesépileptiformes, parole bredouillante, traînante,
aflaiblissement général.
28 octobre, agitation, délire. Mort le 29 octobre.
Autopsie.— Gomme delà deuxième circonvolution temporale gauche.
Méningite cérébrale gommeuse. Dégénération des nerfs optiques.
Gomme du nerf moteur oculaire commun droit.
Moelle. Adhérence des méninges, surtout à la partie postérieure;
épaississements localisés et grisâtres. Au niveaii du ligament dentelé,
méninges troubles, recouvertes d'un épaississement gélatiniforiTieet de
très nombreuses nodosités gommeuses de la grosseur d'un grain de
millet à celle d'un pois. Sur les racines postérieures, il existe des
tumeurs analogues, qui se prolongent sur les cordons nerveux jusqu'à
l'oriflce de la dure-mère. Dans la région dorsale, gomme de la pie-mère,
de la grosseur d'un pois.
A l'examen microscopique, on constate, dans l'épaisseur de la pie-mère
et de l'arachnoïde, une infiltration abondante de cellules embryonnaires.
En certains points, l'épaississement des membranes est de nature
fibreuse ; en d'autres, l'infiltration forme des nodosités miliaires avec
début de dégénérescence granulo-graisseuse des éléments cellulaires.
Les vaisseaux sont très altérés, leurs parois sont entourées et enva-
hies par une infiltration très dense, dont la limite externe est difl'use. La
lumière est presque oblitérée. Le parenchyme médullaire est le siège
d'une infiltration diffuse qui forme de nombreux petits nodules
miliaires.
Observation 58 (résumée).
H. Lamy. De la méningo-myélite syphilitique. Thèse de Paris, juillet
1893 (obs. III). — Femme de 43 ans, entrée à l'hôpital le 28 février 1892.
Syphilis il y a huit ans. Bientôt après, céphalée intense, douleurs vives
à la nuque, faiblesse des membres inférieurs, lenteur de la parole.
Plusieurs ictus sans paralysie consécutive.
État en mars 189^. Apathie intellectuelle sans démence. Paralysie
presque complète des membres inférieurs. Membres supérieurs moins
pris. Légère atrophie musculaire.
Douleurs de la nuque avec raideur, sensibilité à la pression des régions
cervicale et dorsale du rachis.
— 46 —
Nystagmus, réflexe lumineux disparu, réflexe accommodatif faible;
déviation légère de la commissure labiale. Troubles de la miction.
Mai. Vomissements répétés et ictus. Érysipèle; mort à la fin du mois.
Autopsie. — Méningite de la base, qui s'étend jusqu'au bulbe.
Moelle. Dans toute la région cervicale, la moelle est entourée d'une
épaisse virole formée par les trois méninges hypertrophiées et soudées
entre elles. Il n'y a pas d'adhérences avec le périoste des vertèbres.
Vers le renflement cervical, la dure-mère cesse d'être adhérente à la
face antérieure de la moelle^ mais reste soudée aux faces latérales et
postérieure.
Dégénérescence des cordons postérieurs et de la partie postérieure
des cordons latéraux.
Double dégénération pyramidale dans la région dorsale supérieure,
avec épaississement léger des méninges. Les trois méninges sont encore
très épaisses et soudées au niveau de la région dorsale moyenne.
Les observalions précédentes établissent l'existence de la pachy-
méningite syphilitique, mais il faut ajouter que ces faits semblent
former un groupe à part. Il est, en effet, remarquable que ce sont les
méninges de la partie supérieure de la moelle qui sont ordinaire-
ment intéressées dans ces cas, et que la dure-mère prend une part
importante à la formation de l'épaississement. Le développement du
processus semble alors obéir à la loi formulée par .liirgens. Pour
cet auteur, les lésions syphilitiques de l'axe cérébro-spinal suivent une
marche descendante et se propagent du cerveau à la moelle. Dans
ces cas, en effet, les lésions des méninges cérébrales, surtout à la
base, sont très marquées et elles s'atténuent à mesure que l'on consi-
dère des régions plus inférieures de la moelle. Mais cette loi n'est
applicable rigoureusement qu'à ces faits particuliers qu'on pourrait
réunir sous la désignation de méningite cérébro-spinale syphi-
litique, qu'a proposée M. Lamy (1).
L'épaississement considérable des méninges et la participation de
la dure-mère peuvent cependant se rencontrer dans des régions de la
moelle éloignées du cerveau, ainsi que le prouve, par exemple, l'ob-
servation d'Eisenlohr (obs. 49).
Dans tous ces faits, l'altération anatomique initiale ne diffère pas
essentiellement de celle qui caractérise la forme commune que nous
décrirons plus tard. Il s'agit simplement d'une variante peu fréquente
dans l'évolution.
(1) Lamy. Thèse de Paris, 1893, p. 56.
— 47 —
Les lésions du parenchyme nerveux sont naturellement importantes,
puisque c'est à elles qu'il faut en dernière analyse rapporter les
symptômes et le plus souvent la mort; mais ce n'est relativement
qu'assez tard qu'elles acquièrent cette importance, lorsque le pro-
cessus a déjà atteint dans les méninges un degré assez avancé. En
tous cas, il est évident que, dans ces faits particuliers, les lésions
méningées peuvent atteindre une grande intensité sans déterminer
tout d'abord de lésions graves de la moelle. C'est là une circonstance
bien remarquable, qui ne se rencontre pas dans les cas ordinaires de
lasypliilis médullaire, ainsiquenous le verrons. Elle semblerait prouver
que ce n'est pas tant l'épaississement considérable des méninges qui
influe sur l'état du parenchyme médullaire que l'altération de certains
éléments capitaux des membranes nourricières : les vaisseaux, par
exemple.
II. — La méningo-myélite syphilitique
Les gommes méningées et médullaires, la pachy méningite syphi-
litique ne sauraient expliquer toutes les formes cliniques delà syphilis
médullaire, il s'en faut de beaucoup. On peut même considérer ces
manifestations comme des accidents qui correspondent à des formes
cliniques spéciales.
Dans la plupart des cas, c'est à des lésions plus diffuses que I on a
affaire, les altérations macroscopiques sont à peine accusées et c'est
par l'étude histologique que l'on découvre les altérations intimes
qu'ont subies la moelle et sa membrane nourricière.
Il faut cependant noter que les modifications des méninges et de la
moelle, qui peuvent ne pas apparaître tout d'abord à l'œil nu dans un
examen superficiel, se manifestent le plus souvent par des alté-
rations que l'on peut apprécier au moment de l'autopsie. Nombre
d'auteurs ont indiqué l'aspect blanchâtre et dépoli de la pie-mère,
l'état trouble de l'arachnoïde. Knorre avait déjà signalé à la surface
de la pie-mère ces sortes de plaques laiteuses qu'il considérait comme
pouvant être l'origine d'épaississementset d'adhérences des méninges,
ou le point de départ de développements gommeux.
Il n'existe pas, en réalité, de limite tranchée entre les lésions dif-
fuses étendues, qui ne sont appréciables qu'avec l'aide du microscope.
— 48 —
et les altérations macroscopiques représentées par un épaississement
considérable des méninges ou des productions gommeuses massives.
Les apparences différentes tiennent à la durée plus ou moins longue
de l'affection ou à la limitation du processus. En parcourant les
observations, on trouve d'ailleurs des cas de transition où, à côté
de lésions diffuses microscopiques prédominantes, on note des altéra-
tions microscopiques plus ou moins accentuées. Enfin dans des cas
où ces dernières étaient surtout développées, le microscope a décelé
d'autres modifications importantes.
D'autre part, en ce qui concerne le parenchyme même de la moelle,
si dans quelques cas il paraît à l'œil nu à peu près normal, on a
signalé maintes fois dans l'aspect extérieur, la consistance, la colo-
ration des différentes parties, certaines modifications qui, pour n'être
parfois qu'assez peu accusées, traduisent cependant une altération
profonde dans ce tissu si délicat.
11 n'en reste pas moins constant que les modifications anatomiques
que l'on constate dans les cas de paraplégie syphilitique. précoce et à
évolution rapide ne peuvent être que très incomplètement appréciées
à l'œil nu. Avec le secours du microscope, on pourra au contraire
reconnaître l'étendue et l'importance des altérations intimes des
méninges et de la moelle. Il faut ajouter que ce sont les cas à marche
rapide qui sont naturellement les plus favorables à l'étude des lésions
initiales. Lorsque l'affection s'est prolongée, l'analyse des lésions est
bien plus difficile. On peut cependant arriver à les interpréter avec le
secours des formes de transition et à découvrir l'enchaînement qui
unit ces différentes altérations.
Lorsque, exceptionnellement, le processus syphilitique se limite et
se manifeste par des gommes ou un épaississement circonscrit des
méninges, la moelle est naturellement intéressée secondairement, mais
nous avons vu que cette participation était relativement tardive. Dans
les cas, au contraire, auxquels nous faisons allusion et qui sont les
plus communs, les méninges et la moelle sont également intéressées
et les altérations de ces deux organes semblent marcher de pair.
Aussi, à côté des gommes et de la pachyméningite, a-t-on décrit la
méningo -myélite syphilitique.
Cette forme a été particulièrement étudiée dans ces dernières
années et les auteurs se sont efforcés de fixer le point de départ des
— 49 —
altérations et de donner une classification établie sur les apparences
variables de ces altérations.
Julliard a cherché à démontrer la prédilection du processus
syphilitique pour le système lymphatique. Cette conception résultait
de la diffusion de l'inflammation constatée dans les méninges et les
gaines périvasculaires. Elle s'applique en effet très bien aux altéra-
tions de la pie-mère, mais la propagation de l'inflammation au tissu
même de la moelle dans tous les cas est plus discutable.
On a cependant jusqu'ici généralement considéré les lésions de la
moelle comme étant primitivement de nature inflammatoire et rele-
vant de la même influence que les lésions propres de la pie-mère:
c'est ce que semble indiquer d'ailleurs le terme de méningo-my élite.
MM. Gilbert et Lion (1) ont proposé la classification suivante ;
cherchant à grouper les altérations constatées dans les différents
cas, ils décrivent quatre types.
« 1° La méningo-myélite hyperhémique et yiécrobiotique, carac-
térisée par une congestion et peut-être par une multiplication des
vaisseaux de la moelle et de ses enveloppes, congestion et multipli-
cation qui engendrent des troubles nutritifs dans les éléments de
l'axe nerveux et définitivement le ramollissement de la moelle
épinière.
« 2" Dans la méniJigo-myélite embri/ounah'e apparaissent l'hyper-
plasie cellulaire, la diapédèse, les exsudations vasculaires, et si les
lésions macroscopiques sont nulles ou presque nulles, les lésions
histologiques sont représentées par une prolifération luxuriante de
jeunes cellules dans les jjarois vasculaires et dans la trame même de
la pie-mère et de ses prolongements intraméduUaires, ainsi que par
la production d'un dépôt fibrino-leucocytique sous-pie-mèrien.
« 3° Que les cellules rondes disséminées dans la moelle et ses enve-
loppes poursuivent leur évolution, aboutissant à la formation d'un
tissu adulte, et les méninges s'épaissiront, se symphyseront, la
moelle s'indurera, et le microscope montrera la substitution aux
éléments méningo-médullaires d'un tissu fibreux, principalement
développé autour des vaisseaux dont les parois subissent des altéra-
tions notables dans la méningo-myélite diffuse scléreuse, comme
dans les modalités précédentes de la syphilis médullaire.
(1) A. GiLBEET et G. Lion. De la syphilis médullaii-e précoce. Arch. de méd., 1889.
S. 4
— 50 —
« 4° Que, d'autre part, enfin, les cellules rondes s'accumulent sur
certains points sous forme de petites tumeurs subissant ensuite les
dégénérescences propres aux productions syphilitiques nodulaires et
prendront naissance la méningite gommeuse, la myélite gommeuse
ou la méningo-myélite gommeuse. »
D'après les descriptions données par MM. Gilbert et Lion,
l'altération de la pie-mère et de la moelle serait univoque, justifiant
pleinement la dénomination de méningo-myélite. Il s'agirait d'une
inflammation développée sous l'influence du poison syphilitique, les
différentes formes correspondant à de simples variantes dans l'évolu-
tion ou la durée d'un même processus : l'inflammation syphilitique.
Nous envisageons d'une manière un peu différente les altéra ions
de la moelle qui correspondent aux cas les plus communs de la syphi-
lis médullaire ; nous croyons que les modifications du parenchyme
nerveux sont primitivement d'ordre dégénératif et sont provoquées
par les troubles de nutrition résultant des lésions des organes nour-
riciers de la moelle.
Cette idée n'est pas nouvelle, nous la trouverons exprimée par un
grand nombre d'auteurs; mais on n'a pas attribué à ce mécanisme
toute l'importance qu'il comporte à notre avis.
M. Lamy (l),dans une thèse récente, regarde les troubles circula-
toires comme entrant en ligne de compte dans la production des lésions
médullaires : « Les auteurs s'entendent généralement à admettre que
les lésions premières en date occupent les méninges et les vaisseaux
et que les éléments nerveux sont intéressés secondairement, soit par
la propagation directe de l'infiltration méningée à la moelle, soit par
suite des troubles circulatoires qui résultent des oblitérations vascu-
laires. Ces deux modes d'altérations coexistent la plupart du temps,
avec prédominance de l'un ou de l'autre suivant ces cas : de telle
sorte que l'on serait presque autorisé, en ne tenant pas compte des
lésions méningées, parfois très légères dans cette forme, à décrire
à part la phlébite et l'artérite médullaires syphilitiques. »
Nous irons plus loin : l'infiltration spécifique peut bien, dans cer-
tains cas, se propager de la pie-mère dans le parenchyme nerveux
voisin, elle peut même se développer primitivement dans la moelle
autour des vaisseaux, mais ces lésions sont le plus souvent très
(1) Lamy. Loc. cit., p. 31.
— 51 —
limitées, à part quelques formes spéciales (gommes, pachyméningite).
L'altération importante est la dégénérescence nécrobiotique du tissu
nerveux. Pour être secondaire, cette nécrose anémique n'en est pas
moins la lésion principale, c'est d'elle que relève le tableau sympto-
matique de la forme la plus fréquente de la paraplégie syphilitique
qu'on associe à la myélite transverse.
Dans les formes à évolution rapide, l'étude des lésions, pour ainsi
dire toutes fraîches, permet d'établir la véritable nature du processus ;
mais, dans les formes chroniques, l'interprétation est plus difficile;
néanmoins nous aurons à rendre compte des aspects variables de la
moelle dans chaque cas. Auparavant, nous dépouillerons un certain
nombre d'observations empruntées aux différents auteurs et nous
rechercherons si les lésions signalées ne s'accordent pas avec la
description du processus d'altération, telle que nous la donnerons
plus loin.
Observation 59 (résumée).
WiNGE. Disease of the spinal cord. Dublin med. près., 1863, 2« série,
vol. IX, p. 659. — Homme de 39 ans; syphilis constitutionnelle. Para-
plégie à marche subaiguë avec rémission considérable et rechute grave
qui amena la mort.
Autopsie. La dure-mère est légèrement injectée par places. A la face
interne, il existe quelques dépôts membraneux, et dans la région dorsale
quelques adhérences de l'arachnoïde. Celle-ci est distendue par de la
sérosité autour de la queue de cheval et contient quelques plaques
ostéoïdes. La moelle est normale dans la moitié supérieure de la région
cervicale; mais, à partir de ce point, elle offre une dégénérescence qui
devient de plus en plus prononcée en descendant et atteint son maximum
vers le centre de la partie dorsale. Elle diminue ensuite et la partie
inférieure de la région lombaire paraît normale. L'altération consiste en
une coloration grise de la surface postérieure avec des taches transpa-
rentes qu'on voit mieux sur les coupes transversales. A la partie supé-
rieure, la périphérie seule des cordons postérieurs et latéraux est
atteinte, mais à mesure qu'on descend, la substance se trouve remplacée
de plus en plus par une masse gris jaunâtre translucide, ressemblant
à du mucus solidifié. La dégénérescence marche de la périphérie au
centre, et elle est partout plus accusée dans les cordons postérieurs et
latéraux du côté gauche. Elle apparaît aussi dans les cordons antérieurs.
Au milieu de la région dorsale de la moelle, c'est à peine s'il reste un
peu de substance blanche, on voit seulement une masse muqueuse avec
des îlots blanc jaunâtre et opaques. En cet endroit, les bords de la
— 52 —
substance grise sont mal définis. La consistance de la moelle est dimi-
nuée à ce niveau seulement ; au microscope, les parties dégénérées
contiennent très peu de fibres nerveuses, elles renferment :
1° De petits corps grêles, homogènes, peu luisants, ayant la grosseur
et l'aspect de cellules fusiformes, arrondies à une extrémité, pointues
à l'autre, dentelées sur un ou sur deux bords, sans double contour, les
restes, selon toute probabilité, des fibres nerveuses;
2« Des globules d'huile agglomérés et granulations graisseuses libres
surtout dans les parties opaques;
3o Des corpuscules amylacés;
4» Des granules de pigment et des vaisseaux qui sont transformés en
cordons de pigment.
Tout cela est plongé dans une masse finement granuleuse avec quel-
ques noyaux disséminés et un peu de tissu fibreux. La substance grise
contient des cellules ganglionnaires au milieu de la partie dorsale : elles
ne sont pas distinctes et ressemblent à des amas anguleux de pigment
sans membrane ni prolongements.
En dehors de ces altérations, l'autopsie révéla les lésions suivantes :
Exostose de la table interne du pariétal droit. Deux infarctus du
poumon gauche. Thrombose de l'artère pulmonaire. Thrombose des
veines iliaque gauche et hypogastrique. '
Observation 60 (résumée).
MoxoN. On syph. diseases of spinal cord. Dublin quart, journ., 1870,
t. LI, p. 449 (in Thèse de Savard). — Homme syphilitique depuis sept
ans. Fourmillements aux jambes et douleurs lombaires; trois semaines
après le début, incontinence d'urine et des matières fécales; anesthésie
complète des membres inférieurs. Entre le 4 août^ meurt le 24, d'accidents
urinaires.
Autopsie. — Taches de sclérose ancienne au niveau delà convexité du
cerveau. Pigment abondant dans les membranes de la moelle allongée.
A la partie inférieure de la dure-mère spinale, taches assez nombreuses,
brunes, variant en étendue du volume d'un grain de mil à un pois. A leur
niveau, la moelle est plus dure. A la coupe, les taches semblent formées
par une masse foncée, molle, filante, au centre de laquelle est une
couche mince de tissu jaunâtre, élastique, dont la consistance diffère
de celle de la masse noirâtre environnante. Ces taches sont disséminées,
les unes dans les cordons postérieurs, les autres dans les cordons laté-
raux dont elles atteignent la surface.
Au microscope on remarque :
1° Une zone périphérique composée de deux couches : l'une à cel-
lules rondes, à noyaux à corps fusiformes ; l'autre, plus centrale, formée
de corps fusiformes pressés les uns contre les autres.
— 53 —
Il y a donc à ce niveau une hyperplasie du tissa coojonctifà noyaux
très nombreux, parsemée de masses abondantes de myéline ;
2" Une zone centrale, jaunâtre, constituée en dehors par une couche
de transition à noyaux et à cellules arrondies, en dedans par une
masse amorphe en dégénérescence granulo-graisseuse.
Les vaisseaux de la zone extérieure semblent pigmentés. On trouve
en outre un foyer induré dans le centre du lobe inférieur du poumon
droit, une pyélonéphrite à droite et une orchite double. Les deux testi-
cules renferment chacun deux formations identiques à celles de la
moelle.
Observation 61 (résumée).
MOLLiÉRE. Annales de dermatologie, 1870, t. II, p. 311. — Homme,
41 ans, chancre il y a quinze ans, syphilides multiples, angine, gommes
du radius et du péroné.
Entre à l'hôpital le 3 juillet 1870, souffre de douleurs nocturnes, trai-
tement spécifique.
7 juillet. Incontinence brusque d'urine. Le lendemain, affaiblissement
des membres inférieurs qui s'accroit rapidement les jours suivants.
Constipation, rétention d'urine, paraplégie presque complète.
Le 17. Aggravation subite des accidents, urines purulentes. Mort le
18 juillet.
Autopsie. — On n'a pu enlever que la partie intérieure de la moelle.
Dans cette partie, on constate une hyperhémie considérable dos sub-
stances blanche et grise, une dilatation vasculaire considérable.
Pas d'examen histologique.
Observation 62 (résumée).
Charcot et GoMBAULT. Note sur un cas de lésions disséminées des
centres nerveux observées chez une femme syphilitique. Arch. de
physiologie, 1873. — Femme de 40 ans, observée en 1871.
En 1850. Ulcérations des organes génitaux externes, traitement mer-
curiel.
En 1860. Psoriasis palmaire et plantaire, nombreux accidents sypiii-
litiques pendant dix ans.
1870. Fourmillements, élancements et faiblesse dans la jambe gauche.
Etat en septembre 1871. — Paralysie incomplète et hyperesthésie du
membre inférieur gauche. Anesthésie symétrique du côté opposé. Trai-
tement inefficace, évolution progressive.
Janvier 1872. Céphalalgie très intense, troubles pupillaires, douleur
spontanée au niveau des troisième et quatrième vertèbres dorsales,
irradiations en ceinture, zone d'anesthésie douloureuse à ce niveau.
Au-dessous, anesthésie à droite, hyperesthésie à gauche. Parésie très
— 54 —
prononcée du membre inférieur gauche avec amaigrissement, douleurs
spontanées et secousses musculaires. Membre inférieur droit non para-
lysé. Pas de paralysie des sphincters.
Au début de février, plusieurs ictus congestifs.
10 février. Paralysie du nerf moteur oculaire externe gauche.
Le 14. Paralysie faciale complète à droite.
Le 27. Diminution de la contractilité faradique.
Mars. Affaiblissement général. Paralysie de la troisième paire. Dou-
leurs dans la sphère du nerf trijumeau droit. Névrite optique, paralysie
de la sixième paire à droite.
Avril. Amaigrissement, marasme. Mort le 26 avril.
Autopsie. — Hémisphères cérébraux et cervelet sains.
Base et isthme. — Dégénérescence partielle des bandelettes et des
nerfs optiques, plus marquée à gauche. Atrophie du corps mamillaire
gauche. Petites plaques indurées, gris rosé à la périphérie, jaunâtres
au centre, sur le milieu du pédoncule gauche, sur la partie interne et
inférieure du pédoncule droit, au niveau de l'émergence du nerf mo-
teur oculaire commun droit qui est dégénéré. Deux plaques analogues
sur la protubérance, une sur le plancher du quatrième ventricule et une
sur le faisceau latéral de l'isthme à gauche.
Moelle. — Parois osseuses et dure-mère intactes, plaque de ménin-
gite longue de 1 centim., siégeant au niveau de la troisième paire dor-
sale du côté gauche. L'arachnoïde épaissie englobe les racines corres-
pondantes qui sont atrophiées. En ce point, sclérose du parenchyme
médullaire intéressant le cordon latéral correspondant, la substance
grise et les cordons postérieurs, tissu induré.
Au-dessus, dégénérescence des cordons de GoU ; au-dessous, dégéné-
rescence du faisceau pyramidal droit.
Examen microscopique. — Le tissu des parties centrales des plaques
est formé de cellules granulo-graisseuses et de corps granuleux qui se
colorent mal. La périphérie du foyer est constituée par un tissu vivace
composé de cellules araignées et de fibrilles de névroglie. A la péri-
phérie du nodule, le tissu nerveux ne reprend pas brusquement son
aspect normal, il existe une troisième zone dans laquelle l'irritation du
tissu se traduit parla présence de cellules ramifiées et par 1 epaississe-
ment manifeste du réticulum que constituent leurs prolongements. Alté-
ration des parois vasculaires au voisinage des nodules.
Le tissu de sclérose médullaire au niveau de la troisième racine dor-
sale est constitué par des éléments névrogliques très développés (cel-
lules araignées et filaments). Disparition des tubes nerveux. Atrophie
des cellules nerveuses de la substance grise.
Observation 63 (résumée).
Mauriac. Affections syphilitiques précoces des centres nerveux. A7in.
— 55 —
de dermat., 1875, t. VI, p. 161. — Homme, 27 ans. Chancre induré,
accidents secondaires. Phénomènes cérébraux ; céphalalgie, troubles
oculaires, ptosis, traitement mixte. .Sept mois après le chancre, hémi-
plégie gauche incomplète, guérison rapide par un traitement spécifique,
Trois mois plus tard, nouveaux symptômes développés brusquement
torpeur; faiblesse des membres inférieurs sans diminution marquée
de la sensibilité. Accès violents d'oppression, sans lésion cardiaque ni
pulmonaire. Dans la suite, amaigrissement, douleur à la pression le
long des vertèbres dorsales, paraplégie complète, paralysie des sphinc-
ters. Escarre sacrée. Difficulté de la déglutition, raideur de la nuque,
mort.
Autopsie. — Au niveau de la queue de cheval, les nerfs sont recou-
verts d'une couche gris rougeâtre, les enveloppes de la moelle à
ce niveau sont rouges et paraissent enflammées. Le tissu osseux des
vertèbres voisines paraît intéressé.
La partie terminale de la moelle est très ramollie, le tissu nerveux
est tellement désorganisé qu'il est impossible de pratiquer un examen
microscopique.
Observation 64 (résumée).
HoMOLLE. Progrès médical, 1876, p. 6. (In Gilbert et Lion). —
Femme, 33 ans. Accident primitif inaperçu. Avortement en avril 1872.
Éruption qui n'a pas disparu depuis et pour laquelle la malade entre à
l'hôpital le 19 janvier 1874. Iritis en 1873.
19 janvier. Syphilide pigmentaire du cou, pléiades ganglionnaires.
Le 30. Douleurs lombaires qui vont en augmentant les jours suivants.
10 février. Marche douloureuse.
Le 28. La marche devient hésitante, presque impossible. Rétention
d'urine.
2 mars. La paraplégie est absolue surtout à droite. Réflexes exagérés.
Secousse convulsive à la moindre excitation. Contraction et sensibilité
électriques conservées. Analgésie. Pas de perversion de la sensibilité
au tact et à la température. Pas de perte de la sensation de position
dans l'espace. Amélioration sous l'influence du traitement. Mort de
tuberculose pulmonaire.
Autopsie. — A l'œil nu : ramollissement de la partie inférieure de la
moelle dorsale. Au microscope : nombreux corps granuleux au niveau
de la partie ramollie. A 4 centim. au-dessus du renflement lombaire,
zone de sclérose empiétant à la fois sur les cordons de Goll et les fais-
ceaux radiculaires internes, envahissant la commissure postérieure et
la corne postérieure gauche. La substance grise présente aussi un cer-
tain degré de condensation de son tissu interstitiel. Canal central
rempli de cellules épithéliales. Certain degré de méningite ; pie-mère
infiltrée d'éléments embryonnaires.
— 56 —
Observation 65 (résumée).
Le Petit. Étude sur la paraplégie syphilitique. Thèse de Paris, 1878
obs. IV). — Homme, 27 ans. En février 1872, chancre, et quelques mois
après, accidents secondaires.
19 juillet 1872. Accidents cérébraux.
31 janvier 1873. Faiblesse des jambes, céphalalgie, vertiges, dyspnée.
Difficulté de la miction, abolition du sens génital, rachialgie.
23 mars. Paraplégie complète avec troubles très marqués de la sen-
sibilité, paralysie des sphincters, escarres au sacrum et aux trochanters.
Milieu d'avril. Aggravation des accidents. Mort le 20 avril.
Autopsie. — « On examine au microscope la moelle et le cerveau, ce
dernier est complètement normal. Quant à la moelle, elle ne présente
rien d'extraordinaire sinon à 7 ou 8 ceutim. de sa terminaison. A ce
niveau, malgré le ramollissement de l'organe, on remarque une injection
veineuse très évidente. Le ramollissement est tel qu'il est impossible
de dire ce qui existait à ce niveau, ni de faire l'examen microscopique.
La dure-mère ne présente pas de lésion ni d'adhérence avec la moelle. »
Observation 66 (résumée).
JuLLiARD. Thèse de Lyon, 1879. — Femme, 48 ans, entrée à l'hôpital
le 7 septembre 1878. Il y a quelques mois, roséole, céphalée, engorge-
ment ganglionnaire indolent, syphilides caractéristiques, mais l'acci-
dent primitif a passé inaperçu.
Depuis quatre mois, fourmillements, crampes, faiblesse des jambes.
Trois jours avant l'entrée, la faiblesse a augmenté progressivement, il
fut impossible à la malade de se tenir sur les jambes et des douleurs
avec contracture se firent sentir toute la nuit. A l'entrée, paraplégie
complète sans contracture ; sensibilité conservée, sauf à la face interne
du tibia gauche, perversion de la sensibilité thermique à la cuisse
gauche. Réflexes très affaiblis à droite, diminués à gauche. Douleurs en
ceinture, rétention d'urine. Membres supérieurs sains.
16 septembre. Urines purulentes. Extension de l'anesthésie, fièvre.
19 septembre. Œdème des jambes, escarres au siège. Puis afïaiblissc-
ment général, dyspnée, mort le 8 octobre.
Autopsie. — Le canal rachidien n'offre rien de particulier. La moelle
est ramollie au niveau des régions dorsale et lombaire. Au microscope,
lésions prédominantes dans la région dorsale moyenne.
Région cervicale : gaines périvasculaires remplies d'exsudats amor-
phes. Dégénération du cordon de Goll.
Région dorsale supérieure : lésions méningées et médullaires ;
méninges injectées, infiltrées, vaisseaux dilatés et épaissis.
Région dorsale : ramollissement des cordons latéraux et postérieurs
— 57 —
et de la substance grise, hémorrhagies interstitielles. Dans la substance
blanche, tuméfaction très accentuée des cylindres-axes et corps granu-
leux. Ainsi, il y a une destruction rapide des éléments liés probablement
à des phénomènes ischémiques, plutôt que tendance à la néoformation
conjonctive.
Les altérations disparaissent au niveau de la première paire lom-
baire. La seule lésion qui persiste, c'est la méningite qui conserve ses
caractères d'acuité.
Dégénérescence des cordons latéraux.
Observation 67 (résumée).
JuLLiARD. Loc. cit. (In thèse de Savard, p. 07.) — Femme, 49 ans.
Syphilis il y a huit ans, en 187LVers l'automne de 187(3, elle a commencé
a éprouver un peu de faiblesse et d'insensibilité dans les membres infé-
rieurs. Ces phénomènes ont augmenté très lentement, car le 2 décem-
bre 1878, la marche était encore possible. A ce moment, la paraplégie
devint brusquement complète, et s'accompagna de paralysie des sphinc-
ters, de vomissements et de douleurs en ceinture.
12 décembre. Accès fébrile, abolition de la contractilité électrique et
des réflexes ; dyspnée.
Le 29. Dyspnée, cyanose, accès fébriles irréguliers, vomissements. La
mort survient dans la journée.
Autopsie. — La moelle ne présente rien d'anormal à l'œil nu.
Examen microscopique. — Les lésions offrent leur maximum d'in-
tensité vers la partie supérieure de la région dorsale et dans le cordon
latéral. Ce qui frappe au premier abord, c'est l'épaississement très
marqué de la gaine adventice des vaisseaux, en sorte que ceux-ci se
montrent sous l'aspect de cylindres, ordinairement réguliers, lorsqu'on
les considère sur une coupe pratiquée perpendiculairement à leur axe ;
mais ils paraissent moniliformes quand, par hasard, la coupe les atteint
suivant leur longueur. On peut dire que leur diamètre total est plus que
doublé par cet épaississement ; et cette modification porte d'une façon
indubitable sur les dépendances de la gaine adventice, c'est-à-dire sur
la gaine lymphatique des vaisseaux. En outre, on trouve de véritables
îlots de sclérose, confondus avec les dépendances de la gaine lympha-
tique et formant comme un petit lac au milieu duquel on] aperçoit le
vaisseau. D'un autre côté, au niveau des points les 'plus malades, on
voit que la pie-mère adhère au tissu scléreux et forme un épaississe-
ment considérable ; mais, dans le cas actuel, le processus phleginasique
est déjà de date assez peu récente pour qu'on ne trouve plus les traces
d'inflammation subaigue qu'on rencontre d'autres fois. La sclérose en
tous cas intéresse fort peu la substance grise.
Si l'on cherche à établir la topographie des altérations, on trouve
— 58 —
qu'en général périphérique?:, elles ofPrent leur maximum entre la pre-
mière el la troisième racine dorsale : ce fait est démontré par l'exis-
tence d'une dégénérescence ascendante manifeste portant à la région
cervicale sur la totalité du cordon de GoU. En second lieu, de la pre-
mière à la troisième dorsale, il existe une lésion qui intéresse égale-
ment les cordons latéraux, lésion qui prouve une dégénérescence laté-
rale double, complète et symétrique, déjà manifeste au niveau d'une
coupe pratiquée vers la naissance de la troisième paire dorsale. Cette
dégénérescence secondaire symétrique se poursuit jusqu'à la partie
inférieure de la région lombaire. Quant aux lésions qui occupent les
cordons latéraux et postérieurs, leur maximum est situé entre la troi-
sième dorsale et la dernière cervicale.
Observation 68 (résumée).
Strumpell. Beitrage zur Pathologie des Rûckenmarks. Arch. fûr
Psych., 1880, p. 667. — Homme, 25 ans. En 1873, chancre, éruption
secondaire, traitement. En avril 1877, le sujet travaille dans un endroit
humide et froid.
Depuis six semaines faiblesse des jambes et tremblement dans la
marche. Depuis quatorze jours, incontinence d'urine.
Etat le 16 septembre 1877. Parésie inégale des deux extrémités infé-
rieures, contracture, réflexes exagérés, clonus du pied, hyperesthésie,
incontinence d'urine, constipation. Traitement mercuriel.
Plus tard, altération de la sensibilité dans le pied gauche. Décubitus
gangréneux. Mort.
Autopsie. — Macroscopiquement : dégénérescence des cordons de
Goll dans la région cervicale, de la partie postérieure des cordons laté-
raux dans les régions dorsale et lombaire.
Dans la région dorsale supérieure, surtout entre la troisième et la
sixième vertèbre dorsale, la moelle était remarquablement grêle et
molle.
Examen microscopùiue. — Dans la région cervicale supérieure,
dégénération des cordons de Goll, dégénération de la partie périphé-
rique des cordons latéraux. Histologiquernent, c'est l'image de la
dégénération secondaire. Plus bas, la zone malade des cordons posté-
rieurs et des faisceaux cérébelleux directs est un peu plus étendue ;
dans le cordon antérieur il existe une légère dégénération marginale.
A la hauteur de la huitième racine cervicale, les mêmes rapports
existent ; de plus, les faisceaux pyramidaux latéraux commencent à
participer à l'altération.
Dans la région dorsale supérieure, même état, avec altération plus
prononcée des faisceaux pyramidaux. La substance grise est fasciculée,
pauvre en cellules nerveuses, fragmentée, contient de nombreux vais-
f
— 59 —
seaux très dilatés. A la hauteur de la quatrième racine dorsale, la par-
tie la plus postérieure des cordons grêles esl également dégénérée. Au
niveau delà cinquième racine dorsale, la partie moyenne des cordons
postérieurs est altérée au plus haut degré ; on trouve de plus, dans les
régions latérales des cordons postérieurs, de petits foyers de dégéné-
ration. Les cordons postérieurs contiennent de nombreux vaisseaux,
les uns dilatés, les autres rétrécis par l'épaississement de la tunique
adventice. Altération intense des faisceaux pyramidaux et cérébelleux
directs, et légère de la partie antérieure des cordons latéraux. Là aussi,
dégénération en plaques. Dans les cordons antérieurs, il existe égale-
ment une dégénérescence de la zone marginale. Dans la substance
grise, cellules nerveuses clairsemées, cellules araignées très nom-
breuses, altérations vasculaires.
Plus bas (vers la huitième racine dorsale) le processus envahit de plus
en plus les faisceaux pyramidaux et cérébelleux directs. En outre, dans
toute la région dorsale, les colonnes de Clarke sont très pauvres en
cellules. Les cordons postérieurs sont normaux en ce point. Dans la
moelle lombaire, on trouve encore une dégénérescence des faisceaux
pyramidaux avec une dégénération légère de la partie marginale des
cordons antérieurs.
En remontant, la dégénérescence secondaire se poursuit jusqu'au
bulbe.
Observation 69 (résumée).
Hayem. In thèse de Savard, p. 64. — Homme, 50 ans, entre à l'infir-
merie de Bicêtre le 12 juillet 1864, se plaignant de douleurs et de
faiblesse des jambes.
La maladie va en progressant; bientôt survient de la faiblesse du
membre supérieur droit, les membres inférieurs sont absolument immo-
biles. Les douleurs persistent, pas d'atrophie notable sauf au mollet;
incontinence des urines. Le malade succombe le 2 novembre.
Autopsie. — Exostoses crâniennes; injection des méninges; sérosité
abondante qui distend les ventricules.
Le rachis ouvert laisse voir, à la surface des méninges rachidienues,
une couche épaisse vasculaire au niveau de la région dorsale, et jau-
nâtre dans la région lombaire; elle adhère sunout dans les régions
supérieures à la dure-mère spinale. Ces diverses couches ressemblent
à des fausses membranes. La face interne de la dure-mère un peu dépolie
adhère assez fortement à l'arachnoïde spinale. L'arachnoïde est aussi
un peu épaissie. Les vaisseaux de la pie-mère sont congestionnés. Au
toucher, on sent la moelle ramollie au commencement de la région
dorsale ; le reste est assez ferme. Sur des coupes transversales, on
trouve dans la région cervicale une ligne noirâtre remplaçant la com-
missure. La partie la plus centrale dôs faisceaux postérieurs est ramol-
— 60 —
lie, déprimée et d'une coloration grisâtre, sale. A la fin de la région
cervicale, et au commencement de la région dorsale, la coupe est très
diffluente, les cornes se desssinent mal sur les parties avoisinantes.
L'altération paraît générale à ce niveau, et porte sur les parties blan-
ches qui avoisiuent les cornes dans les faisceaux latéraux, principale-
ment le faisceau latéral droit.
Sur le foie et la rate, cicatrices caractéristiques. Foyers gommeux
dans les reins; altérations osseuses multiples, principalement sur les
tibias.
Examen microscopique de la moelle. — Dans toute l'étendue et
l'épaisseur de la moelle, surtout dans la substance blanche, on trouve
des concrétions de formes et de dimensions variables. Les différentes
réactions prouvent que ce sont des corps amylacés. Ces corps parais-
sent répandus dans le tissu conjonctif de la substance blanche et de la
substance grise ; ils sont extrêmement abondants. Sur les coupes colo-
rées par le carmin, on constate une sclérose diffuse sans localisation
spéciale, c'est-à-dire portant irrégulièrement sur les faisceaux antéro-
latéraux et postérieurs et s'accompagnant en général, sur les points
malades, d'une atrophie des tubes nerveux. Çà et là, quelques cylindres-
axes gonflés ; l'altération gagne d'une façon inégale les cornes anté-
rieures, dont quelques cellules sont atrophiées et pigmentées.
Observation 70 (résumée).
Savard. Étude sur les myélites syphilitiques. Thèse de Paris, 1882
(obs. XVI), p. 68. — Femme de 65 ans. Syphilis à 49 ans. En janvier 1881,
éruption caractéristique : syphilides pustulo-crustacées. Entrée à l'hôpital
le 19 janvier 1881. Cinq jours avant, la malade a été atteinte brusquement
pendant la nuit d'une paraplégie qui s'est établie si rapidement que la
malade ne pouvait le matin se tenir sur ses jambes.
État actuel, 20 janvier. — Paraplégie absolue avec anesthésie corres-
pondante, rétention d'urine, incontinence des matières fécales, dévelop-
pement d'une escarre.
24 janvier. Légère amélioration dans la jambe droite.
En février. Aggravation progressive, progrès du décubitus, oedème
des jambes, amaigrissement rapide.
Mars. Même état. Lymphangite. Escarres aux talons, fièvre, collapsus,
marasme. Mort le 25 mars.
Autopsie. — Cerveau : légère teinte opaline et légère adhérence des
méninges au niveau des circonvolutions pariétales, mais pas de lésions
macroscopiques de la substance cérébrale.
Moelle. — Extérieurement, les méninges sont saines ; en les détachant
de la partie postérieure de la moelle, on constate à la partie inférieure
du renflement dorsal une adhérence très nette des membranes. A ce
— 61 —
uiveau, en comprimant légèrement la moelle, on la trouve plus molle
que dans les autres parties. La région lombaire est très ferme. A la sec-
tion du tissu médullaire, les surfaces de coupe paraissent saines
jusqu'à la partie moyenne de la région dorsale. A partir de ce niveau,
la moelle est très ramollie, diffluente, la substance grise peu nette
et comme atrophiée.
Plus bas, à la région lombaire, la substance médullaire semble, au
contraire, plus ferme qu'à l'état normal ; les cornes antérieures parais-
sent altérées, moins apparentes que d'habitude.
Dans ce cas, malgré les modifications importantes constatées à l'œil
nu, dans l'état du parenchyme nerveux, les lésions microscopiques
étaient très peu marquées, elles paraissaient presque exclusivement
limitées aux cellules des cornes antérieures.
Observation 71 (résumée).
Savard. Loc. cit., p. 71 (obs. XVII). — Homme, 43 ans. Il y a dix ans,
chancre, plaques muipieuses, accidents secondaires légers.
17 avril 1881, fatigue insolite dans les membres.
Le 22. Dans la matinée, la faiblesse s'accentue tout à coup à tel point
que les jambes fléchissent et que le malade est obligé de rester chez
lui. En même temps, il commence à éprouver des fourmillements et des
picotements dans les membres inférieurs. Incontinence d'urine.
État, le 26 avril. — Paraplégie, anesthésie irrégulière dans la moitié
inférieure du corps. Incontinence d'urine par regorgement. Douleurs
abdominales, sensibilité du rachis à la pression au niveau de la sixième
vertèbre dorsale.
Les jours suivants, les mouvements revinrent un peu dans les jambes
et l'état de la sensibilité s'améliora.
4 mai. Escarre sacrée. 18 mai. Urines ammoniacales, escarres aux
trochanters. Amaigrissement, marasme. Mort le 11 juin.
Autopsie. — La moelle au niveau du renflement lombaire présente
un point de ramollissement très marqué dans une étendue de 1 centim.
environ. A la coupe, la substance médullaire paraît injectée, rougeâtre,
et présente quelques points d'une coloration un peu jaunâtre.
Comme lésions histologiques, on note une destruction des éléments
nerveux, tubes et cellules nerveuses avec prolifération du tissu inter-
stitiel. Quant aux vaisseaux, ils paraissent peu altérés, si on les examine
suivant leur longueur, quoiqu'ils paraissent étranglés en certains points,
mais ceux qui se présentent sectionnés perpendiculairement ont leurs
parois épaissies et leur calibre est fort diminué.
— 62 —
Observation 72 (résumée).
Dejerine. De la myélite aiguë centrale survenant chez les syphilitiques
à une période rapprochée du début de l'affection. Revue de médecine,
1884 (obs. I), p. 60. (In Gilbebt et Lion.) — Homme, 51 ans. Chancre il y
a treize mois (septembre 1878). Traitement mercuriel pendant deux
mois. Cinq mois après, érosion spontanée sur la cicatrice du chancre.
Nouveau traitement spécifique pendant deux mois. Pas d'autre accident.
En février 1879, maux de tête, envies fréquentes d'uriner sans émission
d'urine. Affaiblissement des membres inférieurs, qui vacillent sous le
malade. Atrophie apparente. Douleurs fulgurantes, crampes. Sirop de
Gibert, amélioration.
En octobre, à la suite d'une exposition au froid et à la pluie, les dou-
leurs reparaissent, et le 22 octobre, les jambes se dérobent sous le
malade qui tombe sans pouvoir se relever.
Le 23 octobre, la paraplégie est absolue. Léger œdème des jambes.
Sensibilité abolie jusqu'au niveau de l'ombilic. Incontinence des urines
et des fèces. Sensation de constriction à la base du thorax. Eschares
légères aux deux fesses.
Le 11 novembre, eschares de la paroi abdominale du sacrum, des
talons. Poitrine remplie de râles. Mort le 21 novembre.
Autopsie. — Moelle. A l'œil nu : foyer de myélite centrale dans toute
la hauteur de la région dorsale.
Au microscope, myélite parenchymateuse et interstitielle. Cellules
presque complètement disparues, état hypertrophique de certaines
d'entre elles, apparence globuleuse, prolongements disparus, aspect
vitreux du protoplasma, disparition des noyaux et des nucléoles. Vais-
seaux très dilatés, gorgés de sang, à parois épaissies et remplies d'élé-
ments embryonnaires. Epaississement et infiltration embryonnaire de
la pie-mère et des cloisons qui en partent.
Observation 73 (résumée).
Dejerine. Loc. cit. (obs. II), p. 66. — Homme de 38 ans. Chancre il y
a un an. Plaques muqueuses dans la gorge, croûtes dans les cheveux,
alopécie. Pas de traitement. Il y a huit jours, douleurs le long de la
colonne vertébrale et, la veille de l'entrée à l'hôpital, faiblesse des
membres inférieurs au lever. La faiblesse augmente dans la matinée et
la paraplégie est absolue dans l'après-midi. Le jour de l'arrivée (16 mai),
paraplégie absolue. Sensibilité complètement abolie jusqu'à la base de
la poitrine. Réflexes plantaire et patellaire abolis. Rétention d'urine et
des matières fécales. Les jours suivants, escarre sacrée. Mort le 23 mai.
Autopsie. — Moelle. Œil nu : diminution de consistance et coloration
— 63 —
grisâtre de la moitié inférieure de la région dorsale et de la moitié
supérieure de la région lombaire. Au microscope, myélite parenchyma-
teuse très intense, cellules diminuées de nombre, quelques-unes nor-
males, les autres arrondies, globuleuses, sans prolongements, noyaux
et nucléoles intacts, quelques cellules renferment une grande quantité
de pigment jaune. Les vaisseaux sont congestionnés et enflammés, If^s
capillaires dilatés, remplis de sang, les noyaux des parois sont multipliés.
La substance blanche est peu altérée : un foyer de myélite très limité
dans le faisceau latéral gauche de la région dorso-lombaire.
Observation 74 (résumée).
Gilbert et Lion. — De la syphilis médullaire -précoce. Par's, 188'J,
(obs. Il, p. 27. — Homme 20 ans. A 19 ans, au mois d'aoiit 18H4, cliancre
du prépuce, traitement mercuriel. En octobre, douleurs dans les reins,
les cuisses et les genoux. Décembre, syphilides buccales et cutanées.
Persistance des douleurs dans les lombes et les membres inférieurs.
Au mois d'avril, la marche devient difficile.
Juin 1885. Douleurs et affaiblissement des membres inférieurs. Cépha-
lée; périostite syphilitique du tibia.
Juillet. Aggravation des symptômes dans les membres inférieurs.
24 août. Marche et station debout impossibles. Rétention d'urine.
27 août. Affaiblissement général. Membre inférieur droit absolument
paralysé. Membre inférieur gauche presque complètement paralysé.
Réflexe rotulien normal à droite, exagéré à gauche. Engourdissement
et douleurs dans les jambes. Pas d'anesthésie ni d'hyperesthésie dans
les membres inférieurs. Hyperesthésie de la colonne vertébrale et de
la moitié inlericure du tronc. Rétention d'urine, constipation. Dans la
suite, aggravation des symptômes, accès d'oppression. Mort le 30 sep-
tembre 1885.
Autopsie. — La pie-mère cérébrale était injectée et semblait un peu
épaissie. La pie-mère spinale était vascularisée et, dans sa portion lom-
baire, montrait quelques exsudais blanchâtres, concrets, longitudinale-
ment dirigés, perceptibles seulement à un examen très attentif. La
substance grise de la moelle était d'une teinte plus rose qu'à l'état
habituel. L'examen histologique a montré l'existence de lésions impor-
tantes dans la pie-mère et de lésions secondaires et accessoires dans la
moelle.
La pie-mère est infiltrée de cellules rondes, vivaces, parfaitement
colorées par les réactifs. Celles-ci s'agglomèrent principalement autour
des vaisseaux. Elles pénètrent dans les tuniques vasculaires elles-mêmes
qu'elles dissocient et dont elles augmentent notablement l'épaisseur.
La lumière des vaisseaux est ordinairement étroite par rapport aux
dimensions de leurs parois; parfois même elle est complètement obli-
— 64 —
térée. La face interne de la pie-mère est séparée de la moelle par un
exsudât granuleux contenant un nombre plus ou moins considérable
de cellules rondes. Quelques petits vaisseaux à parois épaissies sont
englobés dans cet exsudât. La substance granuleuse, qui le forme
essentiellement, se colore nettement en rose par le picro-carmin ; elle
prend par l'éosine hématoxy lique une teinte rose très légère. Sur
quelques points elle perd son aspect granuleux pour prendre l'aspect
flbrillaire de la fibrine réticulée.
L'infiltration embryonnaire de la pie-mère spinale occupe toute sa hau-
teur et tout son contour, présentant des maxima et des minima irrégu-
lièrement distribués. De même l'exsudat flbrino-leucocytique sous-pie-
mérien forme un manchon pour ainsi dire discontinu à la moelle
épinière offrant tour à tour une grande minceur ou une épaisseur assez
grande. Les prolongements externes que la pie-mère fournit aux racines
des nerfs rachidiens et qui constituent leur névrilème sont, comme la
pie-mère elle-même, infiltrés d'éléments embryonnaires. Il en est de
même de ses prolongements internes. Le double prolongement qu'elle
fournit au sillon médian antérieur est, en général, très altéré : il con-
tient d'innombrables cellules rondes et apparaît souvent séparé de la
moelle par l'exsudat fibrino-leucocytique que nous avons décrit. L'unique
prolongement que la pie-mère fournit au sillon médian postérieur est
d'ordinaire moins lésé. Quant aux prolongements de moindre impor-
tance qui, partis de la face profonde de la pie-mère, pénètrent dans la
moelle, s'y divisent et s'y subdivisent pour en former le squelette con-
jonctif, ils .se montrent presque tous plus ou moins modifiés. Tantôt les
parois des vaisseaux qu'ils contiennent sont uniquement infiltrées de
cellules rondes et tantôt en même temps que les parois vasculaires, le
tissu coujonctif qui les constitue est infiltré de ces éléments. Ces lésions
sont à leur maximum à la périphérie de la moelle, au niveau de l'attache
à la pie-mère de ses prolongements internes. Elles vont en diminuant
à partir de ce point vers la substance grise, au sein de laquelle Tin-
filtration des parois vasculaires par les cellules rondes est à son
minimum.
Dans la moelle épinière, en un point répondant à la partie moyenne
du renflement cervical, existe une lésion circonscrite du cordon latéral
gauche. A un faible grossissement, cette lésion donne l'idée d'une nodo-
sité gommeuse de forme ovalaire qui refoulerait légèrement la subs-
tance blanche adjacente. A un fort grossissement, sur des coupes colo-
rées à l'éosine hématoxylique, l'on peut reconnaître que cette nodosité
est formée d'une substance granuleuse contenant un assez grand nombre
de cellules rondes et qu'en somme elle est histologiquement identique
à l'exsudat sous-pie-mérien que nous avons décrit précédemment.
- 65 —
Observation 75 (résumée).
Breteau. Des myélites syph. précoces, thèse de Paris, 1889 (obs. II),
p. 13. — Homme. En janvier 1882, syphilis, accidents cutanés secondaires.
Cinq mois après, nouvelles manifestations de syphilis secondaire. Octo-
bre 1882 : plaques ulcéreuses des organes génitaux, affaiblissement et
douleurs des membres inférieurs. Constriction en ceinture. La fai-
blesse musculaire s'accentue à droite. Il faut ajouter que, déjà au mois
d'août 1882, le malade urinait souvent au lit.
Entré à l'hôpital le 10 octobre. Aggravation très rapide des accidents,
en trois jours marche impossible, rétention d'urine, puis incontinence,
garde-robes involontaires. Sensibilité presque totalement abolie dans
les extrémités inférieures surtout du côté droit; de ce côté, l'anesthésie
remonte jusqu'à trois travers de doigt au-dessous de l'ombilic. Douleur
à la pression des deux ou trois dernières vertèbres dorsales et de la
première lombaire.
Syphilide papuleuse circinée en voie de régression.
Escarres étendues et profondes développées en quarante-huit heures.
Les jours suivants, paraplégie absolue, tressaillements musculaires
involontaires dans la jambe droite. Evolution progressive. Mort le
12 novembre 1882, dixième mois et demi de la contamination, quarante
et unième jour de la myélopathie.
Autopsie. — Myélite diffuse ayant porté principalement sur les cornes
antérieures et surtout à la partie inférieure de la région dorsale et à la
région lombaire. Altération maxima à l'union des deux tiers supérieurs
et du tiers inférieur du segment dorsal.
Les lésions histologiques sont caractérisées par des dilatations vas-
culaires, la production de corps granuleux, le développement de cellules
araignées et la prolifération de la névroglie. Dégénérescence secon-
daire des cordons de GoU.
L'auteur ajoute : « Il s'agit d'une lésion diffuse ; et la prolifération
notable du tissu conjonctif qui sépare les différents éléments de la
moelle, cordons et cellules, indique que le système vasculairo a dû
être primitivement intéressé, et que c'est d'une façon secondaire que
les cellules ont été lésées par suites des troubles de nutrition résultan
des lésions de l'endartérlte. »
Observ.\tion 76 (résumée).
Walker. a case of syphilitic paraplegia. The Lancet, 1889, 8 juin,
p. 1135. — Homme 34 ans. Infection il y a dix-huit mois. Pas de traite-
ment mercuriel. Deux mois après, accidents secondaires. Douze mois
plus tard,iiilis double li': i'.oc par mercure et KL
S. 5
— 66 —
Depuis quatorze jours, le malade éprouve une violente céphalalgie,
des douleurs et de la faiblesse dans la jambe droite ; quatre jours après
le début, la parésie gagne la jambe gauche, et trois jours plus tard la
paraplégie est complète.
État actuel. — Paraplégie complète des deux jambes. Réflexes patel-
laires très peu développés. Sensibilité normale, à part une diminution
circonscrite du tact. Rétention d'urine ; incontinence des matières.
Malgré un traitement spécifique énergique, les réflexes pateliaires
disparaissent, les lésions du décubitus se développent, cystite, ischuric.
Le malade succombe en un mois environ.
Autopsie. — Le résultat de l'autopsie est assez incomplètement
relaté, il manque en particulier une indication sur le siège exact des
lésions dans les coupes. Cependant l'auteur signale que sur une éteiidue
d'environ un pouce et demi, dans la région lombaire, la moelle est
diminuée de consistance. Les parois des vaisseaux sont épaissies au
plus haut degré. Dans le segment ramolli, presque tous les vaisseaux
delà pie-mère sont oblitérés par suite de l'épaississement des parois
surtout de la tunique interne. Les cornes antérieures contiennent de
nombreux leucocytes. (In Kuh. Die Paralysis spinalis syphilitica, etc.
Deutsche Zeitschr. far Nervenheilh., 1893, p. 422.
Observation 77 (résumée).
Thompson. Sudden paraplegia from syphilitic disease. The Brit.
med. Journ., 1890, 14 juin, p. 1371. — L'auteur rapporte un cas de para-
plégie à début subit chez un homme de 24 ans qui portait une cicatrice
de chancre sur le pénis et un engorgement ganglionnaire du pli de
l'aine, il fut saisi dans la rue et transporté sans connaissance à l'hôpital.
Ses pupilles ne réagissent pas à la lumière, léger degré de coma, res-
piration diaphragmatique. Anesthésie à partir delà quatrième côte. Les
deux bras sont parétiques. Douleur à la nuque, s'étendant jusqu'au
milieu de la portion dorsale de la moelle. La mort survint le neuvième
jour.
Autopsie. — On trouva la pie-mère adhérente à la partie supérioire
des deux hémisphères. Dans la région de la cinquième vertèbre cervi-
cale, on trouva un ramollissement de la moelle. Dans la région lom-
baire, un autre ramollissement. La dure-mère n'était nulle part adhé-
rente. Une coupe verticale de la moelle cervicale montre une sorte de
caverne circulaire de cinq quarts de pouce de diamètre qui occupe
presque toute la coupe de la moelle et est en rapport avec le foyer de
ramollissement. Le contenu est une substance épaisse, crémeuse. Dans la
moelle lombaire existe une caverne analogue avec le même contenu.
— 67 —
Observation 78 (résumée).
WiLLiAMSON. The changes in the spinal cord in a case of syphilitic
paraplegia. Médical chronicle. July 1891, London (in Kuh. Loc. cit.).
— Homme. Age (?). Syphilis en 1880.
Quelques mois plus tard, brus juement, rétention d'urine et para-
plégie complète. Guérison (?).
Quelques semaines après^ nouvelle faiblesse subite des jambes, puis
paralysie complète. Paraplégie absolue qui dura jusqu'à la mort ineuf ans
après). Incontinence d'urine et des matières fécales. Dans la suite, con-
tractures.
Etat actuel (en 1885). Paralysie spastique avec contracture à droite.
Douleurs modérées dans la région lombaire. Incontinence des urines
et des matières fécales; plus tard, constipation. Mort en juillet 1890.
Autopsie. — La moelle et ses enveloppes paraissent normales à
l'œil nu.
Examen microscopique. — Dans la région cervicale de la moelle,
dégénérescence des deux cordons de Goll et des faisceaux de Gowers
(faisceau antéro-latéral ascendant).
Les cellules des cornes antérieures sont légèrement atrophiées. La
névroglie est hypertrophiée et riche en noyaux. Au centre du foyer de
dégénération, les tubes nerveux sont complètement détruits ; à la péri-
phérie, il en persiste encore quelques-uns. On trouve quelques cellules
rondes et beaucoup de vaisseaux dilatés, surtout dans les parties sclé-
rosées, moins dans la substance grise. La paroi des vaisseaux est très
épaissie, elle présente une endartérite légère et un épaississement très
prononcé de l'adventice; ces modifications se retrouvent au plus haut
degré dans les zones dégénérées surtout dans les faisceaux pyramidaux.
La région dorsale moyenne offre le même aspect. La dégénération des
cordons de Goll se porte en avant à mesure que l'on descend ; dans la
région cervicale inférieure, elle occupe à gauche les deux cinquièmes,
à droite le tiers antérieurs. A la limite des régions cervicale et dorsale^
il existe encore un petit foyer dans la partie la plus antérieure du cor-
don grêle. Dans la région lombaire, la dégénération intéresse les fais-
ceaux pyramidaux.
La substance grise est partout normale, sauf l'atrophie des cellules
nerveuses signalée dans la région cervicale.
Sur quelques coupes dans la région cervicale, on trouve, dans les
cordons de Burdach, de petits foyers de dégénération contigus à la zone
dégénérée des cordons de Goll.
Il faut encore indiquer que, dans la région cervicale, la dégénération
marginale s'étend en certains points jusqu'au sillon antérieur et qu'une
petite portion des faisceaux pyramidaux antérieurs est intéressée.
Les vaisseaux de la pie-mère sont dilatés. Dans la région cervicale,
la dure-mère est épaisse et fibreuse.
— 68 —
Observation 79 (résumée).
R. Graessner. Ueber einen Fall von specifischer Myelo-meningilis
unter dem Bilde des spastischen Spinalparalyse. Dissertation. Berlin
1891. (In KuH. Loc. cit.). — Femme (flile de brasserie) se plaignant de
céphalalgie. Depuis quatre ans, boit beaucoup de bière. Il y a trois ans
et demi, u taches rouges » sur le corps. II y a un an, ptosis bilatéral et
parésie faciale gauche. Au milieu d'avril 1889, difficulté dans la marche,
jambe gauche prise d'abord, puis jambe droite. Au milieu deseptembre,
la malade garde le lit.
État, 18 octobre 1880. — Paralysie de la jambe gauche, parésie de la
droite, faiblesse des bras. Raideur musculaire très développée à gauche.
Contracture en flexion des deux jambes. Secousses musculaires. Ré-
flexes des extrémités inférieures notablement exaltée. Sensibilité nor-
male. Incontinence persistante des urines et des matières fécales.
Décubitus. Paralysie des deux muscles droits supérieurs de l'œil. Iné-
galité pupillaire. Réflexes iriens lents à gauche, abolis à droite. Ptosis
à droite.
Traitement mercuriel qui parait d'abord efficace ; puis, dans la suite,
aggravation, marasme, mort le 28 décembre.
Autopsie. — On trouva une perte de substance dans le noyau lenti-
culaire gauche et dans le corps strié droit. Le diagnostic de l'alTection
cérébrale était : encéphalite multiple et épendymite granuleuse.
La moelle, non durcie, paraît normale. Après conservation dans le
liquide de Miiller, on trouve les foyers de dégénération suivants, surtout
dans la région comprise entre la troisième et la cinquième racine dor-
sale. En ce point, il existe une altération du cordon latéral droit surtout
prononcée dans le faisceau cérébelleux direct. A gauche, la dégénéra-
tion est moins prononcée et plus diffuse.
Les cordons postérieurs ne sont que peu touchés.
Dans les cordons antérieurs, dégénération marginale.
Une racine postérieure du côté droit est complètement dépourvue de
tubes nerveux.
A la hauteur de la première racine dorsale, les cordons latéraux sont
atteints d'une façon diffuse, mais à un moindre degré que plus bas. Le
cordon postérieur droit est également altéré d'une manière diffuse, le
gauche est dans le même état que plus haut. La racine postérieure
droite est ici normale.
Plus haut, sur les préparations non colorées, on ne constate que peu
d'altérations; au microscope, on trouve les mêmes aspects qu'au niveau
de la première dorsale, mais à un moindre degré. Dans le renflement
cervical, la dégénération des cordons latéraux disparaît progressivement
et se limite dans les cordons postérieurs à une bande étroite.
Dans la région cervicale supérieure, les pyramides latérales sont nor-
— 69
maies, l'altération des cordons latéraux postérieure diminue. Le bulbe
n'a pas été examiné.
Plus bas, à partir du foyer principal d'altération, ce sont surtout les
cordons latéraux qui sont malades. Dans les cordons postérieurs, on
ne trouve qu'une légère dégénération diffuse et peu étendue. La dégé-
nération marginale se poursuit jusqu'à la région lombaire.
Au-dessous de ce point, on ne trouve plus que la dégénérescence des
cordons pyramidaux qui s'éteint plus bas à la façon ordinaire.
Observation 80 (résumée).
MiNOR. Hémiplégie und Paraplégie bei Tabès. Zeitschrift filr hli-
nische Medicin, 1891, XIX, 5 und 6 (in Kuh. Loc. cit.). — Femme. A
lage de 16 ans, angine spécifique. Bientôt après, douleurs dans les
tibias. Un ou deux ans plus tard, fausse couche de 8 mois. Nouvelle
fausse couche deux ans après.
Trois semaines avant l'entrée à l'hôpital, excès de boisson et refroi-
dissement prononcé. Aussitôt des douleurs se manifestèrent dans les
différentes parties du corps ; rétention d'urine et faiblesse des jambes.
Huit jours plus tard, la jambe droite était paralysée, puis bientôt après
la jambe gauche.
État actuel. — Parésie prononcée des deux jambes, faiblesse des
muscles de l'abdomen et du dos. Abolition des réflexes des extrémités
inférieures. Hyperesthésie en plaques sur les jambes, paresthésies
dans ces muscles et aussi dans les doigts. Rétention des urines et des
matières.
Douleurs dans la région lombaire. Myosis, immobilité des pupilles.
Parésie du muscle moteur oculaire externe droit. Exanthème. Les crêtes
tibiales sont rugueuses et sensibles à la pression.
Frictions mercurielles suivies d'amélioration dans les troubles
moteurs et sensitifs.
Quelque temps après, les symptômes revêtent la forme du tabès.
Quelques années plus tard, la malade succombe à une attaque
d'apoplexie.
Autopsie. — Les membranes molles du cerveau étaient légèrement
épaissies et troubles. Le cerveau lui-même présentait plusieurs foyers
d'ctenduo varialjlc. Dans la tête du noyau coudé, on trouve un foyer
kystique. Les artères de la base offrent les signes de l'artérite syphili-
tique typique.
Ij'examen macroscopique de la moelle indique un épaississement et
un état trouble de l'arachnoïde et une dégénération grise des cordons
postérieurs qui remonte jusqu'au bulbe. Par l'étude histologiquo, on
reçonnaît que l'altération des cordons postérieurs roproilnit la lésion
caractéristique du tabès.
— 70 —
Observation 81 (résumée).
Sachs. Multiple cérébro-spinal syphilis. New-York medica.1 Journa.1,
10 septembre 1891 (in Kuh. Loc. cit.). — Femme, 37 ans. Epoque de
l'infection inconnue. La malade a éprouvé des symptômes cérébraux :
vertiges, céphalalgie, troubles de la parole. De plus, paralysie des
jambes, rétention d'urine et constipation. Traitement spécifique suivi
d'amélioration. Plus tard, réapparition de la céphalalgie, de la faiblesse
des jambes, constipation, ptosis, paralysie du bras gauche, puis des
deux jambes, troubles intellectuels, paralysie des sphincters.
État actuel. — Paralysie spasmodique des quatre extrémités. Réflexes
rotuliens exagérés. L'état de la sensibilité n'est pas noté. Incontinence
des urines et des matières fécales. Atrophie de la langue. Ptosis.
Ophtalmoplégie. Mort.
Autopsie. — Méningite de la base du cerveau. Gomme de la protu-
bérance. Le faisceau pyramidal droit est dégénéré tout entier, le gauche
en partie. Épaississement de la dure-mère spinale.
Examen microscopique. Endartérite syphilitique des artères verté-
brales et basilaire et des vaisseaux de la protubérance. Dans la moelle,
dégénérescence complète des deux cordons latéraux jusqu'au milieu de
la région lombaire et des cordons antérieurs jusqu'à la partie inférieure
de la région dorsale.
Les cordons postérieurs sont intacts.
La pie-mère spinale est épaissie, infiltrée, beaucoup plus altérée que la
dure-mère. La substance grise est absolument normale. L'auteur insiste
sur ce fait qu'il ne s'agit pas d'une dégénération secondaire des cordons
latéraux, mais d'une infiltration gommeuse provenant d'une méningite
syphilitique.
Observation 82 (résumée).
H. HOPPE (de Cincinnati). Zur Kenntniss der syphilitischen Erkran-
kungen des Rûckenmarks und derBrûcke. Berliner klin. Wochenschr.,
6 mars 1893 (in Revue neurologique, p. 112). — Homme. Chancre
induré en 1884. Hémiplégie gauche n'intéressant pas la face en 1890,
sans le moindre ictus. Traitement spécifique : amélioration suffisante
pour permettre au malade de reprendre ses occupations. Mars 1892 •
douleurs subites dans les membres supérieurs, et en quelques jours se
développe une paralysie flasque à peu près absolue des quatre membres.
La sensibilité est conservée; pas d'atrophie musculaire, réactions
électriques des muscles normales sauf pour le thénar et le premier
interosseux de la main gauche qui sont atrophiés et ne réagissent plus.
Absolument rien du côté des yeux, ni dans la sphère des nerfs crâniens;
intelligence conservée. Malgré le traitement spécifique, état stationnaire
— 71 —
de la paralysie. Une vaste escarre sacrée se développe, et le malade est
emporté le 17 juin 1802 par une pleuro-pneumonie. Durée trois mois.
Autopsie. — Les lésions macroscopiques n'intéressent que la moelle
et ses méninges. La dure-mère spinale est congestionnée sur toute la
hauteur, et au niveau de la première vertèbre dorsale elle est soudée à
la pie-mère. La moelle elle-même est le siège d'un ramollissement
étendu eu hauteur de la sixième racine dorsale à la partie moyenne du
renflement cervical.
Examen microscopique de la moelle. — Moelle lombaire. Pie-mère
légèrement épaissie, les deux faisceaux pyramidaux montrent une dégé-
nération simple de leurs fibres nerveuses. Sous la pie-mère, on voit un
mélange de dégénération et d'infiltration : la majorité des éléments
cellulaires de cette iuflltration sont en voie de régression, l'hématoxyline
n'y colore que quehjues rares noyaux.
L'artère spinale antérieure est normale.
Dixième racine dorsale. — Même lésion pyramidale double ; mais en
outre, les cordons de GoU sont dégénérés, et les cellules des colonnes
de Clarke atrophiées. Les vaisseaux de la substance grise sont extrême-
ment développés et un grand nombre d'entre eux ont leurs parois
épaissies.
Sixième racine dorsale. — Limite inférieure du ramollissement. La
corne antérieure droite est détruite, ainsi que lesparties adjacentes des
faisceaux blancs.
Les faisceaux pyramidaux cérébelleux directs, de GoU et de Burdach
sont épargnés par le ramollissement, mais présentent la même dégéné-
ration que plus bas.
Foyer de ramollissement. — Dans la région dorsale supérieure, la
moelle est déformée; toute la moitié antérieure, sur une coupe trans-
versale est détruite (cornes antérieures, faisceaux pyramidaux directs,
cordons antérieurs et latéraux). La moitié postérieure, au contraire, est
conservée, mais elle présente toujours la même dégénération. L'artère
spinale antérieure présente à ce niveau une endo-périartérite modérée.
Le foyer de ramollissement est composé d'un détritus granuleux qui
ne se colore pas par les réactifs. La pie-mère est modérément épaissie :
elle est le siège d'un exsudât partie granuleux comme le champ de
ramollissement médullaire, partie composé de cellules rondes pressées
les unes contre les autres.
Moelle cervicale supérieure. — Elle est le siège d'une dégénération
combinée systématique (faisceaux pyramidaux croisés et cérébel-
leux directs, cordons de Goll). Rien d'anormal dans les méninges ni
dans les vaisseaux.
Pas d'examen histologique du cerveau ni du bulbe qui avaient paru
sains à l'œil nu.
L'auteur fait remarquer qu'il s'agit de deux processus pathologiques :
une dégénératiou combinée systématique (latérale et postérieure) et un
- 72 —
ramollissement médullaire aigu, ce dernier étant de date plus récente.
A ne considérer que les lésions anatomiques, bien qu'il n'y ait pas de
formations gommeuses dans la moelle, la nature syphilitique est indiquée
par l'origine méningée de l'infiltration, la participation des vaisseaux.
Par quel mécanisme s'est produit le ramollissement médullaire? Deux
hypothèses sont en présence : on peut invoquer la production rapide
d'un exsudât méningé abondant, ou bien l'oblitération d'un grand nombre
de vaisseaux. L'auteur ne tranche pas la question. Il ne considère pas
la dégénération combinée comme secoadaire à la lésion dorsale.
A côté des observalions précédentes, il faudrait placer un certain
nombre d'autres cas dont l'étude a été faite avec un soin particulière-
ment minutieux et qui fournissent des documeuts précieux sur la
nature même du processus dans la myélopathie syphilitique. Mais en
raison même de l'importance de ces observations nous les rapporte-
rons en détail dans la seconde partie de ce travail. Nous utiliserons
surtout ces observations et celles qui nous sont personnelles pour décrire
révolution ordinaire de l'affection que nous étudions et indiquer les
accidents qui peuvent la compliquer.
Ce qui frappe, à la lecture des observations, c'est la variabilité dans
la forme et la diffusion des lésions. Il est cependant un groupe d'al-
térations qui paraissent constantes et dont l'importance a déjà é!é
signalée: ce sont les modifications méningées etvasculaires.J ulliard
faisaitde cette localisation la caractéristique de la syphilis. Dans l'igno-
rance où nous sommes encore sur la nature de l'agent spécifique, nous
ne pouvons proposer un autre critérium. Tout en reconnaissant que la
participation des voies lymphatiques et vasculaires sanguines, la
diffusion des lésions et l'impossibilité de leur systématisation sont
des caractères de l'inflammation syphilitique, il fautavouer qu'il n'y a
là rien de bien spécial, et le tissu conjonctif, le système lymphatico-
sanguin sont un terrain commun d'évolution pour tout agent infec-
tieux. Peut-être y a-t-il un mode de réaction de ces tissus un peu
particulier à la syphilis, c'est ce que nous rechercherons.
D'après l'opinion générale, les lésions vasculaires et méningées
sont primitives, l'altération du tissu nerveux même est secondaire.
Or, si on recherche quel était l'état de la moelle dans les différentes
observations, on y trouve décrits des aspects très variés. Deux alté-
rations surtout sont signalées : c'est tantôt le ramollissement du tissu
nerveux avec destruction des éléments nobles, tantôt l'induration
avec sclérose.
— 73 —
L'état de ramollissement est de beaucoup le plus fréquent; on
remarquera que dans tous les cas à marche rapide il existe presque
seul et qu'il est toujours important à côté de lésions plus anciennes
dans les cas à marche chronique terminés par une reprise brusque
des accidents.
Le ramollissement de la moelle dans la myélopathie syphilitique a
été constaté il y a déjà longtemps, car il se manifeste ordinairement
par des modifications macroscopiques qui permettent de le recon-
naître. Dès 1860, Valdemar Steenberg l'avait noté d'une façon
très nette dans trois cas de syphilis médullaire ; et l'observation de
Winge(obs. 59), qui date de 1863, présente une description hislolo-
gique remarquable du parenchyme ramolli.
Dans presque tous les cas que nous avons rapportés, le ramollisse-
ment médullaire est d'ailleurs signalé. 11 accompagne parfois des
lésions méningées très accentuées et macroscopiques comme dans
les cas de M. Mauriac (obs. 63), de AL Ilayem (obs. 60), etc.
D'autres fois, il est encore très marqué tandis que les lésions des
méninges sont constatables seulement au microscope, et c'est là
le cas le plus fréquent.
Le ramollissement médullaire peut siéger dans tous les points de
la moelle et occuper dans les différents segments une étendue plus ou
moins considérable. Tantôt il est localisé à la périphérie, tantôt dans
la partie centrale, ou bien intéresse presque tout un segment et prend
alors l'aspect d'un foyer transverse type ; une des observations de
Savard (obs. 71), le cas de Str ûmpell (obs. 68), celui de M. Hayem
(obs. 69), etc., sont des exemples frappants de cette disposition. Le
nombre de ces cas est d'ailleurs très considérable. On pourrait y
faire rentrer la plupart des observations de myélite transverse aiguë.
L'intensité du ramollissement offre certainement bien des degrés
Dans le cas de Thompson (obs. 77), il semble avoir élé pousséjusqu'à
la fonte complète du tissu nerveux et à la formation d'une substance
crémeuse. Dans les cas de M. Mauriac (obs. 63), de Le Pe tit
(obs. 65), la partie ramollie de la moelle était réduite en bouillie et
impropre à un examen histologique.
Dans les cas ordinaires où l'exameu microscopique a été prati-
qué, les auteurs ont décrit dans les éléments du parenchyme nerveux
des modifications sur lesquelles nous passerons rapidement, car nous
— 74 —
les étudierons complètement plus tard. Ces modifications consistent
en une destruction plus ou moins avancée des éléments nobles avec
la formation de produits de nécrose : substance albumineuse granu-
leuse amorphe, granulations de myéline, corps granuleux, etc., et en
une altération particulière du tissu interstitiel propre au parenchyme
nerveux : la névroglie. Les modifications des cellules araignées ont
frappé les auteurs qui ont remarqué leur développement exagéré.
Mais ces modifications n'ont rien de spécial à la myélopathie syphi-
litique et ces éléments entrent en action dans toutes les lésions du
parenchyme nerveux. On peut même dire c{u'ils sont étrangers à la
formation des néoplasies syphilitiques. En effet, Coyne(l) dans un
cas de gomme du cervelet ne les a pas retrouvés parmi les éléments
participant à la constitution de la tumeur. Mais ce stade de ramol-
lissement de la moelle est certainement précédé d'un état où les modi-
fications ne sont pas encore établies. Et depuis le moment où le
parenchyme nerveux est frappé de mort jusqu'à celui où le ramol-
lissement est nettement caractérisé, il existe une période où les lésions
d'abord à peine marquées, s'accentuent progressivement. Au début,
les modifications peuvent être assez peu accentuées pour être à peine
appréciables même au microscope. C'est ainsi que dans des cas de
Savard (obs. 70), bien que la moelle fût altérée dans sa consistance,
les tubes nerveux paraissaient sains et les cellules nerveuses seules
étaient dégénérées.
Il est même très important de noter que dans ces cas il 7i'existe
pas trace d'inflammation du tissu interstitiel du parenchyme
nerveux. Ce fait est une preuve que la destruction des éléments
nobles n'est pas consécutive à une inflammation du tissu interstitiel
et qu'il faudra rechercher à ce phénomène une autre explication.
L'observation de Mollière (obs. 61), dans laquelle l'auteur signale
une altération dans la coloration de la substance nerveuse et une
dilatation vasculaire considérable, représente probablement aussi un
des stades intermédiaires qui précèdent le ramollissement.
A un degré plus avancé, mais précédant encore le stade de des-
truction des éléments nerveux, on observe les aspects d'une myélite
parenchymateuse, comme par exemple dans les deux cas de M. D ej e-
rine (obs. 72 et 73), celui de Bretau (obs. 75), etc.
(1) COYNE. In thèse de Savaed, p. 77.
— 75 —
Dans tous les cas où le ramollissement médullaire ou bien les
stades qui le précèdent existent seuls, ils sont toujours assez étendus
et se rencontrent dans les formes cliniques k évolution rapide. Ils
peuvent se présenter en même temps que des lésions saillantes des
méninges ou bien constituer les seules altérations visibles à l'autopsie,
les lésions des méninges étant appréciables seulement au microscope.
Si l'altération de la moelle n'en est qu'à ses débuts, si les modifica-
tions de la pie-mère sont elles-mêmes peu prononcées, la moelle
pourra paraître sain à l'œil nu et c'est dans ces cas, croyons-nous,
qu'il faut faire rentrer les observations de paraplégie syphilitique
sans lésions matérielles.
L'existence de ces paraplégies « sine materia » a été bien souvent
discutée; autrefois, on en faisait une classe à part.
Ladreit de Lac barrière pensait que « dans un certain nombre
de cas les lésions échappent à nos recherches, ou bien elles sont si
peu marquées qu'il est impossible de ne pas admettre une influence
directe de la syphilis sur la moelle épinière ».
Zambaco cite deux observations que nous analyserons plus loin,
dans lesquelles il n'a remarqué aucune modification importante de la
moelle. Pour lui, il est prouvé d'une manière incontestable que la
paraplégie syphilitique, à son summum d'intensité, peut exister sans
lésions appréciables, il s'est même demandé si ce n'était pas le cas
ordinaire. La gravité des symptômes et la rapidité de leur évolution
indiquent, on effet, l'existence d'une lésion très étendue qui détermine
la mort avant d'avoir atteint un stade avancé. C'est là qu'il faut cher-
cher l'explication de l'absence de lésions saillantes.
Caizergues pense que le virus syphilitique peut agir directement
sur le tissu nerveux de la moelle et produire des myélopathies revê-
tant la forme des paralysies ascendantes aiguës ; « les lésions sont
alors souvent peu prononcées, parfois même ces maladies deviennent
si rapidement mortelles que leurs altérations n'ont pas le temps de
se développer. >>
Vialle admet également une dyscrasie syphilitique sans lésion
appréciable.
Julliard, au contraire, émet des doutes sur l'existence de ces para-
plégies dites fonctionnelles; il constate que les observations dont on
s'est servi pour établir cette forme manquent d'étude microscopique
— 76 —
et Savard pense que « avec les progrès de l'anatomie pathologique,
cette variété de paraplégie fonctionnelle disparaîtra complètement «.
Il semble pourtant que, dès les premiers temps de l'infection syphi-
litique,le système nerveux subit une influence manifeste. Hutchinson
et Broadbent comparaient la syphilis aux fièvres éruptives dont
l'évolution s'accompagne de désordres nerveux diffus.
En 1873, M. le professeur Fournie r signalait Vanalgésie syphi-
litique secondaire. Des travaux récents, ceux de Lang (1), de
Schnabel (2), de Jarisch (.3) et Finger (4), ont appelé l'attention
sur les phénomènes nerveux transitoires qui se produisent à la
période secondaire. Ces phénomènes : céphalalgie, abattement, modi-
fications dans l'état du pouls, de la température et de la circulation
générale; phénomènes douloureux et parétiques vagues, troubles de
la vision (Schnabel), modifications dans l'état des réfiexes tendineux
et cutanés (Jarisch et Finger), etc., indiquent un état de souffrance
du système nerveux tout entier. Peut-être peuvent-ils s'exagérer et
donner lieu, dans certains cas, à des formes particulières de paralysie
syphilitique, mais actuellement, ces manifestations doivent être
séparées de la myélopathie syphilitique commune.
Pour en revenir aux cas de paraplégie syphilitique dans lesquels
on n'a pas noté de lésions à l'autopsie, nous pensons que leur étude
n'a pas été assez approfondie pour qu'on puisse admettre leur valeur
sans contestation. Il est possible, au contraire, lorsque l'auteur est
entré dans une description un peu plus complète, de retrouver des
caractères indiquant peut-être une lésion qui n'aurait pas échappé à
un examen microscopique minutieux. Nous prendrons pour exemples
les deux observations de Zambaco.
Observation 83 (résumée).
Zambaco. Des affecl. nerv. sypii., 1862 (obs. LXXI). — Homme,
28 aûG. Ea mai 1856 : sarcocèle syphilitique, résorption partielle après
traitement par Kl.
(1) Lakg. Wiener iiied. WocJienschr., 1880. V/ertelJaJir.'scIir. f. Brrm. ami Sypli.,
1881, p. 499.
(2) Schnabel. Vicrteljahrschr. f. Demi, nml Si/pk., 18S1, p. 473.
(8) Jaeisch. Wienej- med. Mdttei; 1881, p. 353.
(4) FiNQEB. Vierteljahrschr. f. Berm. und Syph., p. 269.
— 77 —
24 juillet. En se couchant, il a senti pour la première fois des four-
millements dans les jambes.
Le 25. Après une bonne nuit, il a senti encore toute la journée des
fourmillements et s'est trouvé plus faible sur ses jambes qu'à l'ordinaire.
A 11 heures du matin, impossibilité d'uriner; cette dysurie persista
jusqu'au soir.
Le 26. Il put encore se lever; mais ses jambes sont plus faibles et il
urine involontairement.
Le 27. Impossibilité de marcher; dans la soirée, le mouvement des
jambes est tout à fait aboli.
Il importe de noter que quinze jours auparavant, le malade avait déjà
ressenti des douleurs vagues et modérées dans les parties latérales du
tronc.
Le 28. Il entre à Thopital avec une paraplégie complète^ une
diminution de la sensibilité dans les parties correspondantes et une
incontinence d'urine.
Le 7 août. Escarres sacrée et trochantériennes.
Les jours suivants, phénomènes d'infection et mort le 26 août.
Autopsie. — Pas de lésions macroscopiques sauf l'existence d'une
rougeur delà pie-mère accompagnée d'une diminulion de consislance
de la moelle, particularités que l'auteur considère comme accidentelles
et dues à une altération cadavérique.
Pas d'examen microscopique.
Observation 84 (résumée).
Zambaco. Loc cit. (obs. LXXII). — Homme, 58 ans. Entré à l'hôpital le
2 juin 1857. Quatorze ans auparavant chancre, pas de traitement, acci-
dents secondaires. Depuis six semaines, difficulté dans la miction. Il
y a deux semaines, rétention complète pendant trois jours; depuis ce
moment, incontinence.
24 mai 1857. — Engourdissement dans les jambes. Le lendemain, fai-
blesse des jambes, et développement rapide des symptùines paraplégi-
ques les jours suivants. Le malade ne peut bientôt plus se traîner
qu'avec des béquilles.
Etat actuel. 3 juin. — Paraplégie incomplète mais très prononcée, le
malade peut encore se tenir debout. Sensation d'engourdissement et de
froid jusqu'au pli de l'aine; le malade sent encore le pincement et les
piqûres; secousses dans les jambes. Incontinence d'urine.
l""'' juillet. Escarre sacrée. Frissons les jours suivants et paraplégie
complète.
Mort le 6 juillet.
Autopsie. — Pas de lésions macroscopiques, « à la partie supérieure
de la région dorsale, on constate à la coupe, il est vrai, un léger piqueté
— 78 —
et une corisistance peut-être un peu moins considérable, mais ces
caractères sont si peu accusés qu'il est impossible d'admettre l'existence
d'une affection de la moelle ».
Pas d'examen microscopique.
L'apparence de ramollissement constatée dans le premier cas, le
léger piqueté et la diminution de consistance qui existaient dans le
second, nous paraissent constituer des modifications importantes pour
un tissu aussi délicat que le parenchyme nerveux. Elles nous sem-
blent être des preuves suffisantes d'une lésion matérielle dont
l'étendue eût pu être appréciée avec le microscope.
Outre le ramollissement de la moelle, les auteurs signalent Vindu-
ration du parenchyme médullaire avec sclérose et ils s'accordent à
reconnaître que si le ramollissement caractérise les formes à évolution
rapide, la sclérose est en rapport avec les formes chroniques.
La sclérose n'est donc que le dernier stade d'un processus dont la
nature reste à déterminer.
On considère généralement cette sclérose comme l'aboutissant de
l'inflammation du tissu interstitiel de la moelle : l'inflammation et la
prolifération du tissu interstitiel déterminées par l'action directe du
poison syphilitique amèneraient la destruction des éléments nerveux
et seraient suivies plus tard de sclérose.
Pour nous, il y a lieu d'établir une distinction importante, et le
tissu de sclérose qu'on rencontre dans la moelle n'est pas toujours de
même nature.
Tantôt en effet, et c'est pour nous le cas de beaucoup le plus rare,
il s'agit d'un tissu de cicatrice résultant de l'organisation d'une
infiltration spécifique. L'inflammation gommeuse partie de la pie-
mère ou des vaisseaux se caractérise d'abord par une prolifération
embryonnaire continente qui peut envahir une étendue plus ou moins
considérable du parenchyme médullaire sain ou déjà altéré, et donner
lieu par la suite à du tissu scléreux. Les apparences de cette sclérose
de nature conjonctive sont spéciales, le tissu névroglique n'entre pas
dans sa constitution et elle forme pour ainsi dire corps étranger au
milieu de la sclérose médullaire.
Cette sclérose médullaire au contraire est ordinairement de nature
purement névroglique, elle procède d'une réaction inflammatoire du
tissu interstitiel propre au tissu nerveux, mais cette irritation est
— 79 —
consécutive à la destruction préalable des éléments nobles. On peut
constater dans les cas à évolution très rapide cette destruction des
éléments nerveux alors que le tissu névroglique ne présente pas
encore trace de réaction. Cette particularité est, ainsi que nous le
verrons, un des caractères propres aux altérations de la moelle d'ori-
gine ischémique. Nous essaierons d'ailleurs, dans un autre chapitre,
d'établir la série des modifications qui précèdent l'établissement de la
sclérose névroglique définitive.
C'est cette sclérose névroglique qui constitue fondamentalement les
zones de dégénération que les auteurs signalent dans la moelle. Elle
est distribuée tantôt d'une façon diffuse, et semble dans ce cas pouvoir
être considérée comme l'aboutissant d'un état de ramollissement
antérieur, tantôt elle affecte une disposition systématique et résulte
alors le plus souvent de la dégénération secondaire des cordons blancs
(dégénérescence secondaire des cordons de GoU, des faisceaux céré-
belleux directs, pyramidaux, etc.)
La sclérose qui est le signe d'une lésion ancienne, se rencontre
dans les cas à évolution chronique, mais elle n'indique nullement un
processus spécial. Elle s'accompage du ramollissement d'autres par-
ties de la moelle lorsque la myélopathie chronique s'est terminée par
une reprise récente des accidents. C'est ce qu'on observe par exemple
dans le cas rapporté par Hoppe (obs. 82).
Il faut encore faire mention d'altérations portant sur les racines des
nerfs rachidiens. Ces altérations sont généralement peu marquées,
cependant dans quelques cas elles sont assez développées pour (|u'on
puisse leur attribuer une part importante tant dans la détermination
des symptômes que dans la production des lésions secondaires de
la moelle. C'est particulièrement dans les cas de lésions très accentuées
des méninges que les cordons radiculaires sont surtout intéressés.
Une observation de Eisenlohr (obs. 49) en est un exemple remar-
quable.
En résumé, les altérations signalées dans la myélopathie syphili-
tique, revêtant la forme caractérisée par le terme classique de
méningo-my élite syphilitique, sont les suivantes :
Pour les méninges, une inflammation qui peut être très discrète ou
donner lieu à des épaississements considérables et qui se caractérise
par une infiltration embryonnaire envahissant le tissu propre des
méninges et les parois des vaisseaux.
— 80 —
Dans la moelle, plusieurs états : le ramollissement avec destruction
du parenchyme nerveux ; llnfiltration embryonnaire ; la sclérose.
Enfin dans les racines, une destruction plus ou moins importante
des tubes nerveux.
Il existe des apparences un peu particulières suivant les cas, si
bien qu'il est possible de décrire des formes aiguës et des formes
chroniques, mais le processus est toujours le même ; ce sont de
simples variantes, dans l'étendue, l'évolution et surtout la durée,
qui constituent les différentes formes.
I 3. — Importance des altérations vaseulaires.
Il est tout un groupe d'altérations sur lesquelles nous n'avons pas
insisté jusqu'ici et qui méritent une mention spéciale, ce sont les
modifications des vaisseaux. Ces lésions, ainsi que nous le verrons,
sont extrêmement importantes dans la syphilis de la moelle et jouent
un rôle prépondérant dans la détermination des lésions secondaires
du tissu médullaire. Les altérations des petits vaisseaux dans la
syphilis du névraxe ont été indiquées surtout dans la syphilis céré-
brale dès l'époque où l'on s'est appliqué aux études histologiques,
mais ce n'est guère que depuis une vingtaine d'années que l'on a
reconnu toute leur importance.
On pourrait déjà trouver des exemples d'artérite syphilitique dans
des observations anciennes dues à Virchow (1847), à Dittrich (1),
à Gildemeister et Hoyack (2), Esmarch (1857), Steenberg
(1860) ; dans le traité de Virchow sur la syphilis constitutionnelle;
M. Lancereaux la signale en 1861 dans son mémoire publié en
collaboration avec L. Gros; mais, c'est Wilks(3) qui l'indiqua le
premier d'une façon précise et, après lui, les recherches se multi-
plient dans ce sens en Angleterre : Hughling Jackson, Buzzard,
Broadbent, Batty, Tuke apportent des matériaux nouveaux.
Wilks et Moxon (4) signalent « des exemples vraiment caracté-
ristiques d'inflammation gommeuse des petites artères, surtout de
(1) Dittrich. Prager Vierteljahr., 1849^ t. I.
(2) Gildemeister et Hoyack. Nederl. Weekbl., janv. 1854.
(3) Wilks. Gm/s hosp'dal Beports, 1863,
(4) Wilks et Moxon. Traité d'anat. pathol., 2« édit., 1875, p. 74.
— 81 —
celles du cerveau ». Avec Hugliling Jackson, ils montrent que
l'épaississement siège particulièrement dans la tunique externe des
vaisseaux et insistent sur le rôle des lésions artérielles dans la déter-
mination des accidents cérébraux de la syphilis et notamment dans
la production du ramollissement du tissu nerveux.
En 1874, parurent en Allemagne les travaux de Heubner (1) qui
donnèrent à la question un nouvel essor en la présentant sous un
aspect nouveau. Jusqu'ici, en effet, il ne s'agissait que d'une artérite
gommeuse associée à d'autres manifestations anatomiques de la
syphilis. Heubner décrit une forme d'altération artérielle qu'il con-
sidère comme propre à la syphilis et comme se produisant isolément,
sans qu'il y ait inflammation syphilitique des parties voisines, sans
syphilome. Dans d'autres cas, ces lésions artérielles particulières et
les syphilomes existent ensemble, mais restent indépendants. Pour
l'auteur, avons-nous dit, l'artérite syphilitique est tout à fait spéciale.
L'altération débute par la face interne de l'artère, entre la membrane
fenétrée et l'endothélium ; elle est constituée par une prolifération de
cellules aplaties, fusiformes ou arrondies, qui seraient d'origine
endotliéliale. Cette prolifération soulève le revêtement endothélial, il
en résulte que la membrane élastique qui à l'état normal est dans les
artérioles du cerveau en contact immédiat avec l'endothélium, s'en
trouve séparée par une couche de nouvelle formation. Les ondulations
de la membrane fenétrée sont effacées. La prolifération ne se mani-
feste ordinairement d'abord que sur une partie du contour interne de
la paroi vasculaire; ainsi se forme un bourgeon latéral qui fait saillie
dans la lumière du vaisseau. Cette production diminue l'élasticité
de l'artère, elle entrave sa dilatation sous l'influence de l'ondée san-
guine, elle rétrécit la lumière et peut être le point de départ d'une
thrombose.
Le processus aurait donc une origine purement endartéritique et
serait déterminé par l'irritation directe du sang syphilitique.
Heubner a bien constaté, il est vrai, dans l'épaisseur de cette proli-
fération, des débris de membrane élastique et des fd^res musculaires,
mais il regarde ces éléments comme étant de nouvelle formation et
compare l'infdtration à un néoplasme reproduisant la structure des
artères, à un artériome.
(1) Heubker. Die luetiseJic Erkr. der Hivmrtcrieti, etc., Leipzig, 1874.
S. 6
— 82 —
Plus tard, l'arlérite qui a débuté par la membrane interne s'étend
à la tunique adventice, il se forme autour des vasa-vasorum des
dépôts de cellules rondes provenant du sang par diapédèse. 11 est à
remarquer que, tandis que la prolifération de l'endartérite a pour
origine, selon Heubner, la multiplication des cellules de l'endo-
thélium vasculaire, les cellules rondes qui infiltrent la couche externe
viendraient par diapédèse des capillaires nourriciers de cette tunique.
Cependant, c'est encore le sang contenu dans les vasa-vasorum qui
serait la cause de l'inflammation des petits vaisseaux.
La description d'Heubner ne fut pas admise sans contestation, et,
aujourd'hui encore, la détermination exacte du processus d'alté-
ration des parois artérielles n'est pas fixée. Mais le grand mérite
d'Heubner, c'est d'avoir montré la fréquence des lésions artérielles
dans la syphilis cérébrale et leur rôle prépondérant dans la produc-
tion des symptômes de l'encéphalopathie syphilitique. C'est là une
notion qui reste acquise et que personne ne songe aujourd'hui à
rejeter.
Tandis que Heubner place dans la membrane interne le point de
départ de l'artérite, Baumgar ten, Friedlânder, M. Lancereaux
pensent que l'inflammation occupe d'abord la couche externe.
Pour Baumgarten (i), l'irritation se manifeste d'abord dans les
vasa-vasorum et les gaines lymphatiques de l'adventice, la syphilis
des artères est une « inflammation granuleuse des couches externes
à laquelle la prolifération de la membrane interne s'ajoute comme un
phénomène secondaire et sans valeur anatomique » (Virchow's
ArcJi iv., Bd LXXXVI, p. 219). A la suite de l'altération de la tunique
externe, les modifications de la circulation et de la nutrition qui en
résultent provoquent dans l'endartère une lésion qui peut se propager;
l'endartérite une fois provoquée peut évoluer pour son compte et se
prolonger dans des segments du vaisseau où la tunique adventice est
saine. On aurait ainsi la clef de l'apparence de certaines coupes de
vaisseaux qui n'offrent qu'un épaississement localisé dans l'en-
dartère.
Pour appuyer son interprétation, Baumgarten fait appel à des
(1) Baumgarten. Archic d. He'dU., Bd XII, j). 875. Virclums Archiv.,
Bd LXXIII, p. 00; Bd LXXVI, p. 268; Bd LXXXVI, p. 179.
— 83 —
travaux antérieurs qui lui sont propres (1) et à ceux de Riedel (2)
sur la direction du courant nutritif dans la paroi des vaisseaux. Selon
eux, le sang" qui se meut dans la lumière du vaisseau n'a pas grande
influence sur la nutrition de l'endothélium, mais les échanges nutritifs
se font par les branches capillaires des vasa-vasorum. Le courant
nutritif va de dehors en dedans jusqu'aux cellules endothéliales,
même pour les petits vaisseaux non pourvus de vasa-vasorum. Le
processus pathologique suit la même direction et l'irritation com-
mence par les couches externes qui, une fois altérées, agissent sur la
nutrition des couches profondes.
Friedlânder (3) attribue également à la membrane externe le
rôle principal dans la détermination des lésions de la tunique arté-
rielle tout entière. Le processus n'est, d'ailleurs, pour lui, nullement
spécial à la syphilis, il est commun à toutes les affections à granu-
lations qui attaquent particulièrement la tunique adventice des
vaisseaux; les modifications des autres parties de la paroi sont secon-
daires.
Cette opinion nous reporte aux premières descriptions de l'artérite
gommeuse.
M. Lancereaux (4), en France, soutient la même opinion, il trouve
dans l'existence de la gaine lymphatique de Mis, autour des artères
cérébrales, étant donnée la prédilection du virus syphilitique pour
les organes lymphatiques, la raison du début de l'inflammation par
la tunique externe. Celle-ci s'infiltre a de petites cellules rondes,
pourvues d'un noyau volumineux et qui se groupent de façon à for-
mer des amas ou foyers multiples autour desquels on observe ordi-
nairement des cellules géantes ; à la limite de ces foyers, les nouveaux
éléments se développent de façon à constituer des vaisseaux et un tissu
de cicatrice; mais, au centre, où leur nutrition devient diflicilc, ils
subissent une transformation granulo-graisseuse qui donne à la nodo-
sité une coloration jaunâtre et en facilite la résorption «.
En somme, les auteurs qui font de la tunique externe le lieu de
l'altération primitive ne nient pas l'existence de l'endartérite ; mais
(1) Baumgakten. Virchow's Arcliir, Bd LXXIII, p. 110.
(2) Riedel. Zeitschr.f. Chiriirg., VT, p. 459.
(3) Friedlaendek. Centrani. fur die ined. Wissenschaft., janv. 187().
(4) Lancereaux. Traité d'cmat. patlwl., t. 11^ 1879-1881.
— 84 -
elle est pour eux purement secondaire, ce qui ne l'empêche pas d'ail-
leurs d'avoir un rôle très important dans les accidents d'oblitération
artérielle. La lésion décrite par Heubner existe, mais l'opinion
exclusive de l'auteur qui l'a décrite est exagérée. Entre l'opinion de
Heubner et celle de Baumg-arten et Lancereaux, il faut placer
l'interprétation de Kôster (1) qui considère la lésion primitive comme
étant une mésartérite. L'origine de l'irritation est dans les vasa-vaso-
rum, mais l'inflammation se manifeste d'abord dans la tunique mus-
culaire, les autres modifications, en particulier l'épaississemeut de
l'endartère, sont secondaires et dues à un envahissement progressif
de l'infiltration. Quelle que soit l'origine de l'infiltration dans la paroi
du vaisseau, l'aboutissant est toujours le même, et les troubles dans
la mécanique circulatoire qui en résultent sont de la plus grande
importance.
Peut-on trouver dans l'évolution des lésions artérielles une carac-
téristique de la syphilis? Heubner croit que l'endartérite primitive,
telle qu'il l'a décrite, est bien spécifique etBaumgarten même pense
que l'ensemble de l'altération présente un caractère particulier qui
permet de le reconnaître ; mais bien des auteurs refusent tout carac-
tère spécifique à l'inflammation syphilitique. En présence d'ailleurs
des divergences d'opinion sur le point de départ de la lésion, il est
difficile de donner une caractéristique de la lésion à son début.
Quant à l'évolution ultérieure, elle se distinguerait de celle de
l'athérome par l'absence de dégénération calcaire et graisseuse. Cette
opinion est à peu près généralement admise, elle est considérée comme
de nature absolument exclusive par Heubner, par M. Lancereaux.
Elle semble, en effet, exacte pour la majorité des cas. Il existe cepen-
dant un certain nombre d'observations qui pourraient être regardées
comme des exceptions à cette loi, en particulier celle rapportée par
Virchow d'une jeune fille syphilitique atteinte de néphrite intersti-
tielle et dont l'aorte était garnie de plaques sclérotiques. Huber (2)
cite le cas d'une femme de 26 ans, syphilitique depuis six mois,
chez laquelle on trouva à l'autopsie une transformation calcaire très
étendue, surtout dans les artères des extrémités, et M. le professeur
(!) KoSTER. Sitsungsh. d. niederrhein. GesellscJuift. fur Natur und HeV-k., in
Bonn, 1874, et Berlin, hlin. Wochenschr 1876, p. 454.
(2) HuBER. Virchow's Archiv, Bd LXXIX, p. 537.
— 85 —
Cornil(l) reconnaît quel'artérite syphilitique peut aboutir àdes alté-
rations qui rappellent absolument l'athérome artériel.
A la suite des travaux dont nous avons fait mention, les lésions
artérielles dans la syphilis cérébrale deviennent de connaissance clas-
sique et nous citerons la thèse de Rabot (2), la revue critique de
M. Hanot (3) et les leçons magistrales de M. le professeur Four-
nier (4), de M. le professeur Corn il (5); enfin une revue générale
de M. Thibi erge (6). En Allemagne, Rumpf (7), dans son traité sur
la syphilis du système nerveux, donne à la syphilis artérielle une
place considérable, il considère les lésions de la tunique externe sur
lesquelles M. Lancereaux et B aumgarten insistaient comme les
plus importantes. Le processus est diffus, mais il commence par l'in-
filtration des vasa-vasorum.
Les lésions artérielles deviennent alors, comme les lésions de tous
les tissus, une conséquence des modifications des vaisseaux nourri-
ciers au contact du sang syphilitique. La tunique musculaire est
envahie secondairement, de même que l'endartère ; mais dans cette
dernière couche, l'infiltration semble trouver un développement plus
fa(;ile, et présente un nouveau maximum. La conséquence de l'affec-
tion est un trouble dans la nutrition du tissu dépendant du vaisseau
dont la lumière est oblitérée ou diminuée de calibre.
Les lésions que nous venons d'indiquer ont surtout été constatées
dans l'étude de la syphilis cérébrale, mais ces notions sont applicables
aux vaisseaux du névraxe tout entier.
Bien que les altérations vasculaires syphditiques de la moelle aient
moins attiré l'attention, il existe cependant un certain nombre d'obser-
vations qui prouvent l'exactitude de cette opinion.
Au cours des observations que nous avons précédemment résumées,
nous avons plusieurs fois noté des altérations vasculaires auxquelles
toutefois les auteurs ne semblent pas avoir attribué grande impor-
tance ; mais les faits suivants sont particulièrement remarquables.
(1) CoENTL. Journal des connaissances médicales, 11 février 1886.
(2) Kabot. Lésions sijph. des artères cérébrales. Thèse^ Paris, 1875.
(3) Hanot. De la syphilis cérébrale. Rei: des sciences méd., 1877. t. IX. p. 724.
(4) FOURNIER. La sypliilis du cerveau, 1879.
(h) CoRNiL. Leçons sur la syphilis, 1879.
(6) Thibierge. Lésions artérielles de la syphilis. Gaz. des Mp., janvier 1889.
(7) Rumpf. Die sypldlitischen Erhranhungen des i\'é;•■l;e'»5y^^em«. Wiesbaden, 1887.
— 86 —
En 1876, Leyden (1) publiait une observation que nous rapporte-
rons plus loin (obs. 116), dans laquelle l'altération de la moelle était
accompagnée d'une lésion vasculaire importante.
Eisenlohr (2) a publié l'histoire d'un homme de 42 ans,
syphilitique, qui fut pris de faiblesse des quatre membres, lesquels,
deux jours après, étaient complètement paralysés. Il succomba le
dixième jour, à une affection qui avait revêtu l'aspect d'une para-
lysie ascendante aiguë.
A l'autopsie, on trouva deux foyers de ramollissement dans la
moelle : un au niveau de la troisième racine cervicale, l'autre dans la
région lombaire supérieure. Lésions vasculaires considérables.
Les observations suivantes de S chultze (3) font également men-
tion d'altérations vasculaires dans la moelle. Elles ont trait à cinq
hommes qui étaient âgés de 28 à 42 ans.
Observation 85 (résumée).
Cas n" 1. — Syphilis treize ans auparavant. Période prémonitoire re-
présentée par quelques phénomènes cérébraux, puis attaque de paraplégie
avec participation des sphincters. Amélioration par le traitement. Etat
stationnaire avec parésie des membres inférieurs et des muscles du
dos, exagération des réflexes et intégrité de la sensibilité.
Mort à la suite d'une deuxième attaque.
Autopsie. — Infiltration des méninges, surtout dans la moelle allongée,
leptoméningite spinale. Parois des vaisseaux infiltrées de cellules.
Observation 86 (résumée).
Cas n» 2. — Sujet à la période secondaire. Affection spinale à forme
de myélite transverse aiguë. Mort en dix mois.
Autopsie. — Myélite dorsale avec épaississement des méninges (pie-
mère et arachnoïde), dégénération secondaire ascendante et descendante.
Altérations vasculaires considérables.
Observation 87 (résumée).
Cas n» 3. — Sujet à la période secondaire. Myélite transverse dorsale
aiguë. Mort en trois mois.
(1) Leyden. Charité Annale/i, 1876, III, p. 260.
(2) Eisenlohr. Virclww's Arehiv, 1878, Bd LXXIII, p. 73.
(3) SCHULTZE. Arehiv fur Psychiatrie, 1878, Bd VIII, p. 222.
— 87 —
Autopsie. — Myélite aiguë dorsale, hypertrophie des cylindres-axes.
Dégénérescence secondaire ascendante et descendante. Les méninges
sont moins intéressées que dans le cas n" 2, mais les vaisseaux sont
tout aussi malades.
Observations 88 et 89 (résumées).
Cas no* 4 et 5. — Huit et douze ans après l'infection.
Ces malades avaient présenté les symptômes d'une méningite spinale
dorsale. Après une légère amélioration suivie d'état stationnaire pen-
dant plusieurs années, ils avaient été pris de paraplégie complète avec
lésions de décubitus et cystite terminée par la mort.
A l'AUTOPSiE, on trouvait un épaississement des méninges, surtout
dans la région dorsale, et un épaississement des parois des vaisseaux.
Westphal (1), étudiant les rapports du tabesaveclasyphilis, insiste
sur les lésions syphilitiques des vaisseaux et delà moelle. L'observa-
tion de Greiff (2) que nous résumerons (obs. 117) apporte de
nouvelles connaissances. Cet auteur indique l'extension considérable
des lésions aux vaisseaux de la moelle et la participation importante
des veines.
Dans les artères, il constate une endartérite telle que l'a décrite
Heubner, mais aussi des modifications importantes de la tunique
externe ; il se rallie à l'opinion de B au m g art en, tout en reconnaissant
que l'endartérite est indépendante jusqu'à un certain point, car une
fois provoquée elle peut s'étendre sur des parties du vaisseau dans
lesquelles il n'existe pas de modifications des couches externes.
Pour les lésions veineuses, elles étaient très prononcées, et Greiff
semble être le premier auteur qui ait insisté sur une altération qu'on
a reconnue depuis comme étant pour ainsi dire constante et même
prépondérante.
L'infiltration, dès le début, intéresse la paroi veineuse tout entière.
L'épaississement progressif de la paroi détermine un rétrécissement
de la lumière qui va jusqu'à l'oblitération complète, souvent précédée
de thrombose.
Dans le cas de Greiff, il existait de plus un épaississement consi-
dérable et une infiltration de la pie-mère, particulièrement au niveau
(1) 'Westphal. Arch.f. PsycTi., 1881, Bd XI, p. 230.
(2) Greiff. Arch. f. Psych., 1882, Bd XII.
— 88 —
de la région cervicale. L'auteur cherche quels sont les rapports qui
unissent l'infiltration des méninges et les altérations vasculaires, et
se demande si elles ne sont pas dépendantes l'une de l'autre. Baum-
garten s'était déjà posé cette question.
Greiff remarque que l'infdtration de la pie-mère est toujours heau-
coup plus développée au pourtour des vaisseaux. L'infiltration qui
débute par la tunique adventice agit sur la nutrition de toute la paroi
du vaisseau et détermine des modifications de l'endartère, en même
temps qu'elle se propage dans les régions voisines de la pie-mère.
Aussi peut-on dans ces cas reconnaître une communauté d'origine à
la méningite et à l'affection du vaisseau.
Cependant, en d'autres points, il n'existait pas un pareil rapport
entre les lésions de la méninge et celles des vaisseaux. Les deux pro-
cessus, provoqués par la même influence et souvent confondus, pré-
sentent donc aussi une certaine indépendance.
Dans l'observation de Rumpf (1) (v. obs. 118), avec un foyer
d'altération transverse dans la région dorsale de la moelle, il n'exis-
tait que des lésions fort peu marquées des méninges, mais des alté-
rations vasculaires remarquables.
La lumière des vaisseaux était très rétrécie et souvent absente, et
les parois vasculaires, très altérées, étaient composées d'un tissu
fibrillaire semé de noyaux, sans qu'il fût possible le plus souvent de
distinguer les différentes tuniques.
Sur des vaisseaux moins malades, on constatait des lésions d'endar-
térite ; quant aux veines, elles présentaient les modifications décrites
par Greiff.
La couche externe des vaisseaux était toujours entourée d'une
gaine compacte de noyaux qui se propageaient dans le tissu envi-
ronnant.
Dans une observation très complexe de syphilis cérébro-spinale
rapportée par Knapp (2), il est également fait mention de lésions
vasculaires dans la moelle. Les artères offraient presque toujours un
épaississement hyalin de la membrane interne avec rétrécissement de
la lumière et les veines étaient entourées et souvent comblées par
l'infiltration embryonnaire.
(1) KUMPF. Arch. f. Psych., 1885, Bd XVI.
(2) Knapp. Neurol. Centralhl., 1885.
— 89 —
Les mêmes altérations vasculaires sont signalées dans plusieurs
observations à côté de lésions plus ou moins étendues des méninges :
infdtration diffuse ou épaississement considérable, sypliilomes des
méninges ou de la moelle ; on pourrait citer comme exemples les cas
de Jûrgens (1), de Oppenbeim (2), de Siemerling (3).
Mais il existe des cas où ces altérations vasculaires sont pour ainsi
dire absolument isolées.
L'observation de Scbmauss (4) que nous rapporterons (obs. 119)
est particulièrement intéressante. Dans ce cas, la destruction des élé-
ments nerveux qui constituaient des foyers disséminés dans la moelle
existait sans lésion du tissu même des méninges. Toute l'inflamma-
tion était localisée dans les parois des vaisseaux, et, remarque impor-
tante, les plus petits vaisseaux étaient intéressés. L'altération des
vaisseaux était même primitive, car la pie-mère était saine, même dans
les points où les lésions vasculaires étaient le plus prononcées. L'as-
pect des vaisseaux était d'ailleurs très variable, mais un fait cons-
tant, c'était l'infiltration des gaines lympbatiques périvasculaires et
de la tunique adventice. La tunique moyenne semblait cependant par-
fois le point de concentration de l'infiltration. L'endartère était aussi
souvent très développé et tantôt présentait les apparences d'une infil-
tration cellulaire, tantôt formait un épaississement hyalin. L'endar-
térite était souvent prédominante et, sur certaines coupes, existait
sans lésions des couches externes.
Néanmoins Schmauss la regarde comme secondaire, bien que
possédant une certaine indépendance. Quand elle se montre isolée,
c'est qu'une fois provoquée par l'altération de la tunique externe, elle
s'est étendue au loin, ou bien que l'affection des couches externes a
rétrogradé.
Ce qui caractérise l'affection des parois artérielles, c'est la parlici-
pation de toutes les couches {panartérile). L'auteur constate que,
dans la syphilis médullaire, les lésions vasculaires, qui existent d'ail-
leurs dans les cas de sypliilomes de la moelle, peuvent se montrer
isolées, tout en reconnaissant le même processus, et constituer une
forme d'artérite syphilitique diffuse.
(1) JuRGENS. Charité Annaleii, 1885.
(2) Oppenheim. Berliner Idin. Wochenschr., 1888.
(3) Siemerling. Archiv.f. PgycU., 1889. BdXX.
(4) Schmauss. Beutsches Archiv.fûr Idinisohe Mcdiein. Bd XLIV, p. 244.
— 90 —
Il faut rapprocher de l'observation de Schmauss le cas rapporté
par Môller (1) (v. obs. 120).
Chez un homme syphilitique depuis un an et demi environ, survient
une paraplégie brusque qui détermine la mort en cinq semaines. On
trouva dans la moelle un foyer de ramollissement dans la région dor-
sale moyenne. Or les lésions des méninges étaient excessivement
discrètes et limitées aux régions voisines des vaisseaux sur lesquels
se concentrait l'inflammation.
Les lésions vasculaires, répandues sur toute la hauteur de l'axe
S]nnal, dans l'épaisseur de la pie-mère comme dans la moelle, étaient
particulièrement développées à la hauteur du foyer d'altération
médullaire.
Les artères et les veines étaient également intéressées, mais dans
ce cas, les lésions des artères étaient particulièrement prononcées
dans la tunique interne, dont l'épaississement hyalin était souvent
poussé jusqu'à l'oblitération complète de la lumière. Les couches
externes sont moins atteintes et plus tardivement. L'auteur insiste
particulièrement sur la dégénérescence liyaline des parois artérielles
ou veineuses, processus qui peut aller jusqu'à la transformation du
vaisseau en un cordon plein et hyalin, et sur les néoformations des
capillaires dans les parois épaissies.
Les deux cas de Schmauss et de Môller constituent des formes
anatomiques remarquables par la localisation exclusive du processus
inflammatoire sur les vaisseaux. D'autre part, le tableau clinique a
été dans les deux cas d'une netteté remarquable : après quelques phé-
nomènes prémonitoires, la paraplégie survient brusquement et déter-
mine la mort après une courte durée de l'affection. Il est impossible
de ne pas établir un rapprochement entre un tableau clinique aussi
caractéristique et le ramollissement cérébral par artérite syphilitique.
Mais nous avons vu que dans des formes moins pures, tant au point
de vue clinique qu'anatomique, des lésions vasculaires avaient été
signalées : elles devaient certainement jouer un rôle important dans
la production des lésions du parenchyme nerveux elles manifestations
cliniques.
Dans trois observations très complexes dues à Siemerling (2) et
(1) MOELLEB. Arch.f. Demi., und XIII, 1891.
(2) SiEMEELING. Arch.f. Psyoh., 1891. Bel XXII.
- 91 —
que nous résumerons (obs. 121, 122, 123), les lésions sont multiples.
A côté de l'infiltration et de l'épaississement des méninges, de l'enva-
hissement plus ou moins étendu du parenchyme nerveux par cette
infiltration qui, dans les trois cas, revêt la forme de foyers circonscrits,
on trouve des lésions destructives du tissu nerveux accompag-nées de
ramollissement ou de sclérose. L'auteur a également noté de petits
foyers hémorrhagiques qui sont attribuables aux troubles circulatoires
résultant des altérations vasculaires considérables constatées dans les
trois cas.
Siemerling observe que les veines sont beaucoup plus atteintes
que les artères, dont les grosses branches au moins sont relativement
saines ; mais il fait cette remarque importante que, dans les petits
vaisseaux dont la nature artérielle ou veineuse reste indécise, les
lésions sont très accentuées.
On pourrait encore citer trois observations dues à Goldflam (1),
dans lesquelles les lésions vasculaires étaient très prononcées
(obs. 124, 125, 126).
Dans sept cas inédits dont nous donnons plus loin l'étude micros-
copique, les lésions vasculaires étaient absolument prédominantes
et c'est à elles que nous croyons devoir rapporter les altérations
principales du tissu nerveux et les symptômes capitaux du tableau
clinique.
En somme, les altérations vasculaires ont été signalées dans toutes
les formes de myélopathie syphilititjue.
Dans les cas où les lésions méningées étaient très marquées et for-
maient des épaississements considérables (B u 1 1 e r s a c k, 0 p p e n h e i m ,
Jurgens, Siemerling, Greiff).
Dans ceux où l'infiltration méningée, bien que diffuse et très éten-
due, était seulement appréciable au microscope (Leyden, Julliard,
Gilbert et Lion, Schultze, Oppeuheim, Rumpf, Sachs,
Hoppe, Lamy).
Dans les cas de gommes des méninges ou de la moelle (Savard,
Baumgarten, Siemerling).
Enfin dans de nombreuses autopsies où les méninges étaient saines
alors que les altérations de la moelle étaient considérables (Strùm-
(1) Goldflam. Wiener Klinilt, févr., mars 189.3.
— 92 —
pell, Savard, D ejer ine, B r eteau, Walker, Schmauss, Mol-
le r).
Les altérations vasculaires dans la syphilis médullaire sont des
plus précoces, elles s'accompagnent généralement d'une inflammation
diffuse du tissu même de la pie-mère, mais peuvent, dans certains cas,
constituer à elles seules les lésions primitives.
Quoi qu'il en soit, les modifications de la membrane nourricière de
la moelle sont les premières en date, et c'est d'elles que relèvent les
modifications du parenchyme médullaire.
Nous avons vu, dans les observations précédemment relatées, que
le ramollissement de la substance médullaire était une des formes
anatomiques les plus fréquentes de l'altération du tissu médullaire
et qu'il était constant dans les formes à évolution rapide. Nous attri-
buons cet état aux troubles circulatoires qui résultent des lésions
vasculaires.
Il est important de rechercher quel peut être le mécanisme du ra-
mollissement ischémique de la moelle, quelle est l'évolution ultérieure
de cette altération et si les symptômes cliniques qui y répondent
sont de nature à éclairer le tableau symptomatique de la paraplégie
syphilitique.
I 4. — li'iscliémic de la moelle et le ramollissement médullaire.
L'histoire des lésions consécutives aux troubles circulatoires de la
moelle est restée assez obscure; cependant l'étude expérimentale est
venue jeter un certain jour sur cette question.
Les physiologistes ont tenté, par plusieurs procédés, de déterminer
un arrêt plus ou moins prolongé de la circulation dans des territoires
d'étendue variable de la moelle. Mais ici les difficultés sont beaucoup
plus grandes que pour le cerveau, et les métliodes employées, forcé-
ment assez grossières, ont fourni des résultats naturellement
variables. Nous verrons qu'ils sont toutefois suffisamment concluants
dans leur ensemble.
Les deux méthodes employées furent, soit la ligature de l'aorte
abdominale produisant l'anémie d'un segment étendu de la moelle,
soit l'injection par l'artère crurale de poudres inertes dans la direc-
tion du cœur. Ces particules, lancées dans les artères collatérales de
— 93 —
l'aorte, aboutissent aux terminaisons spinales de ces artères et pro-
duisent autant d'embolies.
La première de ces expériences fut tentée d'abord par Nicolas
Stenon (1) (1067) qui. liant l'aorte abdominale chez des poissons,
observa à la suite la cessation des mouvements volontaires dans la
moitié postérieure du corps.
Cette expérience a été depuis répétée bien des fois, notamment par
M. Brown-Séquard (2), Stannius (3) qui attribuèrent la para-
lysie produite à l'arrêt de la circulation dans les parties périphériques
du train postérieur de l'animal, puis par Dubois-Rey mond (4).
S chiff er (5), qui reprit l'expérience, conclut que la paralysie est due
à l'anémie de la portion terminale de la moelle où la circulation est
interrompue par la ligature au-dessus des origines des artères inter-
costales et lombaires.
Weill (6) a confirmé les conclusions de Schiffer, il a signalé au
niveau des régions inférieures de la moelle des modifications dans
la coloration du tissu nerveux, des stases sanguines et du ramol-
lissement.
Afin de rendre l'anémie de la moelle plus complète en supprimant
les voies de suppléance, Kussmaul et Tenner (7) ont lié au préa-
lable les artères vertébrales. Dans ce cas, la paralysie se produisait
en une minute et aboutissait à la mort par arrêt de la respiration.
Ehrlich et Brieger (8), liant l'aorte pendant une heure chez un
lapin, trouvèrent un ramollissement de la substance grise.
(1) Nicolas StÉNON. Elcmcntonint nujulogiœ spécimen. Florentise, 16G7, p. 87.
D'après Haller, Elementa, plujHldutjkc, 1766, t. IV, lib. XI, motus atûmnlin, p. 544,
l'expérieuce « quod vulgo Steuonio tribuitur » a été d'abord pratiquée par SWAM-
MERDAM, Tractatus pliTjsico-medicus de rexpinittone, Th. de doct., Leyde^
1667, p. 62.
(2) Beown-SÉQUAED. Coiiqjtes rendus de l'Acad. des se, 1851, t. XXXII,
p. 855.
(3) Stannius. Untersuchungen ûber Leistuugsfahigkeit der Muskeln und Tod-
tenstarre. Vierordt's Archic.fûr physlolog. Hcilk., Jahrg. XI, p. 1-28; 1853.
(4) Dubois-Reymond. Abilnderung des Stenson'schen Versuches fur Vorlesungen.
Arch.f. Anat. vnd Phys., 1860, p. 639.
(5) Schiffer. Ueber die Bedeutung des Steuson'scheu Versuches. Ceutmlblatt
fur die meà. Wissenschaften, n""^ 37, 38 ; 186'.i.
(6) Weill. Thèse de Strasbourg, 1873.
(7) Kussmaul et Tenner. Ueber den Ursprung der fallsuchtartigen Zuckun-
gen, etc. Moleschott' s Untersuchungen zur Naturlehre, 1857^ Bd III, p. 59.
(8) Eelich et Brieger. Ueber die Auschaltung des Lendenmarkgrau. Zeitschr.
f. Min. Medioin, Bd VII, p. 155, svpplemenheft, 1884.
- 94 —
L'autre procédé a été mis en usage par Panum (1) qui répéta
plusieurs fois l'expérience suivante : il introduisait chez des chiens
une mince sonde en gomme dans l'artère crurale, en la dirigeant vers
le cœur, jusqu'au niveau du bord inférieur de la dernière côte et
injectait dans le sang une émulsion de petites boulettes de cire noire.
Le résultat était une paralysie presque immédiate de la sensibilité
et du mouvement dans les membres postérieurs, avec perte de l'exci-
tabilité réflexe.
Les boulettes de cire noire furent retrouvées dans les vaisseaux
médullaires élargis et souvent entourés d'extravasats sanguins ; il y
avait de plus, dans les parties atteintes de la moelle, un ramollissement
rouge, d'autant plus marqué que la survie de l'animal avait été plus
prolongée.
Cohn (2), avec la même expérience, observa les mêmes résultats
fonctionnels durant la vie de l'animal, mais ne retrouva pas à l'autopsie
les mêmes lésions.
En France, Flourens, Yulpian (3) injectèrent par le même pro-
cédé, dans les vaisseaux spinaux de chiens, de la poudre de lycopode
ou des grains de tabac en suspension dans une vingtaine de centi-
mètres cubes d'eau. Vulpian constata l'oblitération des artères spi-
nales avec ramollissement rouge hémorrhagique de la substance grise
de la moelle dans les parties correspondantes. Le ramollissement
survient très rapidement, dès la vingtième ou la trentième heure.
P. Bert s'appuyait sur ces faits pour expliquer la paraplégie et la
mort qui surviennent chez les animaux soumis à une dépression
atmosphérique brusque. Dans ces conditions, les gaz dissous dans le
sang sous l'influence de la pression plus forte antérieure sont mis en
liberté, et forment de nombreuses embolies dans les petits vaisseaux,
en particulier dans les capillaires des centres nerveux.
Les résultats obtenus par les expérimentateurs présentent quelques
(1) Panum. Ueber den Tod durch Embolie, Gûnzhurg's Zeitsohrift, 185(5. Bd
VII, p. 401.
— Experimentelle Beitrâge zur Lehre von der Embolie. Virchow' s Archiv. Bd
XXV, 1862, p. 303-339 et 433-561.
— Experimentelle Tinter suckmig en zv/r Physiol. und Path. der EmMie, transfu-
sion und Blutmenge. Berlin, 1864.
(2) CoHN. Xlinik der emlolischen Oefâsshranhheiten, p. 407-410, Berlin, 1860.
(3) Vtjlpiân. Durée de la persistance des propriétés des muscles, des nerfs et de
la moelle, etc. Gaz. hehdom., 1861, p. 365-411
— 95 —
diiïérences, ce qui se conçoit, étant donné le peu de précision de la
méthode employée. Cependant deux faits principaux résultent de ces
expériences, ce sont: au point de vue fonctionnel, la production d'une
paraplégie, et au point de vue anatomique, le ramollissement de la
moelle.
Les autres symptômes observés sont: l'anestliésie des parties
atteintes, la paralysie des sphincters. Des troubles trophiques graves
sont aussi fatalement la conséquence d'un ramollissement iscliémique
étendu.
Quelques auteurs ont observé chez les animaux en expérience, au
moment de la ligature, des convulsions accompagnées de violents cris
de douleur; Yulpian attribuait ces phénomènes à une période pen-
dant laquelle la circvilation était insuffisante, avant de cesser complè-
tement, remarquant que cette phase d'agitation et de symptômes
douloureux précède la paralysie. Mayer (1), au contraire, les consi-
dère comme résultant de l'arrêt brusque et complet de la circulation.
C'est en effet lorsqu'il avait pris soin de supprimer au préalable les
voies de suppléance, par la ligature des vertébrales ou des carotides,
qu'il observait cette phase de convulsion à la suite de l'occlusion de
l'aorte.
Quoiqu'il en soit, nous retiendrons ce fait importani que des (roubles
circulatoires de la moelle sont capables de provoquer des sensations
subjectives très vives.
Les altérations médullaires déterminées par l'anéniie vasculaire
ont été récemment étudiées par Spronck (2) (d'Utrecht), qui a repris
l'expérience de Sténon avec le procédé opératoire de Dubois-
Raymond. Chez des lapins, il passait un fil au-devant de l'aorte au
moyen d'une aiguille courbe qu'il faisait pénétrer à travers la région
lombaire, sur le côté de la quatrième vertèbre lombaire. Le fil ressor-
tait par le point symétrique du côté opposé. Il était alors possible,
en faisant une ligature, de serrer l'aorte contre la colonne vertébrale
pour interrompre le cours du sang, et de laisser reprendre la circu-
lation en dénouant la ligature.
(1) Mayee (Sigmund). Zur Lehre von der Anâmie des Rûckenmarks. Zeitschr. f.
He/âh., 1883, Bd IV, p. 26.
(2) Spronck (d'Utrecht). Contribution :i l'étude expérimentale des lésions de la
moelle épinière déterminées par l'anémie passagère de cet organe. Archives de
physiologie, janvier 1888.
— 96 —
Spronck, en faisant varier la durée de l'occlusion de l'aorte, a
cherché à déterminer le temps nécessaire pour produire dans la
moelle une lésion anatomique et une paralysie persistantes. Les
résultats ont été assez variables : c'est ainsi que, dans un certain
nombre de cas, une interruption de dix minutes de durée a suffi
pour produire une paralysie persistante, tandis que dans d'autres cas
les symptômes ne duraient pas, même après une ligature d'une demi-
heure.
Quoiqu'il en soit, après une heure d'interruption de la circulation,
les lésions anatomiques sont constituées, le parenchyme nerveux est
frappé de mort et les symptômes paralytiques persistent.
Notons rapidement les symptômes fonctionnels et les lésions ana-
tomiques qui résultent de l'anémie aiguë de la moelle. Quelques
secondes après la ligature, le train postérieur de l'animal devient
insensible, puis perd ses mouvements. Il survient ensuite des convul-
sions cloniques, la paralysie se complète et intéresse les spliinc-
ters du rectum et delà vessie.
Si une heure après on lâche la ligature, la circulation se rétablit,
mais les symptômes persistent.
Pendantla première semaine, la paraplégie est flasque, les mem-
bres sont souples et flexibles, mais au bout d'une dizaine de jours,
la contracture se manifeste ; il y a d'abord une flexion légère des
membres, puis les muscles se raidissent progressivement et les
membres sont fixés en flexion. Dans la suite, il survient rapidement de
l'amaigrissement avec atrophie musculaire des régions paralys^ées
(membres postérieurs, régions dorsale postérieure et lombaire), des
troubles trophiques des poils et de la peau, enfin des escarres. Ces
accidents graves du décubitus sont assez difficiles à éviter, cependant
onparvient àenpréserver les animaux pendantassezlongtempspar des
soins minutieux. Ehrlich et Brieger ont pu ainsi garder un lapin
vivant pendant six semaines et Spronc k en a conservé un trente-
deux jours.
Le résultat de l'anémie de la moelle est la nécrose des éléments
nerveux et le ramollissement du parenchyme. Toutefois les lésions
matérielles ne se manifestant pas immédiatement, et bien que les élé-
ments soient frappés de mort, ils ne présentent de modifications appré-
ciables que dans le courant du deuxième jour.
C'est la substance grisequi est altérée la première : au bout de deux
jours, les cellules nerveuses se chargent de granulations qui peuvent
être assez abondantes pour masquer le noyau; les prolongements
protoplasmiques de second ordre disparaissent. Le prolongement de
Deiters persiste plus longtemps, cependant le troisième jour il est
séparé du corps cellulaire, variqueux et fragmenté.
Dans les jours suivants, la cellule, complètement informe, est rem-
placée par un amas de granulations graisseuses. Chez le lapin qui
avait survécu trente-deux jours, les cellules nerveuses avaient disparu
dans la région ramollie.
Les fibrilles nerveuses de la substance grise deviennent variqueuses
dès le troisième jour, les cylindres-axes hypertrophiés sont monili-
formes et granuleux, la gaine de myéline distendue se fragmente.
Les détritus de ces éléments s'entassent ensuite irrégulièrement
dans les mailles de la névroglie.
Au bout de six jours, tous les éléments nerveux de la corne anté-
rieure sont réduits en granulations. Beaucoup de ces granulations,
d'origine myélinique (granulations érythrophiles), se colorent par la
méthode de Weigert, elles sont absorbées par de petites cellules
granuleuses qui constituent les corps granuleux.
Les tubes nerveux de la substance blanche sont également altérés,
mais un peu plus tardivement. Pour Ehrlichet Brieger, ils ne
sont atteints que dans le cours de la deuxième semaine; mais
Sproncka constaté au bout de deux jours des altérations manifestes.
Dans beaucoup de tubes, le cylindre-axe se gonfle, il se colore en rose
clair par le carmin; la gaine de myéline amincie est dilatée ; les tubes
vus en coupe longitudinale sont moniliformes. Puis les gaines se
fragmentent ainsi quelescylindres-axes, les granulations érythrophiles
sont mises en liberté, et tous ces détritus forment une matière granu-
leuse qui remplit les mailles de la névroglie.
Le tissu interstitiel, de son côté, subit d'importantes modifications.
Les vaisseaux capillaires, artérioles et veinules, présentent des dilata-
tions, on constate également de petites hémorrhagies capillaires assez
- rares.
Dès les premiers jours, on trouve une augmentation dans le nom-
bre des éléments cellulaires ; les noyaux de la névroglie sont tuméfiés,
globuleux, entourés d'un protoplasma grenu devenu plus abondant,
S. 7
- 98 —
puis ils se multiplient. Cette hyperplasie est surtout manifeste le
quatrième jour, et se traduit par de nombreuses figures caryokiné-
tiques, surtout dans les parties centrales de la substance grise.
Il existe également des cellules lymphoïdes, qui se chargent de
granulations graisseuses et absorbent les granulations éry throphiles.
Les corps granuleux s'amassent souvent dans les gaines lympatiques
périvasculaires.
Au bout d'un certain temps, le parenchyme est constitué par une
substance réticulaire chargée de nombreux noyaux ; dans les mailles
de ce tissu, se trouvent les débris des éléments nerveux qui forment
une matière granuleuse.
En somme, ces lésions passent par plusieurs phases. A la suite de
la nécrose anémique des éléments, il se produit un ramollissement
du tissu et Spronck a constaté que la moelle était ramollie le qua-
trième jour. Puis survient une phase de réaction du tissu interstitiel
qui prolifère et tend à prendre la place des éléments détruits; le tissu
de cicatrice se forme et la moelle reprend une consistance plus ferme,
ainsi que l'a noté Spronck, vers le douzième ou le quinzième jour.
Dans les expériences de Ehrlich et Brieger, de Spronck,
c'était surtout la substance grise des régions anémiées qui subissait
la fonte nécrobiotique, les cordons blancs n'étaient atteints que dans
une faible étendue. Les auteurs ont considéré la dégénération des
tubes nerveux de la substance blanche comme secondaire à la destruc-
tion de la substance grise, s'appuyant sur ce fait que le système
radiculaire postérieur, dont le centre trophique est extramédullaire,
était généralement respecté, tandis que les racines antérieures dégé-
néraient.
Dans ces cas particuliers, où l'anémie n'était que passagère, il est
possible que les tubes qui ont leur centre trophique dans les ganglions
rachidiens offrent plus de résistance que les tubes d'origine médul-
laire, mais il est fort probable que des tubes nerveux traversant des
régions dont l'anémie serait persistante subiraient également les
effets de cet arrêt prolongé de la circulation.
11 est donc facile de déterminer le ramollissement médullaire isché-
mique et d'en étudier l'évolution; mais les faits analogues dans la
pathologie humaine sont excessivement rares. On connaît cependant
un certain nombre d'observations de paralysie des membres inférieurs
à la suite d'oblitération de l'aorte.
— 99 —
Les cas les plus célèbres sont ceux de :
ScHLEsiNGER. Câsper's Wochenschinft, 1836.
RoMBEUG. Lehrbuch der Nervenkrankheiten, 1844, p. 722-730.
GuLL. Paraplegia from oblitération of the abdominal aorta. Guy's
hospit. Reports, 1851.
MuRCHisoN. Transact of the pathol. Society of London, 1863.
0. Hjelt. Cité par Leyden. Maladies de la moelle épinière, trad.
franc, 1879, p. 379, note.
PsiLANDER (d'Upsal). Caustatt's JahresbeHcht, 1869, Bd II, p. 81.
Tutscheck. Ein Fall von vollstândiger Verstopfung der aorta, etc.,
Mùnchen, 1873. Mrtzt. Intelligenzblatt.
Barnes. Amer. Journ. of med. Soc, janvier 1873.
Leyden. Anémie et ischémie de la moelle. Traité des maladies de
la moelle, 1879, p. 378.
Barth. Oblitération complète de l'aorte. Archives gén. de médecine,
1885, 2^ série, t. III.
Mais dans ces cas, il est assez difficile de faire la part des symptômes
qui pouvaient avoir une origine spinale; il semble même que, dans la
plupart des cas, il s'agissait de paralysies et de gangrènes causées
par l'arrêt de la circulation dans les membres inférieurs, d'origine
périphérique, par conséquent.
L'embolie pathologique de la moelle est aussi un phénomène
extrêmement rare, ce qui se conçoit en raison de l'exiguïté des vais-
seaux spinaux et de leur insertion à angle droit sur l'axe des branches
d'origine.
En 1860, Cohn (1) déclare n'en connaître aucune observation. On
cite aujourd'hui celle de Tuckwell (2) : chez un garçon de 14 ans,
atteint d'affection cardiaque, qui succomba à la suite d'une violente
chorée avec délire maniaque, on trouva, à l'autopsie, dans le cerveau,
deux foyers récents de ramollissement, avec un bouchon embolique
dans l'artère cérébrale postérieure.
Dans la moelle, il existait, au niveau des régions cervicale inférieure
et dorsale, un ramollissement central qui intéressait les cordons pos-
térieurs dans leur partie antérieure. Au centre du foyer de ramoUis-
(1) Cohn. Loc. cit., p. 410.
(2) Tuckwell. Some remarks on maniacal chorea and its probable connexion
■with embolism, illustrated by a case. British anâforeiga mcd. iîeview, octobre 1867.
— 100 —
sèment, existait une petite artère oblitérée. Dans le cœur, les valvules
mitrale et tricuspide étaient revêtues de végétations.
Leyden (1) rapporte aussi deux observations d'embolies capillaires
de la moelle chez des sujets morts d'endocardite ulcéreuse.
Les lésions qui atteignent les parois des vaisseaux et déterminent
le rétrécissement de leur calibre ou leur oblitération, sont vraisem-
blablement aussi capables d'entraver la circulation et de donner lieu
à des lésions nécrobiotiques ; néanmoins, cette conception n'a guère
été développée par les auteurs, et c'est seulement dans ces dernières
années qu'elle a été mise en lumière.
11 semble qu'un tel processus eût dû déjà être décrit depuis long-
temps, mais il s'est produit pour la pathologie de la moelle le même
fait que pour l'histoire du ramollissement cérébral. Avant que l'idée
du ramollissement ischémique du cerveau ait été acceptée, toutes les
lésions étaient regardées comme le résultat d'une inflammation. Aussi
bien est-il certain que bon nombre de ramollissements de la moelle
décrits comme étant de nature inflammatoire n'étaient vraisemblable-
ment que des ramollissements d'origine ischémique.
Cette dernière opinion a été soutenue récemment, ainsi que nous le
verrons. Cependant déjà en 1839, Calmeil(2) pensait qu'une cause
autre que l'inflammation était aussi capable de produire le ramollis-
sement du tissu nerveux : « Là substance nerveuse spinale, écrit-il,
comme la substance nerveuse encéphalique, peut subir dilTérents
degrés de ramollissement, que cette perte de consistance soit la
conséquence d'une fluxion inflammatoire ou le résultat d'un travail
morbide spécial dont la nature nous est inconnue. » (Loc. ci^.,p. 112.)
Plus tard, les auteurs cherchent, dans les traités classiques, à séparer
le ramollissement inflammatoire du ramollissement anémique. Ce
dernier état est généralement décrit sous le nom de ramollissement
blanc. C'est le terme adopté par Bertin (3) dans son article du Dic-
tionnaire encyclopédique. Cet auteur reconnaît toutefoisque la teinte
rosée ou rouge n'est nullement un indice certain de l'inflammation et
que les travaux de Panum, Cohn, Feltz, Prévost et Cotard ont
(1) Leyden. Loe. cit., p. 381.
(2) Calmeil. Dict. en 30 vol., 1839, t. XX^ article : maladies de la moelle^
p. 33.
(3) Beetin (Émile). Bict. encyclop. des sciences méd., 1874, 2« série, t. VIII, art. :
Moelle^ Anémie, Ischémie, Kamollissemept.
— 101 —
enlevé définitivement à cette altération toute signification favorable à
une genèse phlegmasique.
Les lésions histologiques décrites parBertin sont la reproduction
de celles qui ont été constatées dans les cas de ramollissement isché-
mique de la moelle d'origine expérimentale : hypertrophie des cylin-
dres axes et aspect moniliforme des tubes nerveux, fragmentation de
la gaine de myéline qui se résout en une véritable poussière de gra-
nulations graisseuses, apparition de nombreux corps granuleux, etc.
Tout ces débris de parenchyme nerveux baignent dans un liquide
homogène ou finement granuleux.
Tout en admettant l'existence certaine du ramollissement médul-
laire iscliémique, l'auteur reconnaît que les bases cliniques manquent,
mais il s'empressed'ajouter que c'est précisément faute de recherches
dans ce sens, et il ajoute que : « L'exclusion de la nécrose médullaire
représente un dernier reste du scepticisme qui a longtemps repoussé
la nécrose du cerveau. »
Il était assez naturel d'établir un rapprochement entre les lésions
nécrobiotiques du cerveau résultant des altérations séniles des artères
et les modifications analogues de la moelle. Cette comparaison a été
faite par A'ulpian (1) et par Ley den (2) (|ui en a cité plusieurs
exemples ; Vulpian ajoute : « Il est possible que les lésions athéro-
mateuses des artères et les thromboses intra-artérielles qui peuvent
en être la conséquence déterminent des attaques d'ischémie plus ou
moins passagères de la moelle, caractérisées par l'affaiblissement des
parties en rapport avec la région de la moelle où siège l'ischémie et
avec les régions situées au-dessous, attaques plus ou moins analogues
à celles qui se produisent assez fréquemment dans l'encéphale. »
11 est juste d'ajouter que les attaques de paraplégie spinale impu-
tables à l'athérome sont beaucoup plus rares que les paralysies résul-
tant de l'athérome cérébral. Cette différence tient au régime
circulatoire de la moelle, qui ne ressemble pas à celui du cerveau. En
raison de nombreuses anastomoses des vaisseaux sanguins médullaires .
l'anémie des différentes régions de la moelle ne peut se produire que
dans les cas de lésions vasculaires très étendues, pour ainsi dire con-
fiuentes, et portant sur les plus fins vaisseaux.
(1) Vulpian. Maladies de la moelle, 1879.
(2) Leyden. 3/aladies de la moelle, 1879.
— 102 —
L'auteur, qui aie plus insisté sur la fréquence de l'origine ischémique
du ramollissement médullaire est Tietzen (1), qui a, pour ainsi dire,
fait le procès de la myélite aiguë.
Etablissant un rapprochement entre le ramollissement cérébral
autrefois décrit sous le nom d'encéphalite aiguë, et le ramollissement
de la moelle qu'on nomme myélite aiguë, il se demande s'il n'y a pas
lieu de leur reconnaître une cause commune.
La nature des lésions anatomiques est très analogue, au moins au
début, et s'il est beaucoup plus difficile de constater pour la moelle
l'altération circulatoire, cause première, cela tient à ce que les rapports
circulatoires de la moelle sont beaucoup moins connus que ceux du
cerveau. En tous cas, la nature phlegmasique du processus n'est pas
mieux démontrée. Dans le ramollissement médullaire qui constitue
l'état que l'on désigne sous le nom de myélite par compression, la
nécrobiose est suflisamment expliquée par l'anémie qui résulte de la
compression extérieure et « le terme de myélite ne saurait être
appliqué à cette espèce de ramollissement, car il s'agit en première
ligne d'un état surtout dégénératif ».
Tietzen rapporte une observation de ramollissement médullaire
dont il fait un examen histologique très détaillé, et qu'il considère
comme de nature ischémique; il attribue au même processus les
cas de :
Mannkopf. Berlin. Klin. WocJienschr., 1864, n" 1.
Gérin Rose. Soc. méd. des hôpit., 26 mars 1875 et Union méd.,
1875, n° 90.
Lauenstein. Deutsches Arch. f. klin. Med., 1877, XV.
EisENLOHu. Vircliow's Arch., 1878, LXXIII, p. 56.
MoELi. Arch. f. P.sych., 1881, p. 757.
Sachse. Inaug. Dissert., Berlin, 1887.
Dans tous ces cas, l'étiologie était inconnue et l'affection à début
brusque était constituée par une paralysie des extrémités inférieures
et des sphincters accompagnée de troubles de la sensibilité. La lésion
anatomique était un foyer de ramoUissememt intéressant un segment
plus ou moins étendu de la moelle.
Dans un cas de Marchand (2), il s'agissait d'une femme de 42 ans
(1) Tietzen. Die acute Ei'meichv/ng des Rûelienmarlis {sogenannte spontané
Mt/elitis acuta transversalis). Inaug. Dissert., Marburg, 1886.
(2) Maechand. In thèse de Tietzen.
— 103 —
frappée brusquement de paraplégie et morte le huitième jour. A
l'autopsie, on trouva un foyer de ramollissement dans l'hémisphère
cérébral droit et une autre foyer, ]img de 5 centim., dans la région
dorsale inférieure de la moelle. Il existait d'ailleurs une endocardite
végétante récente de la valvule mitrale droite. Il était logique de
rapporter à une même cause les deux foyers de ramollissement et
l'auteur les considère comme d'origine embolique.
L'opinion de Tietzen, telle que l'auteur l'a formulée, est certaine-
ment discutable, au moins dans sa généralisation, car, dans la plupart
des observations qu'il cile, on n'a pas signalé de lésions prédominantes
du système circulatoire de la moelle; mais cette critique ne peut
s'appliquer au ramollissement médullaire de la myélopathie syphili-
tique, dans laquelle les altérations vasculaires sont très prononcées. II
est très possible cependant que d'autres maladies infectieuses puissent
être l'origine d'un processus analogue, et c'est l'avis de M. Lance-
reaux (i) : « Il est d'ailleurs démontré aujourd'hui que certaines para-
lysies survenant dans le cours ou à la fin des maladies infectieuses,
comme la fièvre typhoïde, la variole etc., et qui se traduisent ordinai-
rement par le syndrome connu sous le nom de maladie de Landry,
ont pour origine une lésion vasculaire (Klebs), et par conséquent le
virus syphilitique ne serait pas le seul agent infectieux pouvant
modifier les vaisseaux et les oblitérer. »
§ 5. — Du rôle des altérations vasculaires dans la myélopathie
syphilitique.
Malgré l'étendue des lésions vasculaires dans la sypliilis médullaire,
ce n'est que récemment qu'on leur a attribué un rôle important dans
la production des lésions du tissu nerveux.
II était cependant naturel d'établir un rapprochement entre les
lésions médullaires et les lésions cérébrales d'origine syphilitique et
d'utiliser les connaissances que l'on possédait sur la syphilis céré-
brale. « En lisant les travaux qui ont été publiés sur la matière, écrit
Julliard, une chose m'a toujours frappé, c'est que les auteurs
semblent regarder la moelle comme un organe à part, sans analogue
(1) Lanoeeeaux. Semaine médic, 11 avril 1891, p. 149.
dans l'économie. Aussi cette idée préconçue les a-t-elle empêchés de
s'orienter dans leurs recherches en mettant à profit les connaissances
qu'ils avaient acquises sur les altérations spécifiques des autres
organes. » Et l'auteur montre la solidarité du cerveau et de la moelle
qui constituent un même organe. 11 ne pousse cependant pas bien loin
les conséquences de ce rapprochement, car il refuse aux altérations
vasculaires de la moelle tout rôle important dans la production des
lésions du parenchyme nerveux : « Pour qui connaît, dit-il, la richesse
en anastomoses que possèdent les vaisseaux de la moelle, et la facilité
incroyable avec laquelle les suppléances vasculaires s'établissent dans
cet organe, il paraît toujours hasardé de faire intervenir les altéra-
tions vasculaires comme cause directe de la destruction des éléments
nerveux. » C'est là une objection à laquelle nous répondrons plus
loin.
La théorie du ramollissement ischémique de la moelle à la suite
des lésions syphilitiques des vaisseaux s'est peu à peu développée.
Elle est d'abord esquissée timidement par les auteurs. Leyden écrit
dans son traité didactique, à la suite de l'étude de l'ischémie de la
moelle : « Peut-être faudrait-il ajouter ici, et par analogie avec ce qui
a lieu pour le cerveau, quelques cas de ramollissement Syphili-
tique (1). »
Dans les observations de Siemerling, Greiff, Schmauss,
Môller, Goldflam, Kuli, cette opinion est formulée bien plus
nettement, mais c'est M. Lancereaux (2) qui a surtout insisté sur
la réalité de ce processus. L'auteur s'appuie uniquement sur les
phénomènes cliniques, mais ils sont suffisamment concluants ; ils
représentent le tableau suivant que nous connaissons déjà : après
quelques phénomènes spinaux prémonitoires, apparaît une paraplégie
développée brusquement et caractérisée par une paralysie fiasque,
avec participation de la sensibilité et des sphincters et troubles
trophiques. Dans la suite, si le malade ne succombe pas, la sensibi-
lité reparaît peu à peu, la contracture et les autres phénomènes
spasmodiques s'établissent dans les membres inférieurs.
(1) Leyden. Maladies de la moelle épinière, trad. franç., 1879, p. 382, note.
(2) Lancereaux. Sur uae forme de syphilis de la moelle épinière (artérite
médullaire syphilitique) se traduisant par une attaque brusque de paraplégie un an
ou deux ans après l'apparition du chancre. Semaine médicale, 11 avril 1891.
— 105 —
La brusquerie dans Fapparition des symptômes de paralysie est
un phénomène caractéristique du ramollissement médullaire d'origine
ischémique ; on le constate dans les cas où les lésions vasculaires
étaient pour ainsi dire exclusives (cas de Schmauss, INIoller, et l'une
de nos observations, cas nM); dans tous les cas qui constituent la
forme grave de la paraplégie syphilitique; mais il n'est nullement
particulier à ces formes graves et se rencontre également au début
des formes de moyenne ou de faible intensité.
La principale objection que l'on ait faite à la théorie vasculaire du
ramollissement médullaire syphilitique repose sur la distinction que
l'on établit entre le régime circulatoire de la moelle et celui du
cerveau, et sur le grand nombre des anastomoses qui existent dans
le réseau vasculaire de la moelle.
Ces anastomoses sont, en effet, importantes, mais elles n'existent
que pour les vaisseaux d'un certain ordre, elles peuvent même fournir
une explication à un certain nombre de phénomènes comme la
congestion collatérale, les hémorrhagies capillaires qui accompagnent
ordinairement le ramollissement médullaire. Mais, ainsi que nous le
verrons, les petits vaisseaux sont terminaux et leurs lésions, pour
peu qu'elles portent sur un grand nombre de vaisseaux, doivent
retentir naturellement sur la nutrition des parties correspondantes du
parenchyme médullaire.
La circulation de la moelle, moins bien connue que celle du cerveau,
a été cependant dans ces dernières années l'objet de recherches dont
les plus remarquables sont celles de Adamkiewicz (1), Duret,
Ross (2), Kadyi (3).
Sans entrer dans le détail de la distribution des vaisseaux dans la
moelle, on peut décrire, d'après les travaux de Kadyi, les rapports
généraux de la circulation médullaire, de la façon suivante.
La moelle reçoit du sang surtout par les artères des racines anté-
rieures et postérieures, branches des rameaux spinaux des artères
(1) Adamkiewicz, Albert. Die Blutgefiisse des mensclilichen Kiickenmarks.
I, Theil. Die Gefiisse der Riickenmarkssubstanz (mit 6 Tafeln.), Sit:uiigsherichte
der Jcaiserlischen AI/a.denie der Wissenschaftcn, Wieu, nov. 1881. Bd LXXXIV,
Abtheil.III.Heft IV, p. 369-502.— II. Theil. Die Gefasse der Riickenmai-ksoberfliiche
(mit 5 Tafeln), loc. cit., Bd LXXXV, Abtheil. lil, Heft I, p. 101-130, janv. 1882.
(2) Ross. Braiii, 1880, f. 1, 2, 3.
(3) Kadyi. Uehev die Blutfjcfai.sc des meiisrldichen Iliicheniud rks. Lemberg, 1889
- 106 —
vertébrales, intercostales, lombaires et sacrées. Ces branches perfo-
rent la dure-mère en accompagnant les racines et se ramifient à la
surface de la moelle.
Chaque artère se divise en une branche ascendante et une branche
descendante qui s'anastomosent avec les branches correspondantes
des artères situées au-dessus et au-dessous. Ainsi se trouvent con-
stituées des chaînes artérielles longitudinales dont les principales
sont :
Une chaîne antérieure (Tractus arteriosus anterior), située dans le
sillon antérieur et formée par les branches des artères des racines
antérieures.
Deux chaînes postérieures symétriques (Tractus arteriosipostero-
laterales), situées entre les racines postérieures et les cordons laté-
raux correspondants.
Les rameaux qui se détachent de ces chaînes artérielles forment un
riche réseau dons la pie-mère (réseait pie-mérien) qui établit quel-
ques anastomoses entre le système spinal antérieur et les systèmes
spinaux postéro-latéraux.
C'est de ce réseau que partent les artérioles et les capillaires qui
pénètrent dans la substance même de la moelle.
Ces vaisseaux propres de la moelle sont terminaux, car une fois
détachés de la pie-mère, ils n'ont plus entre eux aucune communi-
cation.
La substance grise et la substance blanche constituent deux dépar-
tements vasculaires séparés.
La substance grise est irriguée par les artères centrales qui pro-
viennent de la chaîne artérielle antérieure et s'enfoncent dans la
substance grise antérieure, et il existerait d'après certains auteurs
une nouvelle voie d'anastomose dans la partie centrale de la moelle
au voisinage du canal central. Aux différents étages de la moelle, chacun
des rameaux artériels destinés à la substance grise pénètre dans la
commissure grise au fond du sillon médian antérieur, et, arrivé sur
l'un des côtés du canal central, se divise en une branche ascendante et
une branche descendante qui s'anastomosent avec des vaisseaux
analogues au-dessus et au-dessous. Cette artère (sulco-commissurale)
est impaire dans chaque étage et s'enfonce alternativement tantôt
d'un côté, tantôt de l'autre du canal central.
— 107 —
La substance blanche est irriguée par les artérioles détachées de
toute la périphérie de la moelle, et on peut encore diviser Faire
vasculaire de la substance blanche en deux régions : le cordon anté-
rieur et la partie antérieure du cordon latéral sont tributaires de la
chaîne artérielle antérieure, tandis que le cordon postérieur et la
partie postérieure du cordon latéral comprenant le faisceau pyramidal
sont sous la dépendance des artères postéro-latérales.
La limite entre la substance blanche et la substance grise ne cor-
respond pas exactement à la ligne de séparation des deux départe-
ments vasculaires correspondants.
D'après Kady i, il existe une zone de substance blanclie entourant
la substance grise où les derniers rameaux artériels desdeux systèmes
se confondent. Il en résulte que cette région possède deux sources
d'irrigation qui peuvent se suppléer. Dans les observations qui nous
sont personnelles, nous avons remarqué que le tissu nerveux de cette
zone était toujours le mieux respecté etque quand la coupe tout entière
de la moelle n'était pas envahie par le processus de nécrose, cette
zone persistait seule alors que les parties périphériques de la moelle
et la substance grise étaient très altérées. Le même fait a été noté
par Goldflam.
En résumé, la circulation artérielle de la moelle conqjrend deux
parties :
1° Un système périphérique, constitué par des vaisseaux relali-
vement gros, accolés à la pie-mère plutôt qu'englobés dans celte
membrane, et par un réseau lémané de ces vaisseaux) compris dans
l'épaisseur de la pie-mère. Les gros vaisseaux et les parties du
réseau pie mérien qui leur correspondent forment trois groupes :
un antérieur, médian et impair, le système spinal antérieur, et deux
postéro-latéraux, symétriques, les sijstèmes spinaux postéro-laté-
raux. Ces trois groupes représentent des chaînes longitudinales conti-
nues, mais restent à peu près indépendants l'un de l'autre.
Lorsqu'une lésion peu étendue porte sur un point d'une des cliaîiies
artérielles, elle peut être compensée, à la rigueur, par l'alllux colla-
téral supérieur ou inférieur; mais si l'altération intéresse un long
segment, l'anémie se manifestera inévitablement dans la partie corres-
pondante de la moelle.
2" Un système proprement nourricier du tissu médullaire, repré-
senté par les artérioles émanées du réseau pie-mérien. Ce sont les
— 108 —
altérations de ces petits vaisseaux qui sont les plus importantes, car
ceux-ci sont terminaux. Aussi, dans les cas où l'on constate la nécrose
d'un département médullaire dont l'artère principale (artère spinale
antérieure ou artère spinale postéro-latérale) semble peu altérée et
reste en tout cas suffisante, faut-il examiner l'état des petits vaisseaux
secondaires dans leur trajet intra-pie-mérien ou à leur entrée dans la
moelle. Ceux-ci sont, en effet, dans les myélopathies syphilitiques,
généralement lieaucoup plus altérés que les gros vaisseaux du système
dont ils émanent.
La distribution des artères dans la moelle donne lieu à quelques
considérations importantes. Nous avons déjà trouvé une explication à
l'intégrité ordinaire de la zone de substance blanche contiguë à la
substance grise. Ajoutons que les systèmes vasculaires peuvent être
intéressés isolément dans une certaine mesure, ou, du moins, que
la prédominance des lésions dans l'un d'eux peut donner la clef de
l'apparence de systématisation que prennent souvent les lésions dans
la syphilis médullaire.
Dans le cas de M 6 lier, par exemple, les lésions dégénératives por-
taient principalement sur les cordons postérieurs et sur la partie
postérieure des cordons latéraux. L'auteur fait remarquer que c'étaient
précisément les vaisseaux des systèmes postéro-latéraux qui étaient
le plus altérés. On pourrait également supposer avec Mo lier que les
lésions vasculaires sont prédominantes dans le système radiculaire
antérieur, et l'on aurait l'explication d'un certain nombre de cas de
poliomyélite antérieure, à développement rapide, constatés chez des
sujets syphilitiques.
Les veines de la moelle possèdent en tous points, contrairement
aux artères, des anastomoses étendues et très développées. Les
troncs veineux périphériques ont leurs i^acines dans les profondeurs
de la substance grise. Ils forment à la surface de la pie-mère des
chaînes longitudinales et les plus gros troncs sont situés au voisinage
du sillon médian postérieur et du sillon antérieur. Ce réseau fournit
des branches efférentes qui accompagnent les racines à leur sortie
de l'enveloppe durale.
Dans la syphilis médullaire, les veines sont intéressées comme les
artères et leurs lésions sont même, en général, bien plus accentuées;
les gTos troncs sont toujours beaucoup plus atteints que les vaisseaux
artériels de volume comparable. C'est une particularité qui a été
— 109 —
indiquée par nombre d'auteurs (G re if f, Oppenlieim, Siemerling,
Lamy, etc.), et que nous avons nous-même constatée. Malgré les
larges anastomoses des canaux veineux, les lésions très étendues de
ces vaisseaux, telles (ju'elles existent dans la syphilis médullaire, ne
sont pas sans jouer un rôle important et sans contribuer à la produc-
tion des troubles circulatoires.
Avec les quelques notions sur la circulation de la moelle que nous
venons d'exposer, et la connaissance des lésions vaseulaires de la
syphilis médullaire, on peut interpréter les principaux symptômes
du tableau clinique et les altérations fondamentales de la moelle, dans
la paraplégie syphilitique.
Dans les expériences des physiologistes sur l'anémie de la moelle,
la paraplégie résultant d'une suppression brusque de la circulation
apparaît naturellement d'une façon foudroyante et atteint d'emblée
son maximum d'intensité.
Mais les altérations vaseulaires syphilitiques se produisent lente-
ment et les troubles circulatoires ne se manifestent pas d'une façon
aussi brutale; aussi bien, les phénomènes graves de paraplégie sont-
ils généralement précédés d'un certain nombre de symptômes spinaux
diffus qui constituent la i^ériode prchnonitoire dont la durée est
d'ailleurs excessivement variable.
Le mode d'apparition des phéinimènes paralytiques est différent
suivant les cas, et entre l'attaque de paraplégie apoplectiforme et la
paraplégie qui se développe lentement, insidieusement, il y a tous
les intermédiaires.
La brusquerie dans le début est considérée par la plupart des
auteurs comme l'indice du ramollissement d'origine anémique
(Môller, Lancereaux, Goldflam). Le mécanisme du ramollis-
sement anémique a été exposé par Ileubner pour le cerveau, el par
Môller pour la moelle (voir obs. 120). L'explication de la brusquerie
des accidents, alors que les lésions vaseulaires se développent pro-
gressivement, est la même dans les deux cas. Les altérations vaseu-
laires peuvent atteindre un certain degré de développement en ne
produisant que de légers troubles circulatoires qui peuvent, même
dans la moelle, être compensés suffisamment par une ébauche
d'atïlux collatéral; mais, à un moment donné, pour une cause ou pour
une autre, l'équilibre est rompu et les conséquences des altérations
vaseulaires se manifestent rapidement et même brusquement.
- 110 —
En examinant les cas suivis de vérification anatomique qui ont
débuté d'une façon brusque, on note d'abord que ce phénomène a été
constaté dans les observations de ramollissement de la moelle avec
des lésions vasculaires exclusives ou nettement prédominantes
(Schmauss, Môller, un de nos cas). Il importe de signaler, à
ce propos, deux observations dues à Goldflam (1) (v. obs. 124
et 125).
Les sujets, jeunes, et syphilitiques depuis peu de mois, furent
pris, après quelques phénomènes prémonitoires, d'une paraplégie
intense, développée rapidement, qui détermina la mort en quelques
semaines. Dans ces deux cas, les lésions vasculaires étaient très
accentuées, tandis que l'infiltration des méninges, très discrète, était
limitée au pourtour des vaisseaux. Les lésions de la moelle, très
étendues, furent considérées par l'auteur comme de nature nécrobio-
tique (myelomalacia) et attribuées aux troubles circulatoires.
L'apparition brusque des phénomènes ou leur aggravation rapide
est constante dans les formes graves qui se traduisent à l'autopsie
par le ramollissement de la moelle associé ou non à des modifications
méningées : c'est ce que l'on peut constater à la lecture des observa-
tions que nous avons résumées plus haut. Elle est presque caracté-
ristique des formes graves, car elle indique que le processus porte
sur un grand nombre de vaisseaux et s'est développé rapidement.
Les trois observations suivantes sont des exemples à joindre à ceux
que nous connaissons déjà.
Observation 90 (résumée).
YiNkCHE. Contribution à Vétude des paraplégies syphilitiques. Thèse,
Paris, 1880 (obs. II).
RÉSUMÉ. — Homme, 35 ans. Août 1878 chancre. 28 avril 1879, attaque de
paraplégie. Mort le huitième mois.
P. II..., 35 ans, garçon de salle, de constitution faible. Bonne santé
habituelle, pas d'habitudes alcooliques.
Au mois d'août 1878, chancre induré; trois mois après, éruption généra-
lisée papuleuse.
29 mars 1879. Kérato-conjonctivite, iritis de l'œil gauche. Kl.
28 avril. Le malade éprouve dans la matinée de la faiblesse des jambes,
(1) GOLDFLAJa. WieTier Klinik, fév.-mars 1893, obs. X et XI.
— m —
surtout à droite. La faiblesse augmente rapidement et sans douleur,
sans perte de connaissance ; deux heures après, il lui est impossible de
se tenir debout, on doit le porter à l'hôpital. Incontinence des urines.
Huit ventouses scarifiées sur la n'gion lombaire ; iodure de potassium,
4 gr. ; frictions mercurielles.
2 mai. Paraplégie complète; les pieds sont froids. Sensibilité abolie
sur les deux jambes. Incontinence des urines et des matières fécales.
Le 6. Légère amélioration.
Le 25. Le malade peut soulever ses membres inférieurs. Pas de dou-
leurs en ceinture. La paralysie du rectum et de la vessie persiste.
Réflexe rotulien très net, surtout à droite.
22 juillet. Miction facile et volontaire; pas de constipation; le malade
marche appuyé sur une canne.
2 septembre. Retour de la paraplégie; abolition delà motilité et de la
sensibilité, douleurs en ceinture.
Le 4. Soubresauts légers du tronc. Rétention des urines et des matières
fécales; fièvre légère, anorexie, urines ammoniacales. Quelques jours
après, escarres aux talons.
La mort survint trois mois plus tard.
Observation 91 (résumée).
Baudouin. Thèse de Paris, 1889 (obs. LXXXIII).
RÉSUMÉ. — Homme, 22 ans; 10 mois après le chancre, après quelques
heures de faiblesse dans les jambes, paraplégie absolue. Troubles de
la sensibilité, escarres, mort en un mois environ.
G..., 22 ans. A un chancre syphilitique suivi de plaques muqueuses.
Pas de traitement, le mercure etTiodure n'ayant pas été tolérés.
Dix mois après, sans prodromes, étant très bien, se lève, ayant les
jambes fatiguées. Il vient à Paris, les jambes s'alourdissent. A midi, il
ne peut plus marcher. Revient chez lui et, vers une heure, est absolu-
ment paraplégique. Depuis lors, paraplégie absolue, escarres.
Un mois après le début de la paraplégie, même état de paraplégie
absolue; pas un seul mouvement n'est possible. Sensibilité atteinte
jusqu'au milieu de l'abdomen, depuis le bas du corps.
Réflexes nuls, membres très amaigris, déjetés de côté, pâles, à peau
sèche. N'urine qu'avec l'aide de la son-de. Constipation intense, jamais
de fièvre; escarres énormes aux deux régions trochantériennes. Rien
aux membres supérieurs.
Traitement spécifique depuis un mois, mais irrégulier, insuffisant.
Depuis quelques jours, vomissements, inappétence. Les escarres s'éten-
dent rapidement, le malade s'affaiblit de plus eu plu.'^ et meurt au bout
de quelques jours.
— 112 —
Observation 92.
Lamy. De la méningo-myélile syphilitique. Thèse de Paris, 1893
(obs. XIII).
Rrsumk. — Chancre induré treize mois auparavant. Pas de traitement.
Paraplégie apoplectiforme, accompagnée d'abolition des réflexes
tendineux et de l'excitabilité électrique des muscles aux membres
inférieurs. Anesthésie absolue du membre inférieur droit. Réten-
tion d'urine. Traitement spécifique inefficace. Escarre sacrée. Mort
par septicé)nie un mois après le début de la maladie. Pas d'au-
topsie.
M. X..., 35 ans, professeur, contracte un chancre induré en septem-
bre 1888. Deux mois après, apparaît une roséole très accentuée suivie
de plaques muqueuses à la bouche et au pharynx. Malgré l'avis du
médecin qui l'a vu à la fin de l'évolution du chancre et pendant celle
des accidents secondaires, il ne fait aucun traitement.
Le début des accidents médullaires s'est fait brusquement, treize mois
après l'apparition du chancre, dans les conditions suivantes.
M. X... part de Paris le 30 septembre, à 8 heures du soir, pour se
rendre à la ville qu'il habite. Pendant le voyage, la nuit, il veut uriner
et ne peut pas. Le lendemain la rétention persiste. Dans la nuit, il se
livre au coït.
Le 2 octobre, X... va à pied à son institution et fait sa classe. A
10 heures du matin, il s'affaisse lourdement sans perte de connaissance.
Son médecin, appelé sur le champ, constate une paraplégie motrice
absolue. L'anesthésie est complète dans le membre inférieur droit; la
sensibilité est conservée du côté gauche. Pas de fièvre. La vessie est
distendue; le malade n'a pas uriné depuis trente-six heures. Le cathé-
térisme immédiatement pratiqué amène un litre d'urine chargée en cou-
leur, trouble, fortement ammoniacale. Prescription : un grand bain, dix
ventouses scarifiées sur la région lombaire.
Le 3. A la suite d'un interrogatoire pressant, le malade avoue les
antécédents ci-dessus notés. Les réflexes tendineux et la contractilité
faradique sont entièrement abolis aux membres inférieurs ; l'impotence
motrice est absolue. La rétention d'urine nécessite le cathétérisme qui
est pratiqué deux fois par jour, jusqu'au 14 octobre, oii l'incontinence
succède à la rétention.
Prescription : deux cuillerées de sirop de Gibert par jour, 2 grammes
d'onguent napolitain en frictions matin et soir sous les aisselles.
A partir de ce jour, la maladie évolue sans qu'aucune amélioration
ait jamais été constatée. Le malade succombe le 2 novembre 1888 à des
accidents pyohémiques ayant leur source dans une escarre énorme du
sacrum, dont le début a eu lieu pendant le premier septénaire de la
maladie.
Les progrès de cette gangrène ont été des plus rapides, malgré les
précautions d'antisepsie les plus rigoureuses prises dès le début.
Aucun symptôme cérébral n'a été noté pendant cette maladie. Jusqu'à
la fin, les fonctions intellectuelles ont été intactes. Pas d'autopsie.
Mais la mort n'est pas le terme fatal des formes graves, et les acci-
dents très intenses, survenus très rapidement, peuvent s'amender, la
paraplégie absolue et flasque diminue et fait place à une paraplégie
spasmodique persistant à 1 état chronique. Les faits rapportés par
M. Lancer eaux rentrent dans cette catégorie : on peut encore citer
comme exemples les observations suivantes.
Observation 93 (résumée).
ViALLE. Essai sur les paraplégies syphililiques. Thèse de Paris, 1875.
RÉSUMÉ. — Homme, 36 ans. Il y a deux ans, chancre. Paraplégie
brusque, paralysie vésicale. État actuel : paralysie complète des
jambes, incontinence des urines et des matières fécales, légers
troubles de la sensibilité. Escarre. Amélioration.
François V..., 36 ans, gantier, est entré le 14 juin 1875 dans le service
de M. Richet ; il a eu un chancre accompagné d'engorgement ganglion-
naire indolent il y a deux ans. Ce chancre fut peu après suivi d'une
syphiliJe, dont le malade porte encore les traces. Il prétend n'avoir
jamais eu de plaques muqueuses.
Il y a cinq mois, iritis qui guérit par un traitement spécifique. Deux
mois après, quelques jours seulement avant son entrée à l'hôpital, V...,
après s'être promené toute la journée, ressentit une gêne légère pour
uriner. Le soir, il se mit au lit. Deux heures après, voulant se lever, il
s'aperçut que ses jambes lui refusaient tout service et qu'il lui était
impossible d'exécuter le moindre mouvement avec ses membres infé-
rieurs.
Le lendemain matin, les jambes étaient toujours dans le même état;
la vessie était distendue par l'urine. Cathétérisme nécessaire, vomisse-
ments. Il entre alors à l'hôpital oîi l'on institue uu traitement anti-
syphilitique.
Etat actuel, 25 juillet. On ne trouve rien d'anormal à l'exploration de
la colonne vertébrale.
Au dire du malade, l'amaigrissement des membres inférieurs serait
assez notable. L'impuissance motrice, complète il y a quelques jours
encore, commence à se dissiper, du moins dans la jambe droite, que le
malade peut soulever. Station ilcbout impossible.
La sen'sibilité tactile et douloureuse est normale dans toute la partie
inférieure du corps. La perception du froid est pervertie.
8. 8
— 114 —
Sensation de froid et de fourmillements dans la partie inférieure du
corps, depuis le niveau de la quatrième vertèbre lombaire. Des douleurs
vives, qui, il y a peu de temps, se faisaient sentir à l'e'pigastre, ont main-
tenant complètement disparu. Escarre au sacrum en voie de guérison.
La sensibilité vésicale, nulle auparavant, commence à reparaître.
Impuissance virile complète.
Alternatives de diarrhée et de constipation. Incontinence des matières
fécales. Intelligence intacte.
Observation 94 (résumée).
Baudouin. Thèse de Paris, 1889 (obs. LXXXII).
Résumé. — Homme, 30 ans; six mois après le chancre, phénomènes
prémonitoires, puis rapidement, paralysie brusque, absolue, amé-
lioration; quatre mois après, marche possible; deux ans plus tard,
aggravation, puis amélioration et état slalionnaire, paraplégie spas-
modique avec troubles des sphincters.
M..., 30 ans, boulanger. Chancre, syphilides cutanées, croûtes dans les
cheveux, syphilides buccales el périnéales, alopécie, douleurs de tète;
traitement : protoiodure pendant cinq ou six mois.
Six mois après le chancre, dans le cours d'une santé en apparence
excellente, il a commencé à ressentir un peu de malaise, une courbature
générale. Mais cet état ne s'est pas accompagné do fièvre, et a duré une
dizaine de jours. Pendant ce laps de temps, il lui est arrivé deux fois
de tomber dans la rue en marchant. Au moment de ces chutes, il n'avait
ni étourdissements, ni vertiges et ressentait simplement dans les
membres inférieurs des secousses rapides, des élancements, puis les
jambes semblaient lui faire subitement défaut, se dérober sous son
corps. Au bout de quelques instants, il se relevait sans aide et conti-
nuait sa marche comme si rien d'anormal ne s'était passé.
Malgré cette altération de sa santé, le malade n'en a pas moins conti-
nué à travailler de son métier. Puis une nuit (étant boulanger c'est prin-
cipalement la nuit qu'il travaille), il a ressenti un engourdissement et une
faiblesse insolite dans les membres inférieurs. Quelques minutes
après, ses jambes se refusèrent absolument à le porter, et il tomba
sans pouvoir se relever.
Transporté à l'hôpital, il lui était absolument impossible de faire un
seul pas. et il dut garder le lit pendant trois semaines II n'éprouvait
pas, à proprement parler, de douleurs dans les membres inférieurs,
mais simplement un sentiment de faiblesse. Déplus, il avait pendant la
nuit des fourmillements dans les jambes et il lui semblait qu'elles sau-
taient dans le lit. Il lui était impossible de les soulever et de plier les
genoux. La sensibilité était considérablement diminuée.
— 115 —
Après quatre mois de traitement spécifique, le malade quitta l'hôpital
pouvant marcher avec difficulté.
Un an et demi ou deux ans après, reprise des accidents, et quelques
mois plus tard, le malade offre le tableau de la paraplégie spasmodique.
Marche en traînant les pieds sur le sol, jambes dans l'extension;
amaigrissement des membres inférieurs, mollets fîasques. Contracture
légère, mais réflexes très exagérés et phénomène du pied facile à pro-
duire ; sensibilité conservée dans toutes ses formes.
Légère faiblesse dans les membres supérieurs, céphalalgie.
Sphincters : mélange de rétention et d'incontinence; miction tantôt
très pénible, tantôt involontaire. Constipation habituelle.
Observation 95 (résumée).
SÉNÉCH.\L. Troubles urinaires prémonitoires des myélites syphili-
tiques. Thèse de Lille, 1890 (obs. I).
Homme. En 1882, à 24 ans, chancre induré de la rainure ; décembre
1884 : quelques troubles vésicaux; les mictions sont fréquentes et ne
se font qu'avec difficulté, goutte à goutte.
Mars 1885. Aggravation des phénomènes vésicaux. Paraplégie assez
intense, développée progressivement, puis amélioration très marquée
sous l'influence du traitement. Le malade peut reprendre son travail de
charbonnier. Le 16 avril 1886, il ressentit des douleurs en éclair dans
la jambe droite ; pendant la nuit, grandes difficultés pour uriner, la miction
exige les plus violents efforts. Le lendemain il lui est impossible de se
tenir debout.
A l'hôpital, on constate une paraplégie absolue; les membres infé-
rieurs sont complètement inertes et leur sensibilité est fortement
compromise. Dans la suite, escarres, incontinence des urines, coliques
vésicales. Amaigrissement et douleurs dans les membres inférieurs.
Puis signes d'une paraplégie spasmodique. Epilepsie spinale.
Observation 96 (résumée).
SÉNÉCHAL. Loc. cit. (obs. II).
Femme. A 25 ans, chancre de la grande lèvre (avril 188G). 10 février 1887.
Difficultés pour uriner; le lendemain paralysie du rectum et en même
temps, dans la jambe droite, sensation de courants froids et de parésie.
Trois jours après, à l'entrée à l'hôpital, on constatait une paralysie
absolue du membre inférieur droit avec anesthésie à la piqûre et sen-
sations subjectives de courants froids. Parésie de la jambe gauche.
Réflexes conservés. Parésie de la vessie et du rectum.
En mars. Incontinence d'urine, le malade marche en fauchant de la
jambe droite.
— 116 —
Observation 97 (résumée),
SÉNÉCHAL. Loc. cit. (obs. III).
Homme. A 25 ans, eu 1882, chaucre de la rainure. Neuf mois après
son chancre, 11 se trouva tout à coup dans l'iiiipossibilité d'uriner et
d'aller à la selle. Il consulta un médecin qui le sonda et lui prescrivit de
l'eau-de-vie allemande.
Le lendemain, le purgatif produisit son effet, le malade voulut aller à
la selle, mais ses jambes lui refusaient tout service. Deux jours aupa-
ravant, il avait porté des sacs de blé sans difficulté aucune.
Le médecin appelé constata une anestliésie qui remontait jusqu'à
l'ombilic; paraplégie absolue, rétention d'urine, constipation, escarre
sacrée.
Deux ans après, le malade, revu, présentait les signes d'une paraplégie
spasmodique intense, la marche était impossible sans béquilles.
Observation 98 (résumée).
A. Renault. Sur un cas de myélite syphilitique lombaire aiguë.
Ann. derm. et sijpli., 1890, 3e s., p. 565.
Homme âgé de 38 ans en 1890. — 1877. Chancre, éruption croûteuse.
— 1878. Nouvelle poussée ulcéreuse. — 1879. Nécrose des os du nez.
Kl. Guérison seulement en 1881. Puis plus de traitement.
Le 12 août 1889, éclatèrent des accidents spinaux. Plusieurs jours
auparavant, le malade avait ressenti quelques inquiétudes, quelques
fourmillements dans les membres inférieurs, mais il remarqua ce jour-
là que ses jambes fléchissaient tout à coup et avaient peine à le soute-
nir. En même temps, les fourmillements redoublaient et il survenait
des douleurs très aiguës vers les extrémités.
Trois jours après, la paraplégie était complète et s'accompagnait de
paralysie des réservoirs. En même temps, douleurs atroces dans les
extrémités ; au niveau des mains et des pieds, éruptions huileuses qui
persistent deux mois.
Oppression, dyspnée, troubles respiratoires. Quelques troubles cépha-
liques ; ptosis fugace et mydriase à gauche ; traitement: Kl et frictions.
En octobre, le malade peut commencer à remuer les jambes.
En 1890, le malade peut marcher, les réflexes rotuliens sont plutôt
affaiblis. Il persiste de légers troubles subjectifs de la sensibilité.
Atrophie musculaire légère des membres inférieurs.
— 117 —
Observation 99 (résumée).
Surmont. Syphilis médullaire précoce. Bulletin médical du
Nord, 1892, n» 15.
L'auteur rapporte l'histoire d'un homme qui, huit mois et quelques
jours après l'apparition d'un chancre infectant de la racine de la verge,
est pris brustiuement, sans cause occasionnelle appréciable, de douleurs,
et quelques instants après de parésie des membres inférieurs ; le surlen-
demain apparaît la rachialgie, et cinq jours après le début des acci-
dents, l'examen clinique révèle l'existence d'une paraplégie spasmo-
dique peu accentuée, mais très nette.
Sous l'influence du traitement mixte institué de suite, les troubles
moteurs s'amendent rapidement ; mais le processus morbide nes'arrête
pas complètement, puisque du treizième au dix-septième jour après le
début des accidents, on constate de la parésie vésicale. Deux semaines
plus tard, le malade peut quitter le service, mais les réflexes tendineux
sont exagérés, la sensibilité à la piqûre et au chatouillement est exaltée.
Cette dernière observation fournit l'exemple d'une forme légère
dont le début s'est manifesté brusquement. Ce mode d'apparition,
bien qu'ordinaire dans les formes graves, n'est nullement spécial à ces
forme.
Ordinairement le début est brusque plutôt que subit, ainsi que le
ait remarquer M. Lancereaux ; cependant, dans quelques cas, il
peut être absolument apoplectiforme. Dans d'autres cas, l'évolution
des accidents, sans être brusque, est très rapide, et c'est en quelques
jours que la paraplégie atteint son maximum d'intensité. Enfin, au
cours d'une forme à évolution chronique, on note souvent des acci-
dents aigus caractérisés par une aggravation soudaine des symp-
tômes paralytiques.
Si l'on passe en revue les observations publiées par les auteurs, on
constate que les accidents brusques ont été notés dans la moitié des
cas environ. En parcourant les cas rassemblés par MM. Gilbert et
Lion, on trouve que dans 33 observations où il est fait une mention
précise du mode d'apparition des symptômes, 9 fois le début a été
brusque, G fois l'apparition rapide et que 2 fois, au cours d'une évolu-
tion progressive, les accidents paralytiques se sont accentués brusque-
ment. Soit 17 cas avec des symptômes aigus et 16 cas chroniques.
— 118 —
Dans la statistique de M. Boulloche (1), suv 53 cas dont le début
est caractérisé, 16 cas ont apparu brusquement, 7 rapidement, 2 cas
en voie d'évolution ont présenté une aggravation soudaine el 28 se
sont développés progressivement.
D'après nos propres observations, les accidents aigus auraient une
plus grande fréquence, et, sans pouvoir fixer par un chiffre la propor-
tion de cette fréquence, nous croyons avec M. Dejerine qu'ils sont
plus communs qu'on ne l'a indiqué jusqu'ici. Au cours d'une évolu-
tion chronique, on observe souvent, en effet, de petites attaques de
paraplégie passagère qui laissent ordinairement k leur suite une cer-
taine aggravation dans les symptômes.
Mais il est des formes qui évoluent progressivement et d'une façon
tout à fait chronique. Dans ces cas, le rôle des altérations vasculaires
se comprend aussi bien. Les modifications des vaisseaux se produi-
sent lentement et les lésions du tissu nerveux suivent la même
marche. Nous répéterons que la marche qui peut servir de base aune
classification clinique ne correspond pas k une semblable distinction
dans les formes anatomiques. Certaines lésions accessoires peuvent
k la vérité revêtir dans les formes lentes des aspects particuliers,
mais le processus primitif est toujours le même : il consiste en une
inflammation des parois vasculaires et des voies lymphatiques du tissu
conjonctif des méninges.
La prédominance des symptômes d'un côté du corps, les oscillations
dans l'évolution, les alternatives de rémissions et d'exacerbations, les
rechutes, les attaques de paraplégie plus ou moins graves, enfin la
« fragmentation » des symptômes sont des particularités qui s'expli-
quent par les variations dans la nutrition du tissu, variations en
rapport avec les altérations vasculaires.
De l'étendue des lésions vasculaires, de leur prédominance dans
certaines régions de la moelle ou de leur diffusion, résultent les diffé-
rentes formes de la paralysie spinale syphilitique.
Dans les formes graves, le ramollissement est très étendu ; la
destruction des centres gris et des cordons blancs de la moelle pro-
duit une paralysie intense dans les muscles des parties du corps
situées au-dessous. Les troubles circulatoires secondaires peuvent
(1) Boulloche. Contribution à l'étude des paraplégies syphilitiques. Annales de
dermat., octobre 1891.
— 119 —
atteindre les régions supérieures de la moelle et agir sur les centres
respiratoires et cardiaques, lorsque ceux-ci ne sont pas intéressés
directement par le ramollissement. Les accidents graves qui en
résultent peuvent être une cause de mort rapide (cas n" I, obs. 108).
D'autres fois, la mort est la conséquence des altérations trophiques
et des lésions de décubitus (cas n" II et n" Ili, obs. 109 et 110).
Mais les lésions n'ont pas toujours cette intensité, elles peuvent
n'intéresser qu'un segment de la moelle ou même une partie seule-
ment de ce segment. Elles revêtent alors le type de la lésion décrite
sous le nom de myélite transverse.
Il est une forme particulièrement fréquente signalée par Erb (1) et
qui indique une localisation du processus dans la partie moyenne de
la région dorsale. Cette forme a été récemment étudiée par un élève du
professeur d'Ileidelberg, M. S. Kuh (2), qui attribue aux lésions une
origine vasculaire. Il rejette l'hypothèse d'une sclérose primitive ou
d'une néoplasie gommeuse qui laisseraient inexpliquée l'apparition
subite des symptômes notée assez souvent. Pour l'auteur, « il n'y a
aucune raison de séparer les cas à début brusque de ceux qui évoluent
progressivement ni d'accepter pour eux une pathogenèse particulière,
car on trouve tous les cas intermédiaires entre une paraplégie subite
comme un éclair et la paralysie qui se développe pendant des mois et
des années. Nous en arrivons par exclusion, dit-il, à admettre une
affection primitive des vaisseaux » (p. 409).
Nous avons jusqu'ici laissé de côté les altérations du tissu propre
des méninges ; c'est qu'en effet, ces lésions n'ont qu'un intérêt secon-
daire et n'agissent le plus souvent sur le tissu nerveux que par les
altérations vasculaires qui les accompagnent. Le processus, d'ailleurs,
se localise au début à la périphérie des vaisseaux, comme le prouvent
les observations do Baumgarten, Greiff, Schmauss, Moller,
Goldflam, Lamy, etc. Dans nos cas, nous avons toujours retrouvé
la même disposition. Le fait est surtout net dans les cas très rapides
où les lésions, très répandues, sont peu avancées dans leur évolution.
Lorsque, au contraire, l'affection a présenté une certaine durée, les
(1) Eeb, Ueber syphilitische Spinal paralyse. Neurulog isches Cfintralblatt,lô mars
1892, n" 6.
(2) S. Kuh. Die Paralysis spinalis syphilitica, tic. Deutsche Zeitsehr. Nervenheilk.,
1893. Bd III, H. 6, p. 359.
— 120 —
lésions vasculaires ayant évolué lentement, les altérations méningées
se sont développées et l'on retrouve à l'autopsie, à côté des lésions
vasculaires et de la dégénérescence du tissu nerveux des modifica-
tions importantes des méninges. Nous joindrons ànos propres obser-
vations un cas de Goldflam (v. obs. 126) comme exemple.
Dans quelques cas, l'inflammation spécifique ofi're un plus grand
développement et les altérations qu'elle provoque directement s'ajou-
tent aux lésions dégénératives d'origine iscliémique. Ainsi l'infiltra-
tion partie du pourtour d'un vaisseau ou du tissu de la pie-mère peut
envahir le tissu de la moelle sur une étendue plus ou moins considé-
rable. L'inflammation de la pie-mère ou de l'arachnoïde peut s'accen-
tuer, évoluer et déterminer des épaississements, des adhérences de
ces enveloppes entre elles et à la dure-mère. D'autres fois, une néo-
plasie gommeuse se développe et atteint des dimensions considéra-
bles ainsi que le prouvent les observations, rares il est vrai, de
gommes macroscopiques des méninges et de la moelle.
Ces lésions ont, au point de vue anatomique, une valeur considé-
rable, car jointes aux lésions des vaisseaux, elles impriment un cachet
spécial au processus syphilitique, mais elles acquièrent rarement une
importance capitale comme facteurs des lésions secondaires du tissu
médullaire et des symptômes qui en résultent.
On doit cependant, à côté des troubles circulatoires et de la nécrose
iscliémique, phénomènes capitaux, donner une place aux accidents
de compression occasionnés par la pachy méningite et les gommes
syphilitiques de la moelle.
CHAPITRE II
SOMMAIRE. — Étude anatomique et clinique de la syphilis médullaire
Considérations générales.
1. — Les lésions.
A. — Période des altérations méningo-vasculaires.
B. — Ramollissement médullaire et dégénérescence des éléments
nerveux.
G. — Période de réaction du tissu interstitiel. Sclérose névroglique.
D. — Particularités dans l'évolution des lésions, formes anatomiques
spéciales.
2. — Les symptômes (considérations générales).
A. — Période prodromique.
a) Phénonèmes extrinsèques (cérébraux).
0) Pliénomènes intrinsèques (spinaux).
B. — Attaque de paraplégie et période de paralysie aiguë.
C. — Période de paraplégie spasmodique.
3. — V évolution .
Marche, durée, terminaisons, complications.
4. — Formes.
A. — Forme commune.
B. — Autres localisations.
C. — Flémiparaplégie syphilitique.
D. — Formes pseudo-systématiques.
a) Pseudo-tabes syphilitique.
b) Myélopathie syphilitique à forme de sclérose latérale.
c) Myélopathie syphilitique à forme de sclérose en plaques.
d) Formes amyotrophiques.
e) Forme bulbaire.
E. — Formes spéciales.
a) Méningite et pachyméningite spinales syphilitiques.
b) Gommes.
— 122 —
5. — Diagnostic.
6. — Pronostic et traitement.
7. — Conditions étiologiques .
A. — Fréquence.
B. — Conditions résultant de la nature du virus.
a) Date d'apparition.
b) Gravité de la syphilis à l'origine.
c) Influence du traitement antérieur.
C. — Conditions inhérentes au sujet.
a] Causes prédisposantes. Hérédité, âge, sexe, maladies anté-
rieures.
h) Causes occasionnelles et localisatrices. — Surmenage de la
moelle, refroidissements, traumatismes.
8. — Conclusions.
CHAPITRE II
Étude anatomique et clinique de la syphilis médullaire.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Les lésions élémentaires de la syphilis médullaire sont assez simples
puisqu'elles peuvent être ramenées à une inflammation primitive des
vaisseaux et du tissu conjonctif de la pie-mère suivie de lésions dégé-
néralives du tissu nerveux. Mais la variété dans la rapidité et le mode
d'évolution, dans l'étendue et la localisation des lésions entraînent
une grande complexité des symptômes. Aussi, les formes cliniques
sont-elles multipliées.
Il est possible cependant de donner une description des lésions
anatomiques telles qu'elles se présentent dans les cas ordinaires tout
en indiquant les particularités qui caractérisent les formes spéciales.
De même, au point de vue clinique, s'il existe dans le tableau
syinptoniatique une grande variabilité' portant sur la gravité et la
nature même des manifestations, l'encliaînement des signes obéit à
une règle générale que l'on peut formuler.
La description anatomique et clinique que nous proposons repose
sur l'examen des cas publiés dans ces dernières années et aussi sur
l'étude d'observations suivies d'aulopsic et de faits cliniques qui nous
sont personnels.
Nous avons eu l'occasion d'examiner au microscope sept moelles
de syphilitiques dont cinq ont été recueillies dans le service de
M. Dejerine à l'hospice de Bicêtre ; un autre cas nous a été confié
par M. Lancereaux et nous avons recueilli une observation très
importante dans le service de M. Dujardin-Beaumetz, à l'hôpital
Cochin. Nous donnerons, dans la deuxième partie de ce travail avec
l'histoire d'un certain nombre d'observations cliniques, provenant pour
la plupart du service de M. Dejerine, l'examen microscopique de
— 124 —
ces sept cas que nous avons rangés suivant la durée de l'affection. Ils
offrent un terrain très favorable à l'étude des lésions de la syphilis
médullaire, car ils fournissent des exemples des principaux types
cliniques.
Le premier cas (cas n° I, obs. 108) a Irait à un homme de 34 ans,
syphilitique depuis deux ans, qui fut pris de douleurs lombaires, de
lourdeur dans les jambes et de quelques troubles dans le fonctionne-
ment des sphincters. Quelques semaines plus tard, il est frappé
d'une attaque brusque de paraplégie et meurt soixante heures après.
On comprend l'importance de ce cas qui permettait de reconnaître
la nature des lésions au début de leur évolution. Or, les lésions vas-
culaires étaient très prononcées; elles atteignaient les artères et les
veines, surtout ces dernières, et existaient dans toute la hauteur de la
moelle, en particulier, au niveau du bulbe. Les altérations du tissu
propre de la pie-mère étaient très discrètes, il existait cependant des
foyers d'infiltration périvasculaires et de petits nodules gommeux péri-
capillaires dans les méninges et dans la moelle (pl. I).
Les altérations vasculaires atteignaient leur maximum d'intensité
dans la région dorsale supérieure et en ce point la moelle était ramollie
sur une longue étendue, la substance grise désorganisée. Le tissu
nerveux altéré ne présentait pas trace d'inllammation du tissu inters-
titiel, mais tous les attributs de la nécroinose au début.
Il s'agissait en somme d'un grand foyer de ramollissement isché-
mique qui s'accompagnait de quelques petits foyers hémorrhagiques
capillaires.
Dans le deuxième cas (cas n° II, obs. 109), qui nous a été commu-
niqué par M. Lancereaux, il s'agit d'une femme de 34 ans qui prit
la syphilis à l'âge de 26 ans. Sept ans plus tard, elle présenta des
phénomènes cérébro-spinaux diffus et oscillants qui durèrent
quelques mois et furent interrompus par une attaque brusque de
paraplégie. A la suite de cet accident, les symptômes paralytiques
s'accentuèrent progressivement mais rapidement, et la malade suc-
comba cinq mois environ après l'attaque de paraplégie. A l'autopsie,
on trouva des altérations vasculaires considérables et aussi une infil-
tration marquée des méninges avec prédominance de l'inflammation
autour des vaisseaux. En quelques points même, l'infdtration gom-
meuse développée dans la paroi des veines formait des nodules assez
— 125 —
volumineux dont le centre était en voie de régression caséeuse (pl. 11,
fig. 1). iiSS lésions vasculaires répandues dans toute la hauteur de la
moelle étaient particulièrement développées dans le segment dorsal.
Dans toute l'étendue de cette région, le tissu nerveux est nécrosé à la
partie périphérique de la moelle, et la substance grise elle-même est
très altérée.
La dégénération du tissu nerveux est ici beaucoup plus avancée que
dans le cas n" I, et le parenchyme est réduit à une masse granuleuse
presque amorphe absolument distincte du tissu inflammatoire de la
pie-mère voisine. A côté du processus de dégénération du tissu
nerveux qui est le plus répandu, on note en quelques points l'enva-
hissement de ce tissu par Finfdtration spécifique émanée de la pie-
mère ou d'un vaisseau intra-médullaire; mais ces lésions ont une
étendue incomparablement moins importante que les altérations de
nature dégénérative. Les altérations radiculaires, qui sont très déve-
loppées dans ce cas, semblent au contraire relever d'un envahisse-
ment progressif par l'infiltration.
Le malade du cas n" III (obs. 110), présenta, à l'âge de 26 ans,
quatorze mois après un chancre syphilitique, quelques symptômes
spinaux qui précédèrent de quinze jours seulement une attaque légère
de paraplégie bientôt suivie d'amélioration. Deux mois plus tard
survint une nouvelle attaque plus grave. A partir de ce moment, les
symptômes s'accentuent progressivement et la mort survient dans le
seizième mois après le début de l'affection. Les lésions des vaisseaux
et des méninges se présentaient avec les mêmes caractères que dans
le cas précédent, mais ces modifications, ainsi que celles qui intéres-
saient le parenchyme nerveux, étant de date plus ancienne, offraient
des particularités importantes. Les vaisseaux oblitérés présentaient
les signes manifestes d'un processus de rénovation : néoformation de
capillaires dans les parois et le caillot central, développement exagéré
et supplémentaire des vasa-vasorum, etc., apparences qui indiquent
l'établissement d'une circulation nouvelle (pl. III, fig. 4, et pl. IV, fig. 2).
Le tissu nerveux dégénéré est totalement privé d'éléments rappe-
lant la structure des éléments nerveux, mais les produits de désinté-
gration sont excessivement abondants et, d'autre part, le tissu
névroglique en voie de réaction tend à combler par son développement
les vides résultant de la nécrose des éléments nobles. Les altérations
— 126 —
dans ce cas n'étant pas toutes de même date, on a le tableau des
phases successives par lesquelles passe le tissu interstitiel avant
d'arriver à la constitution de la sclérose névroglique qui remplace
définitivement le tissu nerveux détruit.
Ce processus représente la presque totalité des lésions médullaires ;
en un point très restreint seulement, l'infiltration de la pie-mère
semble s'être développée davantage, la dure-mère adhère à la pie-mère
et l'infiltration spécifique a envahi la portion sous-jacente du paren-
chyme médullaire qui présente les aspects d'une cicatrice scléreuse
conjonctive.
Les trois observations précédentes fournissent des documents sur
la nature des lésions en pleine activité, et l'échéance variable de la
mort dans ces trois cas permet d'acquérir des notions sur leur mode
d'évolution.
Le quatrième cas (cas n" IV, obs. 111) est un exemple de syphilis
médullaire ancienne dont les altérations arrivées à leur dernier stade
étaient stationnaires depuis plusieurs années. Le sujet de cette obser-
vation avait présenté, neuf mois après un chancre induré, les premiers
signes d'une affection spinale, puis une attaque de paraplégie qui,
après un certain degré d'amélioration, avait revêtu dans la suite
l'aspect d'une paraplégie spasmodique de moyenne intensité dans le
type classique. Le malade était dans cet état depuis neuf ans, lors-
qu'il succomba aune pleurésie. La moelle présentait dans la région
dorsale supérieure une sclérose diffuse, intéressant surtout les cor-
dons latéraux et les cordons postérieurs. Au foyer d'altération trans-
verse partielle, s'ajoutait naturellement une dégénération secondaire
ascendante et descendante.
Les méninges étaient légèrement épaissies et scléreuses, mais les
lésions prédominantes portaient encore sur les vaisseaux tant de la
pie-mère que du tissu médullaire. Ces lésions offraient un caractère
particulier d'ancienneté; très développées dans la région où la moelle
avait le plus souffert, elles existaient d'ailleurs dans toute la hauteur
du névraxe, et l'on pouvait constater que, dans les parties où la moelle
était restée saine (à part la dégénérescence secondaire), l'inflamma-
tion s'était limitée aux parois vasculaires. Comme cette lésion avait
subi un arrêt dans son développement, la sclérose des parois vascu-
laires s'était manifestée tandis que la lumière des vaisseaux n'était
pas encore notablement réduite (fig. 28, p. 353).
— 127 —
La sclérose du tissu médullaire se présentait avec les caractères de
la sclérose névrogiique, dont on pouvait suivre le développement
dans le cas n° III. Ici, elle était arrivée à son dernier terme, les pro-
duits de désintégration des éléments nerveux étaient à peu près com-
plèlement résorbés, elle parenchyme médullaire sclérosé était induré.
11 faut ajouter à ces cas trois observations qui nous ont été com-
muniquées par M. Dejerine et qui se rapportent à des malades qui
succombèrent douze ans, quatorze ans et vingt ans après le début de
la paralysie. Les préparations microscopiques que nous avons eu
l'occasion d'examiner offraient les mêmes particularités de faible
développement des altérations de la pie-mère et de prédominance des
lésions sur les petits vaisseaux des méninges et de la moelle.
Si l'on résume les altérations constatées dans ces différents cas,
on remarque que les altérations vasculaires sont constantes, qu'elles
se montrent dès le début, car elles sont à peu près exclusives dans le
cas n°I, et manifestement plus anciennes que les altérations de la moelle;
enfin que les lésions des méninges n'ont qu'un rôle lout à fait acces-
soire dans la détermination des altérations secondaires du parenchyme
médullaire. Quant au pi'ocessus d'altération de ce parencliyme, il se
manifeste d'abord par un état de ramollissement du tissu avec nécrose
des éléments nobles alors que le tissu interstitiel ne présente encore
pas trace d'inflammation. Ce n'est que plus tard que survient la période
de réaction du tissu interstitiel et la sclérose terminale présente les
caractères de la sclérose névrogiique. Si les altérations du tissu
médullaire sont sous la dépendance des lésions vasculaires. elles
résultent des troubles circulatoires et non de l'envahissement du tissu
nerveux par une sclérose périvasculaire, car dans les cas anciens
cas n» IV), on rencontre de nombreux vaisseaux altérés qui traversent
des portions de parenchyme sain et sont en contact avec des tubes
nerveux normaux. D'autre part, les parois des vaisseaux qui ( raversent
le tissu de sclérose n'ont aucune adhérence avec ce tissu.
Un fait clinique remarquable qui ressort également de l'histoire de
ces observations, c'est la fréquence du début brusque ou de l'appari-
tion rapide des accidents. Ce phénomène est bien caractéristique d'une
lésion d'origine circulatoire, il n'est d'ailleurs nullement spécial à
une forme clinique particulière ; la paraplégie spasmodique développée
lentement présente dans la suite le même aspect que celle qui succède
— 128 —
-à des accidents brusques, lorsque ces accidents n'ont pas été assez
intenses pour déterminer rapidement la mort. Il n'y a là qu'une diffé-
rence dans la rapidité d'évolution des troubles ischémiques.
Ces considérations nous amènent à proposer, pour la description de
l'évolution anatomo-clinique des formes les plus communes de la
syphilis médullaire, le cadre suivant :
Les altérations vasculaires el, méningées sont les premières en date
{période d'altérations méningo-vasculaires), les troubles circula-
toires se manifestent alors par des symptômes oscillants et diffus assez
semblables aux phénomènes cérébraux qui accompagnent l'état décrit
sous le nom d'hémiplégie variable. Ces phénomènes spinaux sont la
lourdeur des jambes avec des sensations subjectives variées, des dou-
leurs lombaires, des troubles légers des sphincters, l'inégalité des
réflexes dans les membres inférieurs, etc. {période prémonitoire).
Puis surviennent, dans la nutrition des éléments nerveux, des troubles
graves qui le plus souvent se manifestent rapidement. Le parenchyme
nerveux est frappé de mort et présente les premiers signes de la
nécrose (s fade de ramollissement) . A cet accident correspond une.
attaque de paraplégie.
Si la lésion est très étendue, la mort survient à brève échéance,
surtout lorsque les centres spinaux supérieurs sont atteints. Lors-
qu'elle permet la survie, l'intensité des symptômes et leur nature
sont en rapport avec l'étendue et la localisation du foyer de ramollis-
sement, et dans ce cas la lésion continue son évolution.
Le parenchyme nécrosé dégénère in situ {période de dégénéres-
cence); en même temps, les fibres interrompues dégénèrent dans le
sens de leur direction {dégénérescence secondaire ascendante et
descendante).
A la suite de l'attaque de paraplégie, même lorsque les centres
gris spinaux des membres inférieurs ne sont pas détruits, la para-
plégie est généralement flasque, car la rupture d'équilibre qui
survient dans la circulation spinale, influe sur l'irrigation de ces
centres dont le fonctionnement est momentanément compromis.
Puis survient une période de réaction inflammatoire du tissu
interstitiel névroglique. Les vaisseaux oblitérés sont suppléés par le
développement des vasa-vasorum et l'afflux collatéral. Le tissu con-
jonctif et surtout la névroglie entrent en activité, remplacent le
— 1-29 —
parenchyme nerveux et la sclérose s'établit dans les régions d'abord
frappées de nécrose {période de sclérose).
Dans la majorité des cas qui permettent la survie du sujet, l'altéra-
tion du tissu médullaire siégeant dans la région dorsale, les centres
gris spinaux des membres inférieurs sont conservés, mais leur fonc-
tionnement est modifié par la présence de la lésion située au-dessus
et la sclérose secondaii'e du faisceau pyramidal. Les malades pré-
sentent les signes d'une paraplégie spasmodique persistant à
l'état chronique.
Cette description s'applique au plus grand nombre des cas de
syphilis médullaire, particulièrement au type clinique tracé par Erb
sous le nom de paralysie spinale syphilitique. Le professeur
de Heidelberg a eu surtout en vue les cas d'intensité moyenne qui
présentent le tableau complet de l'affection, mais il faut faire rentrer
dans ce cadre les formes graves qui n'offrent que les premiers stades
de l'évolution et ne se distinguent des formes complètes que par la
précocité du terme fatal.
Il est bien évident que le tableau clinique dépend de la localisation
des lésions médullaires ; ainsi le type classique répond à une altéra-
tion de la moelle dorsale n'intéressant qu'une partie de la coupe et
respectant la substance grise de la région lombaire. Mais le ramol-
lissement pourra être plus étendu, atteindre d'autres régions : la
région cervicale, le renflement lombaire, donnant lieu à des formes
correspondantes de paralysie spinale.
Les lésions pourront prédominer dans la substance grise, les cor-
dons postérieurs, être distribuées en foyers disséminés et figurer
ainsi des formes pseudo-systématiques rappelant le tabès, la polio-
myélite antérieure, la sclérose en plaques, elc.
Enfin, parmi les formes spéciales, il faut ranger celles qui résultent
d'un accident dans l'évolution des altérations méningées. Quelquefois,
en effet, l'infiltration spécifique se localise dans les membranes et se
développe considérablement, le ■ méninges sont très épaissies, adhè-
rent entre elles et plus tard deviennent scléreuses. Cette méningite
syphilitique peut ainsi s'associer aux manifestations ordinaires que
nous avons décrites et même constituer l'altération principale. Ou
bien, mais rarement, c'est une néoplasie gomraeuse qui se développe
et provoque des accidents de compression.
S. 9
— 130 —
Dans les formes ordinaires, l'inflammation spécifique dépasse
fréquemment les limites de son siège primitif (tissu vasculaire et
lymphatique des méninges), et envahit plus ou moins la moelle même,
mais ces accidents sont purement contingents, et l'altération princi-
pale du parenchyme nerveux relève des troubles circulatoires produits
par les lésions vasculaires.
Nous avons eu déjà l'occasion d'exposer cette opinion (1) avec
l'appui de notre maître, M. Dejerine (2) sous l'inspiration duquel
nous avons entrepris ce travail.
I 1. — Les lésions.
A. — Période des altérations méningo-vasculaires
Dans la myélopathie syphilitique, les altérations des vaisseaux et
des méninges sont les premières en date.
L'étude des lésions vasculaires comporte deux questions : d'abord
l'examen des faits observés, puis l'intei'prétation qu'on en peut
proposer.
Artères. — Nous avons déjà indiqué les divergences d'opinion des
différents auteurs sur le point de départ du processus d'inflammation
dans les tuniques artérielles. Il semble, en effet, que les aspects ne
sont pas toujours identiques, et que les altérations peuvent prédo-
miner sur l'une ou l'autre des tuniques artérielles, suivant les cas.
Nous avons vu que pour Ileubner, Vendartérite est la lésion
primitive, et que, pour Ko s ter, c'est l'inflammation de la tunique
moyenne {rnêsartérite). Baumgartcn, Rumpf, M. I^ancereaux,
placent le point de départ dans la tunique adventice fpêriarléritej,
en faisant jouer le rôle principal soit à l'inflammation des capillaires
nourriciers, soit à celle de la gaine lymphatique. La plupart des faits
consignés dans les observations s'accordent avec l'opinion des parti-
sans de la périartérite. Cependant, on trouve, le plus souvent, asso-
cié à cette lésion, un épaississement variable de l'endartère, et dans
(1) J. SoTTAS. Sur la nature des lésions médullaires dans la paraplégie sypliilitique.
Société de hiulogic, séance du 15 avril 1892.
(2) J. Dejerine. Sur les lésions de la moelle épinière dans la paraplégie syphili-
tique. Société de hiologie, séance du 22 avril 1893.
— 131 —
le cas de Môller (obs. 120), l'endartérile paraissait primitive et était,
en tous cas, nettement prédominante. Sclimauss remarque que
(outes les parties de la paroi sont affectées irrégulièrement et sans
systématisation, suivant les points du vaisseau intéressés par la
coupe ; aussi pense-t-il que l'inflammation peut attaquer d'emblée
toutes les tuniques indistinctement (panartérite).
Dans les cas que nous avons observés, les lésions étaient d'ordi-
naire plus marquées dans la tunique externe et presque exclusive-
ment limitées à cette couche dans les premiers stades de l'altération
des vaisseaux. Aussi pourrait-on, jusqu'à un certain point, admettre
l'hypothèse de Baumgarten, Sclimauss, etc., que les lésions de
l'endartère sont provoquées par celles de la tunique adventice. Cepen-
dant, sur certains vaisseaux, l'endartérite s'est montrée prédominante
et le fait était surtout manifeste pour les troncs et les branches des
artères vertébrales et basilaire (v. fig. 12). Dans ce cas, il faut
admettre ou que l'endartérite secondaire à l'inflammation des couches
externes du vaisseau s'est propagée au loin dans des segments où
ces mêmes couches sont restées saines, ou bien que l'irritation de
l'endartère relève de l'action directe du sang syphilitique circulant
dans le vaisseau.
En somme, dans la majorité des cas, l'infiltration débute par la
tunique externe du vaisseau et les lésions de l'endartère sont en
général moins développées ; elles paraissent même, dans certains
cas, manifestement secondaires à celles des couches externes. Nous
avons, en effet, constaté sur nombre de nos préparations qu'aux points
du contour du vaisseau où les modifications de l'adventice étaient le
plus prononcées, correspondait dans l'endartère une infiltration dont
l'intensité paraissait proportionnelle, mais ordinairement inférieure à
celle de l'adventice. La lésion décrite par Ko s ter {mésartérite) ne
s'est pas trouvée réalisée dans nos cas, au moins primitivement; la
tunique moyenne et la membrane élastique offraient, au contraire,
une résistance marquée à l'infiltration, et ce n'est que dans les cas
de lésions très avancées que cette couche se montrait envahie sur une
partie de son contour.
Lorsque l'inflammation de la paroi du vaisseau atteint son maxi-
mum, la membrane fenètrée est déplissée, percée, paraît dédoublée,
les fibres musculaires de la tunique moyenne sont dissociées, déso-
rientées et séparées par des assises de cellules embryonnaires.
On observe quelquefois, entre les différents plans des tuniques vas-
culaires, de petits foyers liémorrhagiques.
L'épaississement de l'endartère est formé d'un tissu fibrillaire assez
clair et finement strié dont les minces couches sont séparées par des
rangs de cellules plates disposés concentriquement. Au voisinage de
l'endothélium, ces cellules sont généralement plus nombreuses, plus
arrondies et disposées moins régulièrement. A mesure que la lésion
devient plus ancienne, les cellules embryonnaires diminuent de
nombre et le tissu fondamental prend une apparence hyaline.
Quant à l'infiltration de la tuniqne externe, elle consiste en un
semis de cellules embryonnaires répandues d'une façon diffuse ou
s'amassant autour des vasa-vasorum. Elles forment quelquefois des
nodules plus ou moins circonscrits {gommes miliaires), mais cela
est beaucoup plus fréquent dans les parois veineuses.
Tels sont les faits ; pour leur interprétation, on doit admettre que
les lésions des artères, puisqu'elles sont primitives, se développent
sous l'influence de l'agent syphilitique même (agent figuré ou toxine).
On peut ajouter que le point de départ le plus ordinaire semble
occuper les vasa-vasorum de la tunique externe. Il résulte des obser-
vations et des expériences de M. Thérèse (1) que le premier stade
des lésions artérielles consécutives aux maladies infectieuses consiste
en une transsudation leucocy tique autour des capillaires et dans le
tissu conjonctif des parois des vaisseaux et que cette transsudation
peut se faire aussi bien sous l'influence exclusive des toxines, que par
l'action directe d'un microbe.
Or, dans la syphilis comme dans les autres infections, le sang
peut être à un moment donné l'un des véhicules du poison, et il peut
agir aussi bien sur la paroi interne des gros vaisseaux que sur l'en-
dothélium des capillaires nourriciers. Aussi Ileubner, tout en consi-
dérant comme lésion principale et primordiale l'endartéri te proliférante,
reconnaît-il également l'existence d'une altération de la tunique adven-
tice et pense-t-il que cette lésion résulte de la propagation de l'inflam-
mation des vasa-vasorum dont l'endothélium est atteint. Il existerait
donc, d'après Heubner, deux foyers d'origine à la lésion artérielle : la
(1) Thérèse. Des a/rtérites secondaires aux maladies infectieuses. Thèse de Paris,
1893.
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couche sous-endothéliale du vaisseau (foyer principal) et les vasa-
vasorum (foyer secondaire).
Ces deux processus s'observent en effet, et la lésion vasculaire
arrivée à une certaine période présente en général deux foyers d'alté-
ration niaxima : l'un dans la tunique adventice, l'autre dans l'endar-
tère. Mais si, dans certains cas (Môller), conformément à l'opinion
d'Heubner, l'endartérite prédomine, le plus grand nombre des faits
prouve que l'inflammation de la tunique externe est ordinairement la
première en date et presque toujours la plus développée.
Au reste, peu importe le point de départ; l'endartérite primitive ou
secondaire est la lésion capitale, puisque c'est de son développement
que relève le rétrécissement de la lumière du vaisseau et qu'elle peut
devenir le point de départ de coagulations sanguines.
Veines. — Les modifications des veines ont la même origine que
celles des artères, mais un fait remarquable c'est qu'elles sont très
précoces, car dans les cas où l'on a pu étudier l'affection à ses
débuts, elles se sont toujours montrées plus développées. Cette parti-
cularité a été signalée par G r e i ff, par S i e m e r 1 i n g, M . L a n c e r e a u x
et surtout mise en lumière par Lamy. Nous avons reconnu l'exac-
titude de cette constatation dans tous nos cas.
L'infiltration débute manifestement par les couches externes, mais
elle envahit bientôt toute la paroi dont la structure offre une résis-
tance bien moindre que la paroi artérielle. L'évolution ultérieure des
altérations n'en est que plus précipitée, ce qui explique la plus grande
intensité du processus dans ces vaisseaux.
Les lésions vasculaires sont au début surtout développées dans les
parties périphériques de la moelle et particulièrement dans la pie-
mère, elles atteignent aussi les vaisseaux libres dans la cavité sous-
arachnoïdienne (pl. l, fig. .3).
Les petits vaisseaux proprement nourriciers de la moelle qui se
détachent du réseau de la pie-mère et dont les altérations sont si
importantes, puisque ces vaisseaux sont terminaux, participent égale-
ment à l'inflammation. On peut suivre, dans l'épaisseur de la moelle,
des traînées de cellules embryonnaires qui entourent les capillaires,
infiltrent leurs parois et envahissent leur lumière qu'on trouve bientôt
oblitérée (pl. III, fig. 2 et 3). La nature artérielle ou veineuse des petits
vaisseaux altérés est assez difficile à reconnaître, mais quel que soit
— 134 —
le système auquel ils appartiennent, la minceur de leurs parois
favorise les progrès de l'infiltration dans ces vaisseaux.
L'inflammation des parois vasculaires est caractérisée au début par
le développement de cellules embryonnaires vivaces qui s'amassent
surtout dans la tunique externe. L'infiltration est le plus souvent
diffuse et étalée, mais elle a une tendance manifeste, ainsi que nous
l'avons dit, à former des nodules miliaires qui entourent quelquefois une
cellule géante. On retrouve également des cellules géantes dans l'épais-
seur des parois vasculaires, au milieu d'une infiltration non circons-
crite et sans apparence nodulaire (pl. I, fig. 2).
Les nodules g'ommeux des parois vasculaires sont surtout dévelop-
pés dans les veines et font généralement saillie à l'extérieur du vais-
seau. Ils peuvent acquérir un volume considérable et constituer de
véritables gommes dont l'évolution présente les caractères ordinaires;
le centre peut subir la dégénérescence caséeuse à laquelle participe
souvent la paroi vasculaire tout entière (pl. II, fig. 2).
Les gommes miliaires s'observent aussi dans l'épaisseur même de
la moelle, elles se développent toujours autour d'un capillaire (pl. II,
fig. 7). Ce fait a été nettement indiqué par Goldllam (obs. 124, 125).
Le point de départ vasculaire des gommes en général a d'ailleurs été
abondamment prouvé par les recherches de MM. Hutinel (1), Bris-
saud (2),Malassès (3), et surtout celles deM. Balzer (4), qui écrit :
« Dans les gommes, les lésions portent principalement sur le système
vasculaire qui est évidemment leur siège primitif et leur point de
départ... Ce sont les nodules périvasculaires qu'il faut considérer
comme l'expression typique, le premier stadeduprocessus gommeux. »
Les nodules gommeux de la moelle obéissent pour leur développement
à cette loi générale.
Lorsque la lésion vasculaire devient plus ancienne, le tissu inflamma-
toire et les éléments propres de la paroi du vaisseau subissent d'autres
modifications que nous exposerons plus loin, car elles sont contem-
poraines des altérations secondaires du tissu nerveux. Mais, alors
qu'elle est encore en pleine activité, l'inflammation détermine par ses
(1) Hutinel. Rev. mens, de méd. et de cMr., 1876.
(2) Beissaud. Progrès médical, 1881.
(3) Malassès. Archives de physiologie, 1881.
(4) Balzee. Revue de médecine, 1884, p. G09.
— 135 —
progrès des modifications dans la structure et le fonctionnement du
vaisseau et des accidents comme l'oblitération ou la coagulation
sanguine.
L'envahissement progressif de la paroi artérielle par l'infiltration
et l'épaississement de l'endartère produisent un rétrécissement de la
lumière et un ralentissement de la circulation.
Les parois veineuses, moins résistantes, sont plus rapidement
envahies, l'oblitération du vaisseau résulte bientôt du rétrécissement
progressif du calibre ou d'une thrombose et les altérations atteignent
un degré avancé même avant l'établissement des lésions de nécrose
dans le tissu nerveux. L'infdtration envahit toute la paroi qui prend
une épaisseur considérable et est constituée d'abord par un tissu
fibrillaire semé de nombreux noyaux orientés concentriquement entre
lesquels on trouve parfois des cellules géantes (pl. L fîg- 2 et 3). Les
altérations régressives peuvent atteindre les éléments de la paroi
avant que le vaisseau soit oblitéré ; les noyaux résistent à l'action des
colorants cytologiques, deviennent granuleux et s'effritent. Le tissu
fondamental perd son aspect fibrillaire, il est trouble, granuleux et
réfractaire à la coloration. En dernier terme, le vaisseau n'est plus
représenté que par un gros cordon plein dont le fond est constitué par
une substance fondamentale trouble ou hyaline contenant quelques
rares noyaux encore colorables, de nombreux fragments granuleux,
vestiges des noyaux dégénérés et des granulations pigmentaires
(pl. I, fig. 4).
Les petits vaisseaux nourriciers de la moelle sont particulièrement
atteints et la précocité de leur destruction explique la production de
lésions dégénératives dans le tissu médullaire alors que les gros
troncs artériels sont encore pleinement perméables et même souvent
très peu altérés.
Méninges. — Les méninges, surtout la pie-mère, participent dans une
grande mesure à l'inflammation. La prédilection du virus syphilitique
pour le système lymphatique doit être mise à côté de l'action irritante
du sang syphilitique pour expliquer la localisation de l'inflammation
dans les couches externes des vaisseaux, la participation des fentes
lymphatiques de la pie-mère et de la cavité arachnoïdienne. Cette
participation est prouvée par le développement de l'infiltration entre
les plans fibreux de la pie-mère et ceux de l'arachnoïde. D'autre par t
— 136 —
on constate fréquemment un état chagriné du plancher du quatrième
ventricule et le microscope montre un dépôt fibrineux qui recouvre des
granulations épendymaires {épenchjmite).
Nous ferons toutefois remarquer que l'infiltration de la pie-mère
est surtout développée autour des vaisseaux et que, dans un certain
nombre de cas où l'affection a pu être examinée à ses débuts, elle était
exclusivement localisée dans les gaines périvasculaires et le tissu
environnant de la pie-mère.
En suivant les progrès de l'inflammation, on voit qu'elle se déve-
loppe en premier lieu dans les parois vasculaires et les gaines lym-
phatiques adjacentes, puis que peu à peu l'intlammation s'étend,
gagne le système lymphatique de la pie-mère où elle se répand et
évolue dès lors d'une façon jusqu'à un certain point indépendante.
Il semble logique d'admettre que le poison syphilitique émané des
vaisseaux sur les éléments desquels il fait sentir sa première action,
se répand d'abord dans les gaines lymphatiques de ceux-ci, et de là,
dans le système lymphatique spinal tout entier.
On pourrait soutenir en examinant certaines préparations que les
altérations des vaisseaux, loin d'être primitives, résultent de l'exten-
sion de lésions primitivement méningées. Dans quelques cas, en effet,
lorsqu'un vaisseau est enserré dans un épaississement considérable de
la pie-mère, ce vaisseau semble comme étouffé par le développement du
tissu méningé, et il est difficile, en présence d'une lésion déjà très
développée, d'établir le point de départ du processus ; mais l'étude
des cas dans lesquels l'affection n'en est qu'à son début, et l'intensité
d'altération de vaisseaux libres de toute adhérence et absolument
isolés dans la cavité arachnoïdienne, prouvent bien le point de départ
vasculaire de l'inflammation.
Que la distribution des lésions propres de la pie-mère soit tou-
jours commandée par celle des altérations vasculaires où qu'elle
possède une certaine indépendance, un fait certain n'en reste pas
moins acquis, c'est l'importance des lésions vasculaires. Au reste,
toute modification de la membrane nourricière de la moelle doit
nécessairement retentir sur la nutrition du tissu nerveux. Et de fait,
les altérations dégénératives des éléments nerveux, ne tardent pas à
être la conséquence des troubles circulatoires qui résultent de ces
modifications.
— 137 —
B. — Ramollissement médullaihe et dégénérescence des éléments
NERVEUX
Les modifications du parencliyme nerveux qui succèdent aux alté-
rations de la membrane nourricière de la moelle peuvent apparaître
de deux façons : tantôt c'est progressivement qu'elles se produisent;
tantôt, à la suite d'une rupture d'équilibre dans la circulation impar-
faite, survient la nécrose rapide d'une portion étendue du tissu médul-
laire. Le foyer de ramollissement qui se manifeste dans ce dernier cas
présente des aspects différents suivant le degré d'ancienneté de la
lésion. Tout au début, la moelle ne semble pour ainsi dire pas altérée
dans sa consistance, mais elle présente déjà des modifications dans
son aspect macroscopique ; la substance grise est piquetée de rouge,
la substance blanclie est gris rosé et la portion atteinte de la moelle
est comme gonflée, œdémateuse. La diminution de consistance appa-
raît rapidement, mais la pi'écocité de ce phénomène varie suivant
l'intensité de l'ischémie et la rapidité d'évolution des lésions de
nécrose. Dans un de nos cas, le troisième jour après l'attaque de
paraplégie, il était déjà très prononcé, et dans les expériences de
Spronck (i) sur le ramollissement ischémique de la moelle, l'auteur
l'a vu se manifester entre le deuxième et le troisième jour ; mais, le
plus souvent, dans l'ischémie résultant des altérations syphilitiques
des vaisseaux, le courant sanguin n'est pas interrompu d'une façon
aussi complète ni aussi rapide, et les modifications du tissu médullaire
n'évoluent pas avec cette constante régularité.
Quoi qu'il en soit, lorsque l'anémie est assez prononcée pour déter-
miner un foyer de ramollissement étendu et franchement caractérisé,
la nécrose du tissu s'accompagne d'un certain nombre de phénomènes
qui sont également des conséquences des troubles apportés dans la
mécanique circulatoire de la région intéressée et des parties adja-
centes.
L'afflux collatéral détermine, comme dans les infarctus, la congestion
des vaisseaux encore perméables. Il se produit une exsudation abon-
dante d'un liquide albumineux et souvent de petites Jiémorrliariies
capillaires.
(1) Spronck (d'Utrecht). Luc. cit.
— 138 —
L'exsudat albumineux se répand autour des vaisseaux, il s'épanche
dans les sillons et les encoches de la moelle, dans l'espace sous-pie-
mérien (pl. I, fig. 1). Il s'amasse souvent en foyers dans la substance
grise et s'infiltre entre les tubes nerveux, constituant une sorte
d'œdème qui augmente le diamètre de la moelle, l'étrangle dans son
enveloppe fibreuse et contribue à l'effacement du calibre des vaisseaux
périphériques encore perméables.
Les extravasats sanguins sont généralement peu abondants, ils
forment dans la substance blanche de petits foyers diffus qui s'insi-
nuent entre les tubes et constituent rarement des collections compactes.
Dans la substance grise, au contraire, et quelquefois sous la pie-mère
ou dans l'espace sous-arachnoïdien, il peut se produire de petites
hémorrhagies en foyer collecté. Dans la substance grise des cornes
antérieures, le foyer liémorriiagique, après évacuation des globules
au moment de la coupe, forme parfois une sorte de cavité assez
étendue pour être appréciée à l'œil nu, mais sur l'origine de laquelle
on ne peut se méprendre à cause du grand nombre de globules
rouges, qu'avec l'emploi du microscope on voit tapisser les parois
anfractueuses de la cavité.
Les foyers hémorrhagiques sont particulièrement répandus dans
les parties de la moelle adjacentes au segment ramolli, et dans ces
régions la congestion est toujours très intense ; les vaisseaux, surtout
les veines, sont dilatés et remplis de sang, dans les méninges et
dans la moelle, spécialement dans la substance grise.
Avec les premières altérations des éléments nécrosés, apparaît la
diminution de consistance du tissu médullaire. Au moment de l'au-
topsie on trouve à la coupe de l'organe frais la substance blanche
i^amoUie et diffluente, mal séparée de la substance grise, celle-ci est
souvent déformée, déplacée, à contours diffus (fig. 1, p. 265).
Toutes ces modifications macroscopiques sont déjà bien nettes
alors que les tubes nerveux frappés de mort sont encore assez peu
altérés. A ce stade la gaine de myéline n'est pas encore désagrégée
et l'hématoxyline de Weigert colore assez régulièrement les coupes
faites après durcissement.
Nous avons considéré jusqu'ici le ramollissement en foyer type, tel
qu'il se présente dans les cas graves où les altérations vasculaires
rapides et confluentes atteignent le plus grand nombre des vaisseaux
— 139 —
d'un segment de la moelle. Dans cette circonstance, la coupe tout
entière est intéressée ou à peu près. La substance grise est désorga-
nisée, les éléments sont déplacés par les exlravasats, leur nécrose
est rapide, les tubes nerveux de la substance blanclie sont prompte-
ment détruits et leur destruction semble commencer par les parties
périphériques.
Mais, même lorsque la nécrose affecte la disposition du foyer trans-
verse, l'étendue transversale de la moelle n'est pas toujours détruite
tout entière ; c'est surtout la zone marginale qui est atteinte et en
second lieu le substance grise. Nous savons que la dislribiil iou des
vaisseaux explique la plus grande résistance de la zone inlerniédiaire
représentée par la substance blanche contiguë à la sul)sLance grise.
Le siège du foyer de ramollissement est variable, il occupe le plus
souvent la partie moyenne de la moelle. Dans notre cas n" L on le
trouvait à la région dorsale supérieure ; pour les autres, la nécrose
intéressait inégalement la région dorsale dans ton le sa longueur. On
pourrait citer des exemples de toutes les localisalions; nous y revien-
drons.
11 est une forme très fréquente dans la distribution des zones de
dégénération, c'est celle qui affecte la partie périphérique de la moelle
sur une longue étendue, nous en fournirons un exemple dans notre
cas n° IL Cette disposition résulte de l'inflammation prédominante
des vaisseaux périphériques qui tiennent sous leur dépendance la
nutrition de la zone marginale. Les lésions sont également souvent
plus marquées dans la partie postérieure du cordon latéral qui corres-
pond au système vasculaire spinal postéro-latéral.
La substance grise, dans la région altérée de la moelle, participe
généralement au processus, mais l'altération de cette partie est sou-
vent moins intense : c'est un fait qui a été noté dans plusieurs obser-
vations, et cette différence est particulièrement sensible dans les cas
à évolution lente.
Quels que soient le siège et l'étendue des zones de ramollissement,
les éléments du tissu nerveux frappé de mort présentent un certain
nombre de modihcations dégénératives qui portent sur les éléments
nobles et sur le tissu interstitiel.
Dans les parties anémiées, les cellules et les tubes nerveux se
détruisent {dégénérescence in situ) et les fibres interrompues dégé-
— 140 —
nèrent dans le sens de leur direction {dégénérescence secondaire).
Dégénérescence in situ. — Dans ses expériences, Sproncka noté
des altérations des cellules nerveuses dès le deuxième jour après la
ligature temporaire de l'aorte, mais le processus n'a pas en général
cette intensité dans la syphilis artérielle de la moelle et les lésions
matérielles n'apparaissent pas d'ordinaire avec cette rapidité.
Dans notre cas n° I qui s'est terminé par la mort, soixante heures
après l'attaque de paraplégie, nous avons cependant constaté des
lésions considérables, particulièrement dans la substance grise : ceci
est conforme à la description de Spronck qui place dans cette partie
le siège des premières altérations.
Cellules nerveuses. — Le premier stade de la destruction semble
être une augmentation dans l'état granuleux de la cellule, le noyau
peut même être masqué par ces granulations. En même temps, la
cellule se gonfle et perd ses prolongements protoplasmiques, les
contours sont moins réguliers et plus indécis, la cellule est augmentée
de volume et tend à prendre une forme arrondie.
Le prolongement de Deiters persiste plus longtemps [que les pro-
longements protoplasmiques et l'on observe souvent des cellules glo-
buleuses ou piriformes qui offrent un gros prolongement unique vari-
queux et granuleux.
Le corps de la cellule se creuse de vacuoles, perd sa cohésion et
est sillonné de craquelures. A un stade plus avancé, tous les prolon-
gements disparaissent, le corps cellulaire forme un bloc granuleux
irrégulier, privé de noyau ; en dernier terme il est remplacé par un
amas de granulations graisseuses, qui se dissocient et se raréfient
peu à peu. La place de la cellule n'est plus indiquée que par une loge
trop vaste qui contient ces détritus.
Lorsque la destruction de la cellule n'est pas complète, celle-ci
subit une transformation particulière qui répond à ce que l'on nomme
Vatrophie. La cellule devient globuleuse, diminue de volume ; elle
paraît plus dense et de consistance plus ferme ; elle prend un reflet
brillant et se colore vivement par le carmin, le noyau est moins appa-
rent, il peut être ratatiné et le contenu de la cellule est granuleux et
très chargé de pigment.
Les fibrilles nerveuses de la substance grise sont également
— 141 —
atteintes ; le prolongement de Deiters des cellules nerveuses est le
siège d'un gonflement irrégulier et devient granuleux, il se colore en
rose pâle par le carmin. Les gaines myéliniques des fdjrilles sont
amincies par le gonflement du cylindre-axe qu'elles contiennent, elles
se colorent moins vivement par l'hématoxyline de Weigert, puis elles
se rompent et se résolvent en granulations myéliniques qui se dispo-
sent le long du cylindre-axe variqueux.
Plus tard, les cylindres-axes sont fragmentés et forment avec les
granulations myéliniques dissociées des détritus qui s'entassent irré-
gulièrement dans les mailles de la névroglio.
Les tubes nerveux de la substance blanche ofirent des aspects
variables suivant le degré d'ancienneté de la lésion. Les cylindres-
axes semblent modifiés les premiers, ils se gonflent et se fragmentent
en même temps que la gaine de myéline est dilatée. On observe alors
les aspects suivants:
Sur les coupes transversales, on voit les gaines des tubes dilatées,
la périphérie est occupée par un cercle de myéline aminci et coloré en
bleu noirâtre par l'hématoxyline de Weigert; cette zone entoure
une substance protoplasmique claire, amorphe ou gTanuleuse, au
milieu de laquelle se trouve un fragment de cylindre-axe déformé,
souvent replié en vrille ou en croissant. D'autres fois le cylindre-axe
énorme, peu coloré, granuleux et même creusé de vacuoles, occupe
presque toute la fibre.
Sur les coupes longitudinales, les fibres sont variqueuses, dilatées,
elles sont parcourues par un cylindre-axe sinueux, comme relâché,
formant souvent aux points où la fibre est renflée un nœud ou un
peloton entouré d'une masse protoplasmique granuleuse distincte de
la gaine de myéline. A un degré plus avancé, la gaine de myéline est
rompue, les granulations myéliniques mises en liberté se répandent
dans les interstices voisins; ces granulations {érijtlirophiles) se colo-
rent en noir par l'hématoxyline de Weigert.
Les cylindres-axes mis à nu forment des chapelets renflés qui se
groupent souvent en faisceaux. Ils sont en même temps fragmentés,
et le bout sectionné paraît souvent renflé en forme de poire ou de
massue. On observe également des gaines très distendues qui parais-
sent vides ou remplies d'une substance claire, homogène, non colo-
rable. Elles apparaissent sur les coupes transversales comme des
— 142 —
vacuoles qui ponctuent çà et là le parenchyme trouble et coloré.
Le tissu interstitiel subit aussi d'importantes modifications. La
névroglie participe d'abord à la nécrose qui frappe le tissu nerveux ;
dans les intervalles c|ui séparent les tubes nerveux altérés et surtout
dans la substance grise s'amasse une substance granuleuse au milieu
de laquelle on trouve les noyaux de la névroglie tuméfiés, globuleux,
entourés d'un protoplasma grenu devenu plus abondant. Les cellules
araignées se gonflent, s'arrondissent, perdent leur chevelu abondant
et délié qui se réduit à quelques prolongements courts, irréguliers
et granuleux. Le corps de la cellule se trouble tandis que le noyau
perd son affinité pour les colorants. Les fibrilles névrogliques sont
gonflées, irrégulières et assez indistinctes au milieu de la substance
granuleuse fondamentale.
Lorsque l'anémie du segment médullaire esttrès prononcée, tousles
éléments qui entrent dans la structure du parenchyme participent à la
nécrose, ils perdent leur affinité pour les matières colorantes et l'on
n'obtient sur les coupes aucune élection. L'emploi de l'hématoxyline
alunée, en particulier, qui décèle si bien d'ordinaire les noyaux des
cellules lymphoïdes, des cellules embryonnaires et ceux de la plupart
des éléments du tissu interstitiel, ne les colore plus. Seules, les
parois des petits vaisseaux paraissent conserver leur vitalité, et dans
les foyers de ramollissement, on trouve ces petits vaisseaux dont les
parois sont infiltrées de cellules embryonnaires vivaces qui envahis-
sent la lumière et forment des nodules distincts au milieu du tissu
nécrosé.
Les détritus des éléments nerveux forment des granulations albu-
mino-graisseuses qui sont peu à peu résorbées par des cellules lym-
phoïdes constituant les corps granuleux. Mais à côté des corps
granuleux dont la nature cellulaire est caractérisée par la présence
d'un noyau, on trouve des amas de granulations graisseuses libres qui
forment des foyers souvent considérables et se distinguent des corps
granuleux vrais par des dimensions souvent considérables, l'absence
de noyau et de contour net. Ces granulations graisseuses se fondent
souvent en une ou plusieurs gouttes huileuses réfringentes.
Corps granuleux. — L'origine et la signification des corps granu-
leux ont été l'objet d'études nombreuses, et nos connaissances sont
encore bien imparfaites sur la nature de ces éléments. Ils furent
— 143 —
d'abord considérés comme caractéristiques de l'inflammation des
centres nerveux (corps inflammatoires de Gliige), mais k la suite des
travaux de Reinliardt (1) on reconnut qu'ils existaient dans tous les
processus nécrobiotiqiies.
11 est probable qu'on a longtemps confondu sous le nom de corps
granuleux plusieurs éléments de provenance différente. Ainsi, un
fragment de cylindre-axe hypertrophié et ayant subi la dégénérescence
graisseuse, une cellule névroglique nécrosée et dégénérée peuvent
ressembler à un corps granuleux; ou bien ce sont des granulations
libres qui se groupent et prennent l'aspect de cet élément figuré.
Les différents corps granuleux ne présentent pas d'ailleurs toujours
le même aspect. StrickeretLeidesdorf (2) distinguent des corps
granuleux vrais composés uniquement de granulations graisseuses
et des cellules granuleuses dont une partie seulement est occupée par
ces g'ranulations, et qui possèdent une membrane d'enveloppe. Il est
probable qu'il ne s'agit là que de deux aspects différents d'un même
élément. On s'accorde, en effet, aujourd'hui à considérer les corps gra-
nuleux comme des cellules pliagocytaires qui absorbent les produits
de désintégration des éléments nerveux, en particulier les granulations
graisseuses dont ils se chargent.
Quant à l'origine de ces cellules pliagocytaires, elle est discutée :
pour certains auteurs, ce rôle serait uniquement rempli par des cellules
lymphoïdes dérivées du courant circulatoire par diapédèse; pour
d'autres, toute cellule fixe du tissu conjonctif ou névrogli([ue serait
appelée à jouer éventuellement le rôle de cellule pliagocytaire et pour-
rait donner lieu à un corps granuleux.
L. Meye r (3) et J ol ly (4) ontcru remarquer qu'ils se développaient
dans la tunique conjonctive des vaisseaux, constatation qui viendrait
à l'appui, soit de leur oi iginc diapéditique, soit de la participation des
cellules fixes de la gaine conjonctive périvasculaire.
Les corps granuleux sont doués d'abord d'une grande activité
(1) Reinhardt. Cité par Leyden. Maladies de la viodlc épinih-c, édit. franc,
1871», p. 56.
(2) Steickee et Leidesdoef. Studien ûlier die Histologie der Entziindungs-
herde. Wieii. Aliad. Sitzungshcr., 1865.
(3) Meyer. Ueber die Bedeutung der Fettkornchen uud Fettlvôrncheiizelleu iin
Riiclsenmark und Gehirn. M ien. AJtad. Sit:., 1865, III. p. 1-65.
(4) JoLLY. Ueber traumatische Encephalitis, Wien, 1861*.
— 144 —
d'absorption, leur vitalité a été constatée par Stricker et Jolly qui
ont observé leurs mouvements amiboïdes sur la platine chauffante. Il
est même probable qu'ils peuvent se multiplier par prolifération, car
ils contiennent souvent deux noyaux. Mais, comme tous les phago-
cytes, ils peuvent être à un moment donné frappés de mort.
Dans les foyers étendus de ramollissement de la moelle-, ces corps
granuleux abondent, chacun des éléments est bientôt uniquement
composé de gouttelettes graisseuses ; ils se pressent, perdent leur
vitalité et forment des amas compacts. souvent appréciables à l'œil nu
sur les coupes de la moelle fraîche. Ces foyers de corps granuleux
apparaissent comme des taches arrondies, elliptiques ou irrégulières,
de couleur jaune mat; à ce niveau, les corps granuleux confluents et
tassés sont bientôt immobilisés et frappés de mort.
Les voies lymphatiques de la moelle prennent, dès les premiers stades
du ramollissement, une part active au processus de résorption des
produits de désintégration. Les espaces lymphatiques périvaseulaires,
lorsqu'ils persistent et ne sont pas oblitérés par l'inflammation des
vaisseaux : les fentes lymphatiques de la pie-mère, sont remplis d'une
substance granuleuse trouble, de cellules dégénérées sans affinité pour
les colorants, de corps granuleux et de granulations de pigment san-
guin, tous éléments dérivés du foyer de nécrose et des épanchements
hémorrhagiques.
Dégénérescence secondaire. — Aux lésions primitives qui attei-
gnent les tubes nerveux sur une partie de leur étendue, s'ajoute la
dégénérescence secondaire de toute l'étendue du tube interrompu
placée en aval de l'altération primitive.
Aussi les différents faisceaux de la moelle sont atteints par la
dégénérescence secondaire suivant le sens de leur direction. Au-
dessus du foyer d'altération transverse, la dégénérescence porte sur
les fibres ascendantes du cordon postérieur (cordon de GoU) et des
cordons latéraux (faisceau cérébelleux direct, faisceau antéro-latéral
ascendant ou de Gowers).
L'étendue du champ de dégénération du cordon postérieur dépend
de la hauteur à laquelle siège le foyer primitif, et l'intensité de la
dégénération secondaire est proportionnelle à celle de l'altération de
ce foyer.
— 145 —
Immédiatement au-dessus du foyer primitif, la dégénérescence
secondaire occupe tout le cordon postérieur, puis, conformément à la
loi établie par Kahler (1) et que nous avons développée d'autre
part (2), elle est rejetée peu à peu vers la partie médiane à mesure
que de nouveaux faisceaux radiculaires pénètrent dans le cordon
postérieur.
Plus le foyer de ramollissement siège haut, plus la dégénérescence
du cordon de GoU sera étendue. A la suite d'une lésion transverse
au niveau des premières racines dorsales, le cordon de Goll tout
entier est dégénéré jusqu'à la commissure grise de la moelle. Une
lésion siégeant plus haut donnerait lieu à une dégénérescence ascen-
dante de la partie interne du cordon de Burdach si la survie du
sujet permettait à cette dégénérescence de se manifester.
La destruction des fibres peut être totale dans le faisceau dégénéré
lorsque la lésion primitive atteint son maximum (cas n" III).
Comme conséquence d'une destruction des libres du cordon posté-
rieur dans la région dorsale inférieure, on constate également un
appauvrissement marqué du réseau nerveux des colonnes de Clarke.
La dégénérescence secondaire des cordons postérieurs et la des-
truction des fibrilles nerveuses de la colonne de Clarke peuvent
aussi résulter dans une certaine mesure de l'altération des cordons
radiculaires postérieurs qui, comme les racines antérieures, sont par-
ticulièrement atteints dans certaines formes de syphilis médullaire.
La dégénérescence secondaire du faisceau cérébelleux direct et
du faisceau de Gowers succède aux altérations transverses qui
atteignent la moelle dorsale au moins dans sa partie supérieure. Celle
du faisceau de Gowers pourrait résulter de lésions intéressant des
régions très inférieures delà moelle dorsale et même la région londiaire.
De tous ces faisceaux qui dégénèrent au-dessus de la lésion, les
uns s'arrêtent au collet du bulbe, d'autres remontent plus haut. Les
fibres du cordon postérieur ont leur relais dans les noyaux gris des
cordons de Goll et de Burdach dont le reticulum nerveux se trouve
appauvri par la dégénérescence des faisceaux ascendants qui y abou-
tissent.
(1) Kahlee. Ueber clen Faserlauf in den Hinterstrangen des Riickeninarks. Bcr-
llner Min.. Wochenschv., 16 octobre 1882, n" 42, p. 640.
(2) SoïïAS. Brvue de médecine, avril 1893, p. 313.
S. 10
— 146 —
Les cellules de ces noyaux restent au contraire intactes, et les
nouvelles fibres qui en partent pour s'entre-croiser sur la ligne
médiane et former le ruban de Reil (faisceau interolivaire, Schleife)
sont saines.
Au contraire, les fibres ascendantes dégénérées de la périphérie
du cordon latéral dépassent ce niveau, les unes se portent dans le
corps restiforme (faisceau cérébelleux), les autres (faisceau de Gowers)
forment dans le bulbe un triangle logé dans le sillon latéral entre
l'olive et le corps restiforme.
Au-dessous du foyer primitif d'altération, ce sont les fibres pyra-
midales qui dégénèrent : le faisceau^ pyramidal croisé et le faisceau
pyramidal direct. Nous avons vu ce dernier se poursuivre jusqu'au
niveau des premières racines sacrées. Les fibres interrompues dégé-
nèrent suivant la loi de W aller, le cylindre-axe se gonfle et se
fragmente, la gaine de myéline se dissocie et les produits de désinté-
gration sont résorbés par les corps granuleux dont l'existence est
constante tant que dure le processus de destruction.
L'époque à laquelle apparaît cette dégénérescence secondaire n'est
pas exactement déterminée, elle paraît varier suivant les cas. Dans
le cas de Lamy, qui a trait à un homme mort le dix-neuvième jour de
sa maladie, il n'est pas fait mention de dégénérescence secondaire,
bien que la moelle présentât un foyer d'altération transverse dans la
région dorsale supérieure. Goldflam rapporte au contraire une obser-
vation dans laquelle la dégénérescence secondaire était francliement
développée, le sujet étant mort le trente-deuxième jour de la maladie.
C'est entre ces deux termes qu'il faudrait fixer le moment où la lésion
commence à être nettement constituée. Toutefois, d'après un certain
nombre d'auteurs, les lésions seraient appréciables à une époque
beaucoup plus rapprochée de celle de l'altération primitive. Pour
M. Bouchard, à la suite des lésions cérébrales, les premiers signes
de la dégénération descendante seraient constatables dès le sixième
jour. Dans notre cas n" I, le malade étant mort soixante heures après
l'attaque de paraplégie, la dégénérescence secondaire ne s'était
manifestée par aucun signe net; cependant, sur les coupes de la région
cervicale, on constatait dans les cordons de Goll un certain gonfle-
ment du tissu névroglique qui, sur les préparations traitées par le
- 147 -
carmin, donnait une teinte plus rose à celle partie du cordon posté-
rieur (i).
C. — Période de réaction du tissu interstitiel. Sclérose
NÉVROGLIQUE
Pendant que se déroulent les transformations successives des élé-
ments nerveux nécrosés, le tissu interstitiel subit de son côté des
modifications qui n'atteignent leur complet développement C{ue lorsque
l'affection présente une certaine durée.
Le tissu névroglique participe d'abord, ainsi que nous l'avons vu, à
la nécrose, dans une certaine mesure, selon l'intensité de l'anémie.
Mais, à un moment donné, il présente des phénomènes d'irritation
réactionnelle qui modifient complètement la physionomie du proces-
sus dont est le siège le foyer de ramollissement. L'aboutissant de cette
réaction est la formation d'un tissu de sclérose particulier qui se
substitue aux éléments détruits.
L'évolution du foyer de ramollissement est, en effet, différente
de celle qu'on observe dans la nécrose anémique du cerveau, et pour
plusieurs raisons.
D'abord le système circulatoire de la moelle ne se prête pas à l'anémie
absolue d'une portion étendue du tissu nerveux, comme on l'observe
dans le cerveau. L'oblitération des gros troncs vasculaires, à moins
d'être très étendue, est compensée parles anastomoses ; la nécrose est
le fait de l'altération coniluente des petits vaisseaux proprement
nourriciers du tissu médullaire, et l'anémie dans ce cas n'est jamais
absolue. Elle est à un moment donné assez prononcée pour détermi-
ner la nécrose, mais elle n'est pas persistante et est bientôt plus ou
moins compensée par l'afflux collatéral.
De plus, il survient, dans le domaine des vaisseaux oblitérés, un
certain nombre de modifications qui indiquent le retour au moins
partiel de la circulation. On observe en effet communément, dans la
gaine infiltrée des vaisseaux oblitérés, un développement très mar-
qué des vasa-vasorum qui suppléent au vaisseau détruit ; le caillot
lui-même est creusé de nombreux capillaires néoformés (pl. III, fig. 4;
pl. IV, fig. 1, 2 et 5).
(1) Vdir s'ir ce sujet une longue et intéressante note dans la thèse de Chipatjlt
Mude de chirurgie médullaire, Paris, 1893, p. 83 et suivantes.
— 148 —
Dans les expériences de Spronck, l'interception du sang n'étant
que momentanée, la nécrose des éléments du tissu nerveux est bien-
tôt suivie d'une réaction du tissu interstitiel dont les quelques éléments
persistants empruntent leur vitalité à la circulation rétablie. Il en va
de même dans une certaine mesure pour le cas pathologique que nous
étudions : c'est l'afflux collatéral et l'apport des vaisseaux néoformés
qui l'ont les frais de la réaction du tissu névroglique.
La prolifération du tissu névroglique dont les noyaux cellulaires
présentent les signes de la karyokinèse, l'apport de nombreuses cel-
lules lymphoïdes engendrent une augmentation considérable du
nombre des éléments cellulaires dans la substance granuleuse fonda-
mentale. II est très important de faire remarquer que cette inflamma-
tion du tissu interstitiel est postérieure à la nécrose des éléments
nerveux et que, bien loin d'en être la cause, elle n'en est que la con-
séquence. En effet, dans les cas à terminaison mortelle très rapide
(notre cas n" I), on constate que cette proliféi'ation du tissu interstitiel'
fait défaut et que les signes du processus dégénératif existent seuls.
Mais la réaction substitutive se manifeste assez rapidement, en sorte
que le processus initial perd peu à peu ses caractères purement dégé-
nératifs.
Spronck a constaté que le processus de réaction du tissu névro-
glique conséculif au ramollissement anémique était surtout actif
vers le quatrième jour après l'expérience telle qu'il la pratiquait; on
note alors une prolifération abondante des éléments de la névroglie,
et la division karyokinétique des noyaux, principalement dans les
parties centrales de la substance grise.
Dans le ramollissement médullaire pathologique, le processus ne
se manifeste peut-être pas avec la même précocité, car d'abord les
phénomènes initiaux ne sont pas aussi rapides, puis le rétablissement
de la circulation qui favorise ce mouvement réactionnel n'est ni aussi
complet, ni aussi prompt; cependant on constate à un moment donné
l'augmentation du réseau névroglique et la prolifération des éléments
cellulaires de ce tissu, à mesure que s'accentue la destruction des
éléments nerveux.
Les préparations histologiques montrent alors un réseau névro-
glique abondant, dans les mailles duquel sont amassés les produits
de désintégration, sous forme de corps granuleux, de granulations
— 149 —
albumino-graisseuses libres, de IVagineiils de cylindres-axes variqueux
et granuleux, de moignons de cellules nerveuses, etc.
Le tissu de sclérose neuro^y^ique, qui est l'aboutissant du processus
de réaction que nous venons de décrire, ne présente pas le même
aspect suivant les régions considérées de la moelle.
Dans la substance grise, il est en général moins dense que dans la
substance blanche; le tissu est friable, comme formé d'une fine den-
telle dans les mailles de laquelle sont contenus les débris des éléments
nécrosés. Aussi, sur les coupes de la moelle à l'état frais, trouve-t-on
souvent une dépression correspondant à cliacune des cornes anté-
rieures. Après durcissement dans le bichromate, le tissu effondré et
rétracté peut donner lieu à une sorte de cavité artificielle.
Dans la substance blanche, au contraire, le tissu névroglique sclé-
reux présente une densité bien plus marquée.
Pour examiner les détails de structure de ce tissu, il faut traiter les
coupes par l'acide acétique et la potasse qui gonflent les éléments
névrogliques, puis les laver à l'alcool et à l éLher, qui fout disparaître
les produits graisseux de désintégration. Dans ces conditions, lorsque
la destruction des éléments nerveux est complète, on obtient des pré-
parations très nettes où le réseau névroglique apparaît comme
presque pur, on n'y trouve plus comme tissus étrangers que les vais-
seaux, avec leurs altérations propres et leurs gaines conjonctives
épaissies, et les petits foyers d'infiltration ou de sclérose gommeuse,
lorsqu'ils existent.
On observe alors que le tissu fondamental de la substance grise
est constitué par un réseau extrêmement délicat, résultant de l'enche-
vêtrement des filaments émanés des cellules névrogliques. Celles-ci
sont remarquablement nombreuses et volumineuses, présentant les
signes plus ou moins évidents de la prolifération, selon l'âge du pro-
cessus. Ce tissu est très peu résistant, il est souvent effondré dans les
parties centrales des cornes antérieures. Au pourtour du canal cen-
li al, il est au contraire plus épais et forme un feutrage serré.
Les vaisseaux sanguins se distinguent nettement par leurs parois
fibreuses épaisses, formées d'un tissu conjonctif dans lequel prédo-
inine, suivant les cas, le tissu fibreux ou l'élément embryonnaire.
Quelques cellules nerveuses, qui n'ont pas été détruites par le pro-
cessus, persistent dans les mailles du tissu, et présentent les aspects
que nous avons décrits.
— 15U —
Dans la subslance blanche, la disposition du tissu névroglique
varie suivant les points considérés et suivant le sens des coupes. Les
cellules araignées sont encore très nombreuses, les fibrilles névro-
gliques se groupent en faisceaux diversement orientés.
Sur les coupes transversales, on voit que dans les cordons antéro-
latéraux, les fibrilles transversales affectent, en général, une disposi-
tion radiée, elles forment des travées qui se dirigent du centre de la
moelle vers la périphérie, et offrent une épaisseur proportionnelle à
l'ancienneté de la lésion. Cette disposition est cependant fréquemment
modifiée, et le tissu forme alors un feutrage compliqué, dont les
fibres affectent toutes les directions. Les mailles sont occupées par
les produits de la dégénération : corps granuleux et tubes nerveux
plus ou moins reconnaissables. L'abondance de ces détritus diminue
à mesure que le processus devient plus ancien et que le tissu névro-
glique s'organise.
Dans les cordons postérieurs, le tissu de sclérose est toujours pro-
portionnellement plus dense; sur les coupes transversales, il affecte
souvent la forme de tourbillons névrogliques analogues à ceux qui
ont déjà été signalés dans d'autres affections de la moelle.
En dehors des fibres enchevêtrées qui apparaissent sur les coupes
transversales, on trouve sur les préparations de nombreux faisceaux
de fibrilles coupées transversalement qui apparaissent comme de
petits points colorés en rouge par le carmin. C'est surtout sur les
coupes longitudinales que l'on observe très bien la disposition des
fibrilles qui ont cette direction. On constate alors, et principalement
dans les cordons postérieurs, que les fibrilles névrogliques se dis-
posent en faisceaux extrêmement épais. Sur les préparations débar-
rassées des détritus granulo-graisseux, elles forment des larges
bandes continues où l'on ne trouve que des fibrilles ondulées et
parallèles, de toute longueur, qui s'écartent souvent pour laisser une
place à un vaisseau (pl. IV, fig. 1).
On peut dire que la densité du tissu et la régularité du dessin
sont d'autant plus remarquables que la lésion est plus ancienne.
Ces aspects ont déjà été indiqués dans la syphilis médullaire par
Goldflam (obs. 126).
Mais la névroglie ne revêt pas toujours un aspect aussi régulier.
Dans certains points des cordons postérieurs, elle forme des amas
— 151 —
inextricables sans ordination. Fréquemment, on observe, au milieu
d'un foyer de corps granuleux, une sorte de noyau de sclérose névro-
glique d'où irradient des travées qui vont rejoindre le tissu de même
nature tassé à la périphérie du foyer.
La névroglie se dispose aussi en anneaux concentriques autour
des vaisseaux altérés, mais ne fait pas corps avec la gaine conjonclive
de ces vaisseaux (pl. III, fig. 1).
Les tourbillons et les faisceaux ondulés parallèles de fibrilles
névrogliques ont été décrits dans la sclérose en plaques par
Weig'ert; dans la maladie de Friedreicli, par MM. Dejerine et
Letulle; par M. Chasiin, dans les lésions de l'écorce du cerveau
des épileptiques. On les a vus dans la sclérose du tabès vulgaire et
dans la tumeur de la syringomyélie. En effet, le tissu interstitiel
propre aux centres nerveux, lorsqu'il est le siège d'une inilammation
primitive ou simplement réactionnelle, ne saurait reproduire comme
résultat un type de sclérose autre que la sclérose névroglique.
De même que le tissu fibreux de cicatrice est l'aboutissant de
l'iuilanuiiation du tissu conjonctif, la sclérose névroglique est le der-
nier terme de l'inflammation du tissu névroglique. Mais le tissu
fibreux ne représente pas toujours une cicatrice vulgaire; il peut, par
son isolement, son état de pureté, l'intégrité des parties voisines,
prendre l'aspect d'une tumeur autonome et constituer alors le fibrome.
II en va de même pour la gliose des centres nerveux, lorsque la
sclérose névroglique se présente avec des caractères de pureté com-
plète; en l'absence de lésions des vaisseaux et du tissu conjonctif
périvasculaire, on est en droit de la considérer comme une production
spéciale dont la nature peut être rapprochée de celle du fibrome.
C'est ainsi que, dans la plupart des cas de syringomyélie, le gliome
central a l'aspect d'une tumeur énucléable, composée d'un tissu homo-
gène, véritable « fibrome » névroglique qui refoule le tissu nerveux
voisin.
L'origine de la gliose pure n'est certes pas plus claire que celle du
fibrome, cependant la gliose peut être aussi différente de la sclérose
névroglique, tout en présentant le même aspect, que le fibrome l'est
du tissu fibreux d'une cicatrice vulgaire ; et si l'on considère le
fibrome comme le résultat d'un vice dans le développement du tissu
conjonctif, il sera logique d'appliquer la même conception à la sclérose
névroglique.
— 152 —
La sclérose névroglique décrite par M. Chaslin dans le cerveau
des épileptiques, et par MM. Dejerine et Le tulle dans l'ataxie
héréditaire, se présenterait précisément avec ces caractères de pureté
et d'autonomie qui autorisent jusqu'à un certain point à considérer
l'altération de ces affections familiales comme une lésion d'évolution.
Cela dit en passant, nous ferons remarquer, pour en revenir au
sujet qui nous occupe, que l'hyperplasie névroglique qui, dans la
syphilis médullaire, constitue en certains points un tissu très dense
et presque pur, s'accompagne, d'autre part, de modifications impor-
tantes portant sur les vaisseaux et le tissu conjonctif périvasculaire.
Nous avons vu quelles étaient au début les altérations des vais-
seaux ; pendant que se développe le processus d'altération secondaire
du parenchyme médullaire, les lésions des vaisseaux évoluent pour
leur propre compte, et le processus qui les atteint n'offre aucune
solidarité avec celui que présente le tissu méduUaii^e environnant.
La paroi vasculaire d'abord infiltrée dans sa totalité subit une dégé-
nérescence hyaline qui porte principalement sur les couches internes
(pl. IV, fig. 3). L'infiltration des couches exteinies persiste, au contraire,
plus longtemps, et, lorsqu'elle avance en âge, elle fait place à un
tissu fibrillaire dense, de nature conjonctive. La gaine lymphatique
est le plus souvent englobée dans cet épaississement scléreux et
oblitérée. Mais on trouve toujours une limite tranchée entre la gaine
conjonctive périvasculaire, plus ou moins confondue avec la paroi du
vaisseau, et la zone névroglique annulaire qui l'entoure. La séparation
est des plus nettes lorsque la partie externe de la paroi vasculaire
est encore totalement infiltrée de noyaux, tandis que le tissu névro-
glique environnant, dont elle est séparée le plus souvent par une fente,
est presque uniquement fibrillaire (pl. III, fig. 1).
D'autre part, l'infiltration du tissu des méninges faitpeuk peuplace
à la sclérose; la membrane n'offre alors le plus souvent qu'un failde
épaississement et il n'y a pas généralement d'adhérence marquée
avec le tissu scléreux sous-jacent de la moelle. Ici encore, il est facile
d'établir une distinction entre le tissu conjonctif des travées fibreuses
épaisses de la pie-mère et le tissu névroglique de la moelle, il n'y a
d'ordinaire aucune continuité de tissu.
Cependant, de même que dans les premières périodes du processus
les travées conjonctives qui accompagnent les vaisseaux sont des
— 153 —
lieux de prédilection pour l'infiltralion, ces travées forment plus tard
des bandes conjonctives plus ou moins épaisses qui pénètrent dans
rintérieur de la moelle; mais cette disposition n'atteint le plus souvent
qu'une importance minime, et tout compte fait, lorsque l'affection est
arrivée au dernier terme de son évolution, l'épaississement de la
pie-mère ne représente en général qu'une lésion accessoire.
Nous avons décrit dans ses grandes lignes l'évolution de l'altération
delà moelle consécutive aux lésions vasculaires de la syphilis, lorsque
cette altération revêt la forme d'un foyer de ramollissement développé
assez rapidement. Dans ce cas, les différents stades du processus sont
assez tranchés pour qu'on puisse distinguer une première période de
destruction des éléments nerveux suivie d'une période de réaction
substitutive du tissu névroglique. Pour les formes à évolution lente,
cette division est moins facile à établir; les éléments nerveux ne
subissent pas en bloc les effets d'une suppression rapide et plus ou
moins complète de l'apport sanguin ; le ralentissement progressif de
la circulation dans des régions disséminées produit des altérations
plus lentes et plus diffuses des éléments nerveux, la nécrose de
ceux-ci se produit de ci, de là, et inégalement. Les modifications du
tissu conjonctif interviennent bientôt, se mêlent au processus de
nécrose des tubes nerveux et les apparences sont des plus complexes.
Ajoutons que l'affection n'est pas toujours une dans sa marche ;
plusieurs foyers de ramollissement peuvent se produire à échéances
variables, une nécrose brusque peut survenir au milieu d'un processus
lent. Aussi trouve-t-on dans la moelle, à côté de lésions très avan-
cées, des altérations dégénératives de date récente. Un foyer ancien
cicatrisé pourra être contigu à un ramollissement tout frais, etc. ;
souvent même c'est ce nouveau foyer de ramollissement qui coupe
court à une marche chronique de l'affection.
Dans les cas de ramollissement aigu comme dans les formes à
évolution lente, en dehors des foyers de nécrose constituée, on cons-
tate dans les parties relativement saines, des altérations du paren-
chyme nerveux représentées par le gonflement du tissu névrogli([ue
surtout des cellules araignées, une dilatation de la gaine de myéline,
l'hypertrophie des cylindres-axes, enfin un certain nombre d'altéra-
tions légères qui marquent l'état de souffrance d'un parenchyme mal
irrigué, mais pas aussi fortement anémié que les régions franchement
— 154 —
nécrosées. Ces légères modifications s'observent dans les zones voi-
sines des foyers de ramollissement et quelquefois dans des parties très
étendues de la moelle.
Dans les régions qui sont le siège de la dégénération secondaire
(cordon de GoU, faisceaux pyramidaux, etc.), la destruction des tubes
nerveux se fait par le processus ordinaire, les corps granuleux abon-
dent et le tissu névroglique ambiant entrant en activité se substitue
peu à peu aux tubes détruits. Une fois constituée, la sclérose névro-
glique présente les mêmes aspects que celle des foyers d'altération
primitive. La zone scléreuse est traversée par les tubes persistant
qui n'ont pas été interrompus dans leur parcours et se montrent
absolument intacts. Quels que soient la rapidité et le mode de
destruction des éléments nerveux (dégénéi^escence secondaire ou
nécrose anémique), la sclérose névroglique est le terme fuial du pro-
cessus dans le cas qui nous occupe. Au fur et à mesure que la lésion
vieillit, elle prend des apparences plus nettes, la sclérose s'épaissit,
la région se rétracte et la moelle, d'une consistance plus ferme, est
souvent déformée. Les produits de désintégration des éléments
nerveux disparaissent peu à peu, les corps granuleux de plus en plus
rares persistent cependant fort longtemps. Indépendamment de ceux
qui. frappés de mort, restent accumulésen foyers, on peut dire qu'on
en trouve, tant qu'il existe un tube nerveux en voie d'altération.
Mais à la longue, le processus s'éteint complètement et l'on trouve
une sclérose névroglique dense envaliissant des régions plus ou moins
étendues de la moelle. La limite qui sépare les zones scléreuses des
parties saines est en général assez irrégulière ; en dehors des seg-
ments où la dégénérescence secondaire existe seule, on n'observe pas
cette séparation nette qui caractérise les altérations de la sclérose en
plaques.
Dans le tissu de sclérose, on voit des vaisseaux énormes, hyalins,
entourés d'un manchon fibreux, les uns offrant encore une petite
lumière centrale ; les autres, complètement oblitérés, formant un cor-
don plein, homogène, avec quelques noyaux fusiformes, parfois un
débris de membrane élastique ondulé, et souvent des vaisseaux néo-
formés.
On trouve aussi souvent dans les zones sclérosées, des tubes ner-
veux parfaitement constitués et qui se distinguent nettement surle tissu
— 155 —
dense qui les environne (pl. IV, fig. 5). Ces quelques tubes qui ont
échappé à la nécrose primitive ont été respectés par le développement
de la névroglie qui n'a qu'un rôle de substitution. Leur nombre est
variable et naturellement en rapport avec le degré plus ou moins
accentué de l'anémie qui a produit le ramollissement. Cette persistance
de tubes isolés au milieu des zones altérées est plus ordinaire dans
les cas où la nécrose anémique s'établit progressivement. Dans le
ramollissement aigu, tous les éléments de la région anémiée sont
frappés de mort en bloc et aucun tube n'échappe à la nécrose.
Dans les cas très anciens et arrêtés dans leur évolution, la pie-mère
et le tissu médullaire des segments de moelle respectés possèdent
souvent des vaisseaux à parois épaisses et fibreuses mais à lumière
largement béante et suffisante pour le maintien de la circulation. Par-
ticularité remarquable, ces vaisseaux épaissis mais perméables sont
dans la moelle en contact avec des tubes nerveux absolument sains,
ce qui prouve que la sclérose du tissu nerveux, quand elle existe, n'est
nullement le fait de l'extension d'une sclérose périvasculaire. La pie-
mère de ce^ régions est elle-même le plus souvent intacte, et en effet,
le processus primitif frappe d'abord la paroi vasculaire ; arrêté dans
ses progrès, il évolue vers la sclérose avant que l'altération ait franchi
les limites de sa localisation primitive et gagné le tissu propre de la
pie-mère (fig. 28).
Une question qui se pose à la fin de l'étude de la destruction des
éléments nerveux, c'est celle de leur régénération. La destruction
des éléments nerveux une fois consommée est-elle définitive, ou bien
au contraire, certains de ces éléments dont les centres trophiques
sont respectés peuvent-ils se régénérer ? La solution de cette question
présente un grand intérêt pour l'interprétation de certaines constata-
tions cliniques.
11 est bien évident que sans faire intervenir la régénération des élé-
ments détruits, bien des particularités anatomiques, comme la limita-
tion d'un processus d'abord étendu d'une façon difi'use, le retour de
la circulation après rupture momentanée d'équilibre dans des parties
non encore frappées de mort, peuvent donner la raison de l'améliora-
tion que Ton observe, la période des accidents graves une fois passée.
Mais on voit des malades qui, après avoir présenté pendant des mois
et des années des phénomènes de paraplégie spasmodique très intense
— 156 —
avec contracture extrême allant jusqu'à produire l'impotence fonc-
tionnelle, bénéficient au bout d'une longue période d'une amélioration
très lente et progressive qui les amène à un état assez satisfaisant,
il est possible alors que la régénération des tubes nerveux joue un
rôle important dans cette amélioration.
Voyons d'abord ce que nous apprennent- les expériences des phy-
siologistes.
Kempten (1) a observé chez des pigeons une cicatrisation com-
plète de la moelle après une simple section transversale.
Flourens (2) a constaté qu'une section longitudinale du renflement
lombaire chez un lapin était à peu près complètement guérie au bout
de trois mois et que les mouvements étaient rétablis. Une section
transversale était suivie du même résultat.
M. Brown-Sequard (3) ayant coupé la moelle transversalement
au niveau de la cinquième racine dorsale chez un pigeon, l'animal
recouvra graduellement les mouvements d'abord supprimés et même
les fonctions génitales. La pièce anatomique fut examinée par Robin
qui observa la réunion des conducteurs nerveux au niveau de la section
cicatrisée. Sur un autre pigeon, on constata encore la régénération
des fibres nerveuses.
Les expériences de Masius et Vanlair (4) fournissent des rensei-
gnements encore plus explicites. Ces auteurs ont observé non seule-
ment la réunion des fdires sectionnées, mais même la régénération de
parties étendues de la moelle après des pertes de substance considé-
rables. D'après leurs descriptions, les tubes nerveux en voie de régé-
nération présenteraient d'abord l'aspect des fibres de Remak et les
cellules nerveuses elles-mêmes pourraient se reproduire.
Il est vrai que les expériences de Masius et Vanlair ont été pra-
tiquées sur la grenouille, mais Paul Dentan (5), ayant pratiqué sur
(1) Kkmpten. Cité par Leyden. 3Ial. de la moelle, p. 61.
(2) Flourens. Annales des sciences naturelles, 1828, t. XIII, p. 113.
(:-5) Beown-Sequaed. Sur la faculté de régénération des plaies de la moelle épi-
nière. 3Iéd. exam., 1852^ p. 379. — Kégénération des tissiTs de la moelle épinièn?.
Comptes rendus de la Société de hiologie, 1850; Gazette médicale, 1850.
(4) Masius et Vanlair. Eecherches expérimentales sur la régénération anato-
mique et fonctionnelle de la moelle épinière. Mém. de V Acad. roy. de viéd. de
Belgique, Bruxelles, 1870.
(5) Paul Dentan. Quelques reoherchcs sur la régénération fonctionnelle et ana-
tomique de la moelle épinière. Dissertation inaugurale, Berne, 187;-5.
— 157 —
des cliiens nouveau-nés des sections et même des excisions de la
moelle, a pu constater également la régénération du tissu nerveux et
le rétablissement des fonctions. Dans le point de réunion, au milieu
du tissu de cicatrice, on trouvait des capillaires néoformés et des
fibres nerveuses grêles et pâles, mais pas de cellules nerveuses.
Sans pousser plus loin la revue des études expérimentales analo-
gues qui ont été instituées depuis, nous enregistrerons ce fait que, pour
les tubes nerveux au moins, la régénération est possible. Celle des
cellules nerveuses est bien plus discutable malgré les constatations
de Masius et Yanlair; ces éléments autonomes et isolés une fois
détruits, aucune puissance trophique n'intervient pour amener leur
reproduction.
Les tubes nerveux, au contraire, ne sont ((ue de simples conducteurs
dont l'existence est subordonnée à celle du centre trophique dont ils
émanent. Dans la moelle connue dans les nerfs péripliériipies, ils sont
capables de se régénérer tant que ce centre persiste, à la condition
que la cause de destruction qui les intéressait sur leur parcours cesse
d'exister. INous avons vu que dans le ramollissement médullaire par
lésions syphilitiques des vaisseaux, l'anémie, pour intense qu'elle est
tout d'abord, ne persiste pas complètement et que la vitalité reprend
d'ordinaire dans les régions altérées. La cause principale de destruc-
tion disparaît donc au bout d'un certain temps. Reste la sclérose
névroglique dont la présence s'oppose évidemment au rétablissement
de la structure normale, mais ce processus est purement secondaire,
la sclérose n'est que substitutive, elle n'attaque pas directement l'élé-
ment nerveux qu'elle remplace seulement après sa destruction, elle
cesse d'évoluer dès que la dégénération est arrêtée. Aussi bien les
cylindres-axes de nouvelle formation peuvent-ils se prolonger dans les
interstices laissés par le tissu de cicatrice sans subir d'altérations. On
comprend cependant que les régions déjà envahies par un tissu de
sclérose dense ne peuvent être pénétrées par les tubes néoformés, en
sorte que celle régénération ne doit être que partielle et même fort
incomplète. En examinant minutieusement les régions scléreuses dans
les cas anciens de syphilis médullaire, on trouve de petits cylindres-
axes isolés nettement arrondis et parfaitement colorés, entourés d'une
très mince gaine de myéline ou paraissant nus. Peut-on considérer
ces cylindres-axes comme l'analogue des fibres de Remak décrites par
— 158 —
Masius et Vanlair; représentent-ils des tubes nerveux en voie de
régénéra Lion y C'est une question à laquelle il est difficile de répondre.
Nous constaterons seulement qu'une réponse affirmative s'accorderait
bien avec les particularités cliniques que nous avons sig'nalées. « La
clinique, dit Leyden(l), nous fait envisager comme vraisemblable
la faculté de régénération de la moelle chez l'homme sans pourtant la
prouver d'une manière précise. A la suite de blessures, d'hémor-
rhagies et de ramollissement, il n'est pas rare de constater des amé-
liorations graduelles si frappantes que force est d'admettre une
régénération partielle des endroits lésés. » Ces considérations s'appli-
quent pleinement à la syphilis médullaire.
D. — Particularités dans l'évolution des lésions. Formes anato-
MIQUES SPÉCIALES
Nous n'avons envisagé, jusqu'ici, que la lésion principale du tissu
nerveux, celle qui résulte des altérations des vaisseaux ou de la pie-
mère considérée comme membrane nourricière de la moelle. Il existe
encore un certain nombre d'autres modifications qui, sauf exception,
n'ont qu'une importance secondaire.
L'inflammation spécifique d'abord localisée au système vasculaire
et au système lymphatique de la pie-mère peut dans quelques cas
s'étendre davantage et envahir le parenchyme nerveux lui-même. On
voit alors l'infiltration émanée du tissu de la pie-mère ou d'un vais-
seau intramédullaire gagner le parenchyme voisin et constituer un
tissu embryonnaire dense qui pénètre dans la moelle sous forme de
coin ou apparaît comme un îlot en pleine substance. Cette prolifé-
ration intéresse des portions de parenchyme resté sain jusque-là
ou déjà atteint par la dégénérescence ; elle se présente dans tous
les cas avec des apparences particulières qui permettent d'en recon-
naître l'origine et de la distinguer des autres modifications patholo-
giques que nous avons décrites. L'infiltration spécifique, qu'elle ait
pour origine la pie-mère ou un vaisseau de cette membrane, ou qu'elle
se développe autour d'un vaisseau situé dans le tissu même de la
moelle, est formée par un amas de cellules embryonnaires qui tantôt
se groupent en un nodule assez nettement circonscrit, tantôt s'éten-
(1) Leyden. Loc. cit., p. 62.
— 159 —
dent d'une façon diffuse dans le tissu environnant. Il ne s'agit là, en
somme, que d'une extension du processus qui atteint primitivement
les parois des vaisseaux et les gaines périvasculaires, puis les fentes
lymphatiques de la pie-mère et qui préside à la formation des petites
gommes miliaires dont nous avons déjà parlé au début de cette des-
cription.
Nous insisterons sur ce fait que, si ces lésions ont une extrême
importance au point de vue de la caractéristique du processus, elles
ne sont en général qu'assez peu développées et souvent tardives, la
lésion principale étant la nécrose anémique du parenchyme nerveux.
Ces infiltrations gommeuses se reconnaissent à la disposition con-
iluente des noyaux embryonnaires et à la présence fréquente de
cellules géantes ; enfin quelquefois, bien qu'assez rarement, et seule-
ment lorsque la néoplasie est considérable, on observe des signes de
dégénérescence caséeuse centrale. Ces modifications pour n'être pas
absolument spéciales à la syphilis permettent au moins d'établir une
distinction formelle entre l'infiltration gommeuse et les autres alté-
rations qui atteignent les régions voisines.
Plus tard, lorsque l'affection est plus ancienne, les régions qui ont
été envahies par l'infiltration syphilitique se distinguent encore des
parties où siège la sclérose névroglique consécutive à la nécrose
anémique. En effet, l'infiltration g'ommeuse cicatrisée prend l'aspect
d'un tissu conjonctif très dense qui souvent se dispose en forme de
coin reposant par sa base sur la pie-mère, avec le tissu de laquelle
il se continue, et s'enfonçant plus ou moins profondément dans le
parenchyme médullaire. Dans quelques cas, l'inflammation de la pie-
mère a déterminé une adhérence des membranes extérieures et l'on
peut observer, comme dans notre cas n° III (fig. 15), des points où les
trois membranes soudées et la partie adjacente du tissu médullaire
forment une masse continue constituée par du tissu fibreux de
cicatrice.
Aux altérations portant sur la moelle même, il faut joindre les
lésions qui atteignent directement les racines et entrent en ligne de
compte dans la détermination des symptômes et aussi dans la produc-
tion de zones de dégénération secondaire dans la moelle. Pour les
racines antérieures, il y a d'abord une cause banale de destruction
des tubes, c'est la dégénérescence wallérienne secondaire aux altéra-
— 160 —
tions des cellules des cornes antérieures ; mais les lésions radicu-
laires sont surtout une conséquence directe de l'inflammation qui
envahit les tissus vasculaire, lymphatique et conjonctif des cordons.
Ici, on trouve très nettement le point de départ de l'infiltration dans
la paroi des vaisseaux ; elle s'insinue ensuite dans les espaces
conjonctifs interfasciculaires et envahit ainsi le corps de la racine
(pl. I, fig. 6).
La destruction des tubes nerveux dans les racines semble résulter
plutôt de l'envahissement progressif par l'infiltration que des troubles
circulatoires; en effet, dans les formes qui se terminent par une mort
rapide, alors que l'infiltration n'est pas encore très développée et
qu'elle reste localisée aux régions périvascidaires, les racines sont
peu altérées, tandis que la nécrose de la moelle est très intense. Il en
était ainsi dans notre cas n° 1.
Au contraire, lorsqu'une cer laine durée de l'affection a permis
l'extension de l'inflammation, le périnèvre est épaissi et infiltré, les
tubes nerveux sont détruits par l'infiltration qui envahit le corps du
faisceau.
Dans la suite, lorsque les lésions sont cicatrisées, le cordon radi-
culaire est composé d'un tissu scléreux qui diffère de la sclérose
névroglique de la moelle par la prédominance de l'élément conjonctif.
Les altérations radiculaires sont le plus ordinairement peu accen-
tuées, cependant, dans quelques cas, elles prennent une importance
capitale ; aussi quelques auteurs ont-ils admis une forme spéciale de
névrite et périnévrite spinales fibreuses et gommeuses (1).
Les phénomènes d'inflammation des méninges, l'envahissement de
la moelle par l'infiltration gommeuse, la production de néoplasies
circonscrites présentent une extension plus ou moins marquée dans
les cas ordinaires de syphilis médullaire, mais ils sont en général
assez peu développés. Toutefois, un certain nombre de formes ana-
tomiques spéciales résultent du développement exagéré de ces
altérations.
Ainsi, on observe dans quelques cas une inflammation gommeuse
considérable des méninges, donnant lieu à ces dépôts épais qui ont
été constatés dans plusieurs autopsies à la surface des membranes.
(1) Jdrgens. Ueber Syphilis des Kiickeiimarks und seiner Hiiute. Cliarite Anna-
len, 1885, p. 729.
— 161 —
L'inflammation détermine leur adhérence, puis la sclérose s'établit et
ainsi se trouve constituée la pachy méningite sypliilitique.
D'autres fois, l'infiltration gommeuse développée autour d'un vais-
seau des méninges ou de la moelle prend l'aspect d'une néoplasie
circonscrite et forme une tumeur volumineuse. Il s'agit alors d'un de
ces cas rares de gomme de la. moelle.
Mais ce ne sont là, en somme, que des formes exceptionnelles, et
l'altération du tissu médullaire, dans ces cas, résulte à la fois de la
compression et des troubles circulatoires, car, ni les lésions vascu-
laires ni leurs conséquences que nous avons décrites ne sont exclues
de ces formes spéciales.
S.
11
2, — Les symptômes.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Les manifestations cliniques de la syphilis médullaire revêtent des
aspects multiples, en raison de la variabilité des lésions. Cependant,
puisque, ainsi que nous avons essayé de le démontrer, certaines
altérations extramédullaires comme les lésions osseuses du rachis,
et d'autres manifestations intrinsèques comme la pachyméningite
et les gommes circonscrites, sont des phénomènes rares, il reste
une certaine fixité dans le processus des altéralions vasculaires et
méningées qui constituent la majorité des cas. On doit donc observer
une ressemblance entre les différents types cliniques qui répondent à
ces altérations ; et de fait, l'étude des observations publiées jusqu'ici
permet de décrire un type clinique assez constant qui répond au plus
grand nombre des cas.
Toutefois, il existe bien des variantes même de cette forme com-
mune, et il est assez facile d'en rendre compte si l'on veut bien se rap-
peler que le processus, tout en restant le même, peut être plus ou
moins rapide, atteindre la moelle à des hauteurs variables, être plus
ou moins étendu, rester cantonné à la moelle ou s'accompagner d'alté-
rations analogues dans d'autres parties des centres nerveux, comme
le cerveau on le mésocéphale. Enfin, pour être généralement diffuses,
les altérations vasculaires peuvent quelquefois prédominer dans cer-
tains systèmes de vaisseaux et donner lieu à des symptômes qui rap-
pellent certaines affections systématiques de la moelle.
A toutes ces différences dans l'évolution et la localisation du pro-
cessus anatomique correspondent des variations dans l'aspect, la
marche, l'intensité et la complexité des symptômes. En laissant de
côté les formes compliquées de symptômes cérébraux importants
(formes cérébro-spinales proprement dites), les formes pseudo-
systémsLtiques et celles qui correspondent à une lésion anato-
— 163 —
mique spéciale (pachyméningite, gommes, syphilis osseuse du
rachis), nous décrirons d'abord la forme commune.
La plupart des auteurs qui ont étudié la paraplégie syphilitique
établissent une distinction formelle entre les cas qui apparaissent
rapidement et ceux qui évoluent au contraire lentement; et pour eux,
formes aiguës et formes chroniques répondent à peu près à la divi-
sion en formes graves et formes moyennes ou bénignes.
L'exactitude de ce parallèle n'est pas absolue. Intensité et soudai-
neté sont en général deux caractères associés, mais ils ne sont nulle-
ment inséparables l'un de l'autre. Si, en effet, c'est le plus souvent la
grande extension des lésions vasculaires qui détermine dans la moelle
des lésions à la fois rapides et étendues, il pourra se faire qu'une
lésion développée assez rapidement soit circonscrite et que les symp-
tômes après une entrée en scène bruyante se modèrent promptement
en constituant une forme bénigne.
Aussi bien, des altérations progressives pourront s'étendre lente-
ment, mais envahir des régions considérables, et l'on verra l'affection,
d'abord bénigne, s'accentuer progressivementou même s'aggraver par
des accidents brusques.
On n'a pas encore tenté jusqu'ici de donner une description clinique
complète de la syphilis médullaire, et, à part le mémoire de Erb (1),
qui fournit un tableau assez net de la forme la plus commune, et l'ou-
vrage de Gaj kiewicz (2), on ne trouve dans les différents auteurs
que des indications isolées sur la nature et la marche des symptômes.
Nous n'entreprendrons point ici l'historique de la partie clinique
de la syphilis médullaire, nous étant déjà attaché à rechercher dans
les auteurs les lésions dont la connaissance a permis d'établir l'iden-
tité de cette affection.
Avant la publication de Erb, nous signalerons seulement, comme
travaux récents fournissant des indications cliniques d'ensemble, ceux
de MM. Gros et Lancereaux, Ladreitde La Charrière, Zam-
baco, Leyden, Fournier, Mauriac, Hutchinson, Boadbent,
Ross, Caizergues, Julliard, Savard, Oppenheim, Siemer-
ling, Jiïrgens, Proux, Gilbei't et Lion, Breteau (3), etc. Enfin
(1) Eeb Ueb t syiihilitische Spinalparalyse. -A't'KroZof/. Centralhl., mars 1892.
(2) Gajkiewicz. Sjiphili.'i du .sy.itènie nerveux. Paris, 1892.
(3) Voir Index bibliographique.
— 164 —
la question a été bien éclairée par les travaux de fraîche date de
MM. Gajkiewicz, Kuh, Goldflam, Lamy (1).
Tous ces auteurs séparent les formes aiguës et les formes chroni-
ques, qui offrent des différences non seulement dans la rapidité et la
gravité des symptômes, mais aussi dans leur nature : la paralysie
flasque, l'atrophie musculaire et les troubles trophiques graves étant
surtout l'apanage des formes aiguës et graves, au contraire les phéno-
mènes spasmodiques caractérisant les formes chroniques et d'intensité
moyenne.
Caizergues (2) signale l'exagération ordinaire des réflexes et la
rareté de leur abolition. Julliard (3) remarque que bien souvent les
troubles de la sensibilité, par leur légèreté, « contrastent étrangement
avec l'intensité des lésionsmotrices ». Vinache (4) fournit un certain
nombre d'indications sur le début et l'évolution de l'affection. Les
premiers symptômes seraient un sentiment de torpeur, de lourdeur et
des douleurs irradiées dans les jambes et dans le tronc, ou bien des
troubles génito-urinaires. L'auteur fait ressortir la marche oscillante
des manifestations, la dissémination et la « fragmentation » des
symptômes, la prédominance des troubles moteurs et l'association
possible d'autres symptômes nerveux d'origine extraspinale.
D'après I-Iammond(5), il existerait une forme assez tardive, débu-
tant par une douleur irradiée de la région rachidienne vers les extré-
mités, et se caractérisant ensuite par une raideur musculaire qui
s'installe progressivement. Alors survient la paraplégie qui envahit
une jambe, puis les deux. La sensibilité n'est que peu intéressée, les
sphincters au contraire sont troublés dans leur fonctionnement.
L'anesthésie et les troubles trophiques graves n'apparaissent que
tardivement. La guérison lente s'observe. Mais la paralysie peut
apparaître rapidement et être complète en quelques jours. Dans ce
cas, elle constitue le premier symptôme, ou n'est précédée que de
quelques Iroubles vagues dans les membres inférieurs. Les troubles
urinaires et les altérations du décubitus sont très accentués, et le
(1) Voir Index MMiographique.
(2) Caizergues. Thèse, Montpellier^ 1878.
(3) Jltlliaed. Thèse, Lyon, 1879.
(4) Vinache. Thèse, Paris, 1880.
(5) Hammond. a treatise on tlie diseuses ofthemrvous System, 1880.
— 165 —
pronostic grave. Le trailement est sans action sur cette forme, qui
aboutit ordinairement à la mort par infection septique.
Proux (i) a observé plusieurs exemples de cette forme aiguë à
début brusque et a remarqué que, peu de temps après l'infection
syphilitique, l'état général du malade s'affaiblit, il apparaît dans les
reins des douleurs vagues qui se propagent dans les jambes, celles-ci
sont le siège de fourmillements et présentent une faiblesse et une
lourdeur inaccoutumées. Bientôt se manifestent les symptômes para-
lytiques qui, en moins de vingt-quatre heures, obligent le malade à pren-
dre le lit. Les cas à début brusque observés par Proux présentent ceci
de remarquable qu'ils n'ont pas été aussi graves qu'ils le sont d'ordi-
naire. L'auteur a, en effet, constaté dans la plupart une amélioration
très prononcée et même la guérison complète ou à peu près. Ce fait
prouve bien que la soudaineté du début ne commande pas nécessaire-
ment un pronostic grave. Un trouble circulatoire passager peut être
l'origine d'une paralysie brusque qui ne persistera pas, à la condition
que l'anémie du segment médullaire intéressé n'ait pas duré assez
longtemps pour amener la nécrose du tissu nerveux. Le même phé-
nomène s'observe dans les paralysies par artérite cérébrale.
Proux indique aussi la possibilité d'un début progressif; dans ce
cas, la paralysie commence généralement par un côté avant d'inté-
resser les deux membres, elle va très rarement jusqu'à l'impotence
fonctionnelle complète. La vessie, le rectum et les fonctions génitales
sont régulièrement intéressés. Les troubles de la sensibilité objective
existent toujours, mais sont très modérés ; quant aux douleurs, elles
sont d'importance très variable et n'ont rien de caractéristique. Les
troubles trophiques sont peu accentués, l'atrophie musculaire est
modérée et ne s'accompagne pas de modifications dans les réactions
électriques.
La marche de la myélopathie est oscillante, les accidents aigus
peuvent récidiver.
Breteau (2) décrit aussi deux formes.
Une forme à marche lente, qui commence souvent par des douleurs,
douleurs lombaires et en ceinture, sourdes, irradiées, quelquefois
très intenses. Puis apparaissent dans les membres inférieurs un seu-
il) Proux. Thèse, Bordeaux, 1886-1887.
(2) Breïeau. Thèse, Paris, 1889.
— 166 —
timent de lourdeur, de l'engourdissement et des fourmillements dans
les extrémités. Avec la faiblesse musculaire, la marche devient hési-
tante, sautillante, les pieds traînent sur le sol, dont ils heurtent les
aspérités, les chutes sont fréquentes. Les réflexes rotuliens sont
exagérés. La perception du contact et de la température est ordinai-
rement altérée, tandis que les autres modes de la sensibilité sont
respectés. Il existe des troubles de la miction et de la défécation dès
le début ou dans le cours de l'affection.
Enfin les symptômes, bien que n'étant jamais absolument unilaté-
raux, peuvent prédominer d'un côté.
La forme rapide est précoce; comme la précédente, elle débute
souvent par des douleurs, mais les phénomènes paralytiques appa-
raissent très vite , les troubles moteurs et sensitifs atteignent
bientôt leur maximum d'intensité; les sphincters participent à la
paralysie (rétention d'urine, puis incontinence) ; les réflexes sont
abolis ; les lésions du décubitus précoces. Souvent l'affection revêt
une allure ascendante, ou prédomine d'un côté.
Les descriptions de Proux et de Breteau nous paraissent repré-
senter un tableau très fidèle des aspects les plus ordinaires de l'affec-
tion; elles ont cependant été assez peu remarquées, et il est curieux
de constater le peu de place donnée jusqu'ici dans les traités clas-
siques à une affection, en somme, assez fréquente, et souvent bien
caractéristique.
Il est, en effet, une forme assez commune, résultant d'une localisa-
tion accoutumée des lésions dans la région dorsale, et constituant une
véritable entité clinique. Bien de nos maîtres en France ont observé
ces malades à démarche spéciale, ne quittant jamais leur canne,
infirmes plutôt que malades, capables de travailler, mais toujours
incommodés par l'irrégularité de leurs sphincters et qui, pour la plu-
part, après avoir erré de service en service, allaient échouer k l'hos-
pice de Bicêtre ou à la Salpètrière.
En les interrogeant, on apprenait que plusieurs mois, plusieurs
années auparavant, ils avaient été beaucoup plus paralysés, puis, que
leur état s'était amélioré, mais que depuis déjà longtemps ils en
étaient au même point; ou bien c'est peu à peu que leurs jambes
s'étaient paralysées. En tous cas, les uns et les autres avaient eu des
douleurs de reins plus ou moins violentes. Actuellement, ils ne
— 167 —
souffrent plus, mais leurs jambes sont raides, ils sont gênés pour
uriner ou urinent malgré eux. En les examinant, on trouve une exagé-
ration marquée du réflexe rotulien, la force des jambes est presque
intacte, mais les mouvements sont embarrassés.
Le malade avouant des antécédents syphilitiques, on le mettait au
traitement mixte, sans résultat d'ailleurs le plus souvent, et. après
(juelques semaines de séjour, il quittait l'hôpital. On connaissait bien
ces malades, on se les transmettait d'un service à l'autre avec le dia-
gnostic de myélite transverse syphilitique, tout le monde s'enten-
dait sur leur cas, mais personne n'avait entrepris de donner de leur
affection une description générale. Le professeur Erb a le premier
tracé le tableau suivant.
« Les malades présentent, dans leur maintien, la marche, les mouve-
ments, le tableau de la paraplégie spinale spastique; les réflexes sont
exagérés, mais la contracture est modérée; la vessie est régulière-
ment intéressée, par contre la sensibilité n'est que très peu touchée,
bien qu'on puisse toujours déceler une certaine atteinte de cette fonc-
tion. 11 n'y a pas de douleurs considérables, l'atrophie musculaire
manque; les bras, la tête, les nerfs crâniens sont indemnes.
« La marche de l'affection est le plus ordinairement progressive, les
symptômes mettent des semaines, des mois et même des années à
évoluer; ce sont des paresthésies, çà et là des douleurs fugaces, de la
lassitude, de la faiblesse et de la raideur des jambes, des troubles
vésicaux. Ce dernier symptôme reste souvent isolé pendant des mois
et des années.
« Dans la suite, l'aflection progresse en s'aggravant, tantôt jusqu'à
la parésie spastique très accentuée, rarement jusqu'à la paralysie
complète ; la paraplégie complète s'améliore toujours et revient à
l'état de parésie spastique. Les malades offrent le type de la démarche
spasmodique : ils se traînent lentement, avec de grands efforts, les
jambes raides ; on voit qu'à la parésie s'ajoute surtout une raideur
musculaire très intense. En effet, l'état paralytique est peu prononcé,
il n'y a qu'une parésie plus ou moins marquée, et souvent une force
musculaire encore bien développée.
« Un fait encore plus remarquable, c'est le peu de développement de
l état de contracture qui, dans quelques cas, est à peine marqué. On
trouve, au contraire, dans les réflexes rotuliens, une exagération
— 168 —
plutôt très accentuée que modérée (clonus du pied et de la rotule).
« Les troubles de la sensibilité sont très légers, souventtrès difficiles
à constater ; on note cependant presque toujours quelques phéno-
mènes subjectifs ; quant aux troubles objectifs, ils manquent très
souvent ; ils ne sont, en tous cas, jamais importants et ne s'étendent
qu'à quelques-uns des modes de la sensibilité, ou sont peu étendus ;
on n'observe pas d'anesthésie (paraplégique) à limite supérieure
nette.
« La faiblesse vésicale est presque constante, la paralysie du rectum
l'est moins. La rétention et l'incontinence peuvent exister alternati-
vement ou simultanément, ces phénomènes ne sont pas toujours très
prononcés ; quelquefois, cependant, il faut user de la sonde pour
vider la vessie. Les fonctions génitales sont généralement compro-
mises. Tels sont les principaux symptômes. Le décubitus se produit
accidentellement (dans les cas très graves) ; l'atrophie musculaire
fait le plus souvent défaut, la réaction électrique reste intacte.
« Les parties supérieures du corps se maintiennent normales ; les
bras, le cou, la tète restent libres ; les pupilles, les muscles des yeux
sont indemnes ; de même, la mémoire, l'intelligence, la parole, du
moins tant qu'il s'agit d'un cas non compliqué.
« Cette description s'applique à la majorité des cas. Il est possible
d'observer des variantes dans l'intensité des manifestations : la parésie
ou la contracture pourront être plus intenses ou plus faibles, les
troubles de la sensibilité ou des sphincters plus ou moins nets, mais
en général l'affection reproduit dans ses principaux traits le tableau
caractéristique précédent.
« La maladie, dans sa marche, a une tendance évidente àl'amélioration,
surtout avec l'aide d'un traitement énergique, si bien que les malades
peuvent souvent reprendre leurs occupations, se marier même, etc.
Cette amélioration remarquable s'observe dans la moitié des cas.
D'autres fois, l'affection reste stationnaire pendant des dizaines
d'années, quelquefois même elle progresse jusqu'à la terminaison
fatale. »
Au cours de sa description, l'auteur fait remarquer que dans quel-
ques cas l'affection évolue très rapidement et aboutit à la paraplégie
complète en quelques jours : paralysie motrice et sensitive, paralysie
— 169 —
des sphincters et décubitus (1). 11 se demande s'il s'agit là d'une forme
spéciale ou bien d'une simple variante dans l'évolution de la forme
ordinaire. Nous nous sommes déjà expliqué sur la signification de
ces symptômes aigus : ils indiquent simplement une extension plus
rapide ou une localisation plus grave de l'altération commune. Et loin
de les considérer comme des accidents exceptionnels, nous pensons
qu'ils s'observent souvent soit au début, soit dans le cours de la para-
plégie spinale syphilitique.
Certes, le tableau clinique tracé par Erb se rapporte à la forme
ordinaire de la paralysie spinale syphilitique à sa période d'état ;
l'auteur fait même remarquer que, contrairement à l'opinion qui donne
comme caractéristique de la syphilis, l'irrégularité et la din'usion des
symptômes (Julliard), le type qu'il décrit offre une grande fixité.
Mais pour nous, ce n'est là qu'une forme de la myélopathie syphili-
tique et c'est précisément parce que les circonstances dans lesquelles
se produisent les lésions de la moelle sont à peu près identiques dans
les différents cas que l'aspect clinique présente une certaine cons-
tance. La paraplégie spasmodique succède à une altération transverse
de la moelle qui ne détruit pas les centres gris correspondant aux
membres inférieurs. Cette seule particularité suffit à établir une pro-
fonde différence en tre le type clinique que nous étudions et la para-
lysie constamment flasque et toujours très grave qui résulte de la
destruction de ces centres. Dans les conditions ordinaires réalisées
par la paraplégie syphilitique commune, la lésion étant moins grave,
l'évolution de l'affection présente toutes ses périodes et le (ableau
clinique est complet. Si le foyer tranverse se produit brusquement, il
donne d'abord lieu à une paraplégie flasque, puis une fois les premiers
accidents dissipés, les symptômes paralytiques s'effacent plus ou moins
complètement, et ce sont surtout les phénomènes spasmodiques qui
persistent dans les membres inférieurs. Ou bien l'altération s'étaldit
lentement, sans déterminer d'ictus et les symptômes spasmodiques
s'installent progressivement.
Mais si la lésion est très étendue, si elle intéresse des centres spi-
naux importants au lieu de porter sur de simples faisceaux conduc-
teurs, l'affection marche bien plus vite, et une lésion qui ne se dis-
(1) Erb. Loc, cit. : « In einzelnen Fàllen vird auch eine rapidere Entwicklung
des Leidens beobachtet, etc. », p. 162.
— 170 —
tingue de celle de la forme commune que par quelques particularités
dans l'étendue ou la localisation donne lieu à un aspect clinique bien
différent. La paralysie est étendue, intense, sans rémission ; des trou
bles marqués de la sensibilité s'y joignent, des lésions trophiques
graves se manifestent et l'évolution est rapide.
La phase des phénomènes spasmodiques et l'ensemble des symp-
tômes qui constituent la paralysie spinale spastique ne peuvent donc
être réalisés que dans certains cas spéciaux qui permettent la survie
du sujet et c'est précisément parce que ce type clinique ne se produit
que dans certaines conditions qu'il présente une fixité particulière.
Voici comment nous comprenons l'ivolution dés symptômes de la
paraplégie syphilitique : nous avons essayé de démontrer que les
lésions vasculaires commandaient la plupart des altérations du tissu
médullaire; le tableau clinique dépend de l'étendue et de la rapidité
d'extension des lésions.
Les premiers symptômes qui traduisent la souffrance de l'axe
spinal apparaissent généralement d'une façon insidieuse; dans
d'autres cas, le début est très rapide et peut même être tout à fait
foudroyant ; d'autres fois enfin, les symptômes s'accentuent progressi-
vement pour atteindre un degré d'intensité variable. Il est beaucoup
plus fréquent de voir, après une première période pendant laquelle
les signes restent diffus et assez peu marqués, se produire une aggra-
vation brusque sous la forme d'une attaque de paraplégie. Cet
accident marque un premier stade dans l'évolution de la maladie, car
de deux choses l'une : ou bien la paralysie intense, flasque et accom-
pagnée d'une anesthésie plus ou moins marquée, persiste en raison
de l'étendue ou de la localisation des lésions et la mort survient à
échéance variable, mais toujours brève; ou bien les symptômes para-
lytiques s'amendent et les symptômes spasmodiques s'établissent
constituant une nouvelle phase de la maladie qui revêt alors l'aspect
clinique classique.
Les malades peuvent d'ailleurs arriver lentement à cette période
spasmodique sans passer par l'attaque de paraplégie, ce qui ne les
empêche nullement de présenter dans la suite des accidents aigus
analogues à ceux qui précèdent d'ordinaire l'établissement des phé-
nomènes spasmodiques.
— 171 —
A. — Période prodromique
A la période d'établissement des altérations vasculaires et ménin-
gées correspond une phase clinique déterminée. En effet, les altéra-
tions vasculaires ne sont pas tout d'abord assez accentuées pour
provoquer la nécrose anémique des éléments nerveux, mais elles pro-
duisent des troubles circulatoires diffus et passagers dans des régions
variées de la moelle ; d'autre part, l'inflammation s'étend aux méninges,
peut atteindre les racines d'une façon précoce et toutes ces modifica-
tions se traduisent par des symptômes qui indiquent l'état de souffrance
de l'organe.
Enfin, la syphilis médullaire est très fréquemment précédée ou
accompagnée de troubles cérébraux même en dehors des cas où ces
symptômes ont une importance assez marquée pour constituer par
leur association avec les symptômes spinaux la forme dite cérébro-
spinale.
Tous ces phénomènes constituent la période prodromique et
nous les diviserons, pour en faciliter l'étude, en symptômes extrin-
sèques (cérébraux) et symptômes intrinsèques (spinaux).
La jjériode prémonitoire a été mentionnée déjà par plusieurs
auteurs, mais c'est surtout M. Lamy qui, dans une thèse récente,
l'a présentée avec sa véritable signification et a décrit les dilTcrents
aspects qu'elle peut revêtir.
a) Symptômes extrinsèques (cérébraux).
Si nous plaçons ici la description de signes qui sembleraient devoir
sortir du cadre de la forme pure de syphilis médullaire que nous
étudions, c'est qu'en réalité ils se présentent avec une grande fréquence
dans la période qui précède l'établissement des phénomènes spinaux
graves. Le fait n'a rien de surprenant si l'on songe que l'axe cérébro-
spinal forme un système continu dont toutes les parties constituées par
un même tissu offrent dans une certaine mesure la même impression-
nabilité. Le virus syphilitique répandu dans les systèmes sanguin et
lymphatique des centres nerveux peut atteindre toutes les parties d une
façon diffuse avant de présenter une localisation soit cérébrale, soit
spinale, soit même cérébro-spinale. Aussi les phénomènes cérébraux
— 172 —
se mêlent-ils souvent aux symptômes spinaux dans la période qui
précède cette localisation.
Cependant, l'ordre d'apparition de ces symptômes diffus prodromi-
ques ne semble pas absolument abandonné au hasard, et le cerveau
paraît présenter pour la syphilis une susceptibilité plus grande que
la moelle, ainsi que le prouve d'ailleurs la plus grande fréquence des
accidents de syphilis cérébrale. Aussi bien, même dans les cas de
localisation spinale, note-t-on souvent à une époque antérieure plus
ou moins éloignée un certain nombre de signes cérébraux, mais ce
n'est pas là une loi absolue.
Jùrgens, s'appuyant sur quelques observations anatomiques,
avait émis l'opinion que les lésions syphilitiques de la moelle étaient
toujours précédées de manifestalions analogues dans l'encéphale et
que l'affection progressait de haut en bas; mais, la plupart des cas
de Jùrgens ont trait à des formes spéciales de pachy méningite
cervicale provenant de l'extension d'une méningite basilaire. Dans
ces cas, les nerfs crâniens sont très atteints les malades présentent
des signes de syphilis cérébro-spinale et les symptômes céplialiques
persistent d'une façon constante. Ce n'est pas la forme la plus com-
mune de la syphilis médullaire, car, dans cette dernière, lorsque l'af-
fection est arrivée à sa période d'état, le plus souvent « les bras, la
tête, les nerfs crâniens restent indemnes » (Erb). L'examen anato-
mique montre alors dans la moelle une lésion plus ou moins étalée,
mais nettement spinale et sans continuité dans le cerveau.
Si la proposition de Jiirgens ne peut s'appliquer qu'à quelques
cas particuliers, loin de constituer une loi générale, la clinique nous
apprend cependant que les phénomènes cérébraux sont souvent très
précoces. Charcot et son élève Lamy ont bien fait ressortir tout le
parti qu'on pouvait tirer de la connaissance de ces manifestations
antérieures pour le diagnostic de l'affection spinale éventuelle.
Il y a lieu toutefois d'établir des distinctions dans l'importance de ces
phénomènes : la céphalée, par exemple, rentre dans le cadre ordinaire
des manifestations générales de la syphilis ; lorsqu'elle est isolée et
qu elle se présente avec les caractères d'une céphalée syphilitique com-
mune, elle n'a rien de pathognomonique de la syphilis cérébrale; il
n'en est pas de même des troubles oculaires passagers, des paralysies
plus ou moins persistantes, etc.; ces signes indiquent bien une loca-
— 173 —
lisation cérébrale. Il est évident que ces derniers symptômes pré-
sentent une grande importance comme caractéristique de l'affection
lorsque des accidents spinaux se manifestent à leur tour, mais ils
n'indiquent nullement que le processus a suivi une marche descen-
dante. La seule conclusion qu'on en puisse tirer au point de vue
anatomique, c'est que le cerveau a été atteint avant la moelle et que
le fait est fréquent. 11 est d'ailleurs bien naturel, puisque le cerveau
est plus susceptible que la moelle et plus souvent intéressé. Mais,
ordinairement, lorsque la syphilis se porte sur la moelle, les accidents
cérébraux sont passagers, ils disparaissent même d'ordinaire complè-
tement à la période d'état de l'affection spinale. Enfin, ils manquent
quelquefois totalement, et il est des malades qui, à part la céphalée
précoce banale, n'ont présenté avant leur attaque de paraplégie aucun
symptôme cérébral saillant. A vrai dire, dans la plupart de nos
observations, nous n'avons pas noté de phénomènes cérébraux bien
marqués parmi les prodromes immédiats de l'affection.
Les phénomènes cérébraux qui précèdent l'attaque de paraplégie
spinale ne peuvent, en effet, pas tous être rangés dans la période
prémonitoire. On doit en écarter ceux qui précèdent de longue date
les premiers signes de l'affection spinale, car ils relèvent d'une pre-
mière poussée distincte. Ils ne diffèrent cependant pas dans leur nature
de ceux qui se manifestent immédiatement avant les phénomènes
prémonitoires spinaux, ou en même temps que ceux-ci. Les accidents
cérébraux immédiatement précurseurs de la localisation spinale ne
présentent pas, en général, de fixité ; on n'observe pas, par exemple,
une paralysie persistante par ramollissement cérébral suivie aussitôt
d'une paralysie spinale de même intensité. Il semble que l'altération
qui va se produire oscille d'une région à l'autre de l'axe cérébro-
spinal, mais qu'une fois produite en un point, elle épuise son activité
dans cette localisation.
Les accidents cérébraux ordinaires de la période prémonitoire sont
une céphalée plus ou moins violente, des symptômes diffus, tantôt
légers, tantôt graves, des vertiges, des vomissements, de la diplopie
avec des paralysies oculaires passagères; quelquefois des troubles
sensoriels intéressant principalement la vue. On observe quelquefois
un délire violent avec perte de connaissance et même un état comateux
(obs. 127, 135).
— 174 —
D'autres fois, ce sont des troubles intellectuels. Enfin, ces symp-
tômes peuvent revêtir des aspects multiples et leurs principaux carac-
tères sont la diffusion et la variabilité.
b) Symptômes intrinsèques (spinaux).
Les phénomènes spinaux prémonitoires ont un bien plus grand
intérêt que les symptômes cérébraux comme révélateurs de l'affection
qui va se dérouler, car ils sont les premiers indices de la localisation
spinale. On observe d'ailleurs une grande variété dans la durée et
l'intensité de cette période qui peut, dans certains cas, être si peu
marquée qu'elle passe inaperçue.
Les symptômes peuvent intéresser d'une façon diffuse la motilité,
la sensibilité, le fonctionnement des sphincters, ou bien se localiser
avec une certaine prédilection sur l'une ou l'autre de ces fonctions.
Troubles de la sensibilité. — Les troubles de la sensibilité sont
souvent les premiers en date. MM. Gilbert et Lion les ont notés
vingt fois sur trente-six cas au début de l'affection. Ils sont de deux
ordres : les uns sont localisés dans la région rachidienne, ils ont
généralement le caractère de véritables douleurs ; les autres, qui ont
une distribution périphérique, affectent les membres, surtout les
membres inférieurs et revêtent plutôt la forme de sensations subjec-
tives anormales que les Allemands désignent sous le nom de pares-
thésies.
Douleur rachidienne. — La nature et l'intensité de cette manifes-
tation sont sujettes à de nombreuses variations. Tantôt il s'agit
simplement d'une sensation pénible dans les reins, un sentiment de
courbature accompagnée de raideur. Les mouvements exagèrent
généralement ces symptômes et les malades éprouvent une sensation
de tiraillement désagréable lorsqu'ils se penchent en avant, ou même
seulement lorsqu'ils inclinent la tête un peu fortement. Pour certains
malades, c'est surtout le décubitus dorsal qui exagère la douleur,
aussi souffrent-ils davantage lorsqu'ils sont couchés.
Dans ces cas, la douleur est sourde, contusive, et généralement
continue, mais elle peut présenter des exacerbations, soit spontanées,
soit à l'occasion de certains mouvements. Il n'est pas rare de voir ce
symptôme atteindre une plus grande intensité, mais il est exceptionnel
— 175 —
de rencontrer des malades se plaignant de douleurs atroces. Assez
fréquemment, les douleurs se manifestent particulièrement la nuit.
Cette rachialgie nocturne, mentionnée dans quelques observations
de Ladreit de Lacharrière, a été signalée par Leyden et par
Mayaud (1) qui indique une « rachialgie localisée, ordinairement
intense, surtout la nuit ». Mais c'est particulièrement Charcot (2) et
ses élèves, L a my (3) et Londe (4) qui ont fait ressortir l'importance
de ce symptôme qu'on peut comparer à la céphalée nocturne syphi-
litique.
Le siège de la douleur rachidienne est tantôt la région lombaire,
tantôt la région dorsale entre les deux épaules ; ces deux localisations
sont bien plus fréquentes que celles qui affectent la région cervicale
ou la région sacrée. Dans certaines formes spéciales, la rachialgie
cervicale est très caractéristique ; succédant à une céphalée violente
accompagnée de phénomènes cérébraux variés, et semblant la pro-
longer, elle indique une extension de la méningite basilaire à la
partie cervicale de la moelle (Jùrgens, Goldtlam, Lamy). Dans les
cas ordinaires que nous étudions, c'est surtout une douleur de reins
plus ou moins violente qui peut être assez peu marquée pour ne, se
manifester qu'à la pression ou à la percussion des apophyses
épineuses. Dans les cas où elle a une certaine intensité, elle est
toujours exagérée par cette exploration.
A la douleur locale rachidienne se joignent souvent des douleurs
irradiées. La douleur en ceinture est la plus fréquente ; elle peut
avoir les caractères d'une douleur intercostale ordinaire, ou bien
s'accompagner d'un sentiment de constriction. Elle siège rarement
dans les premiers nerfs intercostaux ; plus souvent, elle irradie
dans les hypochondres, la ceinture pelvienne ou le pli de l'aine.
Un de nos malades se plaignait d'une vive douleur au creux de
l'épigastre, douleur en broche qui rejoignait un point placé entre
les deux épaules. Les irradiations douloureuses peuvent également
gagner la région fessière ou la partie supérieure des cuisses.
Phénomènes sensitifs périphériques. — Les membres inférieurs
(1) Mayaud. Syphilis du syst. nerveux. Thèse, Paris, 1873.
(2) Chaecot. Méclcclne moderne, 17 juin 1893.
(3) Lamy. Thèse, Paris, 1893.
(4) Londe. Médecine moderne, 26 juillet 1893.
— 176 —
peuvent être également le siège de douleurs, mais celles-ci sont
généralement beaucoup moins marquées que les douleurs rachi-
diennes. Il est exceptionnel d'entendre les malades se plaindre d'élan-
cements douloureux dans les jambes, ils éprouvent plutôt des picote-
ments ou des fourmillements. Le plus ordinairement, c'est un
sentiment d'inquiétude dans les jambes, une sorte d'engourdissement
désagréable. Quelques malades éprouvent une sensation de froid ou
de cbaleur et même de cuisson ; un de nos malades comparait cette
sensation à celle qui résulterait d'un bain de pieds sinapisé.
La sensibilité objective dans les membres inférieurs est générale-
ment peu altérée à cette période; cependant certains malades, en
même temps qu'ils sentent leurs jambes engourdies, perdent la notion
du contact avec le sol ou apprécient mal la résistance du plancher,
ils croient marcher sur de la laine, sur un tapis de caoutchouc;
d'autres se plaignent d'un certain degré d'hyperesthésie, ils sont
plus sensibles à l'impression du froid, ou ressentent plus vivement
que de coutume les chocs qui peuvent résulter de la maladresse de
leurs mouvements.
Troubles moteurs. — Les troubles moteurs s'associent en effet le
plus souvent aux altérations de la sensibilité dans les membres infé-
rieurs. Il arrive dans quelques cas (11 fois sur 36, d'après MM. Gil-
bert et Lion) que ces troubles de la motilité sont prédominants au
début. L'engourdissement des jambes ne va pas sans une certaine
raideur, les malades se plaignent d'avoir les jambes lourdes, surtout
après un certain temps de repos ; ou bien la fatigue survient rapide-
ment, les malades ne peuvent fournir une longue course, ils butent
fréquemment.
De même, à l'hyperesthésie se joint ordinairement une hyperex-
citabilité réflexe déjà appréciable, les malades ont souvent du trem-
blement dans les jambes, lorsqu'elles sont placées dans une fausse
position ; un choc un peu brusque, un faux pas détermine facilement
une secousse réflexe dans les jambes.
Dès cette époque, si le malade consulte un médecin sur les symp-
tômes qu'il éprouve, celui-ci reconnaît déjà, par la percussion des
tendons rotuliens, une certaine exagération des réflexes tendineux;
d'autres fois, au contraire, ils sont diminués, ou peuvent varier d'un
jour à l'autre.
— 177 —
Il existe presque toujours en même temps une certaine faiblesse
accompagnant la raideur, la fatigue survient rapidement, les jambes
fléchissent parfois, les malades éprouvent de la difficulté à monter les
escaliers, à courir, etc.
TliOUBLES DANS LE FONCTIONNEMENT DES SPHINCTERS. — LeS trOubleS
de la miction ont une importance considérable, tant par leur fré-
quence comme phénomènes précoces, que par leur valeur diagnos-
tique. Ces signes, joints aux troubles légers et variables de la motilité
et de la sensibilité, affirment, d'une manière presque certaine, l'ori-
gine spinale des accidents.
La précocité des phénomènes urinaires a été depuis longtemps
reconnue. Caizergues (1), en 1878, signalait la prédominance des
accidents urinaires parmi les « prodromes » des myélites tertiaires ;
Julliard (2), Vinache (.3), Savard (4), indiquent également la
précocité de ces antécédents. Sénéchal (5) a particulièrement
insisté dans sa thèse sur les accidents urinaires comme phénomènes
prémonitoires des myélites syphilitiques, et décrit complètement
toutes les modalités cliniques ; il donne la relation de douze observa-
tions où ces accidents ont devancé, d'un temps plus ou moins long,
les autres symptômes spinaux. Dans nos observations, nous avons
également relevé ces symptômes, notamment dans un cas où ils ont
précédé de plusieurs semaines les autres signes; ils peuvent même
rester isolés pendant bien plus longtemps. Les troubles urinaires
spinaux, à cette période, offrent une modalité et une intensité très
variables suivant les cas. Ils se développent, en général, insidieuse-
ment et progressivement. D'autres fois, ils apparaissent brusque ■
ment ou rapidement, et le plus souvent, dans ce cas, le malade a déjà
éprouvé quelques-uns des troubles que nous avons signalés dans le
domaine de la motilité ou de la sensibilité. Cependant la rétention
d'urine peut survenir brutalement, sans être annoncée par aucun phé-
nomène. Dans un cas rapporté par Sénéchal, le malade « un jour,
neuf mois après l'apparition de son chancre, se trouva tout à coup
(1) Caizergues. Thèse, Montpellier, 1878.
(2) Julliard. Thèse, Lyon, 1879.
(3) Vinache. Thèse, Paris, 1880.
(4) Savard. Thèse, Paris, 1882.
ip) SÉNÉCHAL. Troubles urinaires prémonitoires des myélites syphilitiques. Thèse,
Lille, 1886.
S. 12
— 178 —
dans l'impossibilité d'uriner et d'aller à la selle ». Nous avons égale-
ment observé ce début, et nous verrons plus loin que cette apparition
subite de la rétention d'urine présage à brève échéance le développe-
ment d'une paraplégie rapide. Dans le cas de Sénéchal, en parti-
culier, le malade était le lendemain complètement paraplégique. Le
plus souvent, comme nous l'avons dit, le malade éprouve d'abord de
la difficulté dans la miction, « il est forcé de pousser pour uriner », il
ne peut le faire qu'après un certain temps, il existe de l'hésitation
dans la miction. De plus, le jet d'urine, ordinairement mince et sans
force, n'est pas toujours continu, il s'arrête bientôt, et le malade est
obligé de faire de nouveaux efforts pour vider sa vessie. Cet arrêt
peut se manifester plusieurs fois au cours de la miction, qui se fait
ainsi en « plusieurs actes ». Enfin, la miction terminée, le malade
n'est pas au bout de ses peines, car alors qu'il se rhabille, souvent un
mince filet d'urine s'écoule et vient mouiller ses vêtements. A cette
époque, il est rare que la rétention se manifeste à un degré accentué,
et les malades ont rarement à faire usage de la sonde.
Il est plus ordinaire de voir se joindre à cette rétention légère une
répétition fréquente dans le besoin de la miction; ce phénomène peut
n'être qu'une conséquence de la déplétion insuffisante de la vessie,
mais il est dû aussi souvent à la faiblesse du sphincter vésical. Il se
manifeste par des envies fréquentes et impérieuses d'uriner et cette
pollakiurie s'associe fréquemment à la difficulté dans la miction
(dijsurie). Le malade dans ce cas a une envie impérieuse d'uriner, il
sent pertinemmemt que s'il n'obéit pas à cette injonction, il va uriner
dans son pantalon, et cependant, au moment où il se présente aux
latrines, il est obligé de se livrer à de violents efforts pour satisfaire
ce besoin impérieux.
Comme la rétention, l'incontinence se manifeste rarement à cette
période comme un phénomène très accentué et les malades ne perdent
pas leurs urines involontairement, ils ont généralement le temps de
prendre leurs dispositions pour éviter cet accident.
Le sphincter anal est moins fréquemment le siège de troubles
analogues, il peut arriver que dans les efi'orts que font les malades
pour vider leur vessie, il se produise une émission de gaz intestinaux
ou même de matières fécales, mais cet accident est purement fortuit,
il n'occupe qu'exceptionnellement le premier plan. On observe plus
— 179 —
souvent un certain degré de paresse du rectum avec constipation.
Parmi les phénomènes prémonitoires, on doit également signaler
certains troubles dans le fonctionnement des organes génitaux. Ces
troubles se caractérisent soit par une dépression, soit par une exalta-
tion des forces viriles. Le premier fait est le plus fréquent ; les
malades n'ont pas toujours à cet égard toute la franchise désirable,
mais on peut dire que c'est un symptôme presque constant : les
érections sont lentes et incomplètes, l'acte sexuel plus ou moins
imparfait. D'autres fois les malades éprouvent des érections fré-
quentes intempestives qui peuvent aller jusqu'à la pollution nocturne
répétée et même diurne (Kuh).
Les principaux caractères de la période prémonitoire sont l'extrême
variabilité des symptômes et leur diffusion. D'un jour à l'autre, l'état
des réflexes se modifie, les jambes deviennent par instants plus lour-
des, quelques malades éprouvent une sorte à' effondrement des
jambes. Tous ces symptômes se rapprochent des accidents cérébraux
{paralysies variables) qui résultent de l'artérite et ces oscillations
sont bien en rapport avec des troubles circulatoires passagers. Un
malade observé par M. Dejerine présentait un phénomène remar-
quable qu'on pourrait désigner sous le nom de claudication inter-
mittente spinale. Ce sujet, en effet, n'éprouvait en temps ordinaire
qu'une légère lourdeur des jambes et, lorsqu'il se mettait en marche,
il pouvait les mouvoir aisément, mais à mesure que la course se pro-
longeait, les jambes devenaient plus pesantes, la fatigue survenait
rapidement et bientôt le malade ne pouvait plus avancer, il était forcé
de s'asseoir. Ce n'est qu'après un certain temps qu'il recouvrait
l'usage de ses membres, et voyait le même phénomène se reproduire
à l'occasion d'un nouvel exercice.
Il n'y a qu'un symptôme qui, lorsqu'il existe, offre une certaine
permanence, c'est la douleur rachidienne. Cette douleur doit être
rapportée à l'envahissement des méninges par l'inflammation, elle est
en effet particulièrement développée dans les formes à évolution lente,
alors que l'inflammation périvasculaire s'étend aux parties voisines.
Elle est au contraire très peu marquée et fait même parfois absolu-
ment défaut dans la plupart des formes rapides ou foudroyantes ; car
alors, les lésions vasculaires, d'emblée très intenses et très étendues,
produisent la nécrose anémique du tissu nerveux avant que l'inflam-
mation ait envahi le tissu des méninges.
— 180 -
La durée de la période prémonitoire et l'intensité des phénomènes
qu'elle comporte sont susceptibles de grandes variations suivant les cas.
Les symptômes peuvent osciller quelquefois pendant des mois,
rarement des années, les malades dans ce cas ne sont pas arrêtés
dans leurs occupations, ils bénéficient parfois d'une amélioration
passagère qui leur permet d'entreprendre un voyage, de se
marier, etc.
Le plus souvent, les symptômes prémonitoires durent quelques
semaines, ils augmentent progressivement tout en oscillant jusqu'à
l'attaque de paraplégie.
Enfin, dans quelques cas, cette période semble manquer complète-
ment ou du moins les symptômes sont si légers qu'ils passent inaper-
çus ; cette particularité a été bien mise en relief par M. Lamy (1).
B. — Attaque de paraplégie et péuioue de paralysie aiguë
A mesure que les lésions vasculaires s'accentuent, la nutrition de
la moelle devient plus précaire, et il arrive un moment où les éléments
nerveux d'abord simplement troublés dans leur fonctionnement, sont
atteints dans leur vitalité. La destruction du parenchyme peut s'éten-
dre graduellement ou frapper d'emblée des régions assez étendues.
Les symptômes, selon le cas, s'accentuent progressivement ou bien
présentent une aggravation brusque, et l'on observe toutes les gra-
dations dans la rapidité du début jusqu'à la paraplégie apoplecti-
forme.
Le plus ordinairement, les phénomènes évoluent de la façon sui-
vante : le malade qui depuis quelque temps présente les symptômes
que nous avons décrits éprouve une certaine recrudescence des signes :
il a les jambes plus lourdes, il souffre davantage dans les reins, il a
même parfois des étourdissements, des vertiges, mais il peut continuer
son travail ; c'est alors qu'un jour en revenant de l'atelier, en trans-
portant un fardeau, en voulant courir après un omnibus, etc. (voir
les observations), à la suite d'une fatigue ou sans cause occasion-
nelle, il sent ses jambes plier sous lui. Généralement, il ne tombe pas
brusquement, il a le temps de s'appuyer sur un meuble, de se traîner
jusqu'à un banc.
(1) Lamy, Loc, cit., p. 81,
— 181 —
Ce symptôme n'est pas toujours solennel, il peut n'être qu'un
simple avertissement. C'est ainsi que souvent le malade, au bout de
quelques instants, est capaljle de se remettre debout, ses jambes sont
encore faibles, on doit le soutenir, mais il peut marcher et rentrer
chez lui.
D'autres fois, ce n'est qu'au bout de plusieurs jours que les jambes
reprennent leurs fonctions ; le malade, après quelques jours de repos,
se lève et marche, se retrouvant dans le même état qu'avant son acci-
dent ou ne présentant qu'une légère aggravation des symptômes qui
précèdent l'attaque.
Ces accidents peuvent se reproduire plusieurs fois avant l'appari-
tion des symptômes de paralysie définitive, ils pourraient être rangés
dans la période précédente sous le nom de petites attaques de para-
plégie prémonitoires. On voit quelquefois se produire, dans les mêmes
circonstances, une rétention d'urine brusque et transitoire.
Il est à remarquer que ces accidents brusques, passagers, se pré-
sentent généralement de jour, pendant la période d'activité du malade ;
c'est une sorte de syncope delà moelle qui, mal irriguée, ne suffit pas
à sa tâche, mais reprend par le repos ses propriétés physiologiques.
Les accidents nocturnes sont au contraire plus graves et plus per-
sistants, ainsi qu'il résulte des observations cliniques. En somme,
avant l'établissement des phénomènes graves et persistants de para-
plégie, on observe souvent un ou plusieurs petits ictus spinaux qui
annoncent l'imminence d'une atteinte plus grave.
L'attaque solennelle, suivie de paralysie définitive, apparaît dans
les mêmes conditions que les petits accidents aigus, passagers.
Souvent sans cause occasionnelle, mais parfois aussi à la suite d'un
excès (ivresse, surmenage, excès de coït, etc.), ou d'un refroidisse-
ment, les jambes s'engourdissent, deviennent lourdes, sont le siège
de fourmillements, exceptionnellement de douleurs vives, le malade
est forcé de s'asseoir, il ne peut se relever, on doit le porter chez lui.
Beaucoup plus rarement, il tombe comme foudroyé dans la rue. Il est
tout à fait exceptionnel que cette attaque apoplectiforme s'accom-
pagne de perte de connaissance comme dans notre cas n° I ; le plus
ordinairement, le malade conserve la mémoire des moindres détails
qui ont accompagné l'accident. Très souvent, le malade est frappé de
paralysie pendant la nuit ; la veille, il s'estcouché comme à l'ordinaire
— 182 —
sans avoir éprouvé d'aggravation dans les symptômes vagues qu'il
présente depuis un certain temps, parfois même, se trouvant dans
une période de rémission, et il se réveille le matin paralysé des jambes
plus ou moins complètement. Rien, pendant son sommeil, n'est venu
l'avertir de son état ; le même fait s'observe communément dans les
paralysies cérébrales.
Les accidents n'ont pas toujours la même soudaineté, la faiblesse
des jambes s'accroît en une journée, trente-six heures ou davantage,
jusqu'à ce que le malade soit obligé de prendre le lit, et, pendant un
ou deux jours encore, la paralysie s'aggrave. 11 est très fréquent, dans
cette circonstance, de voir la paralysie envahir d'abord une jambe
tandis que l'autre membre reste intact ou seulement affaibli pendant
plusieurs jours avant d'être intéressé à son tour.
La paralysie des jambes est souvent précédée, de quelques heures
ou de quelques jours, par une rétention brusque d'urine ; elle s'accom-
pagne parfois d'une exagération des douleurs rachidiennes ou d'une
sensation subjective assez vive dans les jambes, comme un élancement
vif, une sensation de crampe. 11 est beaucoup plus fréquent de voir
l'attaque se produire sans aucun phénomène douloureux immédia-
tement précurseur ou contemporain.
On pourrait multiplier les tableaux cliniques qui représentent le
mode d'établissement de la paralysie, car les circonstances qui accom-
pagnent cet accident, peuvent se combiner de bien des manières ; on
trouvera, dans les observations annexées à ce travail, tous les détails
propres à compléter cette esquisse rapide. Nous voulons simplement
indiquer ici que les phénomènes paralytiques aigus si fréquents au
début de la paralysie spinale syphilitique peuvent apparaître tantôt
d'une façon absolument foudroyante, tantôt assez brusquement, ou
bien rapidement en quelques heures, en quelques jours.
La paralysie spinale une fois constituée (et nous n'envisageons ici
que le cas le plus fréquent où elle intéresse seulement les membres
inférieurs), elle se caractérise par les signes suivants :
Motilité. — Après l'attaque de paraplégie, le malade est naturel-
lement forcé de garder le lit et les mouvements des jambes sont
plus ou moins compromis selon le cas. Tantôt le malade est absolu-
ment incapable de leur imprimer aucun mouvememt, tantôt, et c'est
le cas le plus ordinaire, il peut encore remuer les orteils, fléchir
— 183 —
lentement les jambes, les déplacer latéralement, sans que le talon
puisse quitter le plan du lit. Toujours, les symptômes paralytiques
sont assez prononcés, ils peuvent être prédominants dans un membre
qui reste absolument inerte tandis que l'autre garde quelques mouve-
ments.
De même que les mouvements spontanés, les mouvements réflexes
sont ordinairement amoindris ou supprimés. A cette période, en effet,
la paralysie est généralement flasque, sans que la suppression des
réflexes soit un indice certain de la destruction des centres gris du
renflement lombaire. L'activité des centres spinaux réflexes et tro-
phiques peut n'être que momentanément compromise par un reten-
tissement circulatoire et les phénomènes résultant de cette suppression
temporaire peuvent n'être que passagers. C'est encore à des troubles
circulatoires qu'il faut attribuer certains phénomènes, comme les
secousses musculaires brusques qui surviennent souvent à cette
période de l'affection et traduisent une excitation des centres réflexes
moteurs spinaux.
Dans quelques cas, à cette période, les réflexes sont conservés et
même quelquefois exagérés, le renflement lombaire est alors néces-
sairement conservé. Nous citerons comme exemple notre cas n° I :
une paraplégie subite par ramollissement médullaire étendu de la
région dorsale supérieure avec intégrité du renflement lombaire
s'accompagna dès l'origine d'une exagération manifeste des réflexes
rotuliens.
L'exaltation de la réflectivité dans les centres conservés n'est
qu'exceptionnellement assez prononcée tout d'abord pour donner lieu
d'emblée à une contracture perrasinente ; mais ce phénomène peut
assez rapidement acquérir une grande intensité : au bout de quelques
semaines de séjour au lit, les jambes se placent dans l'extension ou la
demi-flexion, affectant souvent une position constante dans laquelle
elles restent fixées avec une grande énergie.
En même temps que les jambes, les muscles de la portion inférieure
du tronc sont souvent atteints, le malade ne peut alors s'asseoir sur
son lit, il lui est également impossible de se maintenir sur son séant
lorsqu'on l'a aidé à prendre cette position.
Dans les conditions ordinaires, quand la paralysie reste flasque,
les muscles des jambes, des reins, de l'abdomen perdent leur tonus
— 184 —
normal, ils sont mous et relâchés. Cependant, ainsi que nous l'avons
dit, dans les premiers jours qui suivent l'attaque de paraplégie, les
malades éprouvent quelquefois des secousses brusques dans les
jambes et même une sorte de tressautement de tout le tronc.
Sensibilité. — Au moment où s'installe cette paralysie, les troubles
de la sensibilité objective ne manquent jamais dans les parties para-
lysées. Le type le plus complet est représenté par une anesthésie
absolue se superposant à la paraplégie flasque et intéressant la moitié
inférieure du corps jusqu'à une limite supérieure variable. Mais à
côté de ce maximum d'intensité, il y a une série de types atténués.
Comme les phénomènes de paralysie motrice, les troubles de la
sensibilité peuvent être plus ou moins prononcés, souvent ils n'inté-
ressent qu'un ou deux modes de la perception en laissant les autres à
peu près intacts, ou bien sont très légers. On peut ainsi observer
tous les degrés dans la diminution ou l'aberration de la perception,
dans l'erreur de localisation. Les troubles de la sensibilité sont tou-
jours comparativement moins accentués que les troubles moteurs.
Ils peuvent comme ceux-ci perdre leur caractère de phénomènes
paralytiques et indiquer au contraire une exaltation fonctionnelle des
conducteurs et des centres sensitifs spinaux. Il existe parfois en effet
une véritable hyperesthésie et le moindre frôlement sur la peau
peut être douloureux. De plus, dans la distribution ou la succession
des symptômes, il n'y a aucune constance, on trouve à côté des
régions où le pincement, la piqûre, sont à peine perçus, des zones
où la moindre excitation est très vivement sentie.
En dehors de ces troubles objectifs, les malades accusent souvent
des sensations subjectives variées dans les membres inférieurs.
Souvent ils se plaignent d'éprouver dans les jambes des fourmille-
ments ou une sorte de frémissement, un engourdissement plus ou
moins continu. Rarement ce sont des élancements douloureux ou une
sensation de brûlure ; le plus fréquemment, c'est un sentiment de
froid. Parfois cependant il se produit une douleur périphérique au
moment de l'attaque de paralysie ; un de nos malades ressentit comme
un coup de fouet dans les mollets et crut qu'on l'avait frappé par
derrière.
Quant aux douleurs lombaires, elles sont variables et leur intensité
n'est nullement proportionnelle à la gravité de la paralysie, puisque
— 185 —
au contraire, il est plus fréquent de voir une paraplégie sévère s'ins-
taller brusquement sans être accompagnée de douleurs rachidiennes
importantes. Cependant, dans quelques cas, ce phénomène peut pré-
céder, accompagner l'attaque de paraplégie et persister avec la para-
lysie, les douleurs sont même parfois assez violentes pour contribuer
dans une certaine mesure à déterminer l'impotence fonctionnelle et
l'immobilité du malade.
Sphincters. — Les troubles des sphincters ne manquent jamais,
on observe très généralement une paralysie vésicale complète, l'urine
s'accumule dans la vessie qui ne peut se vider en raison de l'inertie
des parois, et le réservoir atteint souvent une dilatation énorme avant
que son contenu s'écoule par regorgement. Mais bientôt les sphinc-
ters cèdent et l'urine s'écoule goutte à goutte et presque sans inter-
ruption. Cependant, la vessie paralysée contient constamment 200 à
300 gr. d'urine malgré l'écoulement continuel et ne peut être vidée
complètement que par le cathétérisme. L'écoulement continu de
l'urine s'accompagne souvent de la perte du besoin d'uriner ; la sen-
sation du passage de l'urine à travers le sphincter uréthral disparaît
également. La paralysie rectale ou le relâchement du sphincter anal
prédominent suivant les circonstances et amènent soit une constipation
opiniâtre, soit l'incontinence des matières fécales.
Les phénomènes intéressant la motilité, la sensibilité et les réser-
voirs constituent les trois grands traits du tableau clinique de la para-
plégie spinale à son début, mais ils sont susceptibles de variations et
peuvent s'accompagner d'autres symptômes.
Au moment où la paraplégie s'établit, il n'y a pas d'ordinaire de
réaction générale marquée, la fièvre manque et les fonctions organi-
ques s'accomplissent normalement. Parfois cependant, le pouls est
plein, fréquent, le malade éprouve des frissonnements, des vertiges, des
vomissements, un malaise général, une sensation d'étoufïement. La
mort peut survenir dès les premiers jours qui suivent l'attaque de
paraplégie, dans certaines formes excessivement graves qui résultent
de l'atteinte d'un segment étendu de la moelle ou de la participation
plus ou moins directe de centres spinaux importants. Dans ces cas,
aux troubles de paralysie motrice et sensitive, au relâchement des
sphincters, qui atteignent leur maximum d'intensité, se joignent des
symptômes de paralysie bulbaire aiguë : la respiration est précipitée
— 186 —
et entrecoupée, des accidents cardiaques se développent, joints au
hoquet, aux vomissements et aux vertiges, ils annoncent une termi-
naison fatale, prochaine, qui peut se produire au hout de quelques jours
seulement, avant que les lésions de décubitus se soient dévelop-
pées.
Mais cette terminaison précoce est exceptionnelle ; le plus souvent,
l'affection se prolonge davantage et son évolution ultérieure dépend
de la gravité de la lésion anatomique.
Lorsque l'attaque de paraplégie est légère, l'amélioration peut se
manifester rapidement, avant l'établissement des lésions trophiques
importantes, et le malade entre presque immédiatement dans la phase
de paraplégie spasmodique de faible ou de moyenne intensité.
Dans les formes graves, au contraire, les accidents de décubitus ne
tardent pas à se manifester, et de deux choses l'une : ou bien ils s'ac-
centuent progressivement jusqu'à la mort du malade, ou bien celui-ci,
après un séjour plus ou moins prolongé au lit, six mois, un an, deux
ans et davantage (obs. 135), résiste aux lésions trophiques, à l'infec-
tion secondaire et présente, après la disparition de ces accidents, le
tableau clinique d'une paraplégie spasmodique excessivement pro-
noncée.
Dans les formes graves, lorsque la mort n'est pas survenue dès les
premiers jours (or cette éventualité est exceptionnelle), les symptômes
que nous avons décrits persistent et s'accompagnent de nouvelles
manifestations. La paraplégie reste complète ou à peu près, elle se
maintient flasque, ce qui indique une destruction ou une altération des
centres du renflement lombaire, ou fait place à un état de raideur
musculaire plus ou moins prononcée. Entre la suppression complète
des réflexes et la contracture fixe, il y a toutes les nuances. Ces états
différents peuvent d'ailleurs s'entremêler, prédominer l'un ou l'autre
dans un membre ou dans celui du côté opposé.
Les troubles de la sensibilité gardent rarement (excepté dans les
formes excessivement graves), l'importance qu'ils avaient au début;
c'est plutôt une atténuation de la perception sensitive dans tous les
modes qu'une anesthésie complète. Parfois elle porte principalement
sur l'une des qualités : tact, douleur, température; à l'exclusion plus
ou moins intégrale des autres. On peut dire que la persistance d'une
anesthésie ou l'aggravation de ce symptôme sont des signes du plus
— 187 —
fâcheux pronostic, car Fanestliésie ne se manifeste que dans les cas
de destruction profonde d'un segment étendu de la moelle.
L'atrophie des muscles paralysés existe toujours dans une cer-
taine mesure, ce phénomène se présente d'ailleurs suivant les cas avec
une intensité variable dont l'appréciation est de la plus haute impor-
tance. En effet, l'atrophie musculaire relève de la destruction des
centres gris spinaux qui correspondent aux régions paralysées. Dans
les cas de ramollissement médullaire siégeant au-dessus du renflement
lombaire, les muscles des membres inférieurs sont privés de l'action
de la volonté et le malade devient paraplégique, mais conservant leur
relation avec le centre médullaire resté intact, ils gardent leur vitalité
et leurs propriétés contractiles, ainsi que le prouvent la vivacité des
réflexes et l'énergie de la contracture dont ils sont bientôt le siège.
Si, au contraire, les centres gris de la moelle lombaire sont atteints
par la nécrose, les muscles paralysés restent flasques, les réflexes sont
supprimés, l'atrophie musculaire s'établit.
I/atrophie musculaire est précédée de modifications de plus en plus
accentuées dans les réactions électriques des muscles paralysés :
diminution puis abolition de la contractilité faradique, abolition de la
conctractilité galvanique avec inversion des formules normales de la
réaction.
La contractilité idio-musculaire est d'abord exagérée, la percussion
du corps musculaire détermine une contraction lente mais intense et
propagée; à mesure que l'atrophie fait des progrès, cette propriété
s'atténue puis disparaît.
L'atrophie musculaire est surtout manifeste dans les membres
inférieurs : c'est là que l'on a l'habitude de la rechercher, mais elle
peut être décelée également dans les parties inférieures du tronc. Il
est à remarquer que, dans ces dernières régions, elle échappe assez
facilement à l'examen, car elle est facilement masquée par l'adipose,
ou, en l'absence de celle-ci, elle peut être prise pour une simple éma-
ciation. Il semble, d'autre part, que la destruction de la substance
grise dans la région dorsale de la moelle ait des conséquences moins
sévères au point de vue de la nutrition des muscles, que celle des
centres gris des renflements lombaire et cervical. En effet, dans plu-
sieurs cas où la substance grise de la région dorsale était altérée sur
une longue étendue, l'atrophie musculaire ne constituait pas un
- 188 —
symptôme saillant du tableau clinique (voir obs. 111, cas n° IV).
Sans qu'il y ait destruction complète de la substance grise dorsale
ou lombaire, cette partie de la moelle peut être intéressée dans une
certaine mesure; aussi, dans quelques cas, voit-on associés l'amyo-
trophie et les phénomènes spasmodiques.
Les autres altérations trophiques sont d'autant plus prononcées
que les centres gris de la moelle sont plus compromis, aussi les
lésions du décubitus apparaissent-elles d'une façon très précoce
lorsque la paralysie des membres inférieurs reste flasque et s'accom-
pagne d'atrophie musculaire rapide, mais elles se montrent également
à la suite de lésions étendues des cordons blancs, ou lorsque la lésion
médullaire siège au-dessus du renflement lombaire qui reste assez
peu atteint. (Voir nos cas n" II et n" III.)
L'accident le plus fréquent est le développement d'une escarre
dans la région sacrée (1) : la peau rougit, prend une teinte livide,
s'indure, devient insensible, le tissu cellulaire sous-cutané est frappé
de gangrène. La peau, noirâtre et sèche, est bientôt entourée d'un
cercle d'élimination et la perte de substance s'étale et gagne en pro-
fondeur. Des lésions analogues s'observent au niveau des trochanters,
des talons, dans tous les points où une saillie osseuse repose sur
le plan du lit. Ces altérations ne sont pas toujours le fait d'une
pression continue; on voit, dans les derniers temps, des plaques noi-
râtres, phlycténulaires,- sur les jambes, sur la face dorsale des pieds,
en dehors de tout point de contact avec la surface du lit.
Les téguments présentent encore d'autres modifications d'ordre
dystrophique : la peau est sèche et écailleuse, les poils croissent d'une
façon exagérée, ou restent secs et cassants. Il existe aussi des troubles
vaso-moteurs qui se manifestent par des variations dans la tempé-
rature, la sécrétion cutanées, par de l'œdème des membres infé-
rieurs, etc.
Cependant, l'incontinence d'urine persiste, l'urine est trouble,
ammoniacale, souvent albumineuse, riche en globules de pus, en
cellules épithéliales, en germes.
Les déjections qui s'écoulent continuellement accélèrent par leur
contact le développement des ulcérations gangréneuses.
(1) Aenozan. Des lésions trophiques consécutives aux nialadiésdu système ner ceux.
Thèse d'agrégation, Paris, 1880.
— 189 —
Le malade présente bientôt de la fièvre et du délire, il s'amaigrit,
perd l'appétit, tombe dans le marasme et meurt d'infection purulente
ou de toute autre complication.
La mort n'est pas le terme fatal de cette succession d'accidents. On
peut voir des malades qui, après avoir présenté une paraplégie
intense, des escarres considérables, des accidents d'infection urinaire,
résistent à tous ces symptômes. Bien qu'étant encore dans l'obligation
de garder le lit, ils survivent à la période des troubles trophiques
graves et bénéficient d'une certaine amélioration. Un de nos malades
(obs. 135) représente le type de cette forme clinique. Il est à remar-
quer que l'absence d'atrophie musculaire marquée et le développement
de contractures, même très accentuées, au cours d'une paraplégie
d'ailleurs très grave, sont des circonstances qui laissent quelque
espoir pour l'avenir ; car, bien que l'intensité des phénomènes indique
une lésion très prononcée, on est au moins prévenu que les centres
gris du renflement lombaire ne sont pas détruits.
C. — Période de pabaplégie spasmodique
Nous arrivons à la période dans laquelle les phénomènes paralyti-
ques s'amendent et sont dominés par l'exagération des phénomènes
spasmodiques.
Tous les malades n'atteignent pas cette phase. Quelques-uns meu-
rent rapidement à la suite de phénomènes bulbaires, d'autres succom-
bent aux progrès des symptômes paralytiques en dix, vingt jours, au
bout de plusieurs semaines, ou bien après des mois, des années, selon
l'intensité de l'affection; tantôt sans grande rémission dans les symp-
tômes, d'autres fois après plusieurs poussées d'aggravation.
Pour les autres, il est plusieurs façons d'arriver à la période spas-
modique. Tantôt c'est lentement et progressivement que les symptô-
mes s'établissent, la nécrose des éléments nerveux se fait peu à peu,
n'envahit pas d'emblée des régions étendues de la moelle, mais reste
cantonnée dans les zones marginales, frappant les conducteurs plus
que les centres et les phénomènes paralytiques sont masqués par
l'état spasmodique. Chez ces malades, l'attaque de paraplégie manque,
ils ne sont pour ainsi dire jamais forcés de prendre le lit et la maladie
arrive à sa période d'état sans à-coup.
— 190 —
Bien plus souvent, au cours du développement de raffection, sur-
viennent une ou plusieurs petites attaques passagères qui laissent
après une courte période de phénomènes paralytiques aigus une cer-
taine exagération des symptômes antérieurs.
D'autres malades sont frappés par l'attaque que nous avons décrite,
ils gardent le lit pendant quatre, six, dix mois et présentent dans la
suite les signes d'une paraplégie spasmodique d'intensité moyenne.
C'est le cas le plus fréquent.
Enfin, les formes graves qui n'ont pas abouti à la mort obligent le
malade à garder le lit pendant de longues années et les phénomènes
spasmodiques alleignent leur maximum d'intensité.
Il faudrait donc, pour nous conformer à la réalité des faits, décrire
plusieurs types de malades, selon la gravité de l'affection. Pour éviter
des redites, nous supposerons deux cas :
1° Celui d'un malade qui, à la suite d'une attaque sévère de para-
plégie, a résisté à l'intensité des accidents, mais qui malgré une cer-
taine amélioration est forcé de garder le lit.
2° Celui d'un malade qui est atteint d'une paraplégie spasmodique
de moyenne intensité développée progressivement ou succédant à une
attaque de paraplégie plus ou moins accentuée, et qui a conservé dans
une certaine mesure l'usage de ses membres inférieurs.
1° Dans le premier cas, le malade est incapable de se tenir debout,
à plus forte raison de marcher.
Le plus souvent, la faiblesse et la raideur des reins ont disparu en
grande partie et tous les phénomènes se concentrent dans les membres
inférieurs.
Deux phénomènes principaux commandent toutes les manifesta-
tions, ce sont la paralysie et la contracture.
La paralysie est généralement dominée par la contracture, il s'agit
plutôt d'une parésie plus ou moins accentuée. La raideur musculaire,
au contraire, peut atteindre le plus haut degré d'intensité.
Dans certains cas d'impotence fonctionnelle très prononcée, les
malades opposent encore une résistance considérable aux mouvements
communiqués, soit que cette résistance résulte d'une action volontaire,
soit qu'elle relève de la contracture réflexe des muscles antagonistes.
Quelquefois cependant, il se joint à la raideur musculaire une véri-
table paralysie et même de l'atrophie musculaire. Ordinairement, les
— 191 —
signes indiquent la persistance des centres gris de la région lombaire,
mais ces centres gris, séparés du cerveau par une lésion qui inter-
cepte les conducteurs cérébro-spinaux, échappent aux incitations
volontaires, ils i'onclionnent automatiquement et réagissent sponta-
nément sous l'iniluence des excitations qu'ils reçoivent de la périphé-
rie. L'exagération de la réflectivité médullaire domine tous les symp-
tômes et, dans la forme intense que nous étudions, elle se traduit par
une activité musculaire pour ainsi dire permanente. La contracture
qui, dans les formes légères, reste latente, est ici permanente. Les
jambes sont raidies dans l'extension ou dans la demi-flexion, les pieds
sont ordinairement fixés dans une position équine, le malade est inca-
pable de mouvoir ses membres inférieurs, tant à cause de l'intensité
de la contracture que par suite de l'interruption des faisceaux conduc-
teurs des incitations volontaires. En effet, la contracture s'exagère
ordinairement lorsque le malade veut faire un mouvement, et s'oppose
à l'exécution de ce mouvement avec d'autant plus d'énergie que le
malade fait plus d'efforts pour y parvenir.
Lorsque les mouvements sont possibles, ils sont toujours lents et
incomplets.
La contracture est également exagérée par les mouvements pas-
sifs et le membre qui, reposant sur le lit, paraît assez souple, se
place ordinairement en extension forcée dès qu'on le soulève. Si l'on
cherche à fléchir la jambe, à relever le pied, on éprouve une résistance
qui peut être invincible.
Les réflexes tendineux sont toujours très exagérés : en percutant
le tendon rotulien, on détermine une extension brusque de la jambe,
et souvent une série de secousses qui peuvent gagner l'autre
membre. Il suffit parfois de percuter la face antéro-interne du tibia
pour arriver au même résultat {réflexe périostique). La trépidation
épileptoïde du pied s'obtient facilement ainsi que le tremblement
rotulien que l'on provoque de la façon suivante : en appuyant sur le
bord supérieur de la rotule, on abaisse brusquement cet os, et on
cherche à le maintenir par une pression énergique ; il se produit à la
suite de la traction du triceps crural une série de secousses qui se
répètent aussi longtemps que dure la traction.
Souvent la contracture est si marquée qu'elle s'oppose à la produc-
tion des réflexes. En effet, la jambe dans l'extension forcée, le pied
— 192 —
fortement abaissé sont maintenns dans une position que toute explo-
ration a pour résultat de rendre plus rigide encore.
Les malades ne sont pas plus maîtres de régler le jeu de leurs
sphinctei's que les mouvements de leurs jambes. Tantôt c'est l'incon-
tinence d'urine qui domine et tantôt la réfeniion; le plus ordinaire-
ment, c'est un mélange des deux. Au début, existe souvent une
rétention d'urine suivie d'incontinence ; lorsque l'affection en est à
sa période d'état,les sphincters ne laissent pas écouler continuellement
l'urine, la miction se fait par instants spontanément, sans force,
rarement sans que le malade soit averti par aucune sensation, mais
en dehors de sa volonté. D'autres fois, la miction, malgré les efforts
du malade, ne peut s'exécuter et l'urine s'amasse dans la vessie.
Les centres spinaux du fonctionnement des réservoirs, comme ceux
du mouvement des membres inférieurs, sont privés des incitations
cérébrales, mais réagissent sous l'influence des excitations périphé-
riques. Les malades savent bien que certaines excitations cutanées
peuvent déterminer tel ou tel acte réflexe : l'un, ne pouvant étendre
les jambes raidies dans la demi-flexion, parvenait à provoquer le
mouvement d'extension en se grattant fortement avec les ongles la
peau de la face antérieure des cuisses; un autre déterminait la miction
en se pinçant la peau de l'abdomen ou l'extrémité de la verge.
La constipation est d'ordinaire opiniâtre, elle peut être inter-
rompue par des crises de coliques, une débâcle diarrhéique avec
incontinence des matières fécales.
Des secousses se produisent parfois spontanément dans les jambes
et dans les muscles du tronc, elles font sauter le malade dans son
lit et parfois le réveillent la nuit. Elles sont quelquefois provoquées
par la moindre excitation périphérique; un malade se plaignait
d'éprouver de semblables secousses, lorsqu'on balayant la salle, un
infirmier venait à heurter le pied de son lit.
Parfois, il existe de véritables crises de contracture, les membres
modérément raidis s'étendent ou se fléchissent lentement mais invin-
ciblement, les orteils se crispent et le phénomène se prolonge plus ou
moins longtemps ; en tous cas, le malade est incapable de le modérer,
son intervention ne ferait que l'exagérer.
La sensibilité objective, à cette période, est dans la majorité des
cas très peu atteinte, elle est même souvent conservée presque inté-
— 193 —
gralement. Dans quelques cas, il existe une diminution inégale dans les
différents modes de perception ; jamais il n'y a d'anesthésie absolue à
cette période. Lorsque l'anesthésie complète s'est présentée au début,
ou bien le malade est mort ou bien elle s'est profondément amendée.
Le plus souvent c'est une perversion de la sensation, surtout une
exagération de la perception, le malade présente une véritable hy-
peresthésie qui ne porte pas sur tous les modes d'excitation ; elle
peut même ne se manifester qu'à l'occasion de certaines impressions
comme le contact d'un corps froid, le chatouillement, etc., tandis
qu'une pression énergique, une piqûre seront moins pénibles.
Enfin les zones d'anesthésie légère ou d'hyperesthésie sont parfois
mêlées.
On n'observe de diminution prononcée de la sensibilité que dans
les cas graves, où l'élément spasmodique est assez peu marqué, où
domine au contraire l'atrophie musculaire (cas n° III). L'anesthésie
manque au contraire absolument ou est remplacée par l'iiyperesthésie
quand les muscles conservent leur volume, quand les contractures
sont très développées (obs. 135). Le réflexe cutané plantaire est alors
très marqué.
Quant aux troubles subjectifs de la sensibilité, ils sont en général
effacés à cette période, il est très rare que le malade se plaigne encore
de douleurs lombaires, il accuse seulement une sorte d'engourdis-
sement ou de refroidissement dans les jambes. Il est cependant possi-
ble, dans la plupart des cas, de réveiller, par la pression des apophyses
épineuses, une douleur sourde dans un segment plus ou moins étendu
du rachis.
Dans la forme que nous venons de décrire, le malade est très pris
des jambes, il ne peut se lever et est condamné à rester au lit pendant
un temps parfois très long qui se chiffre par années. A moins de com-
plications, dans les cas ordinaires, les membres supérieurs, le domaine
des nerfs crâniens sont indemnes, l'intelligence est parfaite, les fonc-
tions organiques régulières, l'état général excellent. Les escarres sont
guéries ou en bonne voie de cicatrisation, mais le malade n'est pas
à l'abri de la cystite et des accidents infectieux qui peuvent en résulter.
2° Le plus souvent, les symptômes paréto-spasmodiques ne sont pas
aussi accentués, les malades sont capables de marcher et présentent
alors le tableau complet de l'affection décrite par Erb.
S. 13
— 194 —
Ils sont d'ailleurs atteints dans une mesure très variable d'un sujet
à l'autre ; la forme moyenne revêt l'aspect suivant :
Lorsqu'ils sont au lit, les malades présentent le tableau atténué des
signes que nous avons déjà décrits. La contracture en particulier est
beaucoup moins développée, elle est même parfois pour ainsi dire
latente, aussi les membres peuvent-ils être maniés assez facilement,
sans qu'on éprouve une grande résistance De même, Vélément paré-
tique est fort peu accentué, les malades exécutent de nombreux mou-
vements avec leurs jambes qui restent assez souples. Les mouvements
sont assez précis, mais ils sont toujours gênés par la raideur qui ne
manque jamais.
Il ne faudrait pas croire en effet que chez tous les malades capables
de marcher, la contracture est presque nulle ou même peu prononcée ;
nous avons au contraire rencontré de ces malades chez qui elle attei-
gnait un degré excessif, même au repos ; chez les autres elle était
toujours très manifeste. Nous n'avons remarqué de contraste bien
frappant entre le faible développement de la contracture et le degré
accentué d'exaltation des réflexes que dans les formes très légères.
Les mouvements volontaires sont en général exempts d'incoordi-
nation, mais présentent parfois une certaine brusquerie, les membres
se détendent un peu comme un ressort.
Les réflexes tendineux des membres inférieurs (réflexe rotulien,
réflexe du tendon d'Achille, des extenseurs, réflexes périostiques, etc.),
sont d'ordinaire très marqués, on provoque aussi facilement le trem-
blement de la rotule et le phénomène du pied.
Si la raideur musculaire est en général peu saillante lorsque le
malade est au lit, en plein repos ; la contracture ordinairement latente
ne tarde pas à se manifester lorsqu'il entre en activité et elle s'exagère
à mesure que le mouvement se complique.
Dès que le malade est assis, les mouvements sont déjà moins libres,
les genoux se rapprochent et il ne peut les écarter que difficilement.
Si on lui ordonne de croiser une cuisse sur l'autre, il soulève un peu
le pied au-dessus du sol, mais il ne parvient pas à exécuter le mouve-
ment prescrit, sans le secours de ses mains. Ce n'est pas tant la
faiblesse musculaire que la raideur qui s'oppose au mouvement, on
en acquiert bien vite la certitude en explorant la résistance muscu-
laire aux mouvements passifs. Si l'on ordonne au malade d'allonger
— 195 —
la jambe et de s'opposer à la flexion communiquée, on constate que
les muscles se contractent bien et que la résistance est assez éner-
gique ; mais les jambes sont raides, on les déplace diflicilement, on
sent une sorte de résistance permanente que le malade ne fait qu'exa-
gérer quand il cherche à aider au mouvement.
Souvent les jambes sont prises de tremblement lorsqu'elles sont
dans une fausse position, lorsque la pointe qui tend à s'abaisser repose
seule sur le plancher.
Les mouvements spontanés sont d'autant moins libres qu'ils
sont plus compliqués, aussi est-ce dans la marche que la roideur
atteint son maximum d'intensité.
De même que la démarche de l'ataxique donne la mesure de l'incoor-
dination motrice dont il est atteint, de même le malade frappé de
paraplégie spinale spasmodique offre dans la marche une allure
caractéristique de son affection. L'élément dominant est la raideur
des jambes bien que les malades ne soient pas tous atteints au même
degré ; quelques-uns ne peuvent avancer sans le secours de béquilles,
d'autres ne quittent jamais leurs deux cannes, d'autres enfin peuvent
à la rigueur marcher assez longtemps sans cet appui.
Lorsque le malade se met en marche, les différents segments des
membres inférieurs se placent dans une position fixe qu'ils ne quittent
plus: les jambes sont étendues, mais l'extension n'est généralement
pas complète, les genoux sont légèrement fléchis, ont tendance à se
tourner l'un vers l'autre, et à se rapprocher ; les pieds sont abaissés
en sorte que la pointe appuie fortement sur le sol et est aussi un peu
tournée en dedans. A chaque pas, le malade se soulève d'une manière
exagérée sur le pied qui reste en arrière ; la jambe portée en avant reste
raide, la pointe du pied racle le sol dont elle heurte les aspérités, les
genoux frottent l'un contre l'autre et les jambes ont tendance à se
croiser. Les mouvements se passent dans l'articulation coxo-fémorale
tout en étant très limités ; parfois même cette articulation est com-
plètement immobilisée par la contracture des muscles pelvi-trochan-
tériens (obs. 136). Dans ces conditions, la projection alternative de
l'une et de l'autre jambe n'est possible que par un balancement latéral
du tronc et un mouvement de rotation du bassin qui impriment à la
marche un cachet particulier. Le mouvement de balancement et de
rotation du tronc joint au rapprochement des genoux légèrement
— m —
fléchis et à la convergence des pieds donne à la démarche une alhire
qui rappelle celle des canards, aussi a-t-elle été caractérisée par le
terme de « démarche des gallinacés ».
Les malades ont le corps penché en avant, les yeux fixés sur le sol
dont ils redoutent les aspérités, ils avancent péniblement, raclant le
plancher, usant en peu de temps le bout de la semelle de leurs sou-
liers malgré la ferrure dont on a soin de le garnir dans certains
hospices (Bicètre). On sent qu'ils font à chaque pas un effort consi-
dérable ; inclinés en avant, les deux mains appuyées sur des cannes
qu'ils tiennent toujours devant eux, ils semblent tirer leurs jambes
après eux et traîner des semelles de plomb.
On comprend que, selon l'intensité de la contracture et de la parésie,
la marche est plus ou moins pénible. Certains malades ne peuvent
faire que quelques pas avec beaucoup de peine, d'autres' au contraire
font de longues courses en s"aidant de leur canne, mais ils éprouvent
une fatigue rapide à cause des efforts que nécessite la raideur de leurs
membres. Ils ne peuvent jamais prendre une allure un peu vive,
encore moins courir, ils butent souvent en marchant, éprouvent une
grande difficulté à monter un trottoir ou des escaliers, font des chutes
fréquentes et redoutent particulièrement les terrains inégaux comme
les rues mal pavées.
Les malades qui n'ont subi qu'une très légère atteinte et n'offrent
qu'une esquisse de paraplégie spasmodique se reconnaissent encore
à leur démarche, leur allure peut être assez rapide, mais ils avancent
à petits pas, sur la pointe des pieds, les jambes serrées ; à chaque
pas ils se soulèvent vivement comme si leurs jambes étaient élastiques-,
ce qui leur donne une allure sautillante.
Lorsque les malades sont immobiles dans la station debout, ils sont
assez solides sur leurs jambes, ils peuvent même supporter un homme
sur leurs épaules dans les conditions ordinaires. Les yeux fermés ils
ne perdent pas l'équilibre; on observe cependant quelquefois une
ébauche du signe de Romherg ou même une perte d'équilibre com-
plète à l'occlusion des yeux. Les malades qui présentent ce signe ont
une certaine brusquerie dans les mouvements, ils talonnent en mar-
chant, leurs pas sont mal assurés, ils marchent en festonnant, en
somme offrent quelques traits du syndrome tabétique (obs. 13(3, 140j.
Le fait n'est pas rare et l'association des phénomènes tabéto-spas-
— 197 —
modiques s'explique très bien par la localisation des altérations
spinales.
Les troubles de la sensibilité sont des plus légers, dans ces formes
de moyenne ou de faible intensité. Au point de vue objectif, ou
n"observe souvent rien ou presque rien. Pourtant, dans ces formes
peu intenses, on trouve une diminution de la sensibilité tactile, la
perception est obtuse, il semble au malade qu'on le touche « à travers
un maillot » (obs. 128).
La perception douloureuse peut être amoindrie, souvent elle est
exaltée, les excitations sont mal appréciées, dénaturées, exagérées, un
corps froid comme un verre à boire appliqué sur la peau détermine la
sensation d'une brûlure, etc., les localisations sont erronées.
Les troubles de la sensibilité objective ont leur siège dans les
membres inférieurs, ils empiètent quelquefois sur la partie inférieure
de l'abdomen, mais ne sont jamais à cette période bien accusés ni
franchement limités par une ligne supérieure.
Ils offrent généralement leur maximum d'intensité dans les extré-
mités; les malades apprécient mal parfois la nature du sol sur lequel
leurs pieds reposent, mais ce symptôme est alors beaucoup moins
fréquent qu'au début de l'affection.
En opposition avec l'affaiblissement de la perception sensitive, on
observe généralement une exagération dans la réaction réflexe de la
moelle à la suite des excitations cutanées.
Quant aux douleurs, elles ne dépassent guère la période d'accrois-
sement de l'affection et sont exceptionnelles dans la pliase que nous
étudions. C'est à peine si les malades éprouvent par instants une sen-
sation de pesanteur dans les reins. Le rachis est encore parfois un peu
sensible à la pression sur une étendue variable. On note plus souvent
une sensation de froid ou d'engourdissement dans les membres infé-
rieurs.
11 est excessivement rare d'observer des douleurs viscérales, cepen-
dant dans un cas le malade s'est plaint de violentes douleurs gastri-
ques dont la nature pouvait à la vérité être discutée; un autre malade
éprouva des crises vésicales et rectales très violentes (obs. 127).
Les sphincters sont régulièrement atteints dans leur fonctionne-
ment. Lorsque les malades sont capables de marcher, ils n'ont pas
d'incontinence permanente d'urine, mais ils souffrent d'envies impé-
— 198 —
rieuses et les besoins sont quelquefois assez rapprochés pour que les
malades soient astreints au port d'un urinai en caoutchouc. Faute de
cette précaution, ils sont exposés à uriner dans leurs vêtemenls. Dans
certains cas, la miction survient spontanément à l'occasion d'un mou-
vement, au moment où le malade se lève ou s'assied, lorsqu'il tousse
ou fait un effort.
A côté de cette miction impérieuse et de l'incontinence éventuelle,
les malades éprouvent souvent de la difficulté à uriner. La miction
exige de grands efforts, nécessite des positions bizarres, et ne s'exé-
cute parfois qu'à titre d'acte associé ; par exemple un malade, pour
provoquer la miction, était forcé de piétiner sur place. Enfin elle est
souvent incomplète, le malade en se rhabillant mouille ses vêtements.
Les troubles rectaux sont généralement moins accusés, il existe
d'ordinaire une tendance marquée à la constipation ; parfois cependant,
dans les efforts de la miction, les gaz intestinaux s'échappent et les
matières lorsqu'elles sont liquides. Le même accident peut se produire
spontanément et surprendre le malade d'une façon inopinée ; ce symp-
tôme est parfois assez gênant pour que le malade, bien qu'ayant les
jambes assez valides, renonce à toute course un peu éloignée.
Les fonctions géyiitales sont presque toujours sérieusement com-
promises, l'impuissance est le plus souvent définitive, on observe
cependant quelquefois une certaine amélioration de ce côté et l'agé-
nésie n'est pas aussi absolue que dans la période initiale de l'affection.
Dans quelques formes légères suivies d'une guérison presque complète,
les malades ont pu se marier et avoir des enfants, mais le fait n'a
jamais été noté, que nous sachions, à l'égard d'un malade encore en
pleine période d'état de son affection.
I 3. — L'évolution.
MARCHE. DURÉE. TERMINAISONS. COMPLICATIONS
La marche de l'affection présente de grandes variations ; en effet la
paralysie peut apparaître presque sans prodromes, atteindre en quel-
ques heures son maximum d'intensité et amener rapidement la mort
(en trois, dix, vingt jours, quelques semaines). D'autres fois, au con-
traire, les symptômes se montrent lentement, insidieusement, évoluent
pendant des mois et des années.
Il semblerait naturel d'établir immédiatement une division entre
les formes aiguës et les formes chroniques, mais entre ces deux
extrêmes, il existe bien des intermédiaires et les accidents aigus loin
d'être spéciaux aux formes rapides s'observent communément au
cours des formes à évolution lente.
Le type clinique le plus complet évolue de la façon suivante.
Quelques mois ou peu d'années après l'infection syphilitique, le sujet
éprouve un certain nombre de symptômes spinaux ou cérébro-spinaux
diffus, ce sont ceux que nous avons décrits dans la période prémo-
yiitoire, et présente parfois quelques petits accidents aigus passagers :
rétention d'urine, faiblesse brusque mais transitoire des jambes, puis
finalement une atlaque de para,plégie qui peut atteindre son maxi-
mum en quelques heures.
D'autres fois, il n'y a pas à proprement parler d'ictus spinal, mais
à un moment donné les accidents aigus de la période prémonitoire
s'accentuent assez rapidement, en deux, trois, huit jours. Dans les
deux cas, le malade est obligé de prendre le lit. Alors se déroulent
les accidents de la seconde période qui confinent le malade au lit
pendant un temps plus ou moins long selon leur gravité.
Dans la forme moyenne, au bout de quatre, six, dix mois, les
symptômes graves ont disparu, l'amélioration est survenue, le malade
se lève et entre dans la phase de paraplégie spasmodique.
— ^200 —
Cette dernière période présente la durée la plus longue. La plupart
des malades, après avoir bénéficié d'une certaine amélioration restent
dans un état stationnaire pendant des dizaines d'années. D'autres
(et pour ceux-là la période des accidents aigus a été d'ordinaire
courte) s'améliorent lentement mais d'une façon sensible, si bien qu'ils
arrivent à un état tout à fait satisfaisant ; ils gardent cependant pres-
que toujours quelque chose de leur affection : de la raideur des
jambes, une difficulté dans la miction, etc. Quelquefois, par contre,
les symptômes de la période aiguë ont une gravité exceptionnelle et
c'est pendant des années que les malades restent cloués au lit.
Cependant, l'affection suivant une pente favorable, les troubles
trophiques disparaissent, la contracture reste excessivement intense;
puis à la longue, après quatre, cinq années et davantage, le malade
parvient à se remettre debout ; ce n'est toutefois qu'après bien des
années encore qu'il pourra se servir de ses jambes si une affection
intercurrente ou une complication n'est pas venue abréger son exis-
tence. Enfin, parfois les symptômes, après une entrée en scène brusque
ou à la suite d'une aggravation lente mais progressive, conservent
leur caractère de gravité ; au lieu de s'atténuer après avoir atteint une
certaine intensité, ils persistent et s'accentuent jusqu'à la mort.
L'affection dans ce cas a duré dix, quinze, vingt mois et le malade ne
s'est pas relevé. La mort est alors le résultat de l'extension progres-
sive de l'altération de la moelle, comme elle peut être la conséquence
d'une lésion qui atteint d'emblée son maximum dans certaines formes
suraiguës.
Dans les formes suraiguës, la période prodromique manque sou-
vent ou passe inaperçue, le malade est frappé brutalement d'une
attaque apoplectiforme et la mort survient au bout de dix, vingt,
trente jours, deux mois, quelquefois d'avantage, en tous cas dans
un délai assez restreint. En opposition avec ces cas suraigus, il
existe des exemples assez nombreux de malades qui arrivent lentement,
sans à-coup, à la période de paraplégie spasmodique; leur affection
s'accentue peu à peu, puis reste stationnaire pendant des années et
finalement présente une certaine amélioration. Beaucoup de ces
malades n'ont jamais été obligés de garder le lit pendant plusieurs
jours, les phénomènes se sont développés peu à peu, la raideur s'est
installée en même temps qu'un certain degré de parésie ; les symp-
— 201 —
tomes douloureux et paralytiques s'enchevêtrent et les différentes
phases que nous avons décrites n'existent plus.
Cependant, dans ces formes à évolution chronique, il survient
parfois des aggravations brusques, et les malades rentrent alors dans
le cadre que nous avons tracé.
En interrogeant avec soin les malades dont l'affection présente
l'ensemble d'une évolution chronique, on trouve souvent dans leurs
antécédents de petits accidents aigus qui, sans faire perdre à l'affec-
tion son caractère de forme chronique, établissent une transition entre
les différentes formes que nous avons signalées.
Enfin, il existe certaines formes atténuées dans lesquelles l'affection
semble ne pas dépasser la période prémonitoire, les symptômes se
prolongent pendant quelquefois des mois et des années avec leur
caractère de faible intensité, les antécédents aigus ou graves manquent
et laguérison complète peut être obtenue par un traitement spécifique
bien entendu.
Bien que la période pendant laquelle les accidents progressent pré-
sente souvent une très longue durée (plusieurs mois, des années) et
qu'elle puisse offrir à intervalles plus ou moins éloignés des phases
d'aggravation, le plus ordinairement, lorsque la phase aiguë s'est
manifestée, si l'amélioration est survenue et a abouti à la phase sta-
tionnaire, on n'observe pas de récidive.
Ce que nous avons dit des différents modes d'évolution de l'affection
montre que la durée totale est excessivement variable, elle dépend
surtout du mode de terminaison.
On peut observer quatre modes de terminaison:
La mort ;
L'état stationnaire après une certaine amélioration ;
L'amélioration progressive ;
La guérison.
La mort peut être très précoce, dans les formes suraiguës, à la
suite d'accidents bulbaires. Nous ferons remarquer incidemment que
ces derniers accidents peuvent également se montrer plus tard au
cours de l'évolution de l'affection et avoir les mêmes conséquences.
Dans les autres formes graves, la mort résulte ordinairement des
lésions de décubitus, et elle est d'autant plus prématurée que ces alté-
rations se développent plus rapidement. Des escarres profondes met-
— 202 —
tent à nu le sacrum et les trochanters, le canal sacré peut même être
ouvert et le canal rachidien entrer en communication avec le clapier
purulent et gangréneux. La peau est décollée par des abcès qui fusent
jusque dans la fesse ou la région lombaire. Les urines deviennen
troubles, ammoniacales, on observe de la cystite purulente. Les ma-
lades succombent alors à une infection purulente avec des abcès dans
les viscères ou à une pyélonéphrite ascendante, à une néphrite infec-
tieuse avec abcès miliaires multiples.
On peut observer également l'ulcération, la perforation de la vessie
et une péritonite suraiguë.
La mort est le terme fréquent des formes aiguës, mais elle peut
également succéder aux formes qui s'aggravent progressivement.
La persistance à l'état chronique d'une paraplégie spasmodique
d'intensité variable est pour ainsi dire l'aboutissant naturel des acci-
dents qui répondent à l'établissement du ramollissement médullaire
syphilitique. Les malades arrivent à cette phase soit en passant par une
phase d'accidents aigus, soit lentement et progressivement. De toutes
façons, la destruction d'une certaine étendue du parenchyme médul-
laire une fois effectuée, le tissu nerveux pourra peut-être se régénérer
dans une certaine mesure, mais la lésion scléreuse une fois développée
persiste et s'oppose à la reconstitution ad integrum du tissu dégénéré.
Le fait est prouvé par les autopsies faites dix, quinze, vingt ans après
le début de l'affection (cas n" IV, n" V, n" VL n° VII).
Aussi bien les malades peuvent-ils présenter une certaine amélio-
ration, encore que cette amélioration ne survienne qu'après de longues
années, mais la guérison complète est très rare et ne s'observe que
dans certaines circonstances spéciales.
Lorsque l'affection ne dépasse pas la période prodromique, alors
que les altérations vasculaires ne sont pas assez prononcées pour
amener la nécrose du tissu nerveux, les lésions primitives vasculaires
et méningées, sous l'influence du traitement ou pour toute autre cause,
s'arrêtent dans leur évolution et même rétrocèdent. Les symptômes
disparaissent alors peu à peu et la moelle peut reprendre intégrale-
ment sés fonctions.
Dans ce cas, le tableau symptomatique est très atténué, et la ma-
ladie a pour ainsi dire avorté.
Mais il est remarquable de voir certaines paraplégies spinales à
- '203 —
début suraigu, revêtant tout d'abord les aspects des formes les plus
graves, s'améliorer en quelques jours, en quelques semaines et même
se terminer par une guérison complète. Il faut admettre que, dans ces
cas, un trouble circulatoire très étendu a déterminé dans une portion
considérable de la moelle une suppression brusque des propriétés
physiologiques, mais que l'anémie n'a pas été assez prononcée pour
faire disparaître la vitalité du tissu compromis dans son fonctionne-
ment et amener la nécrose.
Le même phénomène s'observe à la suite de certaines hémiplégies
liées à des troubles circulatoires du cerveau, la paralysie peut appa-
raître brusquement, avec un caractère d intensité remarquable, et
disparaître au bout d'un certain temps sans laisser de traces.
Ce serait peut-être le cas d'appliquer à ces paralysies le terme de
paralysies foyictioimelles.
§4. — Formes anatoini<|ue$ et clinîtiues.
Les éléments qui servent à caractériser les différentes formes de
l'affection sont empruntés à la marche, à l'intensité et à la localisa-
tion des lésions.
On peut ainsi distinguer :
Des formes aiguës et des formes chroniques ;
Des formes graves et des formes légères.
Nous avons déjà suffisamment insisté sur les caractères de ces
formes, en indiquant les différents modes d'évolution et les différents
degrés de gravité.
Mais nous n'avons considéré qu'une seule localisation, celle qui
correspond à la forme commune.
A. — F'ORME COMMUNE
Dans cette forme, la destruction des éléments nerveux occupe une
étendue plus ou moins considérable des régions dorsale ou lombaire
de la moelle.
Lorsque le foyer intéresse toute la coupe de la moelle et se produit
rapidement, l'affection a un début brusque et se montre très sévère,
la paraplégie est totale, l'atrophie musculaire et les troubles trophiques
graves se manifestent rapidement, et la mort est la terminaison ordi-
naire. Dans les cas, au contraire, qui parcourent les différents stades
que nous avons décrits et qui aboutissent soit après un début aigu,
soit par une évolution progressive à la phase de paraplégie spasmo-
dique persistant à l'état chronique, la destruction des éléments
nerveux prend l'aspect d'une lésion transverse assez mal limitée, qui
occupe un étage variable de la région dorsale, mais laisse ordinaire-
ment intact le renflement lombaire. La lésion n'envahit pas toute
l'étendue transversale du segment intéressé, elle est surtout marquée
dans la substance blanche. La substance grise, toutefois, n'est pas
— 205 —
intacte, quoi qu'on en ait dit. Dans notre cas n° IV, où il n'a pas été
noté d'atrophie musculaire bien caractérisée, les lésions de la substance
grise étaient cependant très accentuées dans la région dorsale. Il est
à remarquer cependant que les centres gris de la région lombaire
conservent d'ordinaire leur intégrité complète ; aussi l'atrophie muscu-
laire épargne-t-elle les membres inférieurs.
Souvent, les lésions dégénératives, au lieu de constituer un foyer
plus ou moins bien limité, sont disséminées sur une longue étendue de
la moelle; elles affectent particulièrement les zones marginales dont la
nutrition souffre en premier lieu de l'altération des vaisseaux périphé-
riques. Mais l'ensemble des altérations produit, en définitive, les effets
d'une lésion transverse, ainsi que le prouve la dégénérescence se-^on-
daire des cordons de GoU et des faisceaux pyramidaux.
Lorsque les lésions sont très disséminées, la sclérose secondaire
du cordon de GoU et des pyramides latérales étant seule bien carac-
térisée, l'affection peut simuler une sclérose combinée primitive,
mais ce n'est là qu'une apparence. En effet, dans ce cas, les lésions
primitives répandues çà et là, peu étendues, ne constituent aucun
foyer ; elles peuvent échapper à l'examen ou paraître négligeables.
Cependant de nombreux tubes nerveux sont détruits, tantôt isolément,
tantôt par petits groupes, un peu partout, principalement dans les
zones marginales ; toutes ces lésions sont rassemblées dans les fais-
ceaux ascendants ou descendants qui dégénèrent secondairement,
et leur altération, plus concentrée, paraît primitive.
Cette disposition est assez particulière aux formes lentes dans
lesquelles il n'existe pas de foyers étendus de nécrose, mais des lésions
diffuses causées par des troubles circulatoires peu accentués, mais
persistants et très disséminés. C'est sans doute de cette façon qu'il
faudrait interpréter certaines observations de paraplégie syphilitique
dont la lésion anatomique semblait constituée par une sclérose primi-
tive des cordons de Goll et des faisceaux pyramidaux. Tel est peut-
être le cas rapporté par T. Williamson (1).
Un homme, quelques mois après un chancre, avait été pris subite-
ment d'une rétention d'urine et d'une faiblesse de la jambe gauche,
(1) T. Williamson. The changes inthe spinal cord in a case of syphilitic para-
plegia; sclerosis of the latéral pyramidal tracts and Goll's columns, with peripheral
sclerosis. 3Ied. C'hronicle, 1891, n" 4.
- 206 —
puis d'une paraplégie presque subite. Les phénomènes s'amendèrent,
mais la paraplégie reparut brusquement quelques mois après. Elle
fut alors définitive et persista jusqu'à la mort du malade, neuf ans
après. Les principaux symptômes furent la paralysie avec roideur
très prononcée des jambes, incontinence des urines et des matières
fécales, cystite ammoniacale, constipation, douleurs à l'épigastre,
nausées, éructations; mais pas de constriction tlioracique, et la sensi-
bilité des jambes était intacte. C'est un tableau clinique que nous
connaissons bien. On trouva, à l'autopsie, une sclérose du faisceau
pyramidal dans toute la longueur de la moelle, une sclérose du cordon
de Goll et du faisceau cérébelleux direct, depuis la partie supérieure
de la région dorsale ; il existait, de plus, une dégénérescence de la
zone marginale dans la partie cervicale de la moelle.
Il est probable que, dans les cas de cette nature, les lésions primi-
tives sont diffuses et très disséminées, ou qu'elles prédominent dans
le territoire du système vasculaire postéro-latéral qui intéresse préci-
sément les fibres tributaires des cordons de Goll et des faisceaux
pyramidaux.
B. — Autres localisations
Les altérations peuvent présenter leur maximum d'intensité dans
des régions de la moelle autres que la région dorsale et donner lieu
à des aspects cliniques qui s'écartent de ceux de la forme commune.
Bien que les lésions nécrobiotiques qui constituent l'élément prin-
cipal des altérations dans la syphilis médullaire se rassemblent
souvent en foyer, elles ne sont pas exclusivement limitées à une région;
aussi, toute localisation précise, telle qu'elle a été tentée par Gajkie-
wicz (1), est-elle forcément un peu schématique. L'auteur décrit
les symptômes cliniques auxquels donneraient lieu les localisations
suivantes :
1" Cône terminal de la moelle et queue de cheval ;
2° Partie inférieure du renflement lombaire ;
3° Partie supérieure du même renflement ;
4° Région dorsale inférieure ;
5° Régions dorsales moyenne et supérieure ;
6° Renflement cervical ;
(1) Gajkiewicz. Syphilis du système nerveux. Paris, 1892, p. 124.
— 207 —
7° Partie supérieure de la moelle.
Il est évident que le tableau clinique se modifie avec le niveau
auquel se trouve le maximum des altérations ; que selon la hauteur
de la région altérée, on verra l'étendue des troubles moteurs et sen-
sitifs présenter une limite supérieure plus ou moins élevée ; mais
cette multiplication des formes cliniques ne répond pas à la réalité.
En somme, on ne peut établir de véritable distinction qu'entre les
formes qui répondent aux trois principales localisations suivantes :
Renflement lombaire;
Région dorsale ;
Région cervicale.
Nous connaissons les effets delà localisation dorsale qui correspond
à la forme commune.
La destruction du renflement lombaire produit une paraplégie
flasque avec atrophie musculaire dans les membres inférieurs, para-
lysie des sphincters, anesthésie, troubles trophiques graves, etc. Ce
type clinique ne se distingue de la forme commune que par l'intensité
des symptômes, les malades n'arrivent généralement pas à la période
de paralysie spasmodique, car la destruction des centres gris de la
région lombaire est le plus souvent suivie de mort ; nous avons éga-
lement insisté sur cette forme.
Lorsque les lésions ont leur maximum dans la l'égion cervicale, la
paralysie envahit les quatre membres, rarement les deux membres
supérieurs seulement; les troubles subjectifs de la sensibilité affectent
la région cervicale et la ceinture scapulaire. L'anesthésie, lorsqu'elle
se manifeste, remonte parfois très haut, jusqu'à la partie supérieure
du cou, comme dans un cas de Anderson (1). La paralysie des
muscles intercostaux, la paralysie du diaphragme produisant une
dyspnée intense, le malade est tourmenté par le hoquet; il peut s'y
joindre des phénomènes vaso-moteurs, des tî*oubles oculo-pupillaires,
des phénomènes cardiaques.
Buttersack (2) a observé de la polyurie et de la polydipsie,
M. Mendel (.3) a noté ces mêmes symptômes avec un certain degré
de glycosurie.
(1) Andbeson. On a case of syphilitic disease of the spinal cord. (ria-s/juw incd.
Journ., 1888, S. 4, XXIX, 273-276, 1 pl.
(2) Bdttersack. Archir. fiir Psi/ckiat rie, Bd XVtl, H. :i, p. 603.
(3) Mendel (de Paris). Ami. de âermat. et syph., mai 1893,
— 208 —
C. — Hémipahaplégie syphilitique
Dans les formes communes de la paralysie spinale syphilitique, on
observe souvent une prédominance des symptômes d'un côté et
il est très fréquent de voir, au début, les phénomènes se localiser
pendant un certain temps dans un membre avant d'envahir celui du
côté opposé, mais généralement au bout de quelque temps les deux
jambes sont prises.
Parfois cependant, les phénomènes paralytiques restent pendant
très longtemps unilatéraux, et donnent lieu au syndrome caracté-
ristique qu'on désigne par le terme de syndrome de Brown-
Séquctrd du nom de l'auteur qui l'a le mieux décrit. Déjà en 1867,
Folet (1) rapportait une observation d'hémiparaplégie avec anes-
thésie croisée d'origine syphilitique. Il s'agissait d'un homme de
37 ans qui, en trois jours, fut pris d'une paralysie complète de la
jambe droite; la jambe gauche, au contraire, était très peu atteinte. La
perception de la douleur et de la température était conservée dans le
membre droit paralysé, et abolie du côté gauche. Les troubles de la
motilité et les altérations de la sensibilité douloureuse et thermique
étaient donc croisés. Après deux mois de traitement, l'hémipara-
plégie était améliorée, mais l'anesthésie gauche persistait encore.
Owen Rees (2) signala, en 1872, l'hémianesthésie croisée avec
l'hémiplégie dans la syphilis.
Mais l'observation la plus célèbre est celle de MM. Charcot et
Gombault (3) (obs. 62), le syndrome de Brown-Séquard s'y
trouve noté dans toute sa pureté. On observait la paralysie avec
hyperesthésie dans un membre, et une anesthésie symétrique du côté
opposé. Enfin, à la limite supérieure des parties atteintes, existait
une zone d'anesthésie douloureuse.
Hertel (4) a rapporté également un cas d'hémilésion de la moelle,
d'origine syphilitique.
Puisque, ainsi que nous l'avons constaté, il est fréquent de voir les
symptômes au début se localiser d'un côté avant d'atteindre les deux
(1) Folet. Bullet. thérap., 18G7.
(2) Owen Eees. Guy's Huspital Reports, 1872, XVII.
(3) Chaecot et Gombault. Areh. de pli.ysiol., 1873.
(4) Hbktel. Charité Anmlen, 1890, Bd XV.
— 209 —
membres, il pourra se faire, si l'affection rétrograde avant la destruc-
tion définitive du tissu nerveux, que les manifestations disparaissent
sans passer de l'autre côté. Tel est le cas dans une observation de
Caizergues (1) concernant un sujet de 23 ans qui, vingt-trois mois
après un chancre syphilitique, présenta des douleurs très vives dans
les lombes avec irradiation dans les membres inférieurs. En trois ou
quatre jours, la jambe droite, d'abord faible, se paralysa entièrement;
le pied droit traînait tandis que la jambe gauche était intacte. Le
traitement mixte ayant été institué huit jours après le début de l'affec-
tion, quinze jours plus tard le malade était guéri.
D'autres fois, sans être absolument unilatéraux, les symptômes
peuvent présenter dans leur intensité , une disposition croisée.
Dans un cas de Mackenzie (2), la paralysie était totale à gauche, et
très légère à droite, tandis que l'anesthésie était absolue à droite, et
la sensibilité seulement affaiblie dans le membre complètement
paralysé.
D. — Formes pseudo-systématiques
Nous n'entreprendrons pas de discuter ici l'influence de la syphilis
sur le développement des myélites systématiques dont le processus
anatomique est tout différent de celui qui caractérise la myélopathie
syphilitique que nous étudions. Mais, au point de vue clinique, il y a
1 une distinction à établir entre les affections systématisées vraies et
certains syndromes qui résultent de la prédominance des lésions
diffuses dans certains systèmes de l'axe spinal.
Nous avons noté, au cours de la description de la forme clinique
commune des symptômes qui appartiennent au syndrome tabétique;
il arrive parfois que le tableau clinique se complète et simule plus ou
moins fidèlement le tabès ordinaire. De même, certains symptômes
comme l'atrophie musculaire, la contracture, le tremblement, les
phénomènes céphaliques peuvent par leur prédominance ou leur asso-
ciation rappeler la poliomyélite antérieure, la sclérose en plaques, la
sclérose latérale, etc.
(1) Caizergues. Loc. cit., obs. XI, p. 103.
(2) Mackenzie. A case of hemiparaplegia spinalis. Tke Lancd, 9 juin 1881^.
S. li
— 210 —
a) Myélopsithie syphilitique à forme de tabès (iJseudo-tabes
syphilitique).
Le syndrome tabétique peut se montrer plus ou moins complet à la
suite d'une attaque de paraplégie et dans la période d'amélioration
de l'affection, d'autres fois il se développe progressivement et repré-
sente assez fidèlement le tabès vrai résultant de l'altération typique
du système radiculaire postérieur. Le plus ordinairement toutefois,
l'affection conserve dans son évolution un certain nombre de traits
qui la distinguent du tabès systématique, et le syndrome n'est pour
ainsi dire jamais pur. Ce qu'on observe le plus souvent, c'est l'aspect
clinique que l'on décrit sous le nom de tabès combiné dans lequel
l'élément spasmodique et l'élément tabétique prédominent suivant les
cas.
Cependant on peut observer un tableau symptomatique qui rappelle
d'une façon presque parfaite le tabès vrai. Oppenlieim (1) en rap-
porte un exemple remarquable et d'autant plus probant que l'examen
anatomique a montré les altérations propres à la myélopathie syphi-
litique : une femme de 31 ans manifestement syphilitique présenta
des douleurs dans les jambes et une abolition des réilexes. Ces symp-
tômes s'améliorèrent d'abord par le traitement spécifique, mais ils
reparurent bientôt ; ce furent : des douleurs lancinantes, des troubles
de la sensibilité, l'abolition des réilexes, le signe de Romberg, des
trouljles vésicaux, des paralysies oculaires avec immobilité de la
pupille, des symptômes bulbaires, crises laryngées, etc.; finalement
la mort survint trois ans après le début de l'affection. A l'autopsie,
on constata un épaississement des méninges avec infiltration; un
foyer d'altération transverse de la moelle à l'union des régions dor-
sales moyenne et inférieure, et long de 2 à 3 centim. et une dégé-
nérescence de la zone marginale dans le reste de la moelle. Il y avait
de plus une dégénérescence secondaire ascendante et descendante.
Les zones radiculaires n'étaient pas très affectées, mais la région
bulbaire présentait des altérations manifestes. Les vaisseaux de la
(1) Oppenheim. TJeber einen Fall von syphilitischer Erkrankung des centralen
Nervensystems welche voriibergeliend das klinische Bild der Tabès dorsalis
vortâuschte. Berlin, lilin. Wuchm., 1888, n° 53, p. 1061.
— 211 —
moelle offraient les lésions caractéristiques : endartérite et surtout
périartérite.
On doit à Ewald une observation analogue.
Observation 100 (résumée).
Ewald. Ein unter dem klinisclien Bilde der Tabès vorlaufender Fall
von syphilitischer (?) Rûckenmarkserkrankung. Berlin, klin. Wo-
chenschr., 1893, XXX, 284-288
Histoire clinique. — Homme, 42 ans. N'aurait pas eu la syphilis.
Bonne santé or(Hnairenient. En 1878, rhumatisme articulaire; puis
plusieurs manifestations analogues. A la suite d'une poussée articulaire,
le genou gauche s'est tuméfié et le malade doit se servir d'une canne.
Pas de douleurs fulgurantes ni de douleurs en ceinture. — litat en 1889 :
difficulté de la marche; la jambe gauche traîne, le pied droit talonne.
Signe de Romberg, pei-te de l'équilibre dans le demi-tour. Arthrite du
genou gauche. Pied gauche en varus avec flexion plantaire. Abolition
des réflexes crémastériens et des réflexes rotuliens. Sensibilité objec-
tive intacte sauf pour la perception de la pression et de la température
au niveau des cuisses. Pupilles inégales, perte des réfle.xes lumineux.
Intégrité des réactions électriques. Absence de douleurs. Diagnostic :
tabès dorsal et arthropathie consécutive. Mort par septicémie.
Examen histologique de la moelle. — Au niveau du renflement lom-
baire, épaississement de la dure-mère correspondant à une prolifération
cellulaire. Épanchement sanguin dans la pie-mère et l'arachnoïde. Dans
les racines rachidiennes, épaississement de la névroglie et dilatation
des vaisseaux. La pie-mère est épaissie, fibreuse, ses vaisseaux, en
particulier l'artère spinale antérieure, ont leurs parois très altérées :
endartérite, épaississement de la tunique musculaire et infiltration de
l'adventice. Veines dilatées, à parois infiltrées. Les vaisseaux de la
moelle présentent les mêmes modifications. Les travées pie-mériennes
intramédullaires sont épaissies surtout dans le cordon postérieur qui
est envahi par la sclérose. Les autres parties des cordons blancs sont
intactes. Disparition du réseau fibrillaire des colonnes de Çlarke. H
existe de plus des nodules d'infiltration intramédullaire dans la région
cervico-dorsaie et dans la région lombaire.
On retrouve en somme, dans ce dernier cas, les lésions communes
de la syphilis médullaire, et l'auteur fait lui-même remarquer qu'il
ne s'agissait nullement de la sclérose classique des cordons posté-
rieurs, mais de lésions d'une autre nature qui, par leur localisation
prédominante dans ces cordons, avaient donné lieu au tableau clinique
presque complet du tabès dorsal.
— 212 —
A côté de cette forme dont la nature ne laisse aucun doute, il existe
un certain nombre de faits anatomiques dont l'interprétation est assez
délicate ; nous voulons parler des autopsies dans lesquelles les auteurs
ont constaté des lésions des cordons postérieurs, ne se distinguant en
rien de celles du tabès et coïncidant avec des altérations syphilitiques
caractéristiques des vaisseaux et des méninges. Tels sont les cas de
Eisenlohr, de Hoffmann, celui deMinor que nous avons déjà
résumé (obs. 80) et les observations suivantes de Kuhetde Dinkler.
Observation 101 (résumée).
S. KuH. Ein Fall vou Tabès dorsalis mit Meningitis spinalis syphilitica.
Arch. f. Psych., Bd XXII, 1891, p. 690.
Histoire cliniqui:. — Homme, 20 ans, chancre du gland, traitement
mercuriel, pas de symptômes secondaires. Décembre 1887, début rapide
de l'affection par de l'incertitude des jambes et des vertiges. Traitement
par des frictions mercurielles puis par des courants galvaniques. Etat
en février 1888 : pas de douleurs lancinantes; de temps en temps, crampes
dans les jambes ; organes internes et sphincters intacts, impuissance
depuis un an, pupilles paresseuses, intelligence et parole intactes, léger
signe de Romberg, réflexes patellaires abolis, diminution de la perception
douloureuse au niveau des orteils.
Eu mai, amélioration. En juin, aggravation, démarche ataxique, trou-
bles de la sensibilité plus accentués. En septembre, arthropathie des
deux genoux. Fin de mars 1889, vertiges, palpitations, accès d'oppres-
sion, mort subite.
Autopsie. — Dégénérescence des cordons postérieurs et des zones
radiculaires. Au niveau de la queue de cheval, congestion très marquée;
dure-mère légèrement épaissie, les autres enveloppes molles sont infil-
trées de cellules. Altérations vasculaires très prononcées : infiltration,
épaississement considérable des parois. L'infiltration embryonnaire
tantôt se limite à la membrane interne, tantôt envahit toute la paroi.
Sur quelques vaisseaux elle a visiblement son point de départ dans les
vasa-vasorum, L'endartère épaissi forme sur quelques vaisseaux une
saillie qui pénètre dans la lumière du vaisseau et la divise en deux,
La tunique moyenne est aussi fréquemment d'une épaisseur anormale.
L'auteur pense que les deux processus tabès et méningite sont
d'origine syphilitique, mais que le premier ne relève peut-être pas du
second, car les altérations méningées paraissent plus récentes que
celles des cordons postérieurs, de plus, elles n'étaient pas exclusive-
— 213 —
ment limitées à la région des cordons postérieurs, mais s'étendaient
à toute la moelle et même aux méninges cérébrales.
Observation 102 (résumée).
DiNKLER. Tabès dorsalis incipiens mit Meningitis spinalis syphilitica.
Deutsche Zeitschrift fur Nervenheilhunde, 1893. Bd III, 4unil 5 II.
{Revue Neurolog., mars 1893, p. 120.)
Histoire clinique. — Homme, 42 ans, issu de parents nerveux (mère
épileptique). Chancre à l'âge de 27 ans. Premières douleurs fulgurantes
dans les jambes en 1886 ; ultérieurement, troubles vésicaux. On constate
(avril 1891) du myosis et de la diminution des réflexes pupillaires. Pas
d'ataxie , pas de signe de Romberg. Les troubles de la sensibilité
objective se bornent à une hypo-algésie assez prononcée des extrémités
inférieures et à une hyperesthésie de la région dorsale et lombaire du
rachis. Réflexes cutanés conservés; les réflexes tendineux des membres
supérieurs sont très forts ; aux membres inférieurs, le réflexe patellaire
droit est plus faible que le gauche qui est normal. Le traitement spéci-
fique est institué sans aucun profit ; les réflexes rotuliens sont abolis
quelques semaines plus tard. Octobre 1892, douleurs rachidiennes, en-
gourdissement des mains et des jambes ; pas d'ataxie. Mort sans cause
appréciable le 7 novembre.
Autopsie — Hémorrhagie méningée à la base du cerveau, sur le cer-
velet, se poursuivant jusque sous la pie-mère de la moelle, çà et là.
Artérite noueuse du tronc basilaire. A l'œil nu, on constate dans la
moelle la dégénération grise des cordons de Goll.
Examen histologique de la moelle. — Dégénération des cordons pos-
térieurs limitée aux cordons de Goll dans la région cervicale, intéressant
les cordons de Goll et de Burdach dans la région dorsale supérieure
et moyenne et circonscrite de nouveau à la partie antérieure des cor-
dons de Goll dans la région dorsale inférieure. Les zones de Lissauer
sont dégénérées dans toute la hauteur. Cette dégénération encore peu
avancée, ne présente aucun caractère qui permette de la distinguer de
celle du tabès non syphilitique et des dégénérations secondaires.
Méninges. — L'ara(;hnoïde est épaissie et infiltrée de cellules rondes,
ovales et fusiformes. A la hauteur de la septième racine dorsale, sur
cette arachnitis difi'use, quelques petites nodosités qui ont la constitution
de gommes miliaires. La pie-mère présente une infiltration semblable
qui offre son maximum d'intensité dans les régions cervicale et dorsale.
Participation des vaisseaux (artères et veines) dans les mêmes régions.
Racines et ganglions. — Les racines montrent une infltrationde leur
enveloppe et de leur tissu interstitiel qui n'est que le prolongement de
la méningite spinale ; les fibres nerveuses sont dégénérées principale-
ment dans les racines postérieures de la région dorsale. Epaississement
hyalin de la paroi des rasa nervorum. Quant aux ganglions, ils sont
peu altérés, mais on y constate une hypertrophie de leur enveloppe
conjonctive, avec dégénération de quelques fibres nerveuses.
Cerveau. — Les méninges et la substance cérébrale ne présentent
rien d'anormal ; mais les artères de la base offrent une endo-périartérite
gommeuse typique.
L'auteur considère la dégénération tabétique d'une part, les altéra-
tions méningo-vasculaires d'autre part, comme relevant également de
la syphilis, mais il n'admet pas que la première se soit développée
sous l'action des secondes. Marinesco (1) a rapporté un cas analogue
aux deux précédents.
Dans ces cas, s'agit-il de lésions médullaires développées sous
l'influence des altérations vasculaires et méningées, ou bien sont-elles
de même nature que celles du tabès vrai et établissent-elles par leur
coïncidence avec des altérations spécifiques une transition entre la
syphilis médullaire commune et le tabès ? C'est une question que nous
ne saurions trancher.
En tous cas, il existe une forme de pseudo-tabes qui comporte les
altérations de la syphilis médullaire, ainsi que le prouvent les observa-
tions d'Oppenheim et de Ewald. Cette forme se distingue du tabès
vrai par le mode de début et l'évolution qui sont plus rapides, la fré-
quence des accidents aigus et la sensibilité au traitement spécifique.
b) Myélopathie syphilitique à forme de sclérose latérale.
Parfois, les lésions médullaires paraissent presque exclusivement
limitées aux cordons latéraux. Dans ce cas, la dégénération primitive
des éléments nerveux excessivement disséminée est plus particulière-
ment développée dans ces cordons sur une étendue plus ou moins
considérable de la moelle. La dégénérescence secondaire se manifeste;
elle envahit au-dessus le faisceau cérébelleux, au-dessous le faisceau
pyramidal ; l'ensemble simule une sclérose latérale primitive et presque
systématique. C'est peut-être de cette façon qu'il faudrait interpréter
l'observation suivante :
Observation 103 (résumée).
MiNKOWSKi. Primare Seitenstrangssklerose nach Lues. Deutsch. Arch.
f. klin. Med., Bd XXXVI, p. 433.
Histoire clinique. — Femme, 19 ans. En mai, accidents primaires.
(1) Maeinesco. Wiener med. Wochenschrift, n»» 51 et 52.
— 215 —
Août, accideuts secondaires syphilitiques^ guérison par frictions. Depuis
cotte époque, faiblesse dans la marche, tremblement des membres infé-
rieurs, la faiblesse s'accentue rapidement. A la fin de l'année, marche
impossible sans aide, traînante, incertaine. Il survient rapidement un
tremblement très intense des membres inférieurs. Sensibilité absolu-
ment intacte. Réflexes cutanés abolis, réflexes tendineux très exagérés
aux membres inférieurs, surtout à droite. La malade fait chaque jour
(les frictions mercurielles.
Janvier, amélioration sensible. Février, la malade peut marcher sans
être soutenue.
28 juillet, mort par tuberculose pulmonaire.
Autopsie. — A la région dorsale de la moelle, les lésions siègent
surtout sur le faisceau pyramidal et le faisceau cérébelleux. Les tubes
nerveux ont complètement disparu, la myéline est atrophiée, la névro-
glieunpeu plus développée que normalement. On trouve aussi des cel-
lules granuleuses interstitielles et des corps amylacés. Dans les fais-
ceaux cérébelleux des cordons latéraux, les tubes nerveux ont presque
complètement disparu. Il existe dans cette région un réseau de névro-
glie assez développé. A la région lombaire, ces mêmes altérations exis-
tent, mais atténuées. A la région cervicale, les lésions sont moins
accentuées dans les faisceaux pyramidaux, mais plus marquées dans
les faisceaux cérébelleux.
Nous avons observé une disposition à peu près identique des zones
d'altération dans notre cas n" VII.
En somme, cette forme se distingue si peu de la forme commune
tant au point de vue clinique que par la distribution des lésions
qu'elle mérite à peine d'être considérée comme une forme spéciale.
c) MyélopatJiie sijpliilitique à forme de sclérose multiloculaire et
de sclérose en plaques.
Dans certaines circonstances, les altérations médullaires dissémi-
nées peuvent donner lieu à certains symptômes qui rappellent de loin
la sclérose en plaques.
Observation 104 (résumée).
Mendel. Syphilis disséminée de l'axe cérébro-spinal Annales de
dermatologie et de syptiiligraphie, mai 1893.
Homme de 22 ans. Chancre périnéal à l'âge de 19 ans. Avril 1889;
accidents secondaires. Début de l'afl'ection nerveuse en janvier 1893.
— 216 —
Etat actuel. — Céphalée persistante, diplopie, paralysie du moteur
oculaire externe gauche, exagération des réflexes, sensation de coups de
canif dans les genoux. Sensibilité émoussée dans tout le côté gauche
(hystérie antérieure), afî'aiblissement de la mémoire, vertiges, bourdon-
nements, polyurie, polydipsie, glycossurie légère. Traitement: Kl, 3gr.
2 pilules de Dupuytren.
Mai, diplopie, la paralysie de la sixième paire gauche est guérie, début
de la paralysie de la troisième paire gauche, ptosis, mydriase. Réflexes
exagérés, trépidation épileptoïde. Douleurs difl'uses dans le crâne,
l'abdomen, la région lombaire, douleurs presque fulgurantes dans les
jambes. Marche facile, mais tremblement à l'occasion des mouvements
volontaires, vomissements.
Dans ce cas, le tableau clinique n'offre qu'une ébauche très impar-
faiLe de la sclérose en plaques, car le tremblement survenant à
l'occasion des mouvements volontaires était le seul signe qui rappelât
cette affection, mais quelquefois, le tableau clinique est des plus
fidèles comme dans le cas rapporté par Schuster.
Observation 105 (résumée).
Schuster. Ein Fall von multipler Sklerose, etc. Deutsche med.
Wochenschr., 1885, n» 51.
Homme de 32 ans, syphilitique. 1<"' décembre 1884. Le sujet souffre
depuis cinq mois de tremblement des membres supérieurs et inférieurs,
marche en traînant les pieds et chancelle. Exagération des réflexes
tendineux. Contracture. Trépidation. Tremblement des mains, des bras,
de la tête, s'exagérant dans les mouvements volontaires, tremblement
de la langue. Nystagmus.
On diagnostique une sclérose en plaques, le malade présente d'ailleurs
des manifestations syphilitiques multiples : ulcération syphilitique du
pharynx, ganglions indurés, périostite du tibia à droite. Frictions mer-
curielles^ amélioration au bout de trois mois; à la fin de juin 1875, gué-
rison complète des symptômes cérébro-spinaux.
L'action favorable et immédiate du traitement prouve bien qu'il ne
s'agissait pas d'une sclérose en plaques; cette observation reste un
exemple remarquable de pseudo-sclérose en plaques' syphilitique.
d) Formes amyotrophiques .
L'atrophie des muscles paralysés est un symptôme commun dans
les formes graves de paraplégie syphilitique. Elle se manifeste sur-
tout dans la période qui suit l'attaque de paraplégie, et fait présager
— 217 —
la persistance de symptômes graves, car elle annonce la destruction
des centres gris spinaux correspondants. Ainsi, dans les cas de para-
lysie spinale qui se terminent par la mort, l'atrophie, si elle a le
temps de se manifester, atteint ordinairement un degré prononcé ; au
contraire, dans les formes complètes qui aboutissent à la période
spasmodique, ce symptôme fait souvent absolument défaut, ou bien
n'est qu'à peine indiqué.
Dans quelques cas, l'atrophie musculaire est un des symptômes les
plus saillants et peut donner à l'affection l'aspect d'une forme spé-
ciale.
Rodet (1) et Caizergues ont rapporté des observations qui, par
l'ensemble des symptômes constatés, rentrent dans le cadre des
formes cliniques ordinaires que nous connaissons; les muscles para-
lysés étaient atteints d'atrophie. Nous avons vu que ce symptôme
pouvait atteindre un degré prononcé dans les formes communes, sans
dénaturer l'aspect ordinaire de l'affection.
Mais dans un certain nombre de cas, cette atrophie musculaire
devenait pour ainsi dire le symptôme capital.
Telles sont l'observation de M. Dejerine (2), celles de Eison-
lohr (3), Schultze (4), Rumpf (5), Schmauss (6), les cas rap-
portés par MM. Rendu et Raymond (7). Il faudrait peut-être (?j faire
également rentrer dans ce cadre une des observations de Cai-
zergues (8) : un homme de 33 ans, ayant eu, à l'âge de 28 ans, un
chancre suivi d'éruptions secondaires, fut pris alors de douleurs et
de gêne des mouvements dans les membres inférieurs, puis d'une
atrophie musculaire qui s'étendit lentement aux muscles du bassin et
des épaules. 11 n'existait pas de phénomènes spasmodiques, ni de
troubles des sphincters.
En général, l'affection se distingue de la téphromyélite systéma-
tique par un certain nombre de signes comme les douleurs lombaires
(1) EODET. Gazette médicale de Lyon, avi'il 1859.
(2) Dejeeine. Archives de physiologie, 1876, p. 430.
(3) EiSENLOHR. Arcli.f. Psyc.li., Bd VIII, p. 314.
(4) Schultze. Berlin. Itlin. Woohenseln\j\9,%i, n" 39.
(5) RuMPP. Syphilitische Erkrank. des Nerrensystems.
((5) Schmauss. Deutsch. Aroh.f. Idin. Med., Bd XLIV.
(7) Raymond. Suc. méd. des hôp., Paris, février 1893.
(S) Caizergues. Thèse, Montpellier, 187:!, obs. II, p. Cl.
— 218 —
et périphériques, les phénomènes spasmodiques, les troubles des
sphincters, etc.; mais, ici comme pour le tabès, on s'est demandé si
la syphilis ne pourrait pas agir directement sur l'élément nerveux
lui-même, atteindre les cellules ganglionnaires et être un des facteurs
étiologiques de l'atrophie musculaire progressive myélopathique.
Leyden a vu l'atrophie musculaire se développer à la suite de la
syphilis, mais il ne dit pas si c'est une forme typique.
Jarisch (1), ayant constaté dans une moelle d'enfant mort sans
phénomènes médullaires, mais au milieu d'un exanthème syphili-
tique, une diminution de nombre, un ratatinement et des modifica-
tions du protoplasma cellulaire des cellules des cornes antérieures,
admet que ces altérations peuvent se produire sous l'action directe du
poison syphilitique.
Chauvet (2), au contraire, pense que « la syphilis n'a aucune
influence sur le développement de l'atrophie musculaire progressive »
et, pour Siemerling (3), l'altération des cellules ganglionnaires
résulte soit d'une hémorrhagie, soit d'un ramollissement, soit d'une
infiltration embryonnaire.
En réalité, l'atrophie musculaire dans la syphilis répond toujours,
comme les autres symptômes, à une altération deutéropathique des
cellules nerveuses.
Dans certains cas, le mécanisme de la destruction de ces cellules
s'explique par la compression ou l'envahissement des cornes anté-
rieures par une infiltration gommeuse, comme dans les cas de Sie-
merling (obs. 121, 122, 123). Mais la cause la plus fréquente est la
nécrose des éléments, consécutivement aux altérations des vaisseaux
nourriciers de la substance grise, absolument comme dans la forme
commune. Cette opinion a été soutenue, ainsi que nous l'avons dit,
par Môller et par M. Lancereaux; elle nous semble trouver sa
confirmation dans une observation de Schmauss.
(1) .Jakisch. Vierteljahrschrift f, Derm,., 1881.
(2) Chauvet. Influence delà syphilis sur les maladies du, système nerveux central-
Thèse d'agrégation, Paris, 1880.
(3) SIEMEELING. ArcJt.f. Psych., Bd XXII, 1891, p. 270.
— 219 —
Observation 106 (résumée).
ScHMAUSS. Hyaline Degeneration des Riickeiimarksgefasse. Polio -
niyelitis syphilitica. Deutsch. Arch. f. klin. Med., Bd XLIV.
Histoire clinique. — Homme présentant depuis deux ans et demi de
la faiblesse des jambes et des crampes de temps en temps. Douleurs
dans la région sacrée. Après une amélioration passagère, depuis six
mois, parésie progressive des jambes avec atrophie musculaire, aboli-
tion des réflexes, sensibilité conservée. Selles involontaires, rétention
d'urine. Mort par tuberculose pulmonaire. Infection syphilitique vingt
ans auparavant.
E.XAMEN MICROSCOPIQUE DE LA MOELLE. — Méniuges absolument
intactes, tissu fondamental et vaisseaux. Dans la moelle même, do nom-
breux petits vaisseaux présentent un épaississement de la membrane
interne avec dégénérescence hyaline. Dans ce tissu hyalin existent des
noyaux étoilés. Dégénérescence granuleuse des membranes moyenne
et adventice. Infiltration à la périphérie des vaisseaux. Ces altérations
vasculaires sont surtout développées dans les cordons postérieurs de
la moelle lombaire. On trouve de plus dans la partie supérieure de la
région lomliaire une diminution de teinte des cornes antérieures, surtout
à gauche. H s'agit d'un foyer de ramollissement avec dégénération des
cellules nerveuses, gonflement des cylindres-axes, développement du
tissu interstitiel infiltré des noyaux. Dégénération du cordon antéro-
latéral et des racines antérieures.
Le malade de M. Raymond avait présenté les symptômes d'une
atrophie musculaire disséminée et g'énéralisée, qui s'était développée
progressivement mais assez rapidement ; il existait de plus des dou-
leurs lancinantes, des contractures, des raideurs, de l'exagération
des réflexes. Vers la fin survinrent des phénomènes bulbaires. Le
sujet était sypliilitique.
L'examen histologique a montré l'existence de lésions vasculaires
intenses réparties dans toute la moelle et dans la partie inférieure du
bulbe, mais surtout prononcées dans le renflement cervical. La pie-
mère est le siège d'une inflammation de même nature. Il s'agit, en somme,
d'une méningo-mijâlite vasculaire diffuse. Consécutivement à ces
lésions, les éléments nerveux ont subi une atrophie qui porte prin-
cipalement sur les cellules ganglionnaires des cornes antérieures dans
presque toute l'étendue de l'axe spinal et atteint même les noyaux
bulbaires. Mais il existait également des altérations des tubes nerveux
des cordons blancs et, en conséquence, un certain degré de dégénéres-
cence secondaire des cordons de Goll et des faisceaux pyramidaux.
— 220 —
Dans sa communication à la Société médicale des hôpitaux,
M. Raymond rapporte encore l'observation clinique d'un second
malade et rappelle que deux cas analogues ont été publiés par Vul-
pian dans la clinique de la Charité; M. Rendu a également observé
un cas semblable.
En somme, le processus d'altération dans la forme atrophique est
le même que celui des formes communes, le syndrome clinique ne
diffère qu'en raison de la localisation particulière dans les cornes anté-
rieures. Cette localisation n'est d'ailleurs pas exclusive et on observe
conjointement un certain nombre de modifications dans le tissu
médullaire, modifications qui, en raison de leur moindre importance,
se placent au second plan (1).
L'affection peut évoluer plus ou moins rapidement, et selon que la
destruction de la substance grise se produira brusquement sous
forme d'un foyer de ramollissement de la corne antérieure, ou que les
cellules nerveuses dégénéreront lentement, on aura un aspect clinique
qui rappellera soit la poliomnélite antérieure aiQuë, soit la polio-
myélite antérieure chronique (l'atrophie musculaire progressive
myélopathique).
e) Forme bulbaire.
Nous avons déjà signalé parmi les symptômes de la syphilis
médullaire commune certains signes indiquant une lésion ou un
trouble fonctionnel de la région bulbaire.
Dans certains cas, ces symptômes semblent pouvoir se grouper et
prendre l'aspect d'une paralysie labio-glosso-laryngée.
M. Mauriac (2) a déjà attiré l'attention sur ces accidents bulbaires
au cours des manifestations nerveuses de la syphilis ; il rap-
porte l'observation d'un sujet syphilitique qui, ayant guéri d'une
hémiplégie cérébrale à forme intermittente, présenta une nou-
velle attaque d'encéphalopathie accompagnée d'affaiblissement mus-
culaire généralisé et de phénomènes bulbaires: salivation, diificulté
dans la déglutition et dans le mécanisme de l'articulation des mots.
Il existait en même temps des troubles des sphincters.
(1) POUSSAED. D'une amyotruphie spinale progressive chez les syjihiUtiqjws. Thèse,
Paris, mai 1893.
(2) Mauriac. Gazette lieMomadaire, 1877.
— 221 —
Dans un cas dû à M. Hayem. le malade ayant présenté des troubles
de la langue et du pharynx (paralysie de la langue, impossibilité de
la déglutition), on trouva à l'autopsie trois gommes dans la protu-
bérance et une altération diffuse s'étendant jusqu'au plancher du
quartième ventricule.
Une autre observation a été publiée par Chauvet (1) : le malade,
un homme de 33 ans, présenta six ans après un chancre des accidents
de syphilis cérébrale, et bientôt après tous les signes d'une paralysie
labio-glosso-laryngée : saillie des lèvres, impossibilité de souHler, de
siffler, parésie des muscles rétracteurs de la commissure, impossi-
bilité de tirer ou de relever la langue, mastication et déglutition très
difficiles, etc. Le malade, à la suite d'un traitement spécifique, s'amé-
liora beaucoup.
Les altérations qui atteignent le bulbe et les noyaux gris de cette
région ne diffèrent en rien de celle des autres parties de la moelle.
Les lésions vascidaires, l'infdtration des méninges peuvent aussi bien
présenter leur maximum dans la partie supérieure de la moelle et
agir sur les éléments nerveux de la même manière que dans les autres
régions. Dans l'observation de poliomyélite syphilitique rapportée
par M. Raymond, les noyaux du bulbe présentaient des altérations
de même nature que les autres parties de la substance médullaire.
Ce n'est en somme qu'une question de localisation.
E. — Formes spéciales
Nous comprenons sous ce titre les formes cliniques qui corres-
pondent aux lésions anatomiques que nous avons décrites comme
formes anatomiques spéciales : la méningite et la pachyméningite
syphililiques et les gommes.
a) Méningite et 2:)achyméningite syphilitiques.
Les observations de Eisenlohr, Buttersack, Oppenheim,
Jiirgens, Siemerling, Lamy, etc., que nous avons résumées,
établissent l'existence et les caractères principaux de ces formes.
L'infiltration et l'épaississement des méninges offrent un dévelop-
pement variable dans les formes communes de la syphilis médullaire,
(1) Chauvet. Luc. cit., obs. XVII, p. G4.
— 222 —
mais sont assez peu accentuées, et les altérations du tissu nerveux
causées par les lésions vasculaires sontordinairement constituées avant
que celles des nnéninges aient acquis un développement avancé. Cepen-
dant, à mesure qu'elles s'accentuent, ces dernières provoquent des
symptômes propres : une exagération de la douleur et de la raideur
rachidiennes,des irradiations douloureuses, des atrophies musculaires
partielles, des troubles de la sensibilité objective en rapport avec des
lésions radiculaires, etc.
Parfois, les méninges infiltrées et épaissies s'unissent et forment
une couche considérable. La dure-mère participe à cetépaississement,
elle est atteinte soit après les membranes molles, à la suite d'une
propagation émanée de celles-ci, soit avant elles, lorsqu'une lésion
détermine une pachyméningite externe.
En laissant de côté la pachyméningite consécutive à la carie
osseuse syphilitique, la pachyméningite s'observe le plus souvent
à la région cervicale, et, dans ce cas, l'affection revêt une allure un
peu particulière.
C'est alors surtout que se trouve vérifiée l'opinion de Jûrgens, qui
considérait les lésions syphilitiques de la moelle comme émanées
d'altérations analogues occupant primitivement la base du cerveau.
Les malades présentent d'abord une céphalalgie intense et bientôt
des douleurs très vives de la nuque accompagnées d'une raideur très
marquée. Les douleurs irradient dans les régions interscapulaire,
sus-claviculaire, cervicale, etc. ; la tête est immobilisée, les mouve-
ments spontanés sont impossibles, les douleurs sont réveillées par la
pression locale, les tentatives de mouvement. Indépendamment de ces
signes propres à la méningite, on observe proportionnellement à la
participation des racines et de la moelle, les symptômes que nous
avons décrits à propos de la localisation cervicale des lésions : para -
lysie, atrophie, troubles de la sensibilité, troubles oculo-pupillaires,
troubles respiratoires, etc.
h) Gommes de la moelle.
Si la méningite syphilitique s'observe assez fréquemment, les
gommes de la moelle sont excessivement rares. Il faut avouer que
leur existence ne s'accuse par aucun signe bien caractéristique ; le
— 223 —
plus souvent, d'ailleurs, elles coexistent avec des lésions communes
dont les symptômes se mêlent à ceux qui résultent de la présence de
la tumeur syphilitique. Théoriquement, on peut admettre que le déve-
loppement d'une gomme, comme lésion exclusive, provoque les symp-
tômes ordinaires qui résultent d'une compression lente de la moelle.
11 semblerait même que cette lésion est tout à fait propre à réaliser le
syndrome de l'hémilésion de la moelle ; cependant l'observation clinique
ne vient pas à l'appui de cette idée théorique.
Daus les cas où l'on observe des symptômes d'hémilésion de la
moelle chez un syphilitique, on porte généralement le diagnostic de
gomme de la moelle, surtout s'il survient une amélioration par le
traitement spécifique. Et cependant, dans le cas de MM. Charcot et
Gombault^ qui présentait le syndrome dans toute sa pureté, l'autopsie
a bien révélé l'existence d'une lésion unilatérale, mais nullement la
présence d'une gomme.
L'épaississement gommeux ou fibreux des méninges, les gommes
circonscrites peuvent siéger à divers étages de la moelle et déter-
miner des symptômes en rapport avec ces localisations ; mais il est
une localisation sur laquelle nous voulons appeler l'attention. Parfois
ces lésions intéressent la queue de cheval, en sorte que, quelle que
soit leur importance, le cordon médullaire lui-même échappe à leur
action directe ; cependant la destruction des nerfs de la queue de
cheval produit une paraplégie flasque avec atrophie musculaire, des
douleurs généralement très vives, l'anesthésie des parties paralysées,
des troubles trophiques et une paralysie des sphincters. Eisen-
lohr (1) (obs. 49) a rapporté un cas de cette nature.
(1) BiSENLOHE. Neurol. CcntralU., 1884, n» 4, p. 73.
§ 5. — Diagnostic.
Les symptômes que nous avons décrits ne répondent en réalité
qu'à la notion d'existence d'une affection de la moelle, ils peuvent
même indiquer le siège de l'altération, mais ils ne donnent pas de
renseignements sur la nature des altérations et encore moins sur la
cause qui les a produites.
La nature de la lésion peut jusqu'à un certain point être indiquée
par le mode d'apparition et la marche des symptômes ; par exemple,
le début brusque des accidents, les oscillations des symptômes que
nous avons notés dans l'évolution de la syphilis médullaire sont assez
caractéristiques de lésions liées à un trouble circulatoire; d'autre part,
les douleurs lombaires intenses avec irradiation indiquent l'inflam-
mation des méninges.
Quant à la cause, elle ne peut être élucidée que par l'étude des
antécédents et la recherche d'une infection syphilitique antérieure. Ce
facteur étiologique prend une grande valeur quand il repose sur une
lésion primitive bien nette, de date récente, ou bien sur des accidents
secondaires ou tertiaires bien caractéristiques s'étant manifestés à
une époque peu éloignée ou étant encore en cours d'évolution au
moment de l'apparition des accidents spinaux.
En somme; l'affection une fois constituée ne se distingue guère de
toute jya.7^aplégie spasmodique par lésion transverse de la moelle
épinière. Les phénomènes sont en rapport avec la localisation des
lésions et non avec leur nature. Buzzard compare la structure de la
moelle au rouage d'une montre : quelle que soit la cause qui en
trouble le mécanisme, un cheveu, un gravier, etc., le résultat est tou-
jours le même et n'indique nullement la nature du corps étranger.
Aussi bien, sans parler du mal de Pott, des tumeurs et de toutes
les lésions qui sont capables de déterminer par action locale une
lésion transverse de la moelle, toufc cause infectieuse agissant sur le
système vasculaire lymphatique et conjonctif de la moelle peut pro-
— 225 —
duire dans cet organe des altérations semblables à celles de la
syphilis nnédullaire.
Cependant, lorsqu'on se trouve en présence d'un sujet jeune, sans
autre tare appréciable qu'une infection syphilitique antérieure et pré.
sentant les symptômes d'une affection spinale caractérisée par l'en-
semble clinique que nous avons décrit, le groupement de ces circon-
stances prend une grande valeur pour l'affirmation du diagnostic et
commande de toutes façons l'emploi du traitement.
Dans les formes complètes, le tableau clinique est jusqu'à un certain
point caractéristique ; il est bien entendu tout d abord qu'on a relevé
dans les antécédents un chancre syphilitique ou des accidents consé-
cutifs ; le malade a éprouvé le plus souvent une céphalée particuliè-
rement intense, parfois même des symptômes cérébraux vagues et
intermittents, des paralysies oculaires surtout. Ces signes ont déjà
une grande valeur comme éléments de diagnostic ; leur diffusion et
leur marche oscillante sont bien propres à la syphilis, et ils sont les
premiers indices d'une localisation nerveuse.
Si, dans ces conditions, les symptômes spinaux diffus que nous
avons décrits comme constituant la période prémonitoire se produi-
sent en continuité avec les manifestations cérébrales, parfois à la
suite d'une recrudescence de ces symptômes ou après une période
d'accalmie plus ou moins longue, on a le devoir de tenter l'épreuve
du traitement spécifique. D'autant que, même en l'absence de commé-
moratifs précis, les signes de la période prémonitoire ont une physio-
nomie assez particulière : la rachialgie, surtout la rachialgie nocturne,
est un phénomène particulièrement fréquent, les troubles vésicaux,
les sensations subjectives périphériques, la raideur et la faiblesse des
jambes, etc., dans leur mobilité et leurs variations d'intensité d'un
jour à l'autre sont bien en rapport avec la nature des lésions primi-
tives propres à la syphilis.
Lorsque, à la suite de ces symptômes, survient Vattaqiie de
paralysie, le diagnostic est éclairé par ces précédents ; mais il arrive
parfois que les phénomènes prémonitoires caractéristiques font défaut,
et l'on n'a plus comme argument que l'existence d'une infection
syphilitique antérieure. Le diagnostic se fait alors par exclusion, et
ce n'est qu'après avoir écarté toutes les affections locales qui peuvent
atteindre la moelle par contiguïté et toutes les infections autres que
S. 15
— 226 —
la syphilis, que l'on sera en droit de considérer cette dernière comme
la cause très probable de l'affection. Dans tous les cas douteux, le
traitement spécifique s'impose.
Lorsque les malades se présentent avec les signes de la période de
paraplégie spasmodique, ils sont arrivés à cet état soit lentement
et progressivement, avec tout le cortège des signes caractéris-
tiques de la période prémonitoire qui se sont accentués progressi-
vement, soit en passant par la période de paraplégie aiguë. Ce n'est
encore là que par exclusion le plus souvent qu'on pourra établir le
diagnostic. Cependant, dans les cas où les malades sont capables de
marcher, l'altération transverse de la moelle épinière, sans doute en
raison d'une disposition particulière des lésions qui n'affectent qu'une
portion restreinte et sensiblement constante de la moelle (zone péri-
phérique), détermine une paraplégie spasmodique d'un aspect un peu
particulier. Les malades offrent tous les symptômes d'une myélite
transverse, mais atténués ; l'impotence fonctionnelle n'est pas très
prononcée, les troubles de la sensibilité objective et subjective, les
troubles trophiques sont peu accentués, la contracture est peu déve-
loppée, bien que les réflexes soient très exagérés. Toutes ces particu-
larités ont été bien mises en évidence par E r b ; il ne faudrait toutefois
pas exagérer leur valeur diagnostique ; ainsi, dans les cas que nous
avons observés, la contracture était en général assez prononcée et
devenait par instants excessive chez certains sujets.
Ce qui distingue plus particulièrement la paraplégie syphilitique,
soit à la période aiguë, soit à la période spasmodique, c'est l'existence
de phénomènes indiquant une diffusion des lésions dans toute la
moelle ou même dans l'axe cérébro-spinal tout entier : symptômes
oculo-papillaires, phénomèmes bulbaires et céphaliques, etc.
Il faut d'ailleurs reconnaître que, dans nombre de cas, ces derniers
symptômes font complètement défaut.
Aux différentes périodes de son évolution, la myélopathie syphili-
tique commune peut présenter des analogies avec un certain nombre
d'autres affections dont elle devra être différenciée.
A la période jjrérnonitoire, les différents symptômes sont rarement
isolés: aussi ne prendra-t on pas les douleurs lombaires ou périphé-
riques, les troubles vésicaux, la faiblesse des jambes pour des signes
relevant d'affections idiopathiques comme un lumbago, une névralgie
— 227 -
banale, une manifestation rhumatismale articulaire ou musculaire,
une affection vésicale, etc.
Ordinairement, les symptômes, dans leur ensemble, indiquent une
affection nerveuse dont on aura à déterminer la nature exacte et la
localisation.
Les troubles vésicaux, les phénomènes diffus céphaliques, parfois
des modifications dans l'état de la pupille, des douleurs périphériques
pourraient faire songer à la période préataxique du tabès; mais ici,
à moins de cas tout à fait particuliers, on ne trouve pas d'abolition
des réflexes, les douleurs n'ont pas le caractère fulgurant propre au
tabès, le signe d'Argyll Robertson manque, etc. Dans le tabès, on
observe bien des douleurs en ceinture, mais la rachialgie lombaire
fixe à exaspération nocturne manque. Enfin, et surtout, dans la
syphilis médullaire, les symptômes sont plus diffus, marchent plus
vite et sont moins constants dans leur progression.
Certains névropathes atteints de syphilis présentent, souvent peu
de temps après l'infection ou même quatre ou cinq ans plus tard, un
état particulier que M. le professeur Four nier a décrit sous le nom
de neurasthénie syphilitique . Les malades ont une céphalée intense,
des troubles de la sensibilité, hyperesthésie, anesthésie. des douleurs
névralgiques un peu partout; les jambes sont faibles, les réflexes pai*-
fois exagérés. On pourrait croire aux premiers signes d'une affection
cérébro-spinale, d'autant plus que les sujets, particulièrement frappés
de leur état, attirent l'attention sur leur syphilis antérieure. Mais les
symptômes de lésions organiques manquent, il n'y a pas de troubles
vésicaux ni de phénomènes oculo-pupillaires, les phénomènes sont
surtout diurnes et résistent à l'action du traitement spécifique ; enfin,
il s'ajoute parfois des signes de nature franchement hystérique, des
troubles sensoriels, un rétrécissement du champ visuel, etc.
Lorsque la paraplégie débute brusquement ou rapidement, pré-
cédée ou non des symptômes prémonitoires, elle ne se dislingue guère
de celle qui résulte des myélites dites vulgaires. Ici, comme pour les
paralysies brusques de la syphilis cérébrale, le tableau symptomatique
dépend de la localisation et non de la cause étiologique de la lésion.
Cependant, on peut considérer comme étant jusqu'à un certain point
particuliers à la paraplégie syphilitique l'existence de ces troubles
prémonitoires oscillants en rapport avec un trouble de la circulation
— 228 —
et l'établissement brusque de la parapk'gie au moment où se produit
le foyer de ramollissement ischémique.
Le développement subit de la paraplégie n'est pourtant pas exclu-
sivement propre au ramollissement médullaire syphilitique.
En dehors de tout traumatisme, on devra écarter par un examen
méthodique toutes les causes de compression brusque de la moelle
et se rappeler qu'une lésion de voisinage développée môme lentement
peut provoquer des accidents brusques. Nous avons précisément
observé dans le service de M. Dejerine un malade syphilitique qui
fut frappé d'une paraplégie grave développée rapidem.ent ; ce malade
succomba en quelques mois, après avoir présenté une paraplégie
absolue avec atrophie musculaire, troubles vésicaux et rectaux, décu-
bitus, etc. On trouva à l'autopsie un sarcome développé sur les lames
vertébrales et comprimant la moelle dans la partie moyenne de la
région dorsale.
Lorsque ces causes auront été éloignées au moins dans la mesure
du possible, on aura à discuter les causes qui peuvent intéresser
directement la moelle ou ses enveloppes. Il semblerait qu'en l'absence
de tout facteur étiologique autre que la syphilis, on fût en droit d'in-
criminer cette dernière infection, mais les causes générales des myé-
lites sont si peu connues qu'on ne pourra jamais affirmer qu'il ne
s'agit pas d'une myélite de cause ignorée développée chez un syphi-
litique.
Ici, comme pour la syphilis cérébrale, on tirera des arguments de
l'infection syphilitique récente, de l'âge du sujet, de l'existence de
phénomènes diffus prémonitoires ou concomitants, enfin de l'action du
traitement, bien qu'à cette période il n'ait souvent pas, il faut l'avouer,
d'influence bien favorable.
Le malade ayant atteint la phase spasmodique, le tableau sympto-
matique est assez caractéristique pour qu'on n'hésite pas à reconnaître
son origine spinale.
La paraplégie névritique se reconnaît par l'absence de phénomènes
spasmodiques, par Tatrophie qui accompagne la paralysie ; celle-ci
frappe surtout les extenseurs ; les troubles de la sensibilité sont sou-
vent précoces et très marqués, les réflexes tendineux sont abolis, les
troubles des sphincters manquent, la démarche du malade est carac-
téristique (démarche du stepper), etc.
— 229 —
Certaines affections, qui déterminent des phénomènes spasmodiques
dans les membres inférieurs et des trouljles de la marche, peuvent
ressembler jusqu'à un certain point à la paraplégie spastique syphi-
litique.
La coxalgie sénile s'accompagne souvent dans les membres infé-
rieurs d'atrophie musculaire et d'un état de contracture qui peuvent
parfois en imposer pour une paraplégie spasmodique légère. Nous
avons observé dans le service de M. Dujardin-Beaumetz un sujet
de 56 ans, qui présentait une coxalgie sénile double. Le malade, étant
couché, avait les jambes assez souples, bien qu'on pût constater une
exagération très marquée des réflexes tendineux, et même le clonus
du pied ; mais dès qu'il se levait, les jambes se raidissaient, les mus-
cles pelvi-trochantériens contracturés fixaient l'articulation coxo-
fémorale et déterminaient une rotation externe très prononcée des
deux membres inférieurs. Le malade ne pouvait marcher qu'avec deux
cannes, les jambes raides ; il se plaignait de douleurs et d'un senti-
ment de lassitude dans les jambes. A première vue, il semblait atteint
d'une paraplégie spinale spasmodique légère, dans le type de la para-
plégie syphilitique, mais l'absence de troubles des sphincters et sur-
tout les signes objectifs fournis par l'examen des deux hanches ne
laissaient pas de doute sur l'origine de ces phénomènes spinaux.
La paraplégie hystérique spasmodique peut simuler la paraplégie
spinale, et lorsqu'elle survient chez des sujets atteints de syphilis
antérieurement, on comprend combien l'erreur serait facile pour un
observateur non prévenu.
M. Souques (1) a particulièrement insisté sur ce syndrome et fait
ressortir les signes propres à dépister son origine. Nous avons nous-
même observé, dans le service de M. le professeur Debove, un cas
bien instructif.
Observation 107 (personnelle).
Recueillie dans le service de ÏNLle professeur Debove, à l'hôpital Audral.
M. J...., forgeron, âgé de 27 ans.
Antécédents. — Père mort paralytique à 48 ans. Le sujet lui-même
n'a pas eu de maladie grave dans son enfance. A 19 ans, en février 1885,
chancre (de la couronne du gland à droite du frein) qui dure un mois,
(I) Souques. Syridromcs hygtéyiqnes simulateiirs. Thèse, Paris, 1891.
— 230 —
traitement local, pas de traitement interne. Roséole, traitement pen-
dant un mois : deux cuillerées de sirop de Gibert par jour et une qua-
rantaine de pilules de protoiodure en tout.
Dans la suite, plusieurs poussées de sypliilides cutanées.
Deux ans après le chancre, gomme ulcérée sur la face interne du tibia
droit au-dessus de la malléole ; la cicatrice existe encore très étendue
(8 centim. sur 5 centim).
Un an plus tard, fièvre typhoïde grave. Léger degfé d'alcoolisme.
Le sujet a toujours été très impressionnable, sans avoir jamais présenté
de crises ni de phénomènes nerveux caractéristiques.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Au mois de février 1893. Huit
ans après le chancre, douleurs sourdes et lancinantes dans les mollets
et dans les cuisses, lourdeur des jambes s'accentuant progressivement ; le
jambes sont faibles, fléchissent sous le, malade. Le malade se plaint de
fatigue rapide, il éprouve des vertiges et des éblouissements, se plaint
d'avoir la vue trouble; céphalalgie surtout la nuit, pas de douleurs
lombaires.
État actuel, 18 mars 1893. — Un mois après le début. Le malade
étant au lit peut faire exécuter à ses jambes tous les mouvements mais
avec peine, la raideur des membres est très prononcée. Pas d'incoordi-
nation motrice, les réflexes rotuliens sont très exagérés, sans qu'on
puisse provoquer le phénomène du pied. L'énergie musculaire est affai-
blie, mais il n'existe pas d'atrophie.
Étant assis, il ne peut croiser que difficilement une cuisse sur l'autre,
il est forcé de se rejeter en arrière pour exécuter ce mouvement.
Raideur des jambes.
Debout, il présente le signe de Romberg d'une façon légère, et ne peut
se tenir en équilibre sur une seule jambe même les yeux ouverts.
Dans la marche, les jambes sont moins raides que lorsque le malade
est couché, cependant l'allure est lente et s'accompagne d'un balance-
ment qui rappelle celui des malades atteints de paraplégie spasmodi-
que ; les pieds sont lourds et heurtent les aspérités du sol, l'ascension
d'un escalier est très pénible.
Sensibilité. — Le malade se plaint d'une céphalalgie gravative, con-
tinue ; il n'éprouve pas de douleurs ni dans les reins ni dans les jambes,
mais se plaint d'avoir les pieds toujours froids (on constate, en effet, à
la main, une diminution très marquée de la température dans ces extré-
mités) et d'éprouver sous la plante des pieds une sensation de frémisse-
ment, de fourmillement. Lorsqu'il se met debout, les pieds nus, il
n'apprécie pas exactement la nature du sol sur lequel il repose. Ou
constate, au point de vue olîjectif, une abolition de la perception du con-
tact etune diminution très marquée de la sensibilité à la douleur et à la
température dans les jambes ; la zone d'anestliésie est limitée brusque-
ment par une ligne circulaire un peu au-dessus du genou (anesthésie
en botte).
— 231 —
Le malade ne présente pas de troubles marqués des sphincters,
cependant depuis un certain temps, il éprouverait de l'hésitation dans
la miction et sa puissance génitale serait amoindrie depuis deux à trois
mois. Les membres supérieurs sont sains.
Pour les organes des sens, on note une diminution marquée de
l'acuité visuelle et auditive, surtout à gauche. Eufin il existe un rétré-
cissement prononcé du champ visuel, concentrique et bilatéral.
On voit combien l'affection simulait de près une paraplégie spinale
syphilitique ; cependant, un certain nombre de signes manquaient ou
étaient insolites ; il n'existait pas de douleurs lombaires ni de troubles
vésicaux nets; contrairement à ce qui s'observe dans la paraplégie
spinale syphilitique, la raideur était plus prononcée au lit que
pendant la marche. Enfin le malade présentait des signes non douteux
de nature hystérique : l'anestliésie segmcntaire, une diminution de
l'acuité sensorielle et un rétrécissement accentué du champ visuel.
Une fois l'origine spinale de la paraplégie bien établie, on recher-
chera d'abord, par l'examen du rachis, s'il n'existe pas de lésion
vertébrale.
Bien que les lésions de syphilis osseuse du rachis constituent une
véritable rareté, si l'on constatait une saillie osseuse de la colonne
verté])rale, on devrait, dans le doute, avoir recours au traitement
spécifique.
On écartera également les autres altérations osseuses, comme le
mal de Pott; le cancer vei^tébral, qm se distingue par une marche
plus rapide, des douleurs violentes, l'existence d'une tumeur primi-
tive en un autre point du corps, l'état général, etc. ; enfin, toutes les
causes de compression de la moelle.
L'absence de ces causes palpables permet d'admettre (en faisant la
part des lésions cachées indiagnostiquables et des surprises) qu'il
s'agit d'une altération primitive de la moelle ; et dans ces conditions,
la connaissance de l'infection syphilitique antérieure entraîne un peu
forcément le diagnostic, surtout si l'affection se présente avec
cet ensemble un peu particulier que Erb a reconnu à la para-
plégie spinale syphilitique. Hâtons-nous d'ajouter que, dans ce
dernier cas, le diagnostic, tout en étant vraisemblable, n'est pas
absolument certain, car il est possible d'observer, et nous avons
nous-même rencontré, dans le service de M. Dejerine, des malades
qui présentent une affection reproduisant fidèlement le tableau de la
paraplégie syphilitique, sans qu'il soit possible de retrouver, dans les
— 232 —
antécédents, aucun indice de syphilis, ni même aucune cause étiolo-
gique à laquelle on puisse rapporter l'affection spinale dont ils sont
atteints.
Nous avons vu que la syphilis médullaire pouvait revêtir des
aspects cliniques rappelant certaines maladies systématiques de la
moelle.
Le pseudo-tabes syphilitique se distingue du tabès ordinaire par
une évolution beaucoup plus rapide des symptômes, de fréquentes
oscillations dans leur gravité, par l'existence de la rachialgie lombaire,
par une sensibilité marquée au traitement spécifique. Il faut avouer
cependant que, dans nombre de cas, il est bien difficile de se prononcer.
La pseudo-sclérose en plaques syphilitique présente d'ordinaire
un tableau très incomplet de l'affection qu'elle simule ; cependant,
dans quelques cas, la ressemblance peut être assez trompeuse; enfin,
il est des formes frustes, ou exclusivement spinales de la sclérose en
plaques qui ne se distinguent que difficilement de certains aspects de
la syphilis médullaire. L'existence fréquente d'accidents aigus, les
oscillations et les variations d'intensité dans les symptômes, enfin
l'influence favorable du traitement sont des arguments en faveur d'une
lésion syphilitique.
Les formes amyotrophiques se distinguent toujours des poiiomyé-
lites systématiques par un certain nombre de signes qui indiquent la
participation diffuse delà moelle tout entière. Il existe des douleurs
lombaires^ des phénomènes spasmodiques, des troubles des sphinc-
ters, une marche oscillante, etc., caractères qui n'existent pas dans les
formes d'amyotrophie spinale systématique.
Une affection contre laquelle il est bon de se mettre en garde lors-
qu'on pense avoir affaire à une amyotrophie spinale syphilitique,
c'est la polynévrite généralisée à forme de paralysie générale spi-
nale antérieure subaiguë de Duchenne (de Boulogne) ; on observe
dans ce cas des douleurs, une paralysie avec atrophie, et même des
paralysies oculaires ; l'affection, qui est susceptible de guérison spon-
tanée, peut paraître influencée par un traitement spécifique ; tout
semble indiquer une paralysie syphilitique, mais les phénomènes
spasmodiques font complètement défaut, et le mécanisme des sphinc-
ters est respecté.
Parfois, les phénomènes spasmodiques dans la syphilis médullaire
s'accompagnent d'atrophie musculaire et de dissociation dans les
- 233 —
sensibilités (Oppenli ei m). L'affection pourra rappeler la sijringo-
myélie (1); mais ici encore, la marche rapide et oscillante, la coexis-
tence d'autres symptômes indiquant une distribution diffuse des
lésions, établissent que le syndrome syringomyélique n'est qu'un
élément combiné à d'autres manifestations de syphilis médullaire.
Les formes bulbaires s'écartent également des affections systéma-
tiques des noyaux de cette région par la diffusion et l'absence d'isole-
ment des symptômes.
Nous n'insisterons pas sur le diagnostic de la loCcilisation des
altérations aux divers étages de la moelle. Le siège de la douleur
rachidienne et des irradiations en ceinture, la participation de telle ou
telle partie (muscles intercostaux, diaphragme, etc.), l'étendue des
troubles moteurs et sensitifs indiquent la hauteur à laquelle siège le
maximum des lésions.
Existe-t-il des aspects cliniques particuliers en rapport avec
certaines formes anatomiques spéciales de la syphilis médullaire
comme la pachyméningite ou les productions gommeuses ?
La pachyméningite , par les symptômes spéciaux que nous
avons décrits, par la localisation ordinaire dans la région cervicale,
présente un aspect caractéristique.
Quant aux gommes de la moelle, elles échappent ordinairement au
diagnostic ou plus exactement on a eujusqu'ici une tendance à attri-
buer à ces productions une importance qui est démentie par Tétude
anatomique. En présence d'une hémiparaplégie spinale améliorée à
la suite d'un traitement iodo-mercuriel, on résiste en effet difficile-
ment à l'idée qu'il s'agit d'une gomme ayant comprimé momentané-
ment la moelle, et cependant, en raison de la rareté de ces produc-
tions dans la moelle, on ne peut considérer ce diagnostic que comme
bien incertain. On se souviendra cependant qu'un épaississement des
méninges ou des productions gommeuses pourront comprimer la queue
decheval en donnantlieu à dessymptômesdenévritesciatique intense,
à des douleurs très violentes, et produire une paraplégie flasque
avec atrophie des muscles, troubles trophiques cutanés, anesthésie
cutanée et paraplysie des sphincters.
(1) Beevor. Syphilitic tumors of spinal cord, with symptoiiis simulating syrin-
gomyelia. Lrnurt, London, 1893, II, 1252.
§ 6.-
Pronostic et traitement.
Ce que nous savons de l'évolution anatomique des lésions d'une
part, et d'autre part l'observation clinique fournissent d'importantes
notions sur le pronostic de l'affection et sur les indications du traite-
ment.
Dans la première période, alors que les lésions des vaisseaux et
des méninges ne produisent dans le tissu nerveux que des troubles
fonctionnels, l'influence du traitement spécifique est toute-puissante.
Si elle intervient à temps, l'inflammation vasculaire et méningée
pourra être modérée, les lésions primitives rétrograderont avant la
nécrose du tissu nerveux et les symptômes s'amenderont peu à peu
jusqu'à la guérison complète.
Lorsque, au contraire, le ramollissement ischémique ou la destruc-
tion par compression sont survenus, le traitement iodo-mercuriel est
sans action sur les lésions dégénératives. A cette période cependant
il est encore indiqué, car il préviendra de nouveaux désordres en
s'opposant à l'extension des altérations primitives et pourra même, en
amenant une rétrocession des lésions inflammatoires, favoriser la
réparation du tissu nerveux.
En dehors du traitement prophylactique, l'emploi de la médication
iodo-mercurielle s'impose dès qu'apparaissent les premiers signes
d'une manifestation nerveuse chez un syphilitique. Il faut agir vite et
frapper fort car les lésions syphilitiques se développent parfois très
rapidement, ainsi que le prouvent certains cas dans lesquels des phé-
nomènes de la plus haute gravité apparaissent dans une période très
courte.
Les malades seront soumis à des frictions quotidiennes avec 3 à
6 gr. d'onguent napolitain en une ou deux séances avec la technique
connue et en observant les précautions hygiéniques recommandées
(soins de la bouche, etc.). L'iodure de potassium sera employé concur-
remment à des doses assez fortes, 4 et 6 gr. et même davantage par
jour.
— 235 —
On devra associer, à cette époque, au traitement spécifique l'emploi
de la révulsion sur la colonne vertébrale sous forme de pointes de feu
pratiquées au moyen du thermocautère.
C'est lorsque les phénomènes prodromiques se manifestent lente-
ment et alors qu'il ne s'est pas encore produit d'accidents aigus que
l'action du traitement est le plus favorable, car alors les lésions primi-
tives peuvent être arrêtées dans leur évolution avant la destruction des
éléments nerveux. Il est malheureusement assez rare que l'on puisse
agir à temps et le plus souvent les malades, du moins à l'hôpital, ont
déjà été frappés d'accidents graves, lorsqu'ils se présententà l'examen.
Enfin il ne faut pas se dissimuler que, dans certains cas, malgré un
traitement précoce et bien entendu, les symptômes progressent et
s aggravent.
Lorsqu'il s'est manifesté une attaque de paralysie, le pronostic
dépend naturellement de la localisation de l'altération : le ramollisse-
ment de la région cervicale est le plus grave, une localisation dans la
région lombaire est toujours plus redoutable qu'une lésion de la région
dorsale.
Les formes aiguës sont ordinairement plus graves que les formes
qui se développent lentement, précisément parce que les lésions
primitives étant plus étendues et plus intenses, la nécrose des éléments
nerveux survient avant qu'ait pu se produire l'action résolutive du
traitement. Cependant, ici comme pour les paralysies cérébrales,
l'apparition brusque des symptômes n'indique pas nécessairement une
destruction achevée du tissu nerveux intéressé; les symptômes, pour
intenses qu'ils étaient au début, ont pu dans certains cas s'améliorer
à tel point que les malades ont guéri presque complètement dans la
suite.
Aussi, lorsqu'on verra se produire des accidents brusques, ne
devra-t-on pas considérer la partie comme perdue, il est peut-être
encore temps d'agir sur les lésions primitives fraîches dont la rétro-
gradation permettra le rétablissement d'un courant nutritif momen-
tanément et incomplètement interrompu. Si cette condition se réalise,
le tissu nerveux dont les fonctions physiologiques seules ont été sus-
pendues, maisdontla vitalité propre n'a pas été compromise, reprendra
ses propriétés et les symptômes s'amenderont rapidement.
Sinon, les symptômes persistent, les altérations trophiques appa-
— 236 —
raissent dans les parties paralysées, indiquant la nécrose manifeste
et irrémédiable du parenchyme nerveux.
Bien que l'on puisse observer la guérison à la suite d'une attaque
brusque de paraplégie intense, on ne devra pas fonder de trop grandes
espérances sur cette heureuse éventualité qui n'est en réalité qu'une
exception. Tout au contraire, les formes aiguës paient le plus lourd
tribut à la mortalité dans l'affection qui nous occupe et dans les cas
que l'on peut considérer comme heureux, lorsque la lésion médullaire
se limite après une certaine amélioration, le malade reste atteint d'une
paraplégie spasmodique qui persiste à l'état chronique et présente
une intensité proportionnelle à celle des premiers accidents aigus.
Cependant, alors même que la persistance des signes graves et
l'apparition des troubles trophiques auront établi que la destruction
du parenchyme nerveux est consommée, on aura encore le devoir
d'insister sur le traitement spécifique dans le but :
1" D'entraver le développement de nouvelles altérations primitives.
2° D'amener, si possible, la rétrogradation des lésions inflamma-
toires déjà constituées et de permettre ainsi à des parties du tissu
nerveux seulement compromises légèrement de recouvrer leurs pro-
priétés.
A cette période, il est nécessaire d'ajouter au traitement spécifique
la médication tonique et les précautions hygiéniques minutieuses. On
devra surveiller le fonctionnement des réservoirs, pratiquer s'il y a
lieu le cathétérisme avec les précautions antiseptiques recommandées,
obvier à la constipation qui peut aller, faute d'attention, jusqu'à l'obs-
truction intestinale.
Bien que le décubitus relève essentiellement de la lésion médul-
laire, deux circonstances favorisent le développement des escarres ;
ce sont la pression locale longtemps prolongée et la macération de la
peau par les déjections. On diminuera faction nocive de la première
en modifiant souvent la position du malade, en faisant usage de mate-
las à air ou à eau, etc.; une propreté scrupuleuse écartera l'effet irri-
tant de la seconde.
Lorsque, en dépit de ces précautions, une escarre se sera développée,
il sera possible d'en limiter l'extension par une surveillance cons-
tante et des pansements antiseptiques. En somme, à cette période,
deux accidents surtout sont à redouter, c'est la cystite purulente et
l'infection des plaies.
- 237 —
On emploiera les préparations toniques et fébrifuges, le quinquina,
les préparations martiales, la quinine, l'arsenic, etc., selon les indica-
tions fournies par l'état général. A cette période, le pronostic doit
être réservé, tant qu'il ne se manifeste pas une amélioration notable.
Les symptômes propres à assombrir le pronostic sont les manifesta-
tions d'origine bulbaire, les troubles respiratoires, la paralysie du
diaphragme, les troubles tropbiques graves, le développement d'une
cystite purulente avec albuminurie et surtout l'apparition d'une fièvre
hectique indiquant l'infection de l'économie.
Si le malade franchit la période des troubles tropbiques graves, de
nouvelles indications thérapeutiques surgissent.
D'abord, le traitement iodo-mercuriel, qui aura été continué dans
la mesure de la tolérance offerte par le malade, pourra être restreint
et réduit à l'usage de l'iodure ; mais l'attention sera toujours fixée sur
l'allure de l'affection, et même si les symptômes n'accusent pas une
reprise des manifestations primitives, il sera bon de revenir au traite-
ment mixte après une période de repos.
De plus, les membres paralysés seront soumis à des mouvements
méthodiques, à des frictions, au massage, à l'action des courants
faradiques. Ces derniers exercent une action favorable sur l'atrophie
musculaire, mais ils produisent parfois une exagération de la con-
tracture et sont alors contre-indiqués. On fait en Allemagne un usage
fréquent des courants galvaniques appliqués sur la colonne verté-
brale. Les malades se trouvent souvent bien de pointes de feu légères
appliquées sur la colonne vertébrale et fréquemment répétées. Les
bains sulfureux sont également favorables. Enfin les malades seront
envoyés aux eaux thermales sulfureuses ou chlorurées sodiques.
Lorsque le malade se présente avec les signes d'une paraplégie
spasmodique, ou bien il est encore dans la période d'augment d'une
affection qui se développe lentement sans accidents aigus et sans
phénomènes graves; dans ces conditions, le traitement iodo-mercuriel
et la révulsion locale sont les principales bases du traitement; ou
bien il est dans une période d'état stationnaire, succédant soit à des
accidents aigus, soit à un développement progressif. Dans ce dernier
cas, si les accidents de la période de croissance sont encore récents,
on devra insister sur le traitement mixte; si, au contraire, l'état est
stationnaire depuis plusieurs mois, on n'emploiera plus que l'iodure
— 238 -
de potassium à faible dose (1 à 2 gr.), toujours prêt à reprendre l'usage
du mercure à la moindre alerte. On doit, en effet, être prévenu que
le malade n'est pas à l'abri des rechutes.
Dans cette période d'état stationnaire qui est l'aboutissant ordinaire
de la paraplégie syphilitique commune, le tissu scléreux a remplacé
les éléments nerveux nécrosés, et la thérapeutique n'a que peu d'ac-
tion sur cette altération. Cependant on devra prescrire le massage, la
gymnastique médicale, les bains sulfureux et le séjour dans les sta-
tions thermales.
Dans ces conditions, on voit généralement les malades bénéficier
d'une amélioration très lente et toujours restreinte, qui semble devoir
être attribuée à une régénérescence partielle des éléments nerveux au
milieu du tissu de sclérose.
Il est assez difficile de donner une formule générale de la gravité
de la syphilis médullaire, car tout dépend de la localisation et de
l'intensité des lésions, et l'affection présente, à cet égard, de grandes
variations.
La syphilis médullaire est toujours une maladie sérieuse, car si
elle ne menace pas toujours l'existence, il est rare qu'elle guérisse
complètement.
Dans la statistique de MM. Gilbert et Lion, sur 52 cas, 16 se
sont terminés par la mort et 14 ont abouti à la guérison.
Sur 53 observations relevées par Kuh, il y a eu 6 morts et 5 gué-
risons.
Parmi les 23 cas inédits que nous publions, nous avons 9 cas de
mort par les progrès de l'affection et 1 seul cas de guérison presque
complète.
Il est vrai que, poursuivant particulièrement l'étude anatomique de
l'affection, nous avons surtout recherché les formes graves. Nous
n'en persistons pas moins à considérer la guérison complète comme
un événement rare, lorsqu'il s'est produit des accidents aigus. La
plupart des malades présentent, après une période d'accidents aigus,
une amélioration parfois très notable, mais l'aboutissant naturel est
la paralysie spasmodique persistant à l'état chronique, et en rapport
avec une cicatrice scléreuse incurable d'une portion du parenchyme
médullaire.
I 7. — Conditîon!« éliologiques.
A. — Fréquence
Il est assez difficile de donner une idée exacte de la fVéquence de la
paraplégie syphilitique; les opinions des différents auteurs ne s'ac-
cordent pas toujours à cet égard, bien que la plupart tendent à consi-
dérer cette affection comme assez rare. Cependant, dès 1846,Ricord
écrivait : « Je suis absolument convaincu qu'un grand nombre de
paraplégies dépendent de la syphilis à sa troisième période. »
Bazin allait plus loin : « La paraplégie syphilitique, dit-il, est si
commune que je me crois en droit d'affirmer qu'elle constitue à elle
seule les deux tiers environ de tous les cas de paraplégie réunis. »
La paraplégie spinale syphilitique est toutefois moins fréquente
que les autres manifestations paralytiques relevant de la syphilis,
surtout de la syphilis cérébrale. Lagneau père et Zambaco consi-
déraient la paraplégie comme un accident syphilitique peu commun
et même très rare en comparaison des accidents de syphilis céré-
brale. Cette dernière opinion est certainement exagérée, car sur
120 cas de paralysie syphilitique rapportés par Lad reit de Lachar-
rière, nous relevons i8 cas de paraplégie.
Caizergues regarde les altérations syphilitiques de la moelle
comme fréquentes à la période secondaire; Julliard au contraire les
considère comme rares et Eulenburg (1) émet même des doutes sur
l'influence possible de la syphilis dans le ramollissement ou l'inflam-
mation chronique de la moelle. Rosenthal (2), tout en admettant la
réalité des myélopathies syphilitiques, renonce à donner une appré-
ciation de leur fréquence. Erb (3) établil à la fois l'influence mani-
(1) Eulenburg. Lchrhuch der Nervenhrankheiten, 2" édit., 1878, 2"^ partie,
p. 362.
(2) Rosenthal. Klinih der Rilclienmarkshramli., 2« édit., 1876, p. 355.
(3) Erb. Kranklwitcn des Ruchenmarks, 2° édit., 1878, p. 410.
— 240 —
feste de la syphilis sur le développement des myélites chroniques et
l'existence assez fréquente de la myélite aiguë à une époque rappro-
chée de la date de l'infection.
Proux (1), au contraire, pense que : « la paraplégie précoce dans
la syphilis constitue un accident rare. » C'est aussi l'opinion de
Hammond (2) qui croit plutôt à l'existence des formes subaiguës.
Gowers (3), par contre, est bien convaincu de l'existence des
formes aiguës au début de la syphilis, mais ne se prononce pas sur la
fréquence des myélopathies syphilitiques chroniques bien qu'il con-
sidère la syphilis comme un facteur étiologique important.
D'après Kuh, la lecture des observations publiées entraîne la
conviction' que la syphilis a une influence manifeste sur le développe-
ment des myélites aiguës et chroniques, mais il est difficile d'appuyer
cette opinion sur une preuve statistique tant à cause de la complexité
de certains cas qu'à cause de l'incertitude de plusieurs autres.
Les aspects cliniques de la paraplégie syphilitique ne distinguent
en effet nullement cette affection des autres paraplégies spinales et
c'est surtout sur l'aspect des lésions anatomiques constatées à l'exa-
men microscopique qu'on devra établir la nature syphilitique de
l'affection observée durant la vie du malade. 11 faut même avouer
que, dans l'état actuel de nos connaissances, les lésions syphilitiques
n'ont pas toujours de caractère bien spécifique. Cependant, si dans
certaines myélites chroniques survenues chez des sujets syphilitiques,
on constate àcôté de lésions presque cara^ téritiques, comme des infil-
trations gommeuses circonscrites par exemple, d'autres altérations
comme une inflammation diffuse des vaisseaux et des méninges, on
pourra admettre que ces lésions ont la même origine.
Quant à l'existence des myélopathies syphilitiques aiguës, elle
nous semble prouvée par ce fait qu'on retrouve dans ces formes
certaines altérations propres aux formes chroniques.
Dès 1859, T rousseauetRicord avaient observé des myélites ai guës
chez des jeunes gens en pleine période secondaire ; les lésions cons-
tatées à l'autopsie étaient une inflammation avec ramollissement de la
moelle. Trousseau admettait nettement l'origine syphilitique de
(1) Peoux. Thèse, Bordeaux, 1887.
(2) Hammond. Loo. cit.
(3) GoWEKS. Biseases uf thc nervuus System, 2" édit., 1892.
— 241 —
ces altérations, mais Ricord n'osait se prononcer. De nombreuses
observations ont été depuis publiées, et, bien que l'on soit encore à la
recherche de l'élément spécifique capable de caractériser les altéra-
tions anatomiques de ces formes, on s'accorde aujourd'hui à recon-
naître la réalité des myélites aiguës d'origine syphilitique.
Au reste, entre les formes chroniques et les formes aiguës, il ne
nous semble pas exisler une séparation aussi tranchée, car entre
les cas extrêmes, on observe tous les intermédiaires. Nous
avons de plus essayé de démontrer que, dans tous les cas, les
lésions initiales ont beaucoup d'analogie et que les variétés d'aspect
des altérations constatées à l'autopsie tiennent à des différences dans
l'extension des lésions primitives et dans le degré d'ancienneté des
altérations secondaires.
On peut se faire une idée delà fréquence de la myélopatliie syphi-
litique en consultant la statistique de M. le professeur Fournier (1)
qui, sur 1,085 cas de syphilis nerveuse, n'a rencontré que 77 cas de
syphilis médullaire, à côté de 416 cas de syphilis cérébro-spinale.
L'opinion de Erb nous fournit un autre terme de comparaison,
l'auleur considère la paraplégie syphilitique comme dix fois moins
fréquente que le tabès, car pour environ 400 cas de tabès observés
par lui en dix ans, il compte à peine 30 à 35 cas de paraplégie spinale
syphilitique.
B. — Conditions résultant de la nature du virus
a) Date cVapparitioyi. — La distinction dans l'évolution de la
syphilis en période secondaire et période tertiaire a une raison plu-
tôt clinique qu'anatomique, car la nature des lésions primitives ne
change pas. Cependant il n'en est pas moins intéressant de se
demander si la paraplégie sypliilitique est un accident précoce ou
tardif. L'étude des observations montre qu'il peut être l'un et l'autre,
mais qu'il se manifeste de préférence à une époque assez proche de
l'infection primitive.
Sur 88 observations de Valdemar-Steenber g (2), 8 malades
avaient encore des accidents secondaires, 10 n'en n'avaient plus
depuis quelques mois, 22 depuis deux ans, 48 avaient eu des
(1) FOUBNJEE. In BOULLOCHE. LoC. cit.
(2) Valdemar-Steenbeeg. Kiôbenhaven, 1860.
S.
16
— 242 —
accidents secondaires et tertiaires. L'auteur arrive à cette con-
clusion que la syphilis de la moelle est surtout un accident de la
période tertiaire.
Cependant Ladreit de Lacharrière (1) fait la remarque sui-
vante : (( Presque tous les auteurs ont jusqu'à présent rangé les acci-
dents nerveux parmi les manifestations tardives ou tertiaires de la
syphilis. En étudiant les observations que je publie, il est facile de se
convaincre que telle n'est point la règle, et que les désordres du
système nerveux peuvent appartenir à une époque beaucoup plus
récente de la maladie. »
Heubner et Keyes (2) considèrent le terme de six mois comme une
date fréquente. M. Mauriac a vu se produire des accidents spinaux
(rois mois après le chancre et Richet a même observé un cas un
mois après l'infection.
Pour M. Fournier (3), le maximum de fréquence est entre la
quatrième et la dixième année ; c'est à peu près la conclusion de
Jespersen (4) qui donne la quatrième année comme l'époque la plus
favorable à l'éclosion des accidents; c'est aussi celle de Buzzard(5)
et de Broadbent (6) qui indiquent la cinquième année.
Le Petit (7) rapporte dans sa thèse trois cas qui se sont produits
entre le quatrième et le dixième mois, il considère la syphilis de la
moelle comme une manifestation tertiaire qui peut survenir tantôt de
bonne heure, un à deux ans après le chancre, tantôt beaucoup plus
tard, à une échéance de dix à vingt années.
Caizergues (8) incrimine surtout la période secondaire (entre
deux et dix ans) tandis que Julliard (9) et Hammond (10) sont du
même avis que Steenberg.
Vinache (11), dans cinq cas personnels, observe un écart considé-
rable entre un minimum de huit mois et un maximum de vingt ans
(1) Ladreit de lachabrière. Thèse, Paris, 1861.
(2) Keyes. Syphilis of nerv. syst., Nem-Yorh med. Journ., nov. 1870.
(3) Fournier. Leçons .mr la syph. médtill., Hôpit. Saint- Louis, 1876.
(4) Jespersen. Kiobenhaven, 1874.
(5) Buzzard. Lanoet, de fév. à mai 1873.
(6) Broadbent. Laneet, janv., fév., 1874.
(7) Le Petit. Thèse^ Paris, 1878.
(8) Caizergues. Thèse, Montpellier, 1878.
(9) Julliard. Thèse, Lyon, 1879.
(10) Hammond. A treatisc on the diseases ofthe nervous systviii, 1881.
(11) Vinache. Thèse, Paris, 1880.
— 243 —
comme laps de temps entre la date de l'infection et celle des accidents
spinaux. 11 admet cependant avec Caizergues une plus grande fré-
quence dans la deuxième année.
La statistique de Savard (1) repose sur 74 cas qui se répartissent
de la façon suivante : 26 entre six mois et un an, 48 entre un an et
vingt-cinq ans, avec un maximum entre la deuxième et la huitième
année.
D'autres cas plus précoces ont été depuis signalés par M. Deje-
rine (2) et par Breteau (3).
Dans les 55 observations relevées par MM. Gilbert et Lion (4),
sur 47 fois où l'époque de l'infection a été déterminée, les accidents
spinaux sont apparus :
16 fois du 3« au 6e mois.
7 — 7« au 12» —
14 — 14« au 24« —
avec un maximum de fréquence au sixième mois.
Sur les 22 cas observés par E rb (5), dans lesquels la date de l'ap-
parition du chancre a été relevée, 13 fois (soit plus de la moitié des
cas), les symptômes médullaires sont apparus dans les trois premières
années; 18 fois moins de cinq ans après, et 4 fois seulement, plus
tard, entre la neuvième et la vingtième année. « L'affection apparaît
relativement tôt après l'infection syphilitique, et il n'est pas rare de
la voir dans la première année. »
M. Boulloche (6), dans 70 cas de la pratique de M. le professeur
Fournier, note le début de la paraplégie :
Pendant la année 8 fois.
— 2' — 18 —
— — 10 —
— 4"= — 10 —
De la 5« à la 10= — 17 —
— 10" - 25'= — 8 —
Soit 62 cas sur 100 avant la cinquième année.
(1) Savaed. Thèse, Paris, 1882.
(2) DeJERINE. Bévue de médec'mi; janv. ISSi.
(3) Beeteau. Thèse, Paris, 1889.
(t) Gilbert et Lion. De la syph. médull. précoce. Arch. de méd., 1889.
(5) Eeb. Neurol. CentralU., 1892, p. 165.
(6) Boulloche. Arm. de dermat., cet. 1891.
— 244 —
Muchin (1), sur 20 cas, en compte 9 dans les six premières années,
9 autres entre six et dix ans et 2 après dix ans, mais aucun après la
quinzième année.
Kuh (2), réunissant 52 cas empruntés aux différents auteurs, établit
la statistique suivante :
Le début des accidents syphilitiques s'est manifesté après le
chancre :
Moins de 1 an dans 7 cas. Entre 6 et 10 ans dans 5 cas.
Entre 1 et 2 ans dans 13 — — 10 et 15 — 6 —
— 2 et 4 — 14 — Après 16 ans dans 1 —
— 4 et 5 — 2 — _ Après 20 ans — 4 —
En somme, 36 cas sur 52, soit 69 p. 100 avant la sixième année.
Goldflam (3), sur 18 cas personnels, observe :
Avant 6 mois 4 cas.
Après 6 mois 2 —
Après 1 an 3 —
Dans le cours de la 2« année 4 —
Après 2 ans 5 —
Les 23 cas que nous avons observés se répartissent ainsi :
Dans la l" année 3 cas (dont 1 au 6e mois).
— 2e — 4 —
— 3e — 3 —
— 4" — 1 —
— 5^ — 3 —
— 6'= — 4 —
Entre 6 et 11 ans 6 —
Soit 17 cas sur 23 (74 p. 100) dans les six premières années.
Les trois cas les plus graves sont survenus quatorze mois, deux ans
et sept ans après l'infection.
Ces résultats concordent avec ceux de Boulloche et de Kuh.
b) Gravité de la syphilis à V origine. — Une semble pas exister de
rapport constant entre le degré de malignité de l'infection syphili-
tique et la localisation spinale. D'ailleurs, dans l'espèce, ce qui
constitue la gravité de la syphilis, c'est plutôt la localisation que la
(1) MtrcHiN. Centralhl. f. NervenlieUU. w. Psych., mai 1892.
(2) Kuh. Deutsche Zidtschr. f. Nervenheillt., 1893, Bd III, p. 286.
(3) Goldflam. Ueber Ruckenmarkssyphilis. Wien. Klinik., 1893, 41-96.
~ 245 —
malignité du virus. Cepenflaiil, plusieurs autours se sont attacliés à
rechercher si certaines formes de la syphilis ne s'attaquaient pas plus
volontiers au système nerveux. Broadbent, en 1874, avait cru
remarquer que les lésions spinales étaient plus souvent précédées
par des accidents secondaires bénins et fugaces.
M. Mauriac (1) écrit, quelques années plus tard : « Un fait qui
me frappa beaucoup lorsque j'observai, pour la première fois, des
cas de syphiloso cérébro-spinale, ce fut la bénignité des accidents
primitifs. Tous ces malades ont eu un chancre infectant superficiel,
qui n'a manifesté aucune tendance à l'ulcération et qui s'est guéri en
quelques jours, sans laisser aucune trace. Et ce que je dis du chancre
s'applique aussi bien aux manifestations générales de la maladie.
Des infections érythémateuses ou papuleuses, des plaques muqueuses,
tels étaient les accidents qui précédaient, accompagnaient ou sui-
vaient les attaques de syphylose cérébro-spinale. On peut dire qu'ils
ont toujours été insignifiants, eu égard à la gravité de la lésion
viscérale. »
M. Fournier incrimine également la syphilis bénigne ou d'inten-
sité moyenne : sur vingt-deux cas, il ne note qu'une fois une syphilis
grave à l'origine, neuf fois une forme moyenne et douze fois des
accidents bénins au début.
Tous les auteurs ne sont pas de cet avis. Vinache, sur cinq
malades, constata quatre fois des accidents assez sévères au début.
Proux signale aussi des formes graves à l'origine. Dans quarante-
deux observations de MM. Gilbert et Lion, où les accidents secon-
daires, intermédiaires ou tertiaires ont été signalés, on trouve
vingt-sept fois des accidents secondaires qui ont été graves dans huit
cas, et seize fois des accidents tertiaires qui se sont montrés très
sévères chez six malades, soit quatorze syphilis malignes.
Ces auteurs pensent que l'opinion de M. Fournier sur la syplii-
lis cérébrale « à laquelle les syphilis originairement moyennes ou
bénignes paraissent fournir le plus fort contingent (2) », n'est pas
applicable aux myélopathies syphilitiques. Cependant Boulloche
remarque que dans soixante et onze cas de syphilis médullaire,
observés par M. le professeur Fournier dans sa pratique extra-
(1) Mauriac. Ann. de dermat. et de syph., 1879, p. 96.
(2) Fournier. La syphilis du cerveau, p. 14.
- 246 —
hospitalière, il n'est pas fait mention d'accidents graves à l'origine de
la syphilis.
Dans les cinquante-deux cas rapportés par Kuh, la syphilis était
en général de moyenne intensité et sensible au traitement : chez six
malades, on n'avait pas observé de symptômes secondaires, six autres
au contraire avaient déjà présenté des manifestations tertiaires; enfin,
dans trois cas de syphilis maligne, l'affection spinale s'était mani-
festée moins de deux ans après le chancre, malgré un traitement spé-
cifique antérieur énergique.
Dans nos propres observations, nous n'avons noté que deux fois des
accidents antérieurs graves, les autres cas avaient été précédés de
manifestations légères et même parfois tout à fait frustes. Nous
n'avons relevé qu'un seul exemple de chancre extragénital (chancre
de la lèvre), le sujet fut atteint quatorze mois plus tard d'une myélo-
pathie syphilitique excessivement grave qui se termina par la mort
(cas n° III).
c) Influence du traitement arttérieur. — Les avis sont partagés
sur l'efficacité d'un traitement méthodique au début des accidents
syphilitiques comme moyen prophylactique des localisations spinales.
Valdemar Steenberg avait attribué au traitement tardif ou
incomplet une influence funeste : sur quatre-vingt-neuf cas de lésions
nerveuses syphilitiques, il notait vingt-cinq malades qui n'avaient
suivi aucun traitement. Jullien (i) a émis une opinion qui semble bien
paradoxale et nous ramène à l'époque des antimercurialistes. Se
fondant sur les apparences que fournit sa statistique, il considère le
mercure comme un adjuvant des accidents nerveux. En effet, sur
deux cent trente-sept cas d'infection syphilitique, cinquante-neuf
malades qui n'avaient pas suivi de traitement n'ont pas eu d'accidents
nerveux; parmi quarante-sept qui avaient pris du mercure ab initio,
sept furent frappés de localisation spinale, et parmi cent onze autres
qui s'étaient traités delà même façon après l'apparition des accidents
secondaires, onze présentèrent des lésions nerveuses; enfin sept
malades qui avaient pris de l'iodure de potassium sont restés
indemnes.
Sans aller aussi loin que Jullien, certains auteurs pensent que le
traitement ne prévient nullement l'apparition des paraplégies ; telle est
(1) Jullien. Traité des maladies vétiériennes, 1878.
— 247 —
Topinion de Leyden . de M. Mauriac. MM. Gilbert et Lion sont
d'avis au contraire que l'intluence du traitement n'est pas indifférente,
ainsi qu'il résulte de la statistique suivante : sur cinquante-six cas
de syphilis médullaire, quinze fois seulement le traitement a été
méthodique et répété, dix fois il n'est pas indiqué, six fois il a été
nul. liuit fois négligé, dix-sept fois n'a été appliqué que pendant
quelques mois seulement.
Boulloche constate que dans cinquante-deux des cas qu'ila publiés
où il est fait mention du traitement antérieur, il a été nul dix fois et
insuffisant vingt-quatre fois ; dans dix-huit cas, au contraire, le trai-
tement a été méthodique et prolongé. Parmi ces derniers, dix fois le
début a été précoce, il s'est montré dans les deux premières années.
Il résulte de ce relevé que les accidents médullaires sont deux fois plus
fréquents chez les syphilitiques qui n'ont pas pris de mercure ou qui
on ont pris d'une façon insutTisante.
Dans cinquante-deux observations de sources diverses recueillies
par Kuh, trente-trois fois les accidents primitifs ou secondaires ont
été traités, mais la durée du traitement n'a pas toujours été indiquée,
il a été certainement insuffisant dans dix cas.
Nous avons nous-même remarqué que la plupart de nos malades ne
s'étaient pas, ou s'étaient très incomplètement soignés, le plus sou-
vent ils n'avaient été soumis au traitement iodo-mercuriel que lorsque
des accidents secondaires ou tertiaires gênants les avaient amenés à
l'hôpital. L'importance du traitement prophylactique ne nous paraît
pas douteuse; rien ne permet de supposer que ce traitement puisse
favoriser une localisation nerveuse du virus; bien au contraire, tout
moyen capable d'en atténuer la malignité contribue à diminuer les
chances de localisations nerveuses ou autres.
C. — Conditions inhérentes au sujet
1° Causes prédisposantes. — Hérédité. — • L'hérédité névropa-
thique ne semble pas avoir un r(51e bien important dans la détermi-
nation des localisations spinales syphilitiques. L'exagération de la
vulnérabilité du tissu nerveux par une prédisposition héréditaire
favorise surtout le développement des affections parenchymateuses,
mais ce facteur étiologique ne parait guère devoir entrer en ligne de
— 248 —
compte lorsqu'il s'agit de lésions inflammatoires portant sur le tissu
interstitiel.
L'hérédité intervient d'une tout autre façon dans les cas de trans-
mission du germe spécifique des ascendants au jeune sujet. Bien
que les affections nerveuses soient des manifestations rares de la
syphilis congénitale, cependant la syphilis héréditaire peut atteindre
la moelle, ainsi que le prouvent les observations de M. Potain (1),
de Jiirgens (2), de Siemerling (3), de Kohts (4), etc.
D'après Jiirgens (5), la moelle n'est atteinte que secondairement
le plus souvent et les altérations les plus fréquentes sont les ostéo-
chondrites et les périostiques vertébrales.
Sexe. — Tous les auteurs s'accordent à reconnaître que le sexe
masculin fournit le contingent de beaucoup le plus considérable aux
cas de paraplégie syphilitique. Cette proposition s'applique à tous les
cas de paraplégie en général, car M. Brown- Séquard (6), sur
150 cas de paralysie, en relève 110 chez l'homme et 40 chez la femme.
Valdemar, sur 89 lésions nerveuses syphilitiques, n'en constate que
3 cas chez la femme.
Par contre, les deux cas personnels de Julliard ont été observés
chez la femme. Caizergues signale trois cas analogues.
On trouve une femme parmi les cinq malades de Vinache et
quatre seulement dans les 56 cas relevés par MM. Gilbert et
Lion chez les différents auteurs. Dans 71 nouveaux cas rapportés
par B oulloche, on n'en trouve que 5.
Enfin Kuh, sur 62 observations de provenances diverses, n'en
signale que 6 cas. Môller, sur 5 cas, rencontre 2 femmes.
Nous n'avons nous-même observé qu'un seul cas analogue ; il est
vrai que la plupart de nos observations ont été recueillies dans un
hospice d'hommes (Bicêtre). Nous donnerons l'examen anatomique
qui se rapporte à cette observation en y joignant un cas de Leyden,
(1) Potain. In thèse de Savard, p. 52.
(2) JuRGENS. Charité AnnaUn, 1885.
(3) Siemerling. Arch. f. Pmjch., Bd XX, H. 1, p. 102.
(4) Kohts. Festschri/t fur Henoeh, 1890, p. 36.
(5) .JUEGENS. BeutscJie med. Woclienschr . , 1888, n» 25.
(6) Brown-Séqcard. Leçons swr les paralysies des membres inférieurs,
Paris, 1865.
— 249 —
un cas de Greiff, et 3 cas de Siemerling qui ont trait également à
des femmes.
En somme, l'affection est beaucoup plus rare chez la femme, il est
difficile de dire exactement dans quelle proportion. Le chiffre de 1/10"
exprime peut-être approximativement ce rapport.
Quant à la raison de cette disproportion, il ne faut pas la rechei"-
cher seulement dans la rareté relative de la syphilis chez la femme,
mais plutôt dans les causes occasionnelles et localisatrices (excès,
surmenage, etc.) qui sont plus propres au sexe masculin.
Age. — La paraplégie syphilitique peut atteindre des sujets de
tout âge, mais elle est surtout fréquente dans la période qui précède
l'âge moyen de la vie.
Dreschfeld et Buzzard placent le maximum de fréquence entre
25 et 30 ans, Broadbent entre 30 et 40 ans, Steenberg entre 20 et
30 ans, Caizergues entre 25 et 35 ans.
Vinache signale des cas entre 19 et 55 ans, mais considère la
période d'état de la vie comme l'époque la plus favorable à l'éclosion
des accidents.
Savard donne la statistique suivante :
1 seul cas à 18 ans
16 cas de 20 à 30 —
32 — de 30 à 40 —
10 — de 40 à 50 —
10 — de 50 à 60 —
et 1 seul cas „ au-dessus de 60 —
MM. Gilbert et Lion pensent que la syphilis médullaire est à peu
près aussi fréquente entre 30 et 40 ans qu'entre 20 et 30. En effet, ils
ont relevé :
20 cas de 20 à 30 ans
19 — de 30 à 40 —
3 — de 40 à 50 —
5 — de 50 à 58 -
Dans les observations très résumées de M. Boulloche, l'âge des
malades n'est pas indiqué le plus souvent ; cependant nous avons
relevé 3 cas à 22 ans ; les cas les plus nombreux atteignent des sujets
entre 25 et 35 ans, mais un malade âgé de 69 ans fut frappé d'une
paraplégie qui se développa rapidement six mois après le chancre et
amena la mort en huit mois.
— 250 —
Kuh donne les chiffres suivants :
6 cas de 20 à 25 ans
12 — de 26 à 30 —
11 — de 31 à 35
15 — de 36 à 40 —
8 — de 41 à 45 —
3 — de 46 à 50 —
1 — à 55 —
Soit 44 (78,5 p. 100) avant 41 ans et 12 (22,5 p. 100) après. Nos
23 cas inédits se répartissent ainsi.
5 cas de 20 à 25 ans
8 - de 25 à 30 -
4 — de 30 à 35 —
3 — de 35 à 40 —
Deux cas sont survenus après 50 ans, l'un à 52 ans, onze mois après
le chancre, l'autre à 53 ans, dix-sept mois après l'infection. Soit
13 cas entre 20 et 30 ans pour 8 entre 30 et 40 ans, le maximum étant
entre 25 et 30 ans.
L'époque d'apparition de la maladie étant toujours assez proclie de
celle de l'infection, il s'ensuit naturellement que, dans l'âge de la vie
où la contamination est le plus fréquente, l'affection est elle-même
plus commune. Elle est rare à un âge avancé, et lorsqu'elle sur-
vient à cette époque, c'est précisément parce que le sujet a été infecté
tardivement.
Maladies antérieures. — Le rhumatisme semble être une cause
prédisposante importante, c'est du moins l'impression qui ressort de
la constatation faite par Kuh ; parmi les 56 observations qu'il a réu-
nies, il note 11 fois des attaques de rhumatisme articulaire dans le
passé pathologique des malades.
Presque toutes les manifestations infectieuses ou diathésiques ont
été relevées dans les antécédents, mais aucune ne se montre aussi fré-
quemment que le rhumatisme. Vinache fait jouer aussi un certain
rôle aux affections organiques des organes génito-urinaires.
Il" Causes occasionnelles et localisatrice. — Surmenage de la
moelle. — La plupart des auteurs accordent une certaine importance
aux exercices fatigants qui déterminent une suractivité fonctionnelle
de la moelle.
— 251 —
OwenRees incrimine les grandes fatigues, Caizergues les mar-
ches forcées et la station debout prolongée, d'où l'influence funeste de
certaines professions : facteur, garçon de café, coiffeur, sergent de
ville, garçon de salle (Vinache).
Vinache fait remarquer que ce sont surtout les gens qui se servent
beaucoup de leurs jambes, mais Kuh n'a rien observé de semblable.
Les excès vénériens rentrent dans la même catégorie de faits ; on
leur attribue généralement une influence funesie très marquée, bien
qu'ils ne soient consignés que dans un petit nombre d'observations.
Ladreit de Lacharrière accuse surtout le coït debout.
Caizergues, Vinache acceptent cette opinion, Savard la
développe en faisant remarquer que la localisation si fréquente des
lésions dans la région lombaire s'explique peut-être par la présence
du centre génito-spinal en ce point de l'axe nerveux.
Kuh n'a noté les excès de coït que 4 fois dans 56 observations
Tous les excès ont été incriminés : excès de boissons (Jespersen,
Moore), d'aliments (Ladreit de Lacharrière) ; aussi raU'ection
est-elle plus fréquente dans les grands centres indus':riols : grandes
villes, grands ports de mer (C aizergues).
Influence du froid. — Vinache, J ulliard, Caiz ergue s signa-
lent l'influence du froid, la fréquence de l'affection dans les pays
septentrionaux et à l'époque des saisons froides.
Kuh remarque que la plupart des cas qu'il a relevés ont débuté
au cours de la saison froide et que, parmi ceux qui se sont produits
en été, beaucoup ont été précédés d'un refroidissement (pluie, bain
froid, douche froide). Il attribue une influence particulièrement
nuisible à la fatigue suivie de refroidissement.
Les traumatismes sont considérés comme propres à favoriser le
développement de l'affection, ils sont cependant très rarement notés
dans les observations. On incrimine surtout ceux qui portent directe-
ment ou indirectement sur la région rachidienne ; Vinache va
jusqu'à faire remarquer que, dans un cas de Moxon, un syphilitique
s'étant fracturé la jambe gauche, sept ans après il survint une para-
plégie qui débuta à gauche (?).
Dans nos propres observations, nous n'avons relevé comme
circonstances accompagnant le début de la paralysie ou plulùt
l'attaque de paraplégie que deux fois le refroidissement brusque.
— 252 —
deux fois un excès de travail, une fois le surmenage intellectuel, une
fois l'excès de coït et une fois l'ivresse alcoolique. Dans un cas il y
avait eu une chute grave d'un lieu élevé trois ans auparavant. Un de
nos malades semblait prédisposé aux affections de la moelle par ce
fait qu'il avait uriné au lit jusqu'à l'âge de 12 ans.
Nous pensons que la localisation des lésions primitives vasculaires
et méningées n'est guère influencée par ces causes occasionnelles,
mais lorsque les altérations primitives sont constituées, ces causes
ont une grande importance pour la détermination des accidents
brusques qui indiquent l'atteinte du tissu nerveux.
Point n'est besoin d'ailleurs d'une cause bruyante : dans l'état
précaire où se trouve alors la circulation de la moelle, le moindre
exercice devient un surmenage pour un tissu dont la nutrition est déjà
compromise, et la plus faible influence peut être la cause d'une
nécrose brusque des parties anémiées.
8. — Conclusions.
I. — La syphilis paraît agir sur le tissu nerveux de deux façons,
l" Directement, en s'attaquant à l'élément parenchymateux. Elle
détermine ainsi, au début de rafîeclion, les premiers troubles nerveux
vagues de la période secondaire et tardivement peut-être certaines
affections systématiques comme le tabès, etc. (affections parasyphi-
litiques de M. Fournier). Ce premier mode d'action est mal élucidé,
il n'existe aucune caractéristique anatomique qui permette de recon-
naître l'origine des affections qu'on lui attribue.
2° Indirectement, en produisant une inflammation de l'élément vas-
culaire, lymphatique et conjonctif du tissu nerveux. L'altération du
parenchyme est secondaire à ces lésions primitives. La réalité de ce
processus n'est pas discutable, elle est affirmée par l'aspect des lésions
inflammatoires qui, sans être exclusivement particulières à la syphilis,
sont cependant jusqu'à un certain point caractéristiques de cette
infection. Le processus peut frapper toutes les parties de l'axe cérébro-
spinal, mais il se localise parfois exclusivement à la moelle.
II. — La syphilis médullaire apparaît à une époque assez rappro-
chée de la date de l'infection, avec un maximum entre la fin de la
première année et la fin de la sixième. Elle est beaucoup plus
fréquente chez l'homme.
III. — L'inflammation débute par les parois vasculaires et les parties
périvasculaires, elle frappe particulièrement les petits vaisseaux de
la périphérie de la moelle.
Dans les gros vaisseaux, elle atteint la tunique interne et surtout
la tunique externe en se développant autour des vasa vasorum.
De là, elle gagne les gaines lymphatiques périvasculaires, puis le
système lymphatique des méninges, et enfin la cavité arachnoïdienne
tout entière.
— 254 —
L'infection se fait donc par voie sanguine, mais diffuse rapidement
dans le système lymphatique où elle évolue dès lors d'une manière
indépendante.
A ce stade, les lésions sont constituées par :
Une inflammation des parois vasculaires qui atteint son maximum
dans les veines et les petits vaisseaux ;
Une infiltration généralement diffuse du stroma conjonctif des
méninges ;
Une irritation de toutes les surfaces baignées par le liquide céphalo-
rachidien (surface des méninges, parois ventriculaires).
Ces lésions inflammatoires se caractérisent par leur tendance aux
formations nodulaires (gommes miliaires des méninges, des vaisseaux
et de la moelle).
IV. — Les altérations du parenchyme nerveux, éléments nobles et
névroglie, sont secondaires aux lésions primitives. Elles peuvent
résulter :
1° D'un trouble de nutrition, en raison des lésions vasculaires et de
celles de la membrane nourricière tout entière de la moelle ;
2° De l'envahissement du parenchyme médullaire par l'infiltration
spécifique.
V. — Le premier de ces processus est de beaucoup le plus impor-
tant, du moins ordinairement. C'est lui qui commande les principales
manifestations cliniques de l'affection.
VL — ■ Selon l'intensité, la distribution et la rapidité d'évolution
des lésions primitives, la nécrose anémique du tissu nerveux apparaît :
Tantôt brusquement, sous la forme d'un foyer de ramollissement
transverse qui peut siégera divers étages de la moelle ou prédominer
dans tel ou tel département vasculaire ;
Tantôt lentement, et alors la destruction des éléments est accompa-
gnée d'un processus de réaction substitutive du tissu névroglique qui
remplace peu à peu les éléments dégénérés.
VIL — A la nécrose du parenchyme nerveux, qu'elle ait frappé en
bloc tous les éléments d'une région étendue ou qu'elle ait progressé
lentement, succède la réaction du tissu interstitiel névroglique.
Cette période de réaction substitutive est favorisée par le retour
— 255 —
partiel de la circulation (circulation collatérale, développement des
vasa vasorum, apparition de néo-capillaires dans les vaisseaux obli-
térés). Elle aboutit à la sclérose névroglique du tissu dégénéré.
A ce stade, l'aspect anatomique se caractérise par la sclérose névro-
glique, les altérations des vaisseaux et l'épaississement du tissu
conjonctif, qui pénètre dans la moelle en accompagnant les vaisseaux.
VIII. — Bien que les lésions nécrobiotiques suivies de sclérose con-
stituent l'altération principale, il faut faire la part de certaines lésions
médullaires et surtout radiculaires qui résultent de Tenvahissement
du tissu nerveux par une infdtration s'étendant excentriquement d'un
point des méninges ou d'une gaine périvasculaire. Ce processus peut
dans certains cas prendre une importance particulière.
IX. — Les lésions, tout en conservantles mêmes caractères, peuvent
varier dans leur distribution.
Elles sont généralement diffuses; mais elles peuvent prendre
l'aspect d'une lésion transverse plus ou moins intense, plus ou moins
bien limitée, et siégeant à des étages divers de la moelle.
Elles peuvent aussi se distribuer plus irrégulièrement sur une
longue étendue de l'axe spinal.
Dans tous les cas, elles sont prédominantes dans la zone marginale.
La localisation dorsale est la plus fréquente.
Que les lésions soient continentes ou qu'elles soient disséminées, le
résultat est toujours le même, elles produisent l'effet d'une lésion
transverse et s'accompagnent d'une dégénérescence secondaire ascen-
dante et descendante des tubes nerveux interrompus. Les lésions
affectent plus particulièrement le territoire du système vasculaire
spinal postéro-latéral. Elles peuvent d'ailleurs prédominer dans divers
systèmes de cordons : cordons latéraux, cordons postérieurs, sub-
stance grise des cornes antérieures, et provoquer des syndromes qui
simulent certaines affections systématiques de la moelle.
X. — L'évolution clinique de la forme commune est la suivante :
A la période d'établissement des altérations primitives vasculaires et
méningées, correspond une phase de phénomènes prémonitoires diffus.
A la période de ramollissement et de dégénérescence des éléments
— 256 —
nerveux, une attaque de paraplégie suivie d'une période de phéno-
mènes paralytiques et de troubles trophiques graves.
A la période de sclérose, répond la paraplégie spasmodique chro-
nique.
Le début brusque peut se manifester sans être précédé de la phase
prodromique.
D'autres fois, les malades arrivent lentement à la phase de paraplégie
spasmodique sans passer par la phase aiguë. Enfin d'autres atteignent
progressivement la période des accidents graves en passant par la
phase spasmodique.
XI. — La mort peut survenir dans les premières périodes de l'affec-
tion, du fait de la localisation ou de l'étendue des lésions, ou plus
tard par les progrès de l'affection ou par une complication.
L'aboutissant ordinaire de l'affection est une paraplégie spasmo-
dique persistant à l'état chronique après une amélioration plus ou
moins marquée.
La guérison complète n'est possible que dans certaines conditions,
lorsque les altérations primitives vasculaires et méningées ont pu
être enrayées avant la destruction définitive du parenchyme nerveux.
La réorganisation du tissu nerveux nécrosé, si elle est possible, ne
se manifeste que dans des limites restreintes.
XII. — Dans certaines circonstances, l'inflammation primitive
s'accentue dans les méninges, produisant une méningite ou une pachy-
méningite syphilitique, ou bien elle prend l'aspect d'une néoplasie
gommeuse circonscrite volumineuse ; cette dernière forme est très
rare.
XIII. — Le traitement iodo-mercuriel est commandé dès l'appari-
tion des premiers symptômes, il n'a d'action que sur les productions
inflammatoires primitives et reste sans influence sur les lésions nécro-
biotiques constituées.
XIV. — La syphilis médullaire est une affection toujours sérieuse.
La mort peut survenir en dépit du traitement, surtout dans les formes
aiguës.
— 257 —
Quand elle n'est pas mortelle, la maladie aboutit le plus souvent à
une infirmité plus ou moins accentuée.
En dehors des cas heureux mais rares où la guérison complète
peut être obtenue, l'amélioration ne dépasse pas une certaine limite
qui est fixée par l'importance d'une cicatrice scléreuse incurable de
la moelle.
S.
17
il
DEUXIÈME PARTIE
Observations justificatives.
CHAPITRE PREMIER
observatioins cliniques avec autopsie et examen histologique
(personnelles)
•SOMMAIRE : Cas n" I. — Mort GOheuresnprèsrottaquedeparaplégie.
Cas n" II. — Mort 5 mois après le début de l'afTection
Cas n° III. — Mort 15 mois après le début de l'afFection.
Cas n» IV. — Mort 10 ans après le début de l'affection.
Cas n° V. — Mort 12 ans après le début de l'affection.
Cas n" VI. — Mort 14 ans après le début de l'affection.
Cas n" VII. — Mort 20 ans après le début de l'affection.
Cas n» VIII. — Mort 17 ans après le début de l'affection.
(Pas d'examen histologique.)
Il
Cas n" I. — Observation 108 (personnelle).
llÉsUiMÉ CLINIQUE. — Homme, .34 ans, entraîneur de chevaux. 1890, 32 ans,
chancre induré. Juin 1892, rachialgie, sensations pénibles dans
la marche, troubles des sphincters, troubles de la marche. 28 juillet
1892, paraplégie brusque, anesthésie des membres inférieurs, para-
lysie des sphincters, coma, asphyxie. Mort soixante heures après
l'attaque de parapjtégie.
Autopsie. — Intégrité du cerveau et des méninges rachidiennes ;
ramollissement de la moelle au niveau de la région dorsale supé-
rieure avec déformation complète de la substance grise et gonfle-
ment du tissu de toute la coupe. Pas de dégénérescence secondaire.
Examen microscopique. — Altéralions extrêmement prononcées des
vaisseaux, surtout des veines (phlébite oblitérante), ynoins marquées
pour les artères [périarlérite généralisée, endartérite légère et loca-
lisée], participation de tous les vaisseaux de petit calibre. Intégrité
de la pie-mère excepté dans les zones périvasculaires. Intégrité des
racines. Dans la substance médullaire : épaississemerit fibreux et
infiltration embryonnaire des parois vasculaires, oblitération de
nombreux vaisseaux. Les lésions vasculaires se retrouvent dans
toute la hauteur de la moelle et du bulbe; elles sont surtout pro-
noncées au niveau de la région dorsale supérieure. En ce point, le
parenchyme nerveux est désorganisé (^'amollissement) : le paren-
chyme de la substance grise est bouleversé ; les cellules en voie de
régression. Les tubes nerveux présentent les premiers degrés de
la dégénérescence : gonflement des gaines, hypertrophie des cylin-
dres-axes, etc., mais pérsistancc de la myéline. Les modifications des
vaisseaux diminuent d'intensité à mesure qu'on s'éloigne au-dessus
ou au-dessous de ce foyer. De même, le parenchyme nerveux est
régulièrement sain dans les régions cervicale, dorsale inférieure et
lombaire.
Diagnostic anatomique. — Ramollissement médullaire consécutif
aux lésions vasculaires.
Histoire clinique de la maladie. — Victor II..., conducteur de
chevaux, âgé de 34 ans, est transporté le jeudi soir, 28 juillet 1892, à
rhôjjital Cochin, dans le service de ^I. Dujardin-Beaumetz. Le lende-
main matin nous le trouvons dans l'état suivant :
Etat actuel. — Le malade est étendu sur le dos, plongé dans un
— 262 —
demi-coma, la respiration est précipitée, le pouls rapide, les urines
s'écoulent dans le lit. Il ne peut être tiré de son état de torpeur et on
lui pince les jambes sans qu'il fasse aucun mouvement de défense. Il
semble donc exister une anestliésie très marquée des membres inférieurs,
car une forte excitation de la peau des membres supérieurs détermine
au contraire des mouvements de la part du malade.
Si on essaye de le soulever ou de le retourner, les bras remuent
spontanément, mais les membres inférieurs restent immobiles ou traî-
nent sur le lit; les jambes soulevées retombent lourdement, ce qui
indique une paralysie complète du mouvement dans ces membres. La
percussion des tendons rotuliens indique une exaltation marquée des
réflexes tendineux. Incontinence d'urine par regorgement, paralysie
vésicale, constipation.
Le diagnostic porté est celui de paraplégie myéiopathique,
Evolution de la maladie. — Le samedi matin, le malade est dans le
même état; depuis la veille il n'est pas sorti de son état de torpeur, le
coma tend même à se prononcer. La paraplégie est toujours aussi mar-
quée, l'incontinence des urines persiste. La respiration s'embarrasse de
plus en plus et le malade succombe dans la soirée.
Désirant nous éclairer sur l'origine de cette affection, nous nous
sommes adressé aux parents et aux compagnons de travail de notre
sujet et nous avons recueilli les renseignements suivants :
Aiitécédents. — H... était d'ordinaire bien portant, dès son jeune âge
il travailla au métier de conducteur de chevaux, il marchait très bien et
courait même souvent, car son état consistait à conduire les chevaux au
marché et à les faire trotter en les tenant par la bride, pour les montrer
à l'acheteur.
A l'âge de 21 ans, il est appelé sous les drapeaux et accomplit régu-
lièrement son congé.
En rentrant du régiment, il se maria et eut quatre enfants, il reprit
d'ailleurs son métier.
A l'âge de 32 ans, en 1890, il contracta la syphilis dans un commerce
extra-conjugal. Les parents qui nous donnèrent ce renseignement ne
j'urent nous fixer la date exacte de la contamination. Toujours est-il que
le malade dut se faire soigner à l'hôpital du Midi et que cet accident
amena bientôt une séparation de cor[)S avec sa femme.
A partir de cette époque. H... mena une existence assez vagabonde et
fut perdu de vue par ses parents.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Vers la fin du mois de juin 1892,
II... fut reçu par un de ses amis qui le logea. A cette époque, il se plai-
gnait de quelques douleurs dans le dos et de sensations pénibles dans les
jambes ; la marche était également défectueuse et l'on avait remarqué
qu'il traînait quelquefois les jambes. Il présentait aussi quelques troubles
vésicaux, car la femme de son hôte, en faisant son lit, avait constaté
— 263 —
qu'il urinait au lit presque tous les jours. Néanmoins, ces symptômes
étaient assez légers, car H... continuait à vaquer à ses occupations, il
allait tous les jours au marché aux chevaux.
Le mercredi matin, 27 juillet, l'ami qui l'hébergeait le priant de veiller
sur lui et de ne pas continuer à uriner au lit car il gâtait son matelas,
H... prit mal l'observation et quitta la maison.
Le lendemain, jeudi, il tombait paraplégique dans la rue, vers le
milieu de la journée et était transporté à l'hôpital Cochin. Nous avons
vu qu'il succomba le samedi soir, 30 juillet, soixante heures environ
après l'attaque de paraplégie.
Autopsie. — Lundi matin, trente-quatre heures après la mort. Le
cadavre extérieurement ne présente aucune particularité; il n'existe pas
de troubles trophiques cutanés, ni d'atrophie musculaire ; on constate
seulement au niveau du dos une rougeur diffuse très marquée qui tient
au décubitus dorsal post mortem. Pas d'escarre au sacrum, mais en ce
point une exagération de la rougeur, qui est couleur lie de vin.
L'examen des viscères thoraco-abdominaux ne permet de constater
aucune altération organique macroscopique, à part une congestion mar-
quée de tous les organes, congestion surtout accentuée à la base des
poumons. A l'ouverture du crâne et de la dure-mère, il s'écoule une
grande quantité de liquide céphalo-rachidien ; les veines de la pie-mère
sont particulièrement dilatées, mais la méninge se détache partout très
facilement de la substance corticale du cerveau et les coupes macros-
copiques faites sur cet organe à l'état frais ne montrent aucune lésion.
Les veines rachidiennes sont gorgées de sang ; la dure-mère n'est
pas épaissie; en aucun point elle n'adhère anormalement ni à la paroi
osseuse ni à la pie-mère médullaire. La pie-mère, à part un certain degré
de congestion, ne présente aucune altération macroscopique. Le feuillet
libre de l'arachnoïde est un peu trouble.
La consistance de la moelle est très diminuée dans la partie supérieure
de la région dorsale ; lorsqu'on fait des coupes transversales de la
moelle à ce niveau, le tissu médullaire fait hernie, il est presque
diffluent. La substance grise ne se distingue plus de la substance
blanche; la surface de coupe n'a pas la teinte normale blanc mat, elle
est jaune rosé et présente un piqueté hémorrhagique surtout manjué
dans la partie centrale. Les régions cervicale et dorso-lombaire ont une
consistance et une apparence normales à la coupe.
Examen macroscopique après durcissement. — Après quelques
semaines de séjour dans le liquide de MïiUor. les altérations sont plus
visibles. Dans les régions cervicale, dorsale inférieure et lombaire, les
surfaces de coupes faites sur l'organe à l'état frais ont conservé leur
apparence, la substance grise apparaît avec sa coloration jaune et sa
configuration normales, la substance blanche a pris par l'action du sel
chromique une teinte bruce telle qu'on l'observe dans les mêmes condi-
— S64 —
tions sur les moelles salues. Dans la région dorsale supérieure^ au con-
traire, où la moelle à l'état frais avait paru ramollie, la surface de coupe
n'est pas restée franche, la substance médullaire a fait hernie, formant
un champignon qui déborde le contour de l'enveloppe pie-mérienne
sectionnée. Après abrasion par une coupe horizontale de ce bourrelet,
on constate que la substance grise centrale a perdu sa conflguratiun
normale: elle forme une masse irrégulièrement quadrilatère, à bords
diffus, qui occupe la partie antérieure de la surface de coupe.
D'autre part, la substance blanche a bien pris la teinte brune ordi-
naire, mais elle est craquelée et plus friable que de coutume.
Cette modification dans la forme de la substance grise et les altéra-
tions de la substance blanche ont leur maximum d'intensité sur les
coupes faites au niveau de l'émergence des troisième, quatrième et cin-
quième racines dorsales, surtout au niveau de la quatrième. Au-dessus
et au-dessous de cette région, la substance grise présente encore une
certaine déformation, mais l'aspect des cornes et de la commissure grise,
ainsi que leurs rapports mutuels, sont à peu près normaux.
En somme, il s'agit vraisemblablement d'un foyer de ramollissement
de la région dorsale supérieure de la moelle avec déformation de la
substance grise. Les autres régions de la moelle sont relativement saines
et il n'existe pas de dégénération secondaire ni ascendante ni descen-
dante.
Examen microscopique. — De nombreuses coupes ont été pratiquées
sur toute la hauteur de la moelle après durcissement complet, et l'exa-
men a été surtout minutieux au niveau du foyer de ramollissement.
Pour l'étude de ce foyer, la région a été divisée en huit segments dans
l'intervalle compris entre la première racine dorsale et la septième.
Le segment 1 comprend les fibres radiculaires inférieures de la pre-
mière racine dorsale et supérieures de la deuxième racine dorsale.
Le segment 2, les fibres radiculaires inférieures de la deuxième racine
dorsale.
Le segment 3, les fibres supérieures de la troisième dorsale.
Le segment 4, les fibres inférieures de la troisième dorsale.
Le segment 5, les fibres supérieures de la quatrième dorsale.
Le segment 6, les fibres intérieures de la quatrième dorsale.
Le segment 7, toute la cinquième racine dorsale.
Le segment 8, toute la sixième racine dorsale.
Les segments 1, 2, 3, 6, 7, 8 ont été coupés horizontalement.
Le segment 4, coupé longitudinalement dans le sens transversal.
Le segment 5, coupé longitudinalement dans le sens antéro-postérieur.
Des coupes horizontales ont été pratiquées dans tout le reste de la
moelle et dans le bulbe rachidien.
La plupart des segments de moelle sortis du liquide de Miiller ont été
lavés à l'eau puis à l'alcool et inclus dans le collodion ; mais pour un
— 265 —
certain nombre de segments, nous avons employé le microtome à con-
gélation; dans ce cas, la pièce sortie du liijuide de Millier était simple-
ment lavée à l'eau et congelée. Ce procédé nous a permis d'écarter
l'action de l'alcool et de l'éther, qui ont l'inconvénient de faire disparaître
en partie certains éléments, comme les corps granuleux, par exemple,
et de modifier l'affinité élective des tissus pour certaines colorations
délicates.
Les coupes ont été colorées par différentes méthodes : carmin ammo-
niacal, picro-carmin, hématoxyline alunée et éosine pour l'étude des
cléments conjonctivo-vasculaires et névrogliques, les cellules nerveuses
et les cylindre-axes; méthodes de Pal et de Weigert pour la myéline, etc.,
j)uis montées dans la glycérine «m le baume.
Examen des coupes du segment 0 (IV" dors.), segment où les altéra-
tions alteigyient leur plus haut degré. Aspect général des coupes
colorées par le carmin ou par la niétiiode de Weigert. faible gros-
sisseiiient (ob. a variable Zeiss; oc. 1) (fîg. 1).
L'aire delà coupe est plus grande qu'à l'état normal, elle a le diamètre
d'une coupe du renflement cervical. La substance grise n'a plus sa forme
normale, elle revêt l'aspect d'une masse quadrilatère à bords diffus et
semble avoir été repoussée en totalité vers la partie antérieure. Elle
FiG. 1. — Cas no 1. — Coupe au niveau de la quatrième racine dorsale, foyer de
ramollissement (méthode de Pal).
fait pour ainsi dire hernie dans le sillon antérieur. Le canal central
surtout est rejeté en avant, repoussant la commissure antérieure qui
forme une anse dont la convexité vient en contact avec la pie-mère
périphérique.
La masse de la substance grise présente un certain nombre de pro-
longements : un prolongement antérieur dans le sillon médian, un
postérieur dans le sillon médian postérieur, deux latéraux qui repré-
sentent les cornes antérieures, enfin deux latéraux postérieurs qui se
portent en s'effilant jusqu'à la sortie des racines postérieures et qui
représentent les cornes correspondantes. Sur les coupes au carmin, la
coloration de cette masse est d'un rose foncé, on voit de plus des taches
irrégulières, d'un rouge plus intense, qui correspondent au canal central
et à des vaisseaux entourés d'un tissu d'apparence homogène. Sur les
coupes au Weigert, le fond général est jaunâtre, parsemé d'amas noirâtres
à bords diffus. En somme, le tissu de la substance grise paraît complète-
ment bouleversé comme dans un foyer de ramollissement.
La substance blanche n'a plus le caractère d'un fond à coloration
régulière : le tissu est craquelé, les tractus radiés sont irréguliers,
sinueux ; ils ne sont pas épaissis dans leur ensemble, mais présentent en
certains points des renflements plus colorés par le carmin. Le paren-
chyme n'est pas coloré régulièrement, il existe des points plus forte-
ment teintés en rouge qui correspondent à des faisceaux de tubes
nerveux modifiés. Dans les coupes au Weigert, l'ensemble de la sub-
stance blanche a bien pris l'hémaloxyline, ce qui indique que la myéline
a persisté surplace; il existe seulement quelques régions où la coloration
noire est plus discrète et est remplacée par une teinte jaunâtre; ces
régions correspondent à celles qui se colorent plus fortement par le
carmin.
On trouve encore dans les coupes de ce segment deux petits foyers
hémorrliagiques ; ils sont situés à une hauteur différente, mais occupent
tous deux à droite et à gauche la partie du cordon latéral voisine de la
périphérie.
La pie-nière parait légèrement épaissie, surtout dans les parties laté-
rales de la circonférence de la coupe; mais cet épaississement est plus
apparent que réel, il est surtout dû à l'hypertrophie des parois des
vaisseaux, surtout des veines, qui y sont contenus. Les vaisseaux sont
en effet énormes, un grand nombre ne présentent pas de lumière. Sur
la partie latérale gauche, on trouve un amas de vaisseaux très dilatés
et thrombosés (pl. I, fig. 1). Dans les points où la pie-mère ne [>résente
pas de vaisseaux visibles à ce grossissement, elle reprend son apparence
normale.
Elude des élémeiits de la coupe précédente à un fort grossissement
(obj. 7 Leitz et F. Zeiss ; oc. 1 et 3) ; mêmes colorations et emploi de
l'hémaloxyline alunée avec éosine ou carmin (pl. 1, fig. 1).
Pie-mère. — D'une façon générale, les éléments de la pie-mère se
colorent difficilement; les fibres lamineuses seules qui constituent la
— 267 —
charpente de la incmbi'ano prennent bien le carmin, elles forment des
traclus qui ont une épaisseur normale et doivent être distingués des
éléments compris dans les mailles qu'ils constituent. Dans les points
oiî la pie-mère ne contient pas de vaisseaux, ces tractus lamiaeux
apparaissent en coupe longitudinale ou transversale, et dans les fentes
qui les séparent on trouve des noyaux mal colorés et des cellules gra-
nuleuses qui n'ont pas non plus d'affinité pour les matières colorantes.
Ces éléments n'ont aucune cohésion, ils sont mêlés à une matière
granuleuse qui comble les vides et se colore en rose par le carmin. Ils
paraissent représenter des éléments de résorption circulant dans les
fentes lymphatiiiues de la méninge, sans faire partie du tissu.
Sous la pie-mère existe une épaisse couche de la môme matière gra-
nuleuse, qui s'infiltre entre les tubes de la moelle. Elle correspond à la
couche névroglique sous-pie-mérienne de Gierke.mais les éléments qui
la constituent sont indistincts, granuleux et confondus par l'interposition
d'un liquide albumineux abondant coagulé par les réactifs.
Au niveau des vaisseaux, l'apparence est tout à fait dilférente. L'épais-
seur de la pie-mère est notablement augmentée; les parois vasculaires
et le tissu péiivasculaire sont infiltrés de noyaux. Ce sont surtout les
veines qui sont altérées : sur la coupe que nous décrivons, il n'en existe
pas une seule qui soit intacte. Celles qui possèdent encore une lumière
centrale sont aplaties, les parois sont très épaissies et farcies de noyaux
arrondis, dont les uns se colorent encore par l'hématoxyline alunée, les
autres sont réfractaires à toute coloration (pl. I, fig. 3) ; il existe de plus
un grand nombre d'éléments fusiformes, ondulés et parallèlement concen-
triques qui se colorent à peine. On trouve encore dans certaines parois
des blocs d'une substance à laquelle on ne peut trouver d'autre structure
qu'une apparence granuleuse. Ces blocs sont opaques, ils se colorent
uniformément en rose gris. Ils sont quelquefois comme isolés au nnlieu
du tissu environnant, d'autres fois ils sont irréguliers, s'infiltrant entre
les noyaux voisins. Quelques-uns présentent à la périphérie des noyaux
mal colorés. Ils ont à peu près le diamètre d'une cellule géante ordinaire
et représentent suit de véritables cellules géantes, soit des foyers de
nécrose (pl. I, fig. 2).
Sur la plupart des veines, le tissu que nous venons de décrire com-
pose régulièrement toute l'épaisseur de la paroi veineuse; cependant,
au niveau de la limite interne, la paroi se colore plus fortement par le
carmin et présente une structure ûbrillaire plus fine.
La lumière du vaisseau est toujours très étroite, comparée à l'épais-
seur delà paroi, elle est aplatie, irrégulière, présentant des angles. Le
contenu est formé d'un très petit nombre de globules rouges, il comprend
surtout de nombreux globules blancs granuleux, dont les noyaux se
colorent mal, des cellules endothéliales allongées qui se sont détachées
de la paroi interne et d'une substance granuleuse indistincte. Tous ces
— 268 —
éléments sont visiblement en voie de nécrose et il est vraisemblable
que pendant la vie du sujet la circulation était interrompue dans ces
vaisseaux.
Dans certaines veines, le calibre est réduit à une simple fente dont
les parois sont accolées et semblent adhérentes. Le plus grand nombre
des veines perméables est rempli par desthrombus à différentes périodes
de leur évolution. Sur la coupe qui nous occupe, il existe dans la partie
gauche une veine énorme remplie par un caillot. La paroi veineuse est
constituée par le tissu que nous avons décrit; au niveau de la paroi
interne, apparaissent de nombreux noyaux bien colorés qui envahissent
la lumière du vaisseau et le remplissent complètement. Il n'existe pas
de limite tranchée entre la paroi et le caillot; cependant celui-ci est
parcouru par des tractus fibrineux qui le divisent en segments et for-
ment une couche concentri({ue à la limite de la paroi veineuse. Des
amas de globules rouges sont mêlés aux globules blancs, ils sont
surtout massés au centre du cailhjt (pl. I, fig. 1).
Dans d'autres veines, le caillot est en pleine régression, le contenu
n'est plus alors représenté que par une masse à peu près amorphe et
sans affinité pour les colorants.
Enfin, certaines veines sont complètement oblitérées par l'épaississe-
ment delà paroi, elles forment un cordon plein mal coloré qui contient de
nombreux noyaux indistincts et des éléments granuleux fusiformes
disposés circulairement autour d'un point plus ou moins central.
Quelques-uns de ces cordons ont une apparence tout à lait amorphe;
ils paraissent constitués par une substance hyaline dans laquelle se
trouvent logées des couches de substance grauulo-pigmeutaire, vestigea
des noyaux dégénérés, qui forment des stries concentriques (pl. I, fig. 4).
Les veines que nous venons d'étudier sont pour la plupart contenues
dans la pie-mère, mais les mêmes remarques sont applicables à celles
qui cheminent dans l'espace sous-arachnoïilien : on trouve ainsi de
nombreuses veines représentées par un cordon plein isolé entre la pie-
mère et l'arachnoïde. Dans ce cas, le vaisseau n'est entouré d'aucune
néoformation, il est atteint directement (pl. L fig. 3).
Toutes ces veines forment autour de la moelle une ceinture presque
continue, quelques-unes sent si volumineuses qu'elles sont visibles
même à l'œil nu.
Les artères sont beaucoup moins affectées, les gros troncs du moins
paraissent presque intacts.
L'artère spinale antérieure n'est pas épaissie, sauf au niveau de la
tunique adventice, qui a une épaisseur double de celle de la membrane
musculaire etdel'endartère réunis. La tunique adventice est composée
de tissu fibreux adulte, mêlé de nombreux noyauxembryounaires qui se
colorent peu par l'hématoxyline. La tunique moyenne n'est pas épaissie
ni infiltrée, l'endartère forme une couc/ie un peu plus développée que
normalement. Le calibre du vaisseau est absolument aplati.
— 269 —
Les deux groupes des artères spinales postéro-latéralcs présentent
des modifications semblables. Dans le groupe du côté gauche, les parois
sont plus affectées, la tunique moyenne a le double de sou épaisseur
normale, mais l'endartère est intact.
En dehors de ces vaisseaux, dont l'intégrité relative permet de recon-
naître la nature artérielle, tous les autres vaisseaux de calibre plus
faible sont atteints, et il est alors impossible de dire si ces petits vais-
seaux sont des artérioles ou des veinules.
En somme, tous les vaisseaux de la pie-mère dans cette région sont
plus ou moins altérés. Les veines sont de beaucoup les plus atteintes;
la paroi est envahie dans toute son épaisseur et la lumière est souvent
oblitérée soit par unthrombus, soit par un rétrécissement concentrique.
Pour les artères, le processus paraît manifestement débuter par la
tunique externe. Dans les grosses artères, la tunique moyenne semble
opposer une barrière efficace à la progrcfsion de l'infiltration vers les
parties centrales. Dans les petites artères, au contraire, cette barrière
est franchie, njais l'éiiaississement de la tunique externe est toujours
prédominante. Les plus petits vaisseaux de la pie-mère sont les uns
complètement oblitérés, les autres constitués par une paroi très épaisse,
d'apparence hyaline, colorée en rose par le carmin, avec une lumière
très petite à demi boucliée par des cellules endothéliales. Celles-ci sont
saillantes et le noyau bourgeonne dans la lumière du vaisseau.
Les lésions de la pic-mère, avons-nous dit, sont limitées aux régions
périvasculaires. En effet, c'est en ces points seulement que l'on trouve
les infiltrations nucléaires, et toutes les traînées de noyaux sont com-
mandées par le trajet d'un vaisseau.
Le prolongement méuingien du sillon médian antérieur n'existe plus,
carie sillon est comblé par la saillie de la substance grise; on trouve
seulement en ce point une infiltration très marquée dont les éléments,
peu colorés, se distinguent mal. Dans le prolongement du septum pos-
térieur, on trouve des renflements constitués par des vaisseaux très
épaissis et presque totalement bouchés.
Le feuillet libre de l'arachnoïde est légèrement épaissi : le stroma
fibreux n'est pas notablement augmenté, mais la membrane est infiltrée
par un certain nombre de cellules mal colorées, granuleuses et sans
cohésion, et aussi par une substance amorphe coagulée qui est plutôt
étalée à sa surface que contenue dans son épaisseur. On y trouve de plus
des vaisseaux volumineux et oblitérés qui déterminent par leur pré-
sence des nodosités.
Il n'existe pas d'adhérences en général avec la pie-mère ni avec les
racines qui traversent l'espace sous-arachno'idien. Dans cet espace, on
trouve des vaisseaux libres dont les parois sont épaissies et la lumière
souvent oblitérée, sans qu'il existe d'adiiérence de ces vaisseaux avec
les méninges voisines.
Les racines rachîdiennes sont relativement très peu altérées, elles ne
— 270 —
sont englobées par aucune prolifération, le périnèvre n'est pas épaissi,
mais dans l'intérieur même de la racine, les vaisseaux sont très altérés. Ils
sont souvent le point de départ d'une infiltration nucléaire vivaco qui en-
vahit quelquefois complètement la paroi du vaisseau placé au centre et
irradie en poussant des prolongements plus ou moins longs dans l'inter-
stice des faisceaux de tubes nerveux. Les tubes nerveux sont sains pour la
plupart, on ne trouve que quelques cylindres-axes un peu gonflés avec
une gaine de myéline presque intacte. Ces légères altérations sont can-
tonnées au voisinage des proliférations périvasculaires. Le tissu périfas-
ciculaire n'est nullement épaissi (pl. I, flg. 5 et 6).
Parenchyme médullaire. — La substance même de la moelle offre des
modifications très prononcées. Nous étudierons : 1° le tissu interstitiel :
vaisseaux, tissu conjonctif etnévroglie; 2° le tissu nerveux proprement
dit : cellules et tubes nerveux.
1° Les tractus conjonctivo-vasculaires qui partent de la pie-mère ne
présentent pas d'une façon générale d'augmentation marquée dans leur
épaisseur; en quelques points seulement, qui correspondent à la section
des vaisseaux, on trouve une infiltration circonscrite périvasculaire.
Les noyaux qui constituent ces nodules ne sont pour la plupart pas
colorés par l'hématoxyliae ; quelques-uns, toutefois, sont encore sen-
sibles à la coloration. Ils envahissent la paroi vasculaire et pénètrent
même dans la lumière du vaisseau qui parait thrombosée. La masse
intravasculaire est en effet composée de globules blancs granuleux, de
globules rouges déformés, et parcourue par un reticulum fibrineux. Le
nodule périvasculaire, la paroi du vaisseau et le caillot central forment
une masse dont les éléments indistincts sont unis par une substance
fondamentale amorphe, granuleuse et colorée en rose. Ces modifications
se retrouvent avec une intensité variable sur tous les vaisseaux intra-
médullaires compris dans la coupe.
En deux ou trois points, on trouve dans l'épaisseur de la moelle, mais
au voisinage de la méninge, un amas nucléaire plus considérable, qui a
l'apparence d'une gomme miliaire (pl. I, fig. 8). Par un examen minutieux,
on trouve toujours au centre de ce nodule un vaisseau plus ou moins
reconnaissable ou quelques globules rouges.
Le tissu interstitiel n'a aucune apparence de prolifération, il semble
au contraire complètement dégénéré. En dehors des régions périvascu-
laires, on ne trouve pour ainsi dire pas de noyaux colorés. Le tissu
conjonctif et le tissu névroglique, qu'il est impossible de différencier,
ne sont plus représentés que par une substance granuleuse unifor-
mément colorée en rose, qui s'infiltre entre tous les éléments. Cette
substance est particulièrement épaisse dans l'espace sous-pie-mérien,
au niveau des encoches de la périphérie de la moelle et dans les fentes
qui sillonnent le parenchyme nerveux. Enfin elle est surtout abondante
dans la substance grise oîi elle se présente soit sous l'aspect de masses
— 271 —
compactes isolées ou périvasculaires, soit sous l'apparence d'un exsudât
diffus qui englobe tous les éléments nécrosés du parenchyme nerveux.
Dans les deux points oîi nous avons indiqué une hémorrhagie, les
globules sanguins se sont infiltrés entre les tubes nerveux sans pro-
duire d'effraction et sans donner lieu à des foyers hémorrhagiques bien
limités.
2° Les éléments du tissu nerveux sont tous en voie de dégénération.
Dans la substance blanche, on ne trouve pour ainsi dire pas un tube
nerveux sain. Les moins altérés montrent un cylindre-axe légèrement
gonflé avec une gaine de myéline à peu près intacte. D'autres tubes
sont très dilatés, le cylindre-axe énorme occupe le centre; il est tantôt
d'un rouge intense (par le carmin), tantôt à peine coloré en rose et
granuleux ; à la périphérie, on trouve un reste de la gaine de myéline
qui forme une couche très mince. Sur les préparations colorées par la
méthode de Weigert, cette gaine de myéline amincie apparaît comme
un cercle mince bleu noirâtre. Enfin certains cylindre- axes énormes
sont totalement dépourvus de gaines et mis à nu. D'autres tubes sont
comme dilatés, donnant lieu à une vacuole dont le centre est occupé
tantôt par un détritus granuleux clair, tantôt par une cellule granuleuse
nucléée ou par un fragment de cylindre-axe noueux, granuleux et
pelotonné (pl. L ûg- 7 et 8).
Toutes ces altérations sont disséminées irrégulièrement et atteignent
à un degré varié les tubes nerveux de toutes les régions des cordons
blancs. Cependant on trouve des points où les cylindres-axes gonflés sont
groupés en faisceaux. Ces régions apparaissaient comme des taches
plus rouges sur les coupes colorées au carmin. Les faisceaux coupés
longitudinalement (fibres radiculairos) présentent les mêmes modifica-
tions, les tubes sont fragmentés, moniliformes, plus ou moins dissociés.
Tous ces éléments sont séparés par la substance interstitielle granu-
leuse amorphe où l'on ne distingue que quelques noyaux peu colorés
et de nombreuses cellules granuleuses, qui représentent probablement
les cellules dégénérées de la névroglie. On trouve encore quelques gra-
nulations myéliniques libres colorées en bleu noirâtre par l'hématoxy-
line de Weigert, mais pas de corps granuleux vrais.
D'une façon générale, les gaines de myéline, bien qu'irrégulières
et quelquefois fragmentées, ont persisté sur place, et les coupes colo-
rées au Weigert ou au Pal ne montrent pas de taches de sclérose, mais
seulement une faible diminution de teinte en certains points que
nous avons signalés (fig. 1).
Dans la substance grise, le parenchyme, plus friable et plus désorga-
nisé, est d'une analyse beaucoup plus difficile, car les élections colorantes
sont très peu définies. Sur un fond uniformément granuleux et coloré
en rose par le carmin, se détacheut des amas de noyaux un peu plus
teintés qui englobent les vaisseaux, des cellules granuleuses de dia-
— 272 —
mètre variable avec un noyau mal coloré, des blocs arrondis d'un rouge
foncé et d'aspect colloïde et des fragments de cylindre-axe boursouflés
ou enroulés en tire-bouchon. Les cellules nerveuses sont dispersées,
mais plus répandues dans les parties latérales, elles sont fortement
teintées, pigmentées, ont perdu leurs prolongements. Quelques-unes
se présentent sous l'aspect d'une masse arrondie, uniformément colorée
et sans noyau distinct. Nous n'avons pas trouvé de cellules hypertro-
phiées, mais un grand nombre de cellules très atrophiées.
Segments 4 et 5 coupés longitudinalement (troisième et quatrième
racines dorsales).
Les coupes longitudinales pratiquées dans ces segments, et colorées
par les mêmes méthodes, présentent des altérations analogues, mais
avec des apparences qui permettent de compléter la description précé-
dente. L'état des vaisseaux et du tissu interstitiel est celui que nous
avons décrit. Dans l'intérieur du tissu médullaire, nous trouvons, au
milieu d'un amas embryonnaire péri vasculaire, deux cellules géantes
dont les noyaux multiples sont mal colorés.
Les fibres nerveuses de la substance blanche ont leur disposition
longitudinale et leur ordination parallèle normales. Sur les coupes
colorées par l'hématoxyline de Weigert, ces fibres sont moniliformes,
un peu ondulées et présentent des renflements en forme de vacuole dont
le centre est clairet rempli de détritus jaunâtres et la périphérie colorée
eu bleu noirâtre. On voit également, dans les interstices des tubes,
des granulations myélini([ues noirâtres ou des boules de myéline qui
ont le même aspect que les vacuoles. Les modifications des cylindres-axes
sont plus appréciables dans les coupes colorées par le carmin. Les
cylindres-axes sont ordinairement ondulés et irréguliers, ils forment sou-
vent des zigzags comme une ficelle relâchée. On rencontre presque
toujours, dans les vacuoles que nous avons décrites, un cylindre-axe
pelotcmné, un peu grenu, enveloppé d'une substance différente de la
myéline et qui se colore en rose par le carmin. Il semble alors qu'on
ait sous les yeux un renflement énorme du cylindre-axe, tandis qu'en
réalité celui-ci n'est représenté que par le cordon enroulé qui occupe
le centre. On peut obtenir des figures très nettes de cette disposition en
faisant usage de la méthode indiquée par Strœbe (1).
La gaine de myéline n'est pas colorée, le cylindre-axe enroulé est coloré
(1) Les coupes sont reçues dans une solution aqueuse concentrée de Lieu d'ani-
line où elles séjournent de dix minutes àune heure. Elles sont ensuite lavées à l'eau
distillée et portées dans un bain d'alcool alcalinisé — 20 :\30 gouttes d'une solution
alcoolique de potasse caustique à 1 /lOO pour un verre de montre rempli d'alcool absolu.
— Elles changent alors de couleur et virent au bleu brun ; au bout d'une minute,
elles sont lavées à l'eau distillée et la coloration des cylindres axes est obtenue. Sac.
de psyeh. de Berlin, mars 1893.
— 273 —
en bleu foncé au centre de la vacuole et entouré d'une masse colorée
en bleu pâle. Cette dernière substance représente soit une transsudation
du cylindre-axe altéré, soit une agglomération du protoplasma indifférent
qui entoure cet organe.
On trouve ainsi sur la coupe longitudinale une quantité de taches
bleues disposées en séries et réunies entre elles par les cylindres-axes
ondulés et colorés en bleu foncé qui indiquent la continuité des fibres
nerveuses.
Enfin on trouve de véritables cylindres-axes énormes renflés en forme
de gourde, de massue, etc., tels qu'ils ont été décrits parles différents
auteurs. Dans ce cas le cordon renflé est coloré en rose uniforme par
le carmin ou présente une apparence granuleuse ou même vacuolaire.
Tous ces degrés d'altération sont disséminés dans tous les points de
la préparation ; toutefois les cylindres-axes hypertrophiés se disposent
souvent en faisceaux; ils sont alors presque tangents et dépourvus de
gaine de myéline. Enfin on voit çà et là des boules sphériques isolées,
colorées en rose, ayant l'apparence de corps amyloïdes et qui semblent
formées par des fragments de cylindres-axes renflés.
Tous les espaces qui séparent les fibres nerveuses et les détritus des
tubes sont remplis par une substance homogène, grenue, sans trace
d'apparence fihrillaire. On y trouve encore des cellules granuleuses
mal colorées, qui peuvent être considérées indistinctement soit comme
des globules blancs, soit comme des cellules névrogliqiies altérées.
Les modifications de la substance grise sont celles que nous avons
déjà décrites. Tous les éléments du tissu sont disposés sans ordre et
assez indistincts. Les vaisseaux qui cheminent dans le sillon antérieur
sont infiltrés ou oblitérés.
Segment 3 (troisième racine dorsale partie supérieure). Coupes trans-
versales (fig. 2).
L'aspect général des coupes est à peu près le même que pour le
segment 6. La configuration de la substance grise est encore modifiée,
mais à un bien moindre degré et cette substance occupe à peu près la place
ordinaire. Toutefois le tissu qui la compose est encore profondément
bouleversé, le canal central déplacé est entouré d'une masse diffuse.
La substance blanche présente une coloration générale plus régulière,
mais l'ensemble de la figure est encore déformé par le fait de la faible
résistance du tissu à l'état frais.
La pie-mère n'offre pas d'épaississement notable en dehors des points
qui correspondent aux vaisseaux. Ceux-ci sont aussi altérés que dans
les coupes précédentes, et les altérations sont aussi beaucoup plus pro-
noncées au niveau des veines. Ou retrouve dans ces vaisseaux toutes
les apparences que nous avons décrites. Ils ne sont cependant pas aussi
uniformément hypertrophiés, et sont moins saillants.
S. 18
— 274 —
L'artère spinale antérieure est perméable, mais vide de sang et aplatie.
Elle est entourée par un épaississement fibreux modéré de la pie-mère
qui se confond avec la tunique adventice et semble avoir déterminé
l'aplatissement du vaisseau. L'endartère est également légèrement
épaissi en un point ; la tunique musculaire paraît intacte. Une des
artères radiculaires postérieures présente un épaississement marqué et
régulièrement répartie de la membrane interne. Pour les plus petits
vaisseaux, la distinction est assez difficile à établir, ils sont tous très
épaissis ou obturés. Les vaisseaux du sillon antérieur sont très atteints,
la paroi est très épaissie et la lumière réduite à une fente.
Dans le voisinage du canal central, on trouve deux vaisseaux volu-
mineux qui sont tous deux ici placés à gauche. L'un d'eux aTapparence
d'un bloc fibreux à contour irrégulier et creusé de deux à trois petites
fentes sinueuses remplies de cellules endothéliales desquamées ; l'autre
n'est considérablement épaissi que sur un côté et possède une lumière
perméable remplie de globules rouges. Ces vaisseaux, bien que d'appa-
FiG. 2. — Cas n° I. — Coupe au niveau de la troisième racine dorsale.
rence veineuse, ont la signification d'artères (artères sulco-commis-
surales).
Dans la substance blanche, les septa conjonctifs ne sont pas épaissis
en dehors des points qui correspondent à la coupe des vaisseaux dont
les parois sont infiltrées. La substance grise présente les altérations
que nous avons signalées, les cellules nerveuses sont moins altérées et
occupent une situation à peu près normale.
Dans la substance blanche les tubes nerveux présentent à peu près
tous uniformément les signes de la dégénérescence au début avec une
certaine prédominance dans les régions périphériques de la moelle. La
lésion commune est un. gonflement irrégulier des gaines de myéline,
— 275 —
mais on trouve encore trois groupes de cyliudres-axes gonflés et presque
dépouillés de gaine.
Un des caractères les plus remarquables, c'est le peu d'aflRnité de
tous les éléments pour les matières colorantes appropriées. La myéline
seule a conservé intactes ses propriétés électives pour l'hématoxyline
de Weigert.
Segments let2 {première et deuxième racines dorsales. Coupes trans-
versales.
L'aspect général des coupes est beaucoup moins modifié, cependant
la moellesembleencore gonflée. Le dessin de la substance grise est à peu
près régulier, la corne droite seule est un peu déformée.
L'étude attentive des différents points de la coupe permet de recon-
naître des altérations analogues à celles que nous avons décrites. La
pie-mère n'est pas épaissie en dehors des points qui correspondent aux
vaisseaux, mais les éléments fibreux qui la composent se colorent tou-
jours difficilement. Les altérations vasculaires sont presque aussi
accentuées que dans les régions sous-jacentes. Presquetoutes les veines
visibles sont absolument oblitérées, mais elles présentent un dévelop-
pement moindre que plus bas. Le tissu qui compose ces cordons veineux
est toujours le même, il est constitué par une masse fondamentale
trouble et homogène semée de nombreux noyaux disposés concentri-
quement. Dans l'épaisseur delà paroi,on trouve de plus de petits blocs de
tissu nécrosé. Au centre, on trouve soit quelques cellules plus colorées,
soit un détritus mal défini.
La paroi de la veine spinale postérieure (qui est d'ailleurs complète-
ment oblitérée) présente un nodule embryonnaire qui fait une saillie
extérieure considérable. Cette masse est composée de noyaux vivaces
qui tranchent par leur vive coloration sur le reste de la paroi; elle
représente une petite gomme développée dans la paroi.
On ne trouve que quelques très rares veines de calibre qui présen-
tent une petite lumière où les globules sanguins manquent le plus
souvent.
Dans les racines, l'altération des veines est moins avancée et l'on
peut par l'étude de ces vaisseaux se faire une idée du processus qui les
atteint. Notamment une grosse veine des racines antérieures placée
dans le milieu d'un faisceau, est très dilatée et contient des globules de
sang normaux (pl. L ûg- 5). Contrairement à ce qui se passe pour les
autres vaisseaux, les parois de cette veine se colorent bien ; les plans
fibro-élastiques sont très ondulés et dissociés par l'interposition de
nombreux noyaux embryonnaires qui se colorent fortement ; ceux-ci
sont surtout abondants d'un côté du vaisseau, et en ce point la paroi off're
naturellement une plus grande épaisseur. Quant au point de départ de
l'infiltration, il est assez diflficile de l'indiquer, car dans l'endroit de la
- 276 —
paroi où elle existe, elle est à peu près régulièrement répartie depuis
l'endothélium jusqu'à la gaine lympliaticiue ; elle semble toutefois un
peu plus marquée dans les couches externes.
Ici encore, les artères sont beaucoup moins malades, elles présentent
cependant toutes une périartérite manifeste.
L'artère spinale antérieure n'offre qu'un très léger degré d'altération
au niveau de l'endartère, mais le vaisseau est complètement affaissé, le
calibre aplati d'avant en. arrière est réduit à une simple fente transver-
sale. Cet aplatissement plus ou moins complet existe dans toutes les
artères. Dans une des artères spinales postérieures du côté droit, la paroi
interne est très épaissie et le vaisseau a pris la forme d'un cordon cylin-
drique. La membrane élastique distendue est refoulée à la périphérie,
la lumière centrale est ponctiforme.
Les vaisseaux de petit calibre sont tous indistinctement intéressés,
épaissis ou oblitérés et sont souvent le point de départ d'une infiltration
embryonnaire excentrique peu étendue.
Dans la substance médullaire, les tractus partis de la pie-mère ne
sont pas d'une façon générale élargis, cependant à leur point de jonction
avec la méninge ils ont souvent la forme de coins qui ne se prolongent
pas bien loin dans la substance de la moelle. Ces tractus présentent
encore sur leur trajet des renflements qui correspondent à des vaisseaux
dont les parois sont toujours considérablement épaissies en comparaison
du calibre. Tantôt ces parois sont fibreuses, tantôt elles sont infiltrées de
noyaux qui envahissent même la lumière du vaisseau et se propagent
excentriquement dans le tissu nerveux voisin à une courte distance.
Ces amas embryonnaires sont d'ailleurs peu nombreux dans les coupes
de cette région et ils se trouvent ordinairement placés dans les régions
voisines de la pie-mère ; cependant il en existe aussi dans la substance
grise.
En dehors de ces amas embryonnaires périvasculaires il n'existe pas
d'augmentation du nombre des noyaux dans le reste de la coupe.
L'artère sulco-commissurable est perméable, mais les parois sont
épaissies et fibreuses.
Les modifications du tissu nerveux sont peu marquées dans cette
région. Les cellules des cornes antérieures ont une apparence normale,
les fibrilles nerveuses abondantes et bien ordonnées, excepté dans la
corne antérieure droite oii il existe un léger désordre. Les fibres de la
substance blanche possèdent toutes leur gaine de myéline à peu près
intacte; cependant, dans tous les points de la coupe, on trouve des cylin-
dres-axes hypertrophiés entourés d'une gaine de myéline gonflée. Ces
altérations sont d'ailleurs plus prononcées dans les zones périphériques.
Ajoutons que le tissu qui sépare les fibres est un peu gonflé et trouble:
les cellules araignées qui sont encore distinctes n'ont plus leur appa-
rence anguleuse ni leurs prolongements déliés ; elles forment sur les
coupes colorées par le carmin de petites taches rouges d'aspect trouble
— 277 —
à contours dififus avec de gros prolongements ondulés et courts. A part
les altérations vasculaires que nous avons signalées, les racines ner-
veuses ne présentent pas de modifications, le périnèvre n'est pas
épaissi ni infiltré de noyaux, les tubes nerveux sont intacts.
RÉGION CERVICALE. — Dans la région cervicale, la moelle présente
une conformation normale ; le tissu nerveux est sain. La pie-mère n'est
pas épaissie, mais les veines sont encore énormes et en grande partie
oblitérées. Les prolongements dos sillons antérieur et postérieur ne
sont pas élargis, mais présentent des renflements qui correspondent à la
coupe de vaisseaux.
Dans la région cervicale inférieure, deux grosses veines voisines de
l'artère spinale antérieure sont oblitérées, d'autres veines placées à
l'origine du septum postérieur sont dans le même état. Dans le voisi-
nage des racines, on trouve des veines semblables dont quelques-unes
présentent encore au centre une lumière en forme de fente. Le tissu
qui compose ces vaisseaux nous est déjà connu : une substance fonda-
mentale amorphe, hyaline ou trouble, semée de nombreux noyaux
arrondis ou fusiformes réfractaires à l'imprégnation par le carmin ou
l'hématoxyline, telle est son apparence habituelle. Une particularité
qui ressort de l'étude des coupes pratiquées dans cette région, c'est que
les veines sont le plus souvent libres, elles font saillie à la surface de
la pie-mère ou sont même complètement isolées dans l'espace sous-
arachnoïdien. Elles ne sont englobées par aucune infiltration embryon-
naire en sorte que le cordon veineux forme un tout compact dont
toutes les parties ont la même structure. Les quelques veines qui sont
enclavées entre les plans fibreux de la méninge se distinguent nettement
du tissu environnant, elles sont souvent entourées par une couronne de
cellules granuleuses logées dans la gaine lymphatique.
L'artère spinale antérieure est manifestement épaissie dans sa tunique
adventice, l'endartèrc est sain ; la lumière encore aplatie présente
cependant un certain calibre. Les artères spinales postérieures ont le
même aspect.
Le tissu nerveux (tubes et cellules) est sain, mais il existe encore une
exagération dans l'épaisseur des tractus qui séparent les groupes de
tubes nerveux. Aux points de rencontre de ces cloisons, on trouve géné-
ralement un petit vaisseau à garois très épaisses, fibreuses ou très
rarement infiltrées de noyaux, en sorte que l'épaississemcnt des cloi-
sons est toujours bien le fait d'une altération vasculaire. Les cellules
névrogliques de tout le parenchyme sont également gonflées. Enfin,
bien qu'il n'existe dans les cordons postérieurs aucune trace de dégéné-
ration secondaire ascendante des tubes nerveux, le tissu interstitiel
qui sépare les tubes est ici un peu plus gonflé, les cellules araignées
arrondies, en sorte que les préparations colorées par le carmin et vues
à un faible grossissement, présentent une teinte rose un peu plus intense
— 278 -
dans la partie moyeune des cordons de Goll et de Burdach. Il n'existe
d'ailleurs dans le parenchyme aucune trace d'inflammation diffuse, les
noyaux ne sont pas augmentés de nombre.
A la région cervicale supérieure les altérations des veines diminuent
d'intensité ; les veines sont moins grosses, elles ne sont pas toutes obli-
térées mais présentent toujours une paroi extrêmement épaissie compa-
rée, à la lumière centrale. Les artères sont plus ouvertes, la paroi est tou-
jours augmentée d'épaisseur, mais c'est surtout aux dépens de la tunique
adventice. De place en place, on trouve encore un épaississement localisé
de l'endartère qui fait une légère saillie dans la lumière du vaisseau.
Le parenchyme de la moelle est sain en général, à part quelques modi-
fications légères des petits vaisseaux.
Bulbe. — Dans cette région, les modifications du tissu nerveux sont
très peu marquées. Les éléments propres, cellules et tubes nerveux,
sont intacts. On trouve seulement dans l'épaisseur du parenchyme quel-
ques petits vaisseaux épaissis à parois fibreuses ou infiltrées de noyaux.
L'artère centrale voisine du canal central se montre dans toute la
hauteur du bulbe notablement épaissie et entourée en certains points
d'un exsudât colloïde.
La pie-mère ne présente aucune altération, les veines sont encore très
notablement modifiées surtout celles qui correspondent à la partie pos-
térieure ; néanmoins elles sont moins saillantes et la plupart ont encore
une lumière centrale. Deux ou trois grosses veines postérieures sont
oblitérées.
Les artères antérieures, postérieures et celles qui accompagnent les
racines sont toutes atteintes de périartérite fibreuse, quelques-unes
présentent au niveau de l'endartère des foyers d'infiltration qui font
saillie dans la lumière du vaisseau. Une artère logée dans le sillon inter-
pyramidal est le siège d'une endartérite régulièrement répartie qui
double l'épaisseur de la paroi du vaisseau.
Si maintenant, en partant du foyer principal d'altération de la moelle
placé au niveau de la quatrième racine dorsale, on examine des coupes
pratiquées dans des étages de plus en plus inférieurs, on constate la
même dégradation dans l'intensité des modifications.
Segment 7. {Cinquième racine dorsale.)
A ce niveau, la substance grise est encore déformée et l'ensemble de
la moelle gonflé.
Les vaisseaux de la pie-mère présentent les altérations que nous con-
naissons ; quant à la méninge elle-même, elle n'est toujours épaissie que
dans les points qui correspondent à ces vaisseaux. Le septum médian
antérieur est infiltré de noyaux ; Tartère spinale antérieure rejetée sur
— 279 —
le côté est complètement aplatie. Dans Tépaisseur du parenchyme de
la moelle, on trouve de petits foyers embryonnaires localisés exclusive-
ment autour des vaisseaux ; ces amas sont particulièrement développés
dans les régions périphériques de la moelle, ils se continuent souvent
avec la pie-mère, mais leur point de départ est toujours un vaisseau.
Dans la substance grise, on trouve quatre ou cinq gros vaisseaux dont
deux seulement sont encore perméables, très dilatés et remplis de
globules rouges.
Les éléments propres du tissu nerveux sont moins atteints que plus
haut, les cellules des cornes antérieures et des colonnes de Clarke occu-
pent leur place habituelle et sont presque normales, excepté dans le
prolongement antérieur de la corne droite où les cellules sont déplacées
FiG. 3. — Cas n" I.— Coupe au niveau de la cinquième "racine dorsale.
et très atrophiées. Les tubes nerveux sont encore notablement modifiés
surtout dans les parties périphériques de la moelle. On trouve comme plus
haut plusieurs groupes de cylindres-axes hypertrophiés.
Le tissu interstitiel est partout un peu gonflé et trouble.
Segment 8. {Sixième racine dorsale.) — La moelle reprend un aspect
à peu près normal ; la substance grise est bien conformée et bien
limitée, les éléments du tissu nerveux sont très peu modifiés, on trouve
cependant encore des cylindres-axes hypertrophiés disposés par fais-
ceaux.Dans la substance blanche, de nombreux petits vaisseaux sont enva-
his par une infiltration nucléaire. Les vaisseaux de la pie-mère sont tou-
jours modifiés du moins pour les veines et les vaisseaux de petit calibre.
Presque toutes les veines visibles sont très grosses et souvent oblité-
rées. Les artères de calibre sont presque saines et à partir de ce point
largement béantes et pleines de sang.
— 280 —
La pie-mère n'est pas épaissie, le septum médian antérieur délié
montre deux renflements produits par deux artères épaissies mais per-
méables.
Huitième racine dorsale. — L'aspect général de la moelle à ce
niveau est peu modifié, cependant la substance grise est un peu tassée
latéralement au niveau de la commissure, qui présente trois gros vais-
seaux à parois très épaisses.
Les altérations sont à peu près les mêmes qu'au niveau de la sixième
racine dorsale. Les veines do la pie-mère et celles de l'arachnoïde sont
encore très grosses et pour la plupart bouchées, celles qui accompagnent
les racines sont plus souvent perméables.
Les artères spinales antérieures et postérieures sont béantes mais
offrent presque toutes un léger degré d'endartérite régulièrement
répartie ; toutefois la périartérite fibreuse est dominante.
Dans l'épaisseur de la moelle, on trouve encore de nombreux petits
foyers embryonnaires périvasculaires, quelques-uns semblent occupés
au centre par une cellule géante. Cette apparence paraît due à une
modification de l'eudothélium vasculaire.
En effet, au milieu de l'amas embryonnaire, on trouve la lumière du
petit vaisseau souvent encore remplie par des globules rouges tandis
que les cellules endothéliales proliférées se placent perpendiculairement
à la paroi interne. Lorsque l'oblitération est complète, les globules rouges
peuvent disparaître, et les cellules endothéliales conservant leur orien-
tation donner lieu à une apparence de cellules géantes.
Les éléments nerveux du parenchyme de la moelle et des racines
sont régulièrement intacts. Le périmère des racines est intact.
Onzième racine dorsale. — Sur les coupes pratiquées dans le segment
de la moelle correspondant, on constate à peu près les mêmes altérations.
Les modifications des veines de la pie-mère sont encore très pronon-
cées, il existe un certain nombre de grosses veines oblitérées et mal
colorées dans l'espace sous-arachnoïdien. Les artères sont relativement
intactes. Les plus petits vaisseaux de la pie-mère et de la moelle sont
au contraire encore épaissis ou infiltrés de noyaux. Le parenchyme
nerveux est à peu près sain, on note cependant l'existence de quelques
cylindres-axes hypertrophiés dans les cordons latéraux.
Deuxième racine lombaire. — A ce niveau, les lésions des veines dimi-
nuent d'intensité, on ne trouve plus sur les coupes que quatre ou cinq
grosses veines complètement oblitérées; les autres, bien que très épais-
sies sont encore perméables. Ces veines sont souvent entourées d'une
couronne de cellules granuleuses brunes logées dans la gaine lympha-
tique.
L'artère spinale antérieure dédoublée présente des parois très
— 281 —
épaisses comparativement au calibre, mais l'endartère est peu modifié.
Les petits vaisseaux sont toujours très affectés, dans la pie-mère
comme dans la moelle.
Dans la portion terminale de la moelle, les altérations veineuses de la
méninge sont encore marquées, mais le parenchyme de la moelle est
pour ainsi dire sain, à part quelques petits foyers d'infiltration périvas-
culaire.
On voit en somme que, à mesure qu'on s'éloigne, en descendant, du
foyer de ramollissement, les lésions vasculaires et parenchymateuses
diminuent d'intensité beaucoup moins rapidement que dans les régions
supérieures de la moelle.
La nature des lésions que nous venons de décrire et leur évolution
peuvent se résumer en quelques mots.
L'altération la plus saillante est celle des vaisseaux, elle a certaine-
ment précédé celle du parenchyme nerveux, car d'abord elle est
répandue dans toute la hauteur de la moelle avec une intensité variable,
puis elle a les caractères d'une lésion ancienne, tandis que la dégé-
nérescence du tissu nerveux est localisée et évidemment très récente.
De plus, c'estjustement dans le segment médullaire où les altérations
vasculaires sont le plus prononcées que le parenchyme nerveux est
nécrosé.
La pie-mère, ainsi que nous l'avons souvent fait remarquer, n'est le
siège d'aucune inflammation propre ; c'est seulement dans les points
où se trouvent logés les vaisseaux que l'on rencontre une prolifération
nucléaire dont le point de départ est la paroi vasculaire. Si la méninge
paraît épaissie dans la région où la moelle est ramollie, elle doit cette
apparence à l'existence d'une épaisse couche de tissu colloïde ou gra-
nuleux mêlé de quelques cellules mal colorées qui s'est amassé tant
entre la moelle et la pie-mère que dans les interstices des plans fibreux
de cette dernière.
Il est assez difficile de préciser la nature exacte et le point de départ
de l'altération des vaisseaux. Pour les veines, le début paraît être
dans l'épaisseur même de la paroi, car, sur beaucoup de veines isolées
et encore perméables, toute la paroi est constituée régulièrement par
le même tissu; l'endothélium persiste intact, tandis que le contour
externe apparaît comme une ligne régulière sans prolifération sura-
joutée. Sur quelques veines où le processus est moins avancé, l'infil-
tration nucléaire est localisée entre les plans fibreux de la tunique
— 282 —
moyenne. La gaine lymphatique est perméable, et si elle contient des
éléments, ce ne sont pas des noyaux de même nature que ceux de la
paroi, mais des cellules granuleuses de résorption.
Dans les veines plus malades, la gaine lymphatique adhère au
vaisseau et disparaît; de son côté la membrane interne entre en
activité. De l'épaississement de la tunique moyenne, de la proliféra-
tion de l'endoveine et de la symphyse de la gaine lymphatique résulte
un cordon plein homogène. Ce cordon subit la transformation hyaline,
les noyaux deviennent granuleux et se désagrègent : ainsi se trouve
constitué le degré le plus prononcé de l'altération.
Les petits vaisseaux sont envahis d'emblée par la prolifération
nucléaire et bientôt oblitérés.
Pour les artères, le point de départ est manifestement dans la
tunique adventice ; l'endartérite semble secondaire, en tous cas elle
manque souvent ou est presque toujours beaucoup moins prononcée que
la périartérite. La tunique moyenne résiste longtemps, elle ne semble
participer à l'épaississement de la paroi que lorsque la périartérite
est déjà devenue fibreuse.
Les différentes modifications que nous avons décrites dans le foyer
médullaire, de même que l'évolution clinique de la maladie, pourraient
paraître se rapporter à un cas de myélite aiguë centrale diffuse.
Il existe en effet beaucoup de ressemblance entre notre observation
et les descriptions rapportées par différents auteurs sous le titre de
myélite aiguë. Doit-on dès lors attribuer à ces lésions une nature
inflammatoire ? Il faut avouer que dans ce cas l'inflammation se serait
manifestée avec des caractères bien particuliers, car elle aurait été
dégénérative d'emblée. En effet, le tissu interstitiel conjonctif et
névroglique ne présente pas trace de prolifération ni d'infdtration
nucléaire, il est au contraire manifestement dégénéré : les éléments
gonflés, diffus, prennent mal la coloration, ils sont granuleux et
comme frappés de nécrose. D'autre part, les éléments nerveux sont
atteints par le même processus, la désintégration granuleuse les
frappe tous en bloc dans un segment de la moelle, sans qu'on trouve
dans leur voisinage aucune cause immédiate de destruction ; ils ne
souffrent nullement de la prolifération du tissu interstitiel, puisqu'elle
n'existe pas.
Il nous paraît plus logique d'attribuer le rôle prépondérant aux
— 283 —
lésions vasculaires que nous avons constatées, et de regarder la lésion
médullaire comme un foyer de ramollissement d'origine ischémique.
Nous trouvons en effet dans les altérations vasculaires une raison
suiïisante d'anémie grave de la moelle. Les veines sont d'abord toutes
oblitérées, soit depuis un certain temps, soit par un caillot récent ;
d'autre part, si les grosses artères possèdent encore une lumière,
tous les petits vaisseaux, tant intraméningés qu'intramédullaires
sont altérés et môme souvent complètement bouchés. Si l'apport du
sang était encore possible dans les grands canaux afférents, les alté-
rations des petits vaisseaux et celles des veines atteignent le plus
haut degré, et peu importe que l'obstacle siège en amont ou en aval
s'il est suffisant pour provoquer un trouble important dans la circula-
tion. Quant à l'existence de voies de suppléance ou de dérivation, elle
était certainement très précaire, car dans les segments médullaires
adjacents, les altérations vasculaires étaient presque aussi pronon-
cées.
L'arrêt de la circulation dans une étendue importante du réseau
vasculaire de la moelle a donc produit l'anémie d'un segment de cet
organe. La persistance de quelques collatérales a déterminé l'œdème
très marqué et aussi l'extravasation sanguine que nous avons notés.
Le parenchyme nerveux présente d'autre part tous les signes de
la nécrose anémique, reproduisant les altérations décrites par les
auteurs qui ont répété l'expérience de Sténon, en déterminant par la
ligature de l'aorte chez les animaux le ramollissement ischémique de
la moelle.
Reste à prouver la nature syphilitique des lésions primitives. Nous
ne saurions établir notre critérium sur l'existence de l'infection syphi-
litique de date récente et, l'absence de toute autre cause étiologique
reconnue, nous croyons trouver un appui plus certain dans la con-
statation de nodules gommeux miliaires développés tant dans les
parois veineuses que dans le parenchyme médullaire autour des
petits vaisseaux. Les petits foyers de nécrose des parois vasculaires
et les cellules géantes sont aussi des lésions qu'on retrouve dans la
syphilis. Ces lésions, rencontrées chez un sujet syphilitique indemne
de tuberculose pulmonaire, peuvent être considérées comme spécifiques
de la syphilis.
Les lésions anatomiques que nous avons décrites et l'interprétation
— 284 —
précédente fournissent une explication satisfaisante aux symptômes
observés pendant la vie du malade.
Les altérations vasculaires de date ancienne déterminaient depuis
un certain temps des troubles circulatoires dans la moelle, et l'état de
souffrance de cet organe se traduisait par les symptômes prodro-
miques qui ont précédé l'attaque de paraplégie. Puis, la circulation
devenant tout à fait insuffisante à un moment donné, il en est résulté
un foyer de ramollissement médullaire et une attaque de paraplégie.
Cette rupture d'équilibre dans le réseau circulatoire de la moelle
n'a pas été sans retentir sur toute l'étendue de l'organe, d'autant que
nous avons noté partout des lésions vasculaires importantes, en parti-
culier dans la région du bulbe. Cette circonstance explique la gravité
et l'évolution rapide de l'affection, la perte de connaissance, les
troubles respiratoires et l'asphyxie terminale. On doit d'ailleurs cher-
cher dans l'intégrité relative des régions inférieures de la moelle la
cause de la persistance des réflexes dans les membres inférieurs.
L'intensité de la lésion en foyer et la destruction complète de la
substance grise avaient supprimé les voies de conduction de la sensi-
bilité.
Enfin, la mort étant survenue à bref délai, la dégénérescence
secondaire ascendante ou descendante ne s'est pas manifestée.
Cas n° II. — Observation 109 (personnelle). — L'histoire clinique et
les pièces anatomiques nous ont été communiquées par M. Lance-
REAUX.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Femme. En 1885, à 26 ans, chancre et accidents
secondaires. 1890, carie costale et abcès. Janvier 1892, accidents
cérébraux passagers qui cèdent au traitement . Novembre 1892,
nouveaux accidents cérébraux, puis paraplégie brusque, douleurs
dans les lombes et dans les jambes, troubles des sphincters.
État. 12 janvier 1893. — Paraplégie presque absolue, réflexes con-
servés, diminution delà sensibilité jusqu'à l'ombilic, paresthésies
dans les jambes, paralysie des sphincters, lésions de décubitus.
Aggravation progressive des symptômes , marasme ; mort le
18 avril 1893, cinq mois environ après l'attaque de paraplégie.
Autopsie. — Pas de lésions macroscopiques du cerveau. Artères de la
base et de l'isthme noueuses et épaissies. Canal rachidien et dure-
mère intacts. Arachnoïde et pie-mère louches. Ramollissement très
étendu de la moelle.
— 285
Examen microscopique. — Méningite et altérations vasculaires consi-
dérables, nécrose périphérique delà moelle dans les régions cervi-
cale et dorsale avec infiltrations gommeuses localisées et périvascu-
laires. Destruction partielle de la substance grise. Dégénérescence
secondaire ascendante et descendante. Altérations très prononcées
des racines.
Histoire clinique. — Berthe Guibillon, femme célibataire, âgée de
34 ans, entrée le 12 janvier 1893 salle Sainte-Martine, lit n» 5, dans le
service de M. Lancereaux à l'Hôtel-Dieu.
Antécédents héréditaires. — Le père, âgé de 75 ans, est d'une santé
médiocre ; la mère, âgée de 57 ans, est bien portante. Trois frères
sains.
Antécédents personnels. — Rien de saillant dans l'enfance, pas
d'épistaxis, pas de migraines, pas de rhumatismes.
Les menstrues apparaissent à l'âge de 14 ans, irrégulières depuis
l'âge de 25 ans. Pas de grossesse, pas de fausse couche.
M. le D'' Marey, qui a soigné la malade avant son entrée à l'hôpital,
nous donne les renseignements complémentaires suivants.
En 1885, à l'âge de 26 ans, la malade a contracté la syphilis : chancre,
roséole et plaques muqueuses.
Dans l'hiver de 1889, elle souffrit d'une poussée de bronchite.
La prédominance des signes physiques aux sommets des poumons
et l'amaigrissement firent considérer ces symptômes comme les mani-
festations d'une tuberculose pulmonaire.
A l'été de 1890, abcès froid costal au voisinage de la poignée du ster-
num. Cet abcès fut traité par l'incision et le raclage, il guérit en lais-
sant une cicatrice déprimée.
Pendant l'hiver de 1890-1891, nouvelle poussée de bronchite.
Chute des cheveux depuis trois ou quatre mois.
Maladie actuelle ; commémoratifs. — Au mois de janvier 1892, la
malade présenta des symptômes cérébraux : céphalalgie, vomissements,
paralysie oculaire, qui cédèrent par un traitement spécifique : iodure
de potassium à l'intérieur et frictions mercurielles.
En novembre 1892, les accidents cérébraux reparurent : céphalalgie,
vertige ; en même temps la malade éprouvait de la lassitude et de l'en-
gourdissement dans les jambes. Cet état durait depuis plusieurs jours,
lorsqu'un matin, en voulant se lever, la malade constate qu'il lui est
impossible d'y arriver, ses membres inférieurs sont paralysés.
Or, précisément la veille, la malade n'avait éprouvé aucun malaise
général marqué, n'avait ressenti aucune douleur et s'était mise au lit
comme d'habitude.
En même temps que la paraplégie, il existait une paralysie de la
vessie et du sphincter anal, la malade se plaignait de douleurs dans la
région lombaire, à l'épigastre et dans les jambes. L'état général était
— 286 —
également atteint, l'appétit avait disparu, les aliments étaient vomis.
Faiblesse extrême, tendance à l'assoupissement.
Etat actuel, 12 janvier 1893 (34 ans). — La malade est étendue sur le
dos, assez abattue ; depuis son attaque de paraplégie, elle ne s'est pas
relevée.
Les membres inférieurs sont presque complètement paralysés, ils
présentent encore quelques mouvements, mais les talons ne peuvent
être soulevés au-dessus du plan du lit. Les réflexes rotuliens sont
conservés.
La sensibilité objective est diminuée dans la partie inférieure du corps
jusqu'à l'ombilic, de même que la perception de la température des
objets froids. Le réiiexe cutané est exagéré. La maladj se plaint de
fourmillements et d'engourdissement'dans les jambes.
Incontinence des urines et des matières fécales.
Escarre dans la région sacrée.
Les membres supérieurs sont sains.
Le 14. L'état général se relève un peu, l'appétit est revenu ; traite-
ment: 1 gr. 50 d'iodure de potassium.
Le 16. Sommeil assez bon ; fourmillements dans les jambes. Erup-
tion prurigineuse à la région supéro-interne des cuisses; la peau en cet
endroit est marbrée, violacée, desquamée par places. Cet état est dû à
l'irritation locale produite par l'écoulement continuel des urines.
Incontinence des matières fécales.
Le 17. On retire, au moyen de la sonde, une centaine de grammes
d'urine trouble, chargée de matières granuleuses, blanchâtres, et assez
riche en albumine.
Le 19. La malade sent toujours ses jambes engourdies ; la paralysie
a fait des progrès, les jambes sont presque sans mouvements, les pieds
reposent sur le côté dans une position indifférente, et la malade est
incapable de les retourner sur l'autre côté.
Le 20, La malade se plaint d'avoir ressenti pendant la nuit d'assez
vives douleurs dans la jambe gauche, surtout au niveau du genou.
Pendant le cours du mois de février, l'état est sensiblement le même,
il existe encore de temps à autre des sensations pénibles dans les jam-
bes, avec un sentiment persistant d'engourdissement. La paraplégie est
absolue; les sphincters sont toujours insuffisants, l'escarre sacrée fait
des progrès. La malade cependant prend 3 gr. d'iodure de potassium
par jour.
Du 2 au 6 avril, la malade se plaint d'oppression et d'un léger point
de côté à gauche, mais sans frisson. La température pendant ces quel-
ques jours atteint le soir 380,5 ou 39"; il y a un peu de toux, mais les
signes physiques sont nuls, à part quelques râles de congestion aux
deux bases des poumons en arrière. L'auscultation des sommets ne
révèle rien. A partir du 5 avril, la température retombe un peu au-des-
sous de la normale.
— 287 —
Le 14. La fièvre reprend, et la température atteint le soir 380,5. Elle
oscille entre 38°, 5 et 39°, 5 les jours suivants. État général grave ; lan-
gue saburrale, trémulente, anorexie ; vomissements bilieux. Urines
troubles et ammoniacales. État comateux, mort dans la nuit du 18 au
19, cinq mois environ après l'attaque de paraplégie.
Autopsie. — Organes thoraco-abdominaux. Les différents viscères
ne présentent pas de lésions bien remarquables.
Le cœur esl normal.
Pour les poumons, le protocole d'autopsie n'indique pas d'altérations
macroscopiques importantes; ces organes sont petits et pèsent ensemble
650 gr. Légère périhépatite avec adhérences de la surface convexe du
diaphragme. A la coupe de l'organe, pas de gommes ni de cicatrices.
Les reins sont volumineux, congestionnés et la vessie contient un peu
de pus.
Fragilité des côtes, mais pas de lésions saillantes dans les différentes
parties du squelette, sauf la cicatrice ostéo-fibreuse costo-sternale au
niveau de laquelle la peau était adhérente. Les grosses artères, l'aorte
en particulier, sont saines.
Centres nerveux. — Calotte crânienne mince et peu résistante, pas
d'exostose à la base du crâne. Dure-mère intacte; pie-mère également;
cette membrane se détache facilement des circonvolutions.
Les artères de la base et de l'isthme, surtout au voisinage de la pro-
tubérance, présentent quelques renflements noueux. La substance céré-
brale corticale et profonde, les noyaux gris centraux, sont intacts.
Les parois du canal rachidien ne présentent aucune exostose ni
aucune anomalie. La dure-mère rachidienne est lisse et souple sans
productions ni adhérences pathologiques. L'arachnoïde est fine, déli-
cate, mais d'apparence un peu laiteuse. La pie-mère est congestionnée,
sans épaississement marqué ou du moins appréciable à l'œil nu.
Le cordon médullaire est remarquablement mollasse. Sur la coupe
de tous les étages de la moelle, et surtout dans le segment dorsal, la
substance nerveuse présente une coloration diffuse. Il existe une teinte
gris rosé particulièrement répandue à la périphérie.
La substance grise est rougeâtre, effondrée au niveau des cornes
antérieures qui forment deux dépressions sur la coupe, principalement
dans la région dorsale.
Examen microscopique de fragments de moelle par dissociation après
macération dans le liquide de Millier pendant trois semaines.
Après une vingtaine de jours d'imprégnation par le liquide de Miiller,
la partie dorsale de la moelle est encore très molle. De petits frag-
ments prélevés dans les différentes parties de la substance blanche et
— ?88 —
de la substance grise, dissociés et colorés par le picro-carmin, montrent
sous le microscope les altérations suivantes.
Il existe dans les préparations un assez grand nombre de corps gra-
nuleux, mais ces éléments ne sont pas excessivement nombreux. Le
fond du champ du microscope est surtout formé par une substance
grenue, d'apparence albumineuse et colorée en rose. Cette substance
entoure tous les éléments figurés qui sont représentés par des fragments
de cyjindres-axes hypertrophiés, des boules de myéline à double contour,
des tubes variqueux. Les cellules névrogliques sont gonflées, granu-
leuses, pauvres en prolongements qui sont épais, irréguliers et courts.
On trouve aussi des cellules granuleuses irrégulières, nucléées et des
noyaux arrondis entourés d'une mince couche protoplasmique.
Les cellules nerveuses des cornes antérieures sont les unes volumi-
neuses à contours diiïus, creusées de vacuoles ou sillonnées de cra-
quelures; les autres arrondies, granuleuses, privées de prolongements,
présentant enfin tous les aspects de la dégénération.
De nombreux filaments de névroglie, irréguliers, frisés et enche-
vêtrés, forment des groupes englobés dans la substance granuleuse
diffuse.
Les petits capillaires apparaissent gorgés de globules sanguins, avec
une gaine lymphatique énorme, bourrée de cellules lymphoïdes qui
effacent quelquefois complètement la lumière centrale et forment des
nodules particulièrement développés aux poinls de bifurcation.
Examen microscopique de la ynoelle après durcissement complet sur
des coupes sériées de segments prélevés dans les différents étages de
la moelle et inclus dans le collodion.
Examen des coupes à un faible grossissemeiit. (Obj. a var. Zeiss ;
oc. 1). Coloration par les méthodes de Weigert et de Pal.
L'emploi d'un objectif faible, qui permet d'encadrer la coupe tout
entière dans le champ du microscope, fournit des renseignements suffi-
sants sur la distribution des parties dégénérées on la myéline a disparu,
et laisse apprécier dans une certaine mesure les lésions grossières des
méninges, des vaisseaux volumineux et des racines. Nous décrirons
d'abord l'aspect d'ensemble des différentes coupes, quitte à revenir
sur la nature intime des lésions, en faisant usage d'un plus fort gros-
sissement.
Isthme de l^encéphale et bulbe. — Les coupes intéressant l'isthme
de l'encéphale et le bulbe à différentes hauteurs ne présentent aucune
décoloration de la substance nerveuse, aucune tache de dégénères-
— 289 —
cence irrégulière ou systématique. Les différents faisceaux se présen-
tent avec l'aspect qu'ils ont dans les coupes d'un bulbe sain colorées
parles mêmes méthodes. On trouve seulement dans la substance ner-
veuse quelques rares gros vaisseaux à parois épaissies, mais ces
lésions très restreintes n'ont pas suffi à produire des troubles circula-
toires suivis d'altérations dans le parenchyme nerveux.
La pie-m're est régulièrement mince, cependant on trouve quelques
épaississements localisés qui semblent correspondre à la coupe de
vaisseaux. En particulier, sur les coupes qui passent par le tiers supé-
rieur de Tolive, on note du côté gauche, au niveau de l'olive même, la
présence de deux ou trois nodosités volumineuses développées mani-
FiG. 4. — Cas n° II. — Coupe au niveau de la troisième racine cervicale.
(Méthode de Pal.)
festement autour de vaisseaux importants. En effet, même à un'faible
grossissement, on aperçoit au centre de i;es nodules la lumière déformée
et presque oblitérée du vaisseau central.
On reconnaît de plus, sur la surface du plancher du quatrième ventricule,
l'existence d'une couche assez épaisse formée d'un tissu clair, peu dense,
mais bien limité et manifestement organisé.
Enfin, au voisinage du bulbe, on trouve plusieurs vaisseaux qui ont
été englobés par l'inclusion au coUodiou. Ces vaisseaux ont des parois
très épaisses, la lumière est très petite et souvent obstruée.
RÉGION CEBviCALE. — Ce n'est qu'à partir du collet du bulbe qu'on
trouve des lésions appréciables à ce grossissement dans le parenchyme
médullaire.
Les coupes qui correspondent aux cinq premières racines cervicales
(flg. 4) montrent une décoloration du tissu nerveux dans toute la zone
marginale de la moelle. Cette décoloration est complète dans la partie
tout à fait périphérique et diminue peu à peu d'intensité à mesure qu'on
se rapproche du centre de la moelle.
S. 19
— 290 —
De plus, dans le cordon postérieur, les parties postérieures et laté-
rales du cordon de Goll ont subi un certain degré de dégénérescence.
Il existe aussi une tache allongée d'avant en arrière, peu marquée,
à bords diffus, et à peu près symétrique dans la partie moyenne de
chacun des cordons de Burdach.
Ces parties décolorées du cordon postérieur ne sont pas exactement
limitées, elles s'accusent plutôt par une diminution de teinte indiquant
la disparition d'une partie seulement des tubes nerveux.
La partie postérieure et marginale seule du cordon de Goll est fran-
chement décolorée. A la hauteur de la cinquième racine cervicale, cette
zone de sclérose prend la forme d'un coin triangulaire à base périphé-
rique, qui intéresse symétriquement la partie postéro-interne des deux
cordons de Goll et s'avance dans le parenchyme sur une étendue qui
correspond au quart postérieur de la longueur du septum médian.
A la hauteur de la sixième racine cervicale (fig. 5), la distribution
Fig. 5. — Cas n° II. — Coupe au niveau de la sixième racine cervicale.
générale des taches de sclérose est la même. Dans le cordon antérieur
druit, il existe un triangle de dégénération intense dont la pointe élargie
arrive au contact de la corne antérieure.
Au-dessous de la sixième racine cervicale, la dégénération marginale
s'étend un peu en profondeur, mais d'une façon assez irrégulière, sur
tout le pourtour de la moelle. Elle forme des pointes qui s'avancent
surtout dans le cordon latéral et le cordon postérieur.
A la hauteur de la huitième racine cervicale (fig. 6), il existe une
bande de sclérose prononcée qui part de la périphérie du cordon
antérieur droit et se prolonge jusqu'au sommet de la corne antérieure.
Du côté gauche, une tache plus large occupe la même situation, mais
ne se propage pas jusqu'à la substance grise.
Dans la région cervicale inférieure, les modiflcations des parties
-*291 -
profondes du cordon de Goll et du cordon de Burdach sont les mêmes
que plus haut.
Les méninges, dans toute la partie supérieure de l'axe spinal, sont
peu épaissies.
L'arachnoïde est fine et liijre d'adhérences d'une façon générale
cependant en quelques points elle est réunie à la pie-inère et aux
racines par des tractus assez larges, ou adhère même directement à
ces parties. La pie-mère est certainement un peu plus épaisse que
normalement, mais cet épaississement est très faible et régulièrement
réparti, il augmente visiblement dans la partie inférieure de la région
cervicale. On note aussi quelques épaississemeats localisés surtout dans
les régions où existent de gros vaisseaux, par exemple, à la partie pos-
térieure, au niveau des cinquième et huitième racines cervicales. De
FiG. 6. — Cas n° II. — Coupe au niveau de la huitième racine cervicale.
même, l'origine du septum médian antérieur est ordinairement marquée
par une nodosité qui englobe les vaisseaux spinaux antérieurs.
La méninge n'adhère pas d'une façon exagérée au parenchyme ner-
veux sous-jacent, elle en est même le plus souvent détachée. Devenue
trop lâche par suite de la rétraction du tissu médullaire sous l'action du
liquide durcissant, elle en est séparée par un intervalle assez considé-
rable et présente de nombreux plis.
Les cordons radiculaires compris dans les coupes précédentes ne sont
pas régulièrement colorés. A côté de cordons bien teintés, il en existe
d'autres où la myéline a presque complètement disparu. Dans d'autres,
de nombreuses fibres nerveuses sont certainement dégénérées.
Cette altération ne suit pas une progression régulièrement croissante
de haut en bas, cependant elle est plus intense dans la région cervicale
inférieure.
Disons en passant que ces altérations radiculaires ont certainement
— 292 —
eu une influence sur le développement de la dégénération centrale des
cordons postérieurs de la moelle. Dans les différentes coupes étudiées
précédemment, on trouve souvent d'ailleurs, au niveau de la corne
postérieure, une disparition plus ou moins complète des fibres radicu-
laires postérieures.
RÉGION DORSALE. — Dans toute la hauteur du segment dorsal, les
altérations des méninges et de la moelle sont plus prononcées.
Les zones de dégénération de la moelle conservent leur caractère de
diffusion. Elles sont toutefois d'une façon générale surtout disposées
à la périphérie, qui est intéressée dans toute son étendue.
Au niveau des quatre premières racines dorsales (flg. 7), la zone de
FiG. 7. — Cas no II. — Coupe au niveau de la quatrième racine dorsale.
dégénération périphérique, dont la limite intérieure est diffuse, pousse
des prolongements dans la profondeur, notammaut au niveau du cordon
antérieur gauche jusqu'à la corne correspondante, et dans les cordons
latéraux vers la région du faisceau pyramidal.
A la hauteur de la sixième racine dorsale (fig. 8), la dégénération
redevient presque exclusivement périphérique, mais sur une grande
largeur.
- Puis plus bas, elle présente de nouveaux prolongements. Une bande
de sclérose antéro-postérieure occupe le cordon antérieur droit jusqu'à
la corne correspondante, à la hauteur de la huitième racine dorsale
(fig. 9), et, sur cette même coupe, la partie profonde des cordons laté-
raux est assez intéressée. La dégénération des cordons latéraux
augmente d'ailleurs d'importance dans les parties inférieures de la
région dorsale et tend de plus en plus à se fixer dans le territoire du
faisceau pyramidal.
A la hauteur de la onzième racine dorsale (fig. 10), on trouve trois
— 293 —
triangles où la décoloration du tissu est complète. Ces trois triangles
ont leur base à la périphérie et s'enfoncent respectivement : le premier,
dans le cordon antérieur droit jusqu'à la substance grise ; le deuxième,
très large, dans le cordon latéral gauche jusqu'au col de la corne posté-
.— Cas no II. — Coupe au niveau
de la sixième racine dorsale.
Fia. 9. — Cas n° II. — Coupe au niveau
de la huitième racine dorsale.
rieure et le troisième dans le cordon postérieur gauche, au niveau du
septum intermédiaire jusque vers le milieu de la hauteur du cordon.
Dans tout le segment dorsal, indépendamment de ces bandes impor-
FiG. 10. — Cas n° II. — Coupe au niveau de la onzième_racine dorsale.
tantes de sclérose dirigées vers le centre ^de la moelle, il existe"! une
foule de petits prolongements courts et de forme variable qui donnent
au contour de la substance centrale relativement saine un aspect irré-
gulier et déchiqueté.
Outre ces taches plus ou moins dépendantes de la zone dégénérée
marginale, et caractérisées par leur irrégularité et la disparition presque
— 294 —
complète des tubes nerveux à leur niveau, on trouve dans le cordon
postérieur, sur toute la hauteur du segmenfdorsal, des zones où la
dégénération est beaucoup moins accentuée. Ces taches, bien qu'assez
diffuses dans leur contour, occupent une situation qui indique une cer-
taine systématisation. Ainsi on trouve sur les parties latérales des
cordons de Goll deux bandes décolorées antéro-postérieures qui se
réunissent en pointe en avant sans atteindre la commissure grise. Cette
dégénération partielle, systématique, de nature évidemment secon-
daire et qu'on retrouve aussi dans la région cervicale, semble diminuer
d'intensité dans les parties inférieures de la région dorsale.
Tout au contraire, à mesure qu'on descend, les altérations du cordon
de Burdacli augmentent d'intensité. Depuis le haut de la région ce.vi-
cale, on trouve en effet une diniinution de teinte dans la partie moyenne
de ce cordon et cette décoloration s'accentue dans la région dorsale.
Elle n'occupe d'ailleurs pas constamment la même situation. A certains
étages, elle se rapproche de la corne postérieure pour occuper la
zone dite de la « bandelette radiculaire externe ». Quelquefois même,
dans le cordon de Burdach, on trouve une tache accolée à la corne pos-
térieure et une autre tache contiguëau septum intermédiaire en dehors
du cordon de Goll, ces deux taches étant séparées par une petite bande
de tissu moins dégénéré. C'est ce qu'on observe par exemple au niveau des
huitième (fig. 9) et neuvième dorsales. Ces taches peuventêtre considérées
comme des faisceaux radiculaires ascendants dégénérés secondairement
à l'altération des racines postérieures correspondantes, et séparés parun
faisceau radiculaire sain répondant à une ou plusieurs racines inter-
médiaires intactes.
La substance grise, dans toute l'étendue du segment dorsal, paraît
avoir perdu un grand nombre de ses fibrilles nerveuses, car elle est
fortement décolorée. La colonne de Clarke est très pâle et à peine dis-
tincte du tissu voisin de la corne postérieure. Les fibres radiculaires
sont très rares dans les cornes postérieures, ce qui est bien en rapport
avec les altérations accentuées qui existent dans les racines postérieures
et que nous indiquerons plus loin.
Méninges. ■ — L'arachnoïde et la pie-mère sont manifestement
altérées.
L'arachnoïde présente en certains points des épaississements qui
adhèrent à la pie-mère et aux racines et sont surtout répandus dans
les régions postérieures, notamment dans la partie dorsale moyenne.
La pie-mère, augmentée d'épaisseur dans toute son étendue, présente
des renflements surtout à l'origine du sillon médian antérieur et dans
les parties postéro-latérales, précisément dans les régions les plus
vasculaires.
A la hauteur de la sixième racine dorsale, dans la partie postérieure,
pie-mère et arachnoïde unies forment avec les racines et les vaisseaux
englobés une épaississement assez marqué (fig. 8).
— 295 —
Au faible grossissement, on note déjà l'épaississement et l'oblitéra-
tion de gros vaisseaux englobés dans la pie-mère ou libres dans la cavité
sous-arachnoïdienne.
11 est remarquable que la pie-mère est, ici aussi, généralement détachée
du tissu médullaire sous-jacent. Dans les points où il y a contact, il ne
semble pas exister d'adhérence intime ni de continuité de tissu entre
la pie-raère épaissie et la moelle sous-jacente.
Racines. — Les cordons radiculaires sont profondément altérés dans
toute la région dorsale; certains faisceaux sont complètement décolorés,
d'autres en partie seulement. Mais les racines sont généralement libres
d'adhérences ; ce n'est qu'à la hauteur de la sixième racine dorsale qu'on
trouve un certain nombre de cordons des racines postérieurs englobés
par l'épaississement méningé.
La distribution de ces altérations radiculaires est assez irrégulière ;
on trouve ainsi au milieu de faisceaux très atteints des cordons presque
intacts. La dégénération intéresse indistinctement les racines anté-
rieures et les racines postérieures.
RÉGION LOMBAIRE. — Dès la partie supérieure de la région lombaire,
la zone périphérique de dégénération diffuse disparaît.
Au niveau de la première racine lombaire (fig. 11), la sclérose est
FlG. 11. — Cas n° II. — Coupe au niveau de la première racine lombaire.
limitée aux faisceaux pyramidaux latéraux et à une petite zone margi-
nale située dans l'angle antéro-interne du cordon antérieur de chaque
côté. On note encore à cet étage une diminution de teinte dans la ban-
delette radiculaire externe du côté droit. La forme et la situation de
cette tache semblent indiquer une dégénération secondaire à la destruc-
tion d'une racine postérieure.
Plus bas, l'aspect des coupes de la moelle est normal, sauf la dégéné-
ration descendante limitée au faisceau pyramidal et formant un triangle
- 296 —
de plus en plus exigu placé à la périphérie de la partie postérieure du
cordon latéral.
La substance grise reprend son aspect général normal, le reticulura
de la colonne de Clarke est bien développé au niveau de la première
lombaire. A partir de ce point, les faisceaux radiculaires attenant à la
corne postérieure sont bien formés.
Les méninges présentent un épaississement plus modéré, notamment
à l'origine du sillon médian antérieur. L^araclinoïde offre cependant
encore quelques nodosités dans la partie postérieure.
La pie-mère s'applique mieux sur le contour de la moelle, dont le
parenchyme moins altéré n'a pas subi de rétraction. Quant aux racines,
bien que beaucoup moins décolorées qu'au niveau du segment dorsal,
elles présentent encore des altérations appréciables à un faible grossis-
sement dans la partie supérieure de la région lombaire. Au niveau des
racines sacrées même, on trouve encore quelques faisceaux décolorés.
Examen des différentes parties du tissu à un fort grossissement
(Obj. 4, 7 Leitz, F. Zeiss; oc. 1, 3). Doubles colorations.
Les altérations ont une intensité variable suivant la région considérée;
elles sont, d'une façon générale, plus prononcées dans toute la région
dorsale. Elles varient aussi de nature dans un même segment considéré.
RÉGION BULBAIRE. — Altérations vusculaires et méningées. — Au
niveau du bulbe, les modifications portent exclusivement sur les vais-
seaux et sur le tissu des méninges.
Les troncs de l'artère basilaire et des vertébrales, avec leurs branches,
ont été inclus dans le collodion et étudiés par de nombreuses coupes
(flg. 12).
Les altérations de ces vaisseaux sont très prononcées. L'endartérite
est dominante et atteint les troncs et les branches. Dans les troncs, elle
rétrécit considérablement la lumière et détermine une oblitération quel-
quefois complète dans les petites branches.
On trouve aussi une infiltration de la tunique adventice, infiltration
qui est quelquefois très légère, mais peut aussi devenir prépondérante.
Sur la coupe d'un gros vaisseau, nous avons noté une péri-artérite très
intense, avec un épaississement très peu marqué de la tunique interne.
L'épaississsement de la tunique interne est assez souvent inégal, don-
nant à la lumière et au vaisseau tout entier un contour irrégulier. Il est
constitué par un tissu fibrillaire strié concentriquement, semé de nom-
breuses cellules plates, d'apparence fusiforme sur la coupe. Les assises
de fibrilles ondulées et de cellules plates s'étagent régulièrement, ces
dernières sont logées dans des fentes losangiques ménagées entre les
plans de fibrilles.
— 297 —
L'endothélium est généralement normal dans les gros troncs, il
occupe sa place ou bien forme une petite chaîne séparée de la paroi et
accolée à un amas de globules rouges contenus dans la lumière du
vaisseau. Dans les petites branchas où l'oblitération est presque com-
plète, les cellules endothéliales sont souvent multipliées et tendent à
pénétrer dans la lumière du vaisseau. L'oblitération complète n'atteint
qu'un petit nombre des plus fines artérioles.
La membrane élastique est généralement conservée sur les gros
troncs ; elle garde en partie son ondulation, mais cette disposition est
quelquefois presque effacée. La destruction d'une partie de cette mem-
brane n'existe guère que sur les toutes petites artères ; cependant dans
les coupes de l'artère basilaire ou des vertébrales on voit en certains
FiG. 12. — Cas no II. — Troncs et branches des artères vertébrales et basilaire. —
Endartérite.
points une sorte de perforation de la membrane élastique qui paraît
comme percée à l'emporte-pièce et une union du tissu de l'endartère
avec celui de la membrane moyenne, linfin, en un point, la membrane
élastique est décollée de la musculaire par une légère infiltration
sanguine.
La tunique musculaire est le plus souvent respectée; dans les gros
troncs, elle forme alors une bande d'épaisseur régulière qui épouse
la forme générale du vaisseau et suit les déformations imposées par
l'épaississement inégal de l'endartère. Eu quelques points cependant,
les fibres musculaires sont dissociées par une infiltration cellulaire qui
— 298 —
se propage de !a tunique adventice ; d'autres fois, c'est l'infiltration de
l'endartère qui, à travers une perforation de la membrane élastique, se
propage dans l'épaisseur de la tunique musculaire.
Dans les petits vaisseaux, !a tunique moyenne est plus communément
altérée, elle participe assez généralement à l'infiltration de la tunique
adventice.
L'inflammation de la tunique adventice se traduit par une infiltration
embryonnaire surtout développée autour des vasa-vasorum dilatés et
par une certaine augmentation du stroma fibreux, altérations qui
déterminent une augmentation notable dans l'épaisseur de cette mem-
brane. En certains points, les vasa-vasorum sont si nombreux et si
dilatés qu'ils se touchent presque et prennent l'aspect d'un petit foyer
hémorrhagique. On ne trouve pas de vasa-vasorum dilatés dans la
tuni'iue musculaire, mais il existe quelques capillaires élargis en dedans
de la membrane élastique et appliqués sur cette membrane.
La pie-mère, dans la région bulbaire, n'est pas épaissie en général,
mais présente une infiltration modérée de cellules embryonnaires qui
se localise manifestement au pourtour des vaisseaux. Toutefois l'infil-
tration s'insinue également entre les plans fibreux de la membrane et
forme des traînées qui réunissent les foyers périvasculaires.
Les vaisseaux de la pie-mère et ceux qui sont libres au voisinage du
bulbe ont des parois très altérées, mais la lumière du vaisseau est pres-
que toujours suffisante.
Pour les artères c'est d'une péri-endartérite qu'il s'agit; dans les veines,
les modifications sont beaucoup plus prononcées ; la paroi tout entière
est intéressée et plusieurs veines sont complètement oblitérées.
En un point que nous avons déjà signalé, à la hauteurde l'olive gauche,
il existe une infiltration gommeuse énorme autour de deux ou trois gros
vaisseaux qui paraissent être des veines. Il en résulte la formation de
deux ou trois gros nodules agglomérés dont la périphérie est infitrée de
cellules très nombreuses, vivaces et bien colorées, et qui font saillie à
la surface externe de la pie-mère. La lumière du vaisseau déformée et
aplatie est le plus souvent excentrique. Dans un des nodules (pl. II, fig. 1)
elle a la forme d'un croissant à concavité tournée du côté de la méninge.
De ce côté, le tissu gommeux beaucoup plus épais a subi la dégénéres-
cence caséeuse centrale; il prend par le carmin une teinte ocreuse, et
l'hématoxyline n'y colore que quelques très rares éléments cellulaires.
Les parties les plus profondes de la paroi veineuse ont elles-mêmes
subi cette dégénérescence et bien qu'elles aient conservé en partie leur
apparence fibrillaire, elles ne se colorent plus par l'hématoxyline. La
lumière du vaisseau vide de sang est réduite à une fente; on n'y trouve
accolée à la paroi qu'une couche de matière granuleuse sans structure
où persistent seulement les vestiges de quelques éléments cellulaires
granuleux. Du côté externe, ce nodule gommeux périvasculaire est
— 299 —
nettement limité. Du côté interne, il envahit la pie-mère dont on recon-
naît cependant le stroma fibreux et pénètre jusque dans la substance
nerveuse. Il arrive jusqu'au cuntact de la substance grise de l'olive
qu'il ne dépasse pas.
Sur le plancher du quatrième ventricule existe une couche de tissu
néoformé assez épaisse qui donne à la surface ventriculaire un aspect
irrégulier et comble le sillon médian. Ce tissu est constitué par des
nodosités de fibrilles névrogliques serrées et recouvertes par des cel-
lules épenilymaires multipliées (granulations épendy maires). Jetée
comme un voile par-dessus ces saillies, existe une couche lâche formée
par des fibrilles très ténues.
Le ■parenchyme neroeux dans la région bulbaire n'a subi aucune
modification importante ; quelques vaisseaux seulement ont des parois
épaissies et infiltrées, et sont entourés d'une couche de substance gra-
nuleuse logée dans la gaine lymphatique,
RÉGION CERVICALE. — Vaisseauxet méninges. — Les altérations vascu-
laires deviennent plus prononcées à mesure que l'on considère des
régions plus inférieures du segment cervical. L'intensité de Tinfiltration
et de l'épaississemeut de la pie-mère suit la même progression.
L'artère spinale antérieure commence à présenter un épaississement
important de ses parois à partir de la région cervicale moyenne.
A la hauteur des sixième et septième racines cervicales, l'endartère
est déjà très infiltré, la lumière reste cependant assez large. La tunique
adventice fibreuse et chargée de cellules embryonnaires est confondue
dans une partie de son contour avec le tissu de la méninge. Il est
d'ailleurs remarquable que l'épaississement méningé est peu prononcé
en ce point. La couche musculaire et la membrane élastique sont
envahies et détruites sur une partie du contour du vaisseau (pl. II, fig. 3).
Les veines correspondantes présentent une infiltration totale de leurs
parois, mais restent généralement béantes. Les autres vaisseaux de la
périphérie de la moelle sont également intéressés, ils constituent même
les points de départ les plus importants de l'infiltration méningée. De
nombreux vaisseaux libres, logés dans la cavité sous-arachnoïdieu ne,
présentent des modifications aussi marquées. Les artères spinales
postéro-latérales sont très épaissies, mais les lésions veineuses sont
prédominantes.
Parenchyme nerveux. — Les modifications constatées dans la subs-
tance blanche semblent résulter de plusieurs processus.
D'une façon générale, le tissu dégénéré de la périphérie de la moelle
est formé des éléments suivants.
La plus grande masse du tissu est représentée par une substance
homogène, trouble, granuleuse et colorée en rose gris par le carmin. Le
nombre des tubes nerveux contenus dans cette substance est très res-
— 300 —
treint, il est même nul dans les parties tout à fait périphériques; puis, à
mesure qu'on considère des parties plus profondes, ils augmentent
progressivement de nombre jusqu'au niveau des parties relativement
saines. Dans les parties très altérées, les quelques tubes persistants
sont indiqués par une gaine irrégulière, dilatée, pigmentée ou une
masse granulo-graisseuse assez méconnaissable. Dans la zone de transi-
tion, les tubes nerveux présentent des modifications caractérisées par
la disparition de la gaine de myéline, l'hypertrophie des cylindres-axes, etc.
Les éléments interstitiels propres au parenchyme nerveux sont indis-
tincts et c'est de leur destruction même que résulte en partie la forma-
tion de la substance granuleuse. Les produits de la désintégration des
éléments nerveux sont également confondus dans cette masse; les corps
granuleux sont relativement peu nombreux.
La richesse de ce tissu en noyaux est assez grande, mais ces noyaux
sont surtout amassés autour des capillaires dont les parois sont infiltrées
de cellules embryonnaires qui pénètrent jusque dans la lumière du
vaisseau. Un certain nombre de noyaux isolés dont la forme étranglée
indique l'évolution caryokinétique semblent appartenir soit à des
cellules névrogliques en voie de prolifération, soit à des corpuscules
lymphoïdes.
En tous cas, le parenchyme dégénéré n'est pas ordinairement envahi
par une infiltration partie de la pie-mère, il constitue un tissu friable,
craquelé qui donne au contour de la moelle un aspect déchiqueté. Ce
tissu ramolli à l'état frais s'est rétracté sous l'influence du liquide
durcissant et s'est séparé de l'enveloppe méningée. La pie-mère, en
efi'et, n'est pas adhérente à ce tissu et ne lui fournit pas de prolonge-
ments importants.
Cependant, en quelques points, l'infiltration de ce tissu de nécrose est
très prononcée et semble le plus souvent émaner de la pie-mère. Dans
ce cas, la méninge est adhérente et l'infiltration embryonnaire suit le
trajet de plusieurs vaisseaux détachés de la pie-mère et envahit la
substance médullaire. Il s'agit bien, dans ce cas, d'une infiltration
gommeuse diffuse. En un point, cette infiltration semble s'être déve-
loppée primitivement dans l'épaisseur de la moelle même. C'est au
niveau du cordon antérieur droit à la hauteur de la huitième racine cer-
vicale (fig. 6, p. 291). L'infiltration a eu pour point de départ un groupe de
capillaires situés sur les confins de la corne antérieure et qui sont
eux-mêmes complètement envahis. De ces nodules périvasculaires, l'infil-
tration s'est étendue excentriquement et d'une façon diffuse dans le
parenchyme médullaire voisin.
Dans les parties de la moelle relativement saines, le parenchyme
nerveux est loin d'être intact. Le tissu interstitiel est gonflé, les cellules-
araignées très développées. Les tubes nerveux assez uniformément
— 301 —
modifiés conservent généralement leur gaine de myéline, mais les
cylindres-axes sont légèrement hypertrophiés.
Tous les capillaires sont indiqués par des traînées de noyaux uu par
des amas nucléaires qui comblent souvent la lumière du vaisseau.
La substance grise, dans la région cervicale, n'a subi que de faibles
modifications. Les cellules des cornes antérieures sont, en général, bien
formées et possèdent leurs prolongements; cependant, en quelques
points, surtout dans les parties antérieures de la corne antérieure, on
trouve des cellules arrondies et privées de prolongements.
Les fibrilles nerveuses sont diminuées de nombre dans la corne anté-
rieure. Cet état est manifeste sur les préparations colorées par les
méthodes de Pal ou de VVeigert, mais il est surtout marqué dans les
cornes postérieures à certains étages. Les fibres radiculaires posté-
rieures sont souvent très peu nombreuses et le réseau nerveux placé en
avant de la substance gélatineuse de Rolande est très pâle.
Dans la corne antérieure, les cellules névrogliques sont très appa-
rentes et paraissent multipliées. On trouve au pourtour des vaisseaux
voisins du canal central un abondant exsudât albumineux homogène,
creusé de quelques vacuoles et coloré en rose par le carmin.
Les capillaires de la substance grise comme ceux de la substance
blanche sont infiltrés de cellules embryonnaires qui envahissent quel-
quefois complètement leur lumière. Leurs parois sont épaissies, mais
on ne trouve pas de gros vaisseaux à parois énormes et hyalines.
Racines. — Nous avons déjà indiqué que, surles préparations colorées
par la méthode de Weigert, examinées avec un faible objectif, un
grand nombre de racines étaient en partie décolorées et que quelques-
unes même paraissaient complètement privées de fibres à myéline.
Sur les préparations traitées par les doubles colorations, et examinées
à un fort grossissement, on constate que cette destruction des fibres à
myéline coïncide avec une infiltration embryonnaire diffuse qui envahit
tout le cordon radiculaire. Le périnèvre forme une ceinture épaisse
fibrillaire, assez régulière, semée de noyaux allongés qui constituent
cinq ou six assises disposées entre les plans fibrillaires.
Le tissu interstitiel du corps de la racine est lui-même infiltré, mais
les noyaux sont surtout disposés dans les espaces qui séparent les
faisceaux secondaires de fibres^ et particulièrement au pourtour des
vaisseaux à parois épaissies qui sont le centre de nodules embryon-
naires d'oii partent des prolongements infiltrés. Ce sont surtout les
fibres nerveuses voisines de ces foyers d'infiltration qui sont détruites.
RÉGION DORS.-vLE. — Les altérations de cette région sont de même
nature que celles que nous avons indiquées dans le segment cervical,
mais elles sont plus étendues et plus prononcées.
Vaisseaux et méninges. — L'infiltration de la pie-mère est ici géné-
— 302 —
ralisée et très prononcée ; le stroma fibreux même de la membrane est
manifestement augmenté, mais l'épaississement résulte surtout de la
présence de nombreux noyaux.
A Torigine du sillon médian antérieur et sur les parties postéro-laté-
rales au niveau de l'émergence des racines, l'épaississement de la
pie- mère est plus prononcé et forme des masses fibreuses et embryon-
naires qui entourent les systènies vasculaires les plus importants de
la moelle.
Ici, encore, il est en effet manifeste que c'est surtout autour des vais-
seaux que les dépôts de noyaux sont abondants. Tous les vaisseaux
périphériques du segment dorsal, ceux qui sont libres dans la cavité
sous-arachnoïdienne comme ceux qui sont englobés par la pie-mère
ou accolés à cette membrane, sont très altérés.
L'artère spinale antérieure a des parois énormes dont la plus grande
part revient à l'épaississement de Vendartère. Cette tunique forme une
couche considérable d'épaisseur inégale qui rétrécit considérablement
la lumière centrale. Cette lumière, aplatie, déformée, est souvent très
réduite. Dans le segment médullaire compris entre la sixième et la
neuvième racine dorsale, elle n'est plus représentée que par une mince
fente placée excentriquement (pl. II, fig. 4).
L'endartérite est constituée par un tissu dont nous avons déjà indiqué
la structure; les cellules endothéliales qui tapissent la paroi interne
sont normales ou bien prolil'érées et saillantes dans la cavité du
vaisseau.
La membrane élastique, ordinairement déplissée en partie, est même
complètement détruite en certains points, et le tissu de l'endartère se
mêle aux éléments dissociés de la tunique musculaire.
La tunique musculaire n'est véritablement intacte que dans une
faible étendue du contour, au niveau des points oti la membrane élas-
tique est conservée, autrement elle paraît envahie par l'infiltration de
l'endartère et de la tunique adventice; les fibres musculaires sont
dissociées, leurs noyaux allongés sont sinueux, désorientés et mêlés de
cellules rondes ou fusil'ormes.
L'épaississement de la tunique adventice est très prononcé dans
tout le trajet du vaisseau. Il forme une couche très riche en noyaux
qui s'amassent souvent en masses compactes et s'infiltrent dans le
tissu périphérique. L'élément fibreux y est également très développé
Cette tunique est d'ailleurs absolument confondue avec le tissu envi-'
ronnant de la pie-mère dont les interstices sont envahis par l'infil-
tration cellulaire.
Les veines du système spinal antérieur sont également atteintes
par le processus. Leurs parois sont infiltrées dans la totalité, mais les
noyaux sont surtout abondants dans la partie périphérique; les couches
centrales sont d'apparence plutôt hyaline. La lumière des veines est
- 303 —
ordinairement persistante, et, dans cette région, les altérations veineuses
ne semblent pas l'emporter sur celles des artères.
Le prolongement méningé du sillon médian antérieur n'est pas très
élargi, mais il présente la même inflltration que le reste de la
pie-mère.
Les vaisseaux des systèmes postéro-latéraux présentent des modifi-
cations analogues. Les artères sont très épaissies, atteintes de péri-
endartérite, les veines très infiltrées, mais le calibre de ces gros
vaisseaux est généralement encore assez développé ; on ne trouve
d'oblitération de vaisseaux importants que vers les septième et huitième
racines dorsales. Il est à remarquer que ces vaisseaux volumineux du
système postéro-latéral sont le plus souvent séparés de la pie-mère, ce
qui indique que les altérations qu'ils présentent sont bien autonomes
et ne résultent pas d'un envahissement secondaire.
On trouve, d'ailleurs, dans l'espace sous-arachnoïdien, un certain
nombre de cordons veineux isolés, privés de lumière centrale et
constitués par un tissu homogène trouble, dont la périphérie est très
chargée de noyaux.
Tous les petits vaisseaux compris dans l'épaisseur de la pie-mère
sont le centre de masses nucléaires et sont souvent oblitérés par ces
productions.
L'arachnoïde offre sur les coupes des épaississements localisés, '
surtout développés dans les régions postérieures. Elle adhère en cer-
tains points aux cordons radiculaires et à la pie-mère sur une faible
étendue. Au niveau de la sixième racine dorsale elle est soudée à cette
membrane dans toute la largeur du cordon postérieur et quelques
racines postérieures sont comprises dans cette adhérence (fig. 8).
Des vaisseaux accolés à l'arachnoïde, ou plus ou moins englobés dans
son épaisseur, présentent les altérations que nous avons décrites.
Quant aux parties épaissies de cette membrane, elles sont constituées
par un tissu lâche, fibrillaire, dont la partie centrale est assez trouble,
peu colorée et très pauvre en noyaux ; la bordure de l'épaississement
est, au contraire, très infiltrée. Dans le centre de ces néoformations on
constate souvent les vestiges d'une paroi vasculaire dont les éléments,
bien que désorganisés, sont encore reconnaissables à leur ordination
concentrique. Il semble alors que ce tissu pathologique ait eu pour
origine la paroi d'une veine. En certains points, ces épaississements
sont manifestement représentés par une veine oblitérée dont les parois
sont énormément développées.
Parenchyme nerveux. — Les modifications de la substance blanche
sont de même nature que celles que nous avons constatées dans la
région cervicale, elles sont seulement plus étendues. Elles semblent
répondre à deux processus :
1° D'abord un processus de nécrose qui a frappé toute la zone mar-
— 304 —
ginale de la moelle sur uue profondeur plus considérable qu'à la région
cervicale, particulièrement dans la région dorsale moyenne. Cette
altération est caractérisée par la destruction complète des éléments
nerveux, le développement de corps granuleux et surtout la production
d'une substance granuleuse diffuse qui forme la plus grande masse du
tissu. Le parenchyme est alors constitué par une masse presque
homogène, friable, craquelée, déchiquetée dans les parties périphériques
et séparée de la pie-mère qui ne fournit ordinairement aucun prolon-
gement important. Les seuls éléments qui ont conservé leur vitalité dans
ce tissu sont les noyaux qui entourent et envahissent même complè-
tement les capillaires qui s'y trouvent.
2» Eu d'autres points, cependant, les zones dégénérées de la substance
blanche sont le siège d'une infiltration nucléaire diffuse qui peut avoir
deux points de départ.
Tantôt, elle se détache de la pie-mère voisine restée alors adhérente
et semble avoir eu pour conducteurs les vaisseaux des travées ménin-
gées. Elle envahit ainsi le tissu médullaire sur une plus ou moins
grande profondeur.
Cet envahissement embryonnaire se rencontre dans les points sui-
vants :
Au niveau de la quatrième racine dorsale, dans le cordon antérieur
gauche ;
Au niveau de la huitième racine dorsale, dans le cordon antérieur
droit (fig. 9) ;
Au niveau de la onzième racine dorsale, dans le cordon antérieur
droit, dans le cordon latéral gauche et dans le cordon postérieur gauche
(fig. 10).
Tantôt, mais plus rarement, l'infiltration a pour point de départ des
vaisseaux intra-médullaires et s'étend excentriquement dans le tissu
médullaire voisin.
Les parties relativement saines de la substance blanche sont disposées
autour de la substance grise, elles ne sont d'ailleurs pas exemptes de
modifications.
Le tissu interstitiel est gonflé, les cellules névrogliques augmentées
et leurs prolongements épaissis. Les capillaires ont tous leurs parois
infiltrées et sont souvent oblitérés. Les tubes nerveux possèdent géné-
ralement leur gaine de myéline, mais celle-ci forme souvent une
enveloppe irrégulière, le cylindre-axe est souvent hypertrophié. Ces
modifications s'accentuent progressivement dans la zone de transition
qui sépare les parties complètement nécrosées des parties relativement
saines.
Enfin dans les parties latérales des cordons de Goll et dans la région
moyenne des cordons de Burdach, souvent au niveau des bandelettes
radiculaires beaucoup de tubes ont disparu. Cette dégénération vague-
— 305 —
ment systématisée répond évidemment aux altérations radiculaires qui
sont ici très prononcées.
Pour la substance grise, les modifications sont très importantes. Nous
avons indiqué, dans l'étude des fragments de moelle dissociées avant
le durcissement, les apparences que présentaient les cellules nerveuses.
Elles sont très altérées dans toute la hauteur du segment dorsal, et
presque complètement détruites dans la partie moyenne de cette région.
De nombreux fragments de cylindres-axes hypertrophiés et variqueux
sont mêlés à des cellules névrogliques gonflées, granuleuses et ne
possédant que quelques prolongements épais et noueux. Il existe beau-
coup de cellules lymphoïdes semées un peu partout et le fond du tissu
est constitué par une substance grenue indéfinissable. Les capillaires
sont les uns dilatés, les autres obstrués par des cellules embryonnaires
et souvent entourés par une masse homogène colorée en rose par le
carmin.
Sur les préparations colorées par l'hématoxyline de AVeigert, on
constate une disparition très accentuée du réseau nerveux de la sub-
stance grise. Les cornes antérieures sont pâles, la colonne de Clarke à
peine indiquée et même presque totalement effacée dans certaines
régions. Les fibres radiculaires postérieures sont particulièrement
atteintes ; à certains étages, elles sont réduites à quelques filets isolés
et le réseau myélinique du renflement de la corne postérieure corres-
pondante est très appauvri.
Les fibres radiculaires antérieures, qui sont conservées à la région
cervicale dans laquelle les cellules des cornes antérieures sont à peu
près intactes, sont ici très clairsemées. Cette altération est bien en
rapport avec la destruction des cellules nerveuses.
Racines. — Les altérations des cordons radiculaires sont de même
nature que dans la région cervicale, mais elles sont beaucoup plus
prononcées. Le périnèvre est régulièrement épaissi et infiltré. L'infil-
tration chemine surtout dans les espaces interfasciculaires et se masse
au pourtour des vaisseaux. Ceux-ci présentent des aspects variables.
Dans quelques faisceaux, on trouve de gros vaisseaux très dilatés et
presque tangents. A côté de ces vaisseaux à lumière très large, on en
voit d'autres dont les parois sont hyalines ou très infiltrées et la lumière
presque oblitérée.
Les tubes nerveux sont profondément atteints. On trouve cependant
quelques cordons radiculaires intacts dans les difl'érents groupes de
racines. Généralement, dans chaque cordon il y a plusieurs faisceaux
de tubes détruits et dans quelques-uns même, l'hématoxyline de
Weigert ne colore plus une seule fibre à myéline.
Les racines sont généralement libres d'adhérences avec les méninges
épaissies ; cependant, à la hauteur de la sixième racine dorsale, plusieurs
cordons des racines postérieures sont englobées dans l'adhérence de
l'arachnoïde à la pie-mère.
S. 20
— 306 —
RÉGION LOMBAIRE. — Les modifications du parenchyme médullaire
et les altérations méningo-vasculaires diminuent rapidement d'intensité
à la partie inférieure de la région dorsale, et le segment lombaire est
bien moins atteint que la région cervicale.
Déjà, à la hauteur des onzième et douzième racines dorsales, l'artère
spinale antérieure, bien qu'encore atteinte d'une endopéri-artérite
accentuée, est largement béante ; mais tous les petits vaisseaux péri-
phériques de la moelle sont toujours aussi altérés.
Dans la région lombaire supérieure, l'infiltration des parois vascu-
laires est très développée, mais ces parois sont relativement peu épaisses
et la lumière toujours suffisante. La pie-mère et l'arachnoïde ont le même
aspect que dans la région dorsale avec une intensité moindre dans les
modifications.
A mesure qu'on considère des régions plus voisines de la terminaison
de la moelle, on voit toutes ces altérations s'atténuer et l'on peut, par
l'examen des coupes faites au niveau des dernières racines lombaires
et des racines sacrées, étudier les premiers stades du processus.
Au niveau de la cinquième racine lombaire, par exemple, tous les
vaisseaux grands et petits ont leurs parois infiltrées de cellules, mais
le calibre de ces vaisseaux, au lieu d'être diminué, est considérablement
augmenté et la lumière remplie de sang. Tous les vaisseaux du système
spinal antérieur sont énormément congestionnés. Pour l'artère, il
n'existe qu'une légère endartérite localisée, la tunique moyenne est
intacte, la tunique adventice infiltrée et épaissie, mais le vaisseau est
complètement séparé de la pie-mère voisine. Deux ou trois petites
branches artérielles collatérales seules sont comprises dans l'épaisseur
de la méninge et sont le centre d'infiltrations nucléaires.
Les veines, très larges et remplies de sang, ont des parois infiltrées
dans toute leur épaisseur, mais principalement dans les couches péri-
phériques.
Les autres vaisseaux périphériques sont tous béants et congestionnés,
avec des parois infiltrées et modérément épaissies. La pie-mère, peu
épaisse, montre dans l'intervalle de ses plans fibreux des traînées de
noyaux dont on saisit souvent le point de départ périvasculaire.
La destruction des tubes nerveux est limitée au territoire du faisceau
pyramidal. Dans les autres parties, les fibres à myéline se colorent bien
par l'hématoxyline de Weigert jusqu'à la périphérie de la moelle;
cependant on trouve, surtout dans cette partie, quelques tubes dilatés,
avec un cylindre-axe pelotonné en vrille ou hypertrophié. Dans toute
l'étendue de la substance blanche, le tissu interstitiel est légèrement
gonflé, les cellules névrogliques très apparentes.
A la hauteur de la première racine lombaire on trouve une petite
bande de dégénération secondaire dans l'angle antéro-interne du cordon
— 307 —
antérieur de chaque côté ; et, dans le .cordon postérieur du côté droit,
au niveau de la bandelette radiculaire externe, une raréfaction impor-
tante des tubes nerveux (fig. 11). Les fibres radiculaircs postérieures
à ce niveau sont atrophiées et plusieurs cordons radiculaires voisins
sont décolorés. Il s'agit manifestement ici d'une dégénérescnnce secon-
daire du faisceau radiculaire externe en rapport avec l'altération d'une
racine postérieure correspondante.
La substance grise des régions lombaire et sacrée reprend ses
caractères normaux ; les cellules sont bien dessinées, le réseau
nerveux tibrillaire très développé. Au niveau de la première racine
lombaire, la colonne de Ciarke redevient apparente et dans toute la
hauteur de la région sous-jacente les filets radiculaires postérieurs sont
abondants.
Tous les capillaires de la substance médullaire sont dilatés et infiltrés,
particulièrement dans la partie supérieure de la région lombaire. A ce
niveau, l'infiltration des parois est encore très considérable et oblitère
même un certain nombre de vaisseaux, mais elle reste cantonnée au
pourtour du vaisseau et n'irradie pas dans le tissu nerveux voisin.
Dans la région sacrée, ces vaisseaux sont moins apparents et, à part
quelques amas cellulaires autour de petits vaisseaux épaissis, l'aspect
du parenchyme ne diffère pas de celui d'une moelle normale.
Les racines lombo-sacrées présentent des modifications très peu mar-
quées qui décroissent à peu près régulièrement de haut en bas. A la hau-
teur de la cinquième racine lombaire, bien qu'il existe encore une
légère infiltration du périnèvre et que les vaisseaux épaissis soient
souvent entourés de noyaux, tous les cordons radiculaires se colorent
bien par l'hématoxyline de Weigert, les tubes nerveux sont pour ainsi
dire tous intacts.
Un des nerfs sciatiques a été examiné sur des coupes transversales : les
tubes nerveux étaient intacts et le tissu interstitiel normal, mais on
trouvait dans les petits vaisseaux (artères et veines) une inflammation
légère et localisée de la membrane interne. Dans une grot-se veine,
l'épaississement de ce cette membrane forme une saillie considérable.
Ces lésions veineuses n'auraient pas grande signification si elles étaient
isolées, car les varices du nerf sciatique sont communes et les altérations
veineuses naturellement banales; mais ce qui est particulier ici, c'est la
localisation exclusive à la membrane interne et la participation des
artères.
Les autres troncs nerveux et les vaisseaux périphériques n'ont pa^
été examinés, en sorte que l'on ne peut tirer aucune conclusion de cette
constatation isolée.
On peut donner à l'évolution anatomo-clinique de raffection l'inter-
prétation suivante :
— 308 —
Les altérations vasculaires de la base du cerveau ont produit une
première fois dans cet organe des troubles circulatoires qui se sont
traduits par la céphalalgie et des phénomènes paralytiques passagers
et variables. Puis les altérations se sont manifestées plus graves et
plus étendues dans les organes nourriciers de la moelle, méninges et
vaisseaux. Ces modifications ont produit la nécrose du parenchyme
nerveux, principalement dans les parties périphériques de la moelle
qui sont plus immédiatement sous la dépendance de l'état de la pie-
mère et des vaisseaux périphériques. Nous avons précisément con-
staté que c'est dans ces parties que les altérations primitives étaient
surtout prononcées.
Dans la région dorsale moyenne, les lésions très marquées du
système vasciilaire spinal antérieur, enparticulierl'oblitérationpresque
complète de l'artère, ont amené la nécrose de la substance grise, en
même temps que les autres parties de la moelle subissaient une atteinte
plus profonde, en raison de la suppression presque complète de la voie
de suppléance constituée par ces vaisseaux.
L'attaque de paraplégie qui est survenue brusquement après une
courte période prodromique de symptômes cérébro-spinaux est en
rapport avec la nécrose étendue du parenchyme médullaire. Les alté-
rations du système nourricier de la moelle, surtout des vaisseaux, ont
d'abord produit une anémie progressive du parenchyme médullaire,
dont l'état de souffrance s'est traduit par les symptômes prémonitoires
bientôt suivis d'une paraplégie complète lorsque l'irrigation sanguine
est devenue tout à fait insulTisante.
La nécrose du parenchyme médullaire s'est caractérisée par la
destruction des éléments nerveux et la dégénérescence granuleuse des
éléments interstitiels. Les débris de ces éléments forment une masse
homogène granuleuse, où l'on ne distingue que les capillaires à parois
infiltrées. Ce tissu friable et craquelé se distingue nettement du tissu
de la pie-mère voisine, tissu fibreux chargé de cellules embryonnaires
vivaces et sans adhérence avec le parenchyme médullaire nécrosé.
Mais à coté de ces lésions nécrobiotiques, il existe par places une
infiltration embryonnaire diffuse très distincte du tissu de nécrose.
Cette infiltration gommeuse a pour point de départ les vaisseaux de
la pie-mère ou ceux de la moelle même et envahit plus ou moins le
parenchyme nerveux voisin.
— 309 —
Les altérations du tissu médullaire que nous venons de signaler
s'étendent dans la région cervicale et dans la région dorsale, elles ont
leur maximum d'intensité dans la région dorsale^ surtout à la partie
moyenne.
Dans la région cervicale supérieure, il existe une dégénérescence
secondaire ascendante des faisceaux cérébelleux directs et des cordons
de GoU. La dégénérescence secondaire des faisceaux cérébelleux se
confond avec la nécrose périphérique primitive. Celle des cordons de
Goll est légère et garde son aspect de lésion secondaire mais indé-
pendante.
Dans la région lombaire, il n'existe qu'une sclérose secondaire
descendante des faisceaux pyramidaux.
A côté des lésions nécrobiotiques et de l'infdtration gommeuse
localisée que nous avons notées dans la moelle cervico-dorsale, il faut
faire la part d'un troisième processus qui paraît avoir participé dans
une certaine mesure à la disparition des tubes nerveux, c'est dans le
cordon postérieur la dégénérescence secondaire aux altérations des
racines postérieures. La situation de certaines taches de dégénération
dans la bandelette radiculaire externe, leur coïncidence avec des
lésions importantes des cordons radiculaires adjacents, leur existence
dans certaines parties de la moelle comme au niveau de la première
lombaire où le reste du parenchyme est sain (à part la sclérose laté-
rale secondaire) semblent bien indiquer l'origine radiculaire de ces
lésions du cordon postérieur.
La dégénérescence secondaire du cordon de Goll dans la région
cervicale supérieure relève donc de lésions qui intéresssent les fibres
ascendantes du cordon postérieur, tant dans leur trajet radiculaire que
dans leur trajet intramédullaire.
Les altérations des racines rentrent pour une part dans la production
des symptômes moteurs et sensitifs qui ont accompagné le début et
le cours de l'affection.
Nous avons vu jusqu'à quel point était poussée l'inflammation de la
pie-mère et des parois vasculaires, surtout dans la région dorsale.
L'infiltration de la pie-mère a surtout pour point de départ la péri-
phérie des vaisseaux et, dans certaines portions où le processus est
moins prononcé, comme dans la région lombaire, on trouve la preuve
évidente de ce début périvasculaire, mais la pie-mère a certainement
été aussi intéressée directement.
— 310 —
La participation du système lymphatique, représenté par les espaces
compris entre les plans fibreux de la méninge, la cavité sous-arach-
noïdienne et la cavité ventriculaire, est démontrée par l'infiltration des
fentes lymphatiques de la pie-mère, l'épaississement de l'arachnoïde
et l'inflammation de l'épendyme du quatrième ventricule.
La nécrose anémique du tissu médullaire une fois produite, et elle a
pu se faire en plusieurs temps, l'inflammation des méninges et des
vaisseaux n'en a pas moins progressé ; l'infiltration gommeuse a en
certains points irradié dans le parenchyme voisin. D'autre part, le
nouvel équilibre circulatoire imposé par les lésions vasculaires de la
région dorsale s'est traduit par une dilatation considérable des vais-
seaux dont les parois encore peu infiltrées étaient susceptibles d'être
dilatées, particulièrement dans la région lombaire où les vaisseaux
sont énormes et congestionnés.
Le rétablissement partiel de la circulation a permis, dans une cer-
taine mesure, le développement d'une réaction substitutive au niveau
des parties nécrosées, ainsi que le prouvent la présence de cellules lym-
phoïdes manifestement émanées des vaisseaux et l'état caryokinétique
des cellules névrogliques.
Cas n° III. — Observation 110 (personnelle). RecueiUie dans le service
de M. Dejerine à l'hospice de Bicêtre.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. A 25 an.s (septembre 1800), chancre,
accidents secondaires, trailement. 1^ mois après (novembre 1891),
symptômes prodromiques d'une durée de 15 jours (difficulté pour
uriner, lourdeur et engourdissement des jambes). Puis attaque de
paraplégie brusque; incontinence d'urine. Amélioration. En jan-
vier 1&92, le malade peut marclier. 25 mars 1892, nouvelle attaque de
paraplégie, paralysie presque absolue, marche impossible, paralysie
des sphincters. Janvier 1893, aggravation : paraplégie complète.
Contracture extrême, aneslhésie qui remonte jusqu'à la ceinture,
escarres étendues. Atrophie des muscles. Fièvre, marasme. Mort le
3 mars 1893.
Autopsie. — Cerveau. Méninges et substance cérébrale saines à l'œil
nu. Légères altérations macroscopiques de la moelle el de ses enve-
loppes ; plus prononcées en deux points (région dorsale moyenne et
région dorsale inférieure).
Examen microscopique. — Inflammation modérée de la pie-mère et
de l'aracnhoide. Altérations vasculaires énormes dans la pie-mère
— 311 —
et la moelle. Nécrose màduUai7'e surtout marquée dans les deux
foyers signalés. Sclérose névroglique consécutive. Dégénérescence
secondaire ascendante et descendante.
Diagnostic ANATOMiQUE. — Méningo-vascularite syphilitique. Nécrose
et sclérose ynédullaires consécutives.
Histoire clinique. — Louis V..., employé de librairie, âgé de 27 ans,
entré le 3 août 1892 dans le service de M. Dejerine à l'hospice de
Bicêtre, puis dans le service de chirurgie de M. Brun.
Antécédents héréditaires. — Père âgé de 50 ans, bien portant. Mère
morte à 28 ans d'une affection fébrile ; un frère vivant en bonne santé.
Antécédents personnels. — Rien de particulier dans Tenfance, se
marie jeune, a actuellement une petite fille, née avant la contamination.
A l'âge de 25 ans, au mois de septembre 1890, V... contracta un
chancre de la lèvre inférieure. Cet accident fut accompagné d'un engor-
gement ganglionnaire sous-maxillaire et suivi d'une roséole et de plaques
muqueuses. Le traitement fut commencé dès l'apparition des accidents
secondaires : deux pilules de protoiodure par jour pendant cinq mois.
Un mois environ après le chancre, céphalalgie qui dure quinze jours
et est arrêtée par le traitement.
Maladie actuelle, commémoratifs. — Au mois de novembre 1891,
quatorze mois après le chancre, le malade éprouva quelque difficulté
à uriner; peu de jours après, c'était une sorte d'engourdissement dans
les jambes avec un sentiment de lourdeur. Il avait de la peine à monter
les escaliers, mais ne ressentait aucune douleur ni dans les reins ni
dans les jambes.
Ces symptômes duraient depuis une quinzaine de jours, ils étaient
assez peu accentués pour permettre au malade d'accomplir régulière-
ment son service dans la librairie oii il était employé, lorsqu'un jour
qu'il portait un paquet de livres d'une caisse à l'autre, il ressentit tout
à coup dans les jambes une faiblesse brusque qui l'obligea de poser
vivement son paquet sur un comptoir, il dut se retenir au comptoir
pour ne pas tomber. On le fit asseoir sur une chaise, il ne perdit pas
connaissance et au bout de quelques instants put se remettre sur ses
jambes, mais il se traînait et eut grand'peine à rentrer chez lui.
Le lendemain, un médecin appelé prescrivit quatre grammes d'iodure
de potassium. Cependant le malade n'éprouva aucune amélioration, au
contraire : avant son attaque il n'avait que des envies impérieuses
d'uriner, sans incontinence; depuis l'attaque, il perdait ses urines dans
son lit. Les jambes étaient extrêmement faibles, il pouvait encore se
tenir debout en s'appuyant sur son lit, mais il était incapable de mar-
cher, il existait en même temps de la raideur et le malade était inca-
pable de fléchir sur la cuisse la jambe gauche qui était surtout atteinte.
Après huit jours de tratiement chez lui, le malade est transporté à
— 312 —
l'hôpital Cochin où il entre en décembre 1891, dans le service de
M. Gouraud. A son entrée, le malade était incapable de marcher, il ne
pouvait même que très difficilement se tenir debout avec un solide
appui, il ne sentait pas le sol sur lequel reposaient ses pieds ; les jambes
étaient raides, mais il n'existait pas de tremblement spontané.
Le traitement fut immédiatement institué : deux frictions mercu-
rielles par jour et de l'iodure de potassium à l'intérieur à des doses pro-
gressives de 4, 6 et 8 grammes. Au bout de cinq à six jours, le malade
put se lever et progressivement marcher avec deux cannes, la jambe
gauche était toujours particulièrement faible.
A la fin de janvier 1892, le malade quitta l'hôpital et put rentrer à
pied chez lui en s'aidant de cannes. Il continue le traitement : deux fric-
tions quotidiennes pendant une quinzaine de jours encore et 2 grammes
d'iodure qu'il prend jusqu'au mois de mars.
En somme, le malade était sorti de l'hôpital considérablenient amé-
lioré, mais son état était encore assez grave pour qu'il lui fût impossible
de songer à reprendre ses anciennes occupations. La marche était très
pénible. Tourmenté par des envies incessantes d'uriner, le malade se
mouillait à chaque mouvement et perdait ses urines dans son lit pen-
dant la nuit. Telle était la situation de V... depuis plusieurs semaines,
lorsque, vers le 25 mars, il eut une nouvelle attaque de paraplégie, il
tomba brusquement sans perdre connaissance et fut pendant plusieurs
minutes sans pouvoir se relever ; il y parvint cependant, mais la marche
était presque impossible, et au bout de quatre jours il ne pouvait plus
marcher du tout. Il fut transporté le 31 mars au bastion 36, dans le ser-
vice de M. Gilbert. On continua le traitement, qui n'avait presque pas
été interrompu depuis la première attaque. A l'entrée au bastion 36, le
malade était absolument paraplégique, il bénéficia par la suite d'une
certaine amélioration, mais ne put plus jamais marcher seul, même
avec des cannes. Il fit quelques tentatives en se faisant soutenir par un
camarade, mais la raideur et la faiblesse dont étaient frappés ses mem-
bres inférieurs ne lui permettaient de faire que quelques pas. L'incon-
tinence d'urine était presque continuelle.
En juillet, le bastion 36, service provisoire, fut évacué; le malade,
transporté à l'hôpital Bichat, n'y resta que huit jours, puis entra à Bicêtre
le 3 août 1892, dans le service de M. Dejerine.
La station debout est impossible à cette époque, il existe quelques
mouvements spontanés lents dans les membres inférieurs, les réflexes
rotuliens sont exagérés des deux côtés, la sensibilité très diminuée
dans les deux jambes. Incontinence d'urine.
Le malade est rélégué le 16 août dans une salle de chroniques avec
une prescription d'iodure de potassium à faible dose.
Au mois de janvier 1893, il y eut une recrudescence des symptômes,
l'état général faiblissait, l'impotence fonctionnelle des membres infé-
— 313 —
rieurs devenait absolue, les membres se plaçaient en flexion sans qu'il
fût possible au malade de les redresser; en même temps apparaissait
de l'œdème des jambes.
Des escarres étendues se produisent au niveau du sacrum et des
trochanters. Ce dernier symptôme nécessite le transport du malade dans
le service de chirurgie de l'infirmerie, chez M. Brun.
L'interne du service, M. Thomas, eut l'obligeance de nous prévenir,
il nous fut possible de voir le malade et de constater l'état suivant.
État actuel, 25 février 1893. — Le malade, considérablement amaigri,
est étendu sur son lit, les jambes à demi fléchies sur les cuisses et les
cuisses dans la niême position par rapport au bassin. Il dégage une
odeur fétide, due à des sueurs abondantes en même temps qu'à l'incon-
tinence d'urine et des matières fécales.
Motilité. — Les muscles de la face, les mouvements des yeux et de
la langue sont normaux ; les membres supérieurs sont également
indemnes, ils présentent seulement un certain degré d'amaigrissement
résultant de l'état cachectique du malade.
Pour les membres inférieurs, ils sont fixés dans leur position par
une contracture excessive, le malade est ordinairement incapable de les
mouvoir spontanément, néanmoins la paralysie des membres inférieurs
n'est pas absolue, car lorsque la contracture, pour une raison ou pour
une autre, devient un peu moins forte, le malade parvient à étendre
lentement les jambes, il peut également les déplacer latéralement, mais
le talon ne quitte pas la surface du lit ; il existe aussi quelques mouve-
ments du gros orteil. Il n'y a donc pas de paraplégie absolue, mais immo-
bilisation des membres, du fait de la contracture que ne saurait vaincre
le peu d'énergie conservé par les muscles. L'état des réflexes ne peut
être constaté, caria percussion du tendon rotulien détermine une exa-
gération de la raideur qui fixe le membre dans sa position; on constate
seulement une secousse dans le triceps fémoral, mais sans soulèvement
du talon. Le frottement rapide de la plante du pied détermine des mou-
vements d'extension du gros orteil. Les muscles de la moitié inférieure
du tronc sont également atteints, le malade ne peut se tenir sur son
séant, les muscles de la paroi abdominale sont relâchés. En somme, au
point de vue de la motilité, on trouve une paraplégie presque complète,
avec contracture très intense et participation des muscles de la moitié
inférieure du tronc.
Sensibilité. — Le malade ne ressent actuellement aucune vive dou-
leur, il ne se plaint pas de souffrir au niveau de ses escarres. La sensi-
bilité objective est en effet complètement abolie dans la moitié infé-
rieure du corps jusqu'à environ six centimètres au-dessous de l'ombilic.
Les organes des sens sont absolument intacts.
Troubles trophiques. — Le tégument des membres inférieurs est
blanc, écailleux, couvert de longs poils, les ongles n'offrent pas de
— 314 —
modifications de structure, il existe seulement une ecchymose sous
l'ongle du gros orteil gauche. On trouve trois escarres énormes : à la
région sacrée et au niveau des deux trochanters. L'escarre sacrée a
presque la largeur d'une assiette, la surface osseuse est mise à nu et
les bords de la plaie sont décollés et noirâtres. Les deux saillies osseuses
trochantériennes sont également dénudées par des escarres qui ont
environ 15 centim. de diamètre. Chacune de ces plaies découvre une
cavité, à bords décollés, qui plonge derrière le trochanter et est à moitié
fermée par un lambeau de peau noire et sèche comme du cuir. On
trouve de plus, sur la partie inférieure des jambes et sur les pieds, des
taches noirâtres oîi la peau est mortifiée. Ces taches sont ovales plus
ou moins, d'une étendue de 3 à 6 centim. et quelquefois surmontées de
phlyctènes. Elles siègent au niveau des saillies osseuses et aux points de
pression (talon, malléoles, tubercule scaphoïdien, tête du cinquième
métatarsien). Deux taches existent aussi sur la face antéro-interne du
tibia à droite.
Il existe une atrophie musculaire notable dans les membres inférieurs
et l'on constate l'existence de tremblements flbrillaires.
Les jambes sont le siège d'un œdème qui atteint son maximum d'in-
tensité au niveau des pieds et des malléoles, il est également très mar-
qué aux organes génitaux externes.
Sphincters. — Le malade perçoit encore incomplètement le besoin
d'uriner, mais il est incapable de régler le jeu de son sphincter vésical
et l'urine s'écoule constamment, goutte à goutte. Incontinence égale-
ment des matières fécales.
Examen des viscères. — Il n'y a pas d'altérations appréciables des
organes internes, le cœur est sain, le pouls est plein, la respiration est
normale ; légère congestion de la base des poumons.
Les urines sont troubles et ammoniacales.
L'étal général, cependant, est loin d'être satislaisant. Le malade a
perdu l'appétit, il souffre d'une soif vive, la peau est chaude et le ther-
momètre oscille entre S'S" et 39o. Le malade est manifestement infecté
par la résorption de produits septlques au niveau de la vessie enflam-
mée et de ses larges escarres.
Evolution de l'affection. — L'état général empira dans les jours qui
suivirent l'examen précédent et le malade succomba bientôt, le 3 mars,
à 9 heures du matin (seizième mois de l'affection).
Autopsie. — Faite le lendemain matin, 25 heures après la mort. Le
cadavre est extrêmement amaigri, les mensurations circonférencielles
des membres inférieurs donnent pour les cuisses, à 20 centim. de l'in-
terligne fémoro-tibial : 30 centim. à droite et à gauche ; pour les jam-
bes, à 15 centim. du plateau tibial : 25 centim. à droite et 24 centim. à
gauche.
Sur les téguments, on constate les lésions que nous avons déjà signa-
— 315 -
lées vastes escarres avec décollement an niveau du sacrunn et des
trochanters , plaques noirâtres sur les extrémités inférieures.
Organes thoraco- abdominaux. — Foie volumineux, congestionné,
pèse 2,670 gr., présente à la coupe l'aspect du « foie muscade ». Pou-
mons : pas de lésions tuberculeuses, congestion des deux bases avec
léger œdème, quelques petits foyers purulents à la base du poumon
gauche (infarctus septiques). Rate : très volumineuse, dimensions : lon-
gueur 24 centim., largeur 8 centim. Poids 450 gr. Reins : conges-
tionnés, pas de néphrite septique. Rein droit, 205 gr., rein gauche,
240 gr. Vessie : parois épaissies; muqueuse congestionnée, ramollie ;
contient un liquide louche, purulent.
Centres nerveux. — Le cerveau ne présente aucune altération ma-
croscopique, ni sur sa surface corticale, ni sur les coupes faites dans
l'organe à l'état frais.
A l'ouverture du canal rachidien, on constate que la partie termi-
nale du canal sacré est entrée eu communication avec le foyer de l'es-
carre correspondante ; mais l'inflammation n'a pas remonté dans le
canal rachidien, elle a été limitée par des adhérences à la paroi osseuse
du cul-de-sac inférieur de la dure-mère. Elle n'a pas pénétré à l'inté-
rieur de l'enveloppe durale, car à l'incision du cul-de-sac inférieur il
s'écuule un liquide clair qui est le liquide céphalo-rachidien non
modifié.
Le canal osseux, dans tout le reste de son étendue, ne présente aucune
altération.
L'aspect de la surface extérieure de la dure-mère est absolument nor-
mal ; il n'existe, avec les parois osseuses, aucune adhérence patholo-
gique, à part celle du cul de-sac inférieur. La dure-mère incisée dans
sa longueur se sépare facilement de la moelle, il existe seulement une
adhérence très restreinte à la pie-mère, au niveau de la partie antéro-
latérale gauche de la moelle, à la hauteur de la cinquième racine dorsale,
sur une surface de quelques millimètres à peine. Pour respecter cette
adhérence, nous circonscrivons par un coup de ciseaux la petite portion
de dure-mère adhérente qui reste attachée à la pie-mère (v. fig. 15).
L'aspect extérieur de la moelle est peu modifié. Il existe une certaine
congestion avec légère turgescence du lacis vasculaire de la pie-mère,
mais pas de rougeur diffuse. En deux endroits, la moelle estlégèrement
déprimée et d'une consistance inégale : dans la région dorsale moyenne
et dans la région dorsale inférieure. Dans ces deux parties, la coloration
est d'un rose ambré. On trouve de plus un léger état dépoli de la pie-
mère, au voisinage du point on nous avons signalé son adhérence à la
dure-mère.
Sur les coupes de l'organe frais, on constate dans la région cervicale
une teinte rosée manifeste du cordon de Goll et une altération analogue,
mais moins nette, de la périphérie des cordons latéraux. Dans les coupes
- 316 —
qui passent au niveau des deux foyers que nous avons signalés, on con-
state une certaine induration du tissu. La surface de coupe n'a plus sa
couleur (blanc mat) normale, elle n'offre pas une coloration uniforme;
au centre, la substance grise dont le tissu rosé a tendance à s'effondrer
forme deux dépressions sur la coupe.
Les cordons blancs présentent un pointillé rouge mêlé de taches
rosées et de taches jaunâtres. Ces dernières forment des petits foyers
ovales ou régulièrement arrondis qui sont surtout abondants dans les
cordons postérieurs. En regardant ces petites taches obliquement et à
jour frisant, on trouve qu'elles n'ont pas l'aspect lisse et luisant des par-
ties voisines, mais elles ont une teinte jaune mat d'apparence caséeuse,
elles sont légèrement saillantes et déprimées au centre (ombiliquées).Un
de ces petits foyers, excisé au moyen de ciseaux courbes et examiné au
microscope après dissociation, se montre composé d'un amas compact
de corps granuleux.
Ces altérations macroscopiques sont assez irrégulièrement distribuées
à la surface des coupes, elles prédominent d'une façon générale dans
les cordons postérieurs et la partie postérieure des cordons latéraux.
Elles ont leur maximum d'intensité dans lesdeuxfoyersque nous avons
signalés, au niveau de l'émergence des quatrième, cinquième et
sixième racines dorsales pour le foyer supérieur, et, pour le foyerinfé-
rieur, au niveau des neuvième, dixième et onzième racines dorsales.
Examen microscopique a l'état frais. — Moelle. — L'examen de
fragments de tissu médullaire dissociés à l'état frais ou après quelques
jours de macération dans le liquide de MûUer ne fournit que peu de
renseignements ; on trouve dans les préparations un nombre énorme de
corps granuleux dont la plupart possèdent encore un noyau et ont con-
servé la forme cellulaire; mais les granulations graisseuses forment
aussi des masses considérables sans individualité. Les préparations
montrent également des fragments de tubes variqueux, des cylindres-axes
granuleux et hypertrophiés. Les cellules nerveuses sont arrondies et
atrophiées ou irrégulières et souvent creusées de vacuoles. Le tissu
névroglique est représenté par de véritables écheveaux de fibrilles
mêlées de très nombreuses cellules araignées. Il existe encore un certain
nombre de noyaux libres et de corps amyloïdes.
Enfin, les petits vaisseaux senties uns gorgés de globules rouges, les
autres envahis par des cellules lymphatiques qui se massent surtout
dans la gaine lymphatique et forment des nodules compacts au niveau
des points de bifurcation.
Racines médullaires. — Un certain nombre de racines tant, anté-
rieures que postérieures, ont été prises dans les régions les plus altérées
de la moelle et examinées par dissociation après fixation par l'acide
osmique.
— 317 —
Uu fait remarquable, c'est le nombre extrêmement restreint de tubes
dégénérés dans ces racines. Les différents faisceaux dissociés ont bien
pris la coloration noire et c'est à peine si, au milieu d'un groupe de
15 à 20 tubes par exemple , on trouve 1 à 3 flbres dégénérées et
moniliformes.
Examen microscopique de moelle sur les coupes. — Certains
segments prélevés dans les régions les plus altérées de la moelle ont
été examinés après quelques jours d'imprégnation par le liquide de
Millier. Les coupes ont été faites sur le microtome à congélation et
exemptes de tout contact avec l'alcool qui fait disparaître certains
éléments de dégénération.
Les autres segments, après durcissement complet, ont été inclus dans
le collodion et traités par les méthodes de coloration ordinaires.
Examen des coupes à un faible grossissement (Obj. a var. Zeiss;
oc. 1). Colorations par les méthodes de Weigert et de Pal.
La distribution des zones de dégénération et les modifications gros-
sières des méninges sont visibles avec un faible objectif.
Dans le bulbe et la région cervicale supérieure, les méninges n'ont
subi aucun épaississement appréciable. La dégénérescence intéresse le
cordon de Goll tout entier et le faisceau cérébelleux direct.
Bulbe. — Dans le bulbe, le faisceau de Goll est complètement dégé-
néré (au niveau du collet du bulbej, il ne présente plus une seule fibre
colorée. Au contraire, les fibres parties des noyaux des cordons de Goll
et de Burdach et qui, après entre-croisement se placent en arrière des
pyramides motrices (Schleife), sont absolument intactes.
On trouve de plus, dans la zone marginale, latérale, médiane, en
avant de la substance gélatineuse de Rolande, un petit triangle de dégé-
nération 011 ne persistent qu'un petit nombre de fibres saines. Ce
triangle représente dans le bulbe la continuation du faisceau cérébelleux
direct et du faisceau de Gowers.
Sur une coupe passant par la partie moyenne de l'olive, on ne trouve
plus naturellement le cordon de Goll; il persiste au contraire dans le
sillon latéral du bulbe, sillon qui sépare l'olive du corps restiforme, un
petit triangle dégénéré, qui est la continuation du faisceau cérébelleux
direct; à ce niveau d'ailleurs, la dégénérescence du faisceau a beaucoup
diminué d'intensité.
RÉGION cervicale SUPÉRIEURE. — Au-dessous du collet du bulbe et
dans les segments correspondant aux premières paires cervicales, le
— 318 -
cordon de Goll, effilé en pointe, vient au contact de la commissure grise.
Il est totalement dégénéré (fig. 13).
La zone marginale dégénérée du cordon latéral prend la forme d'un
croissant dont l'extrémité postérieure élargie touche à la racine posté-
rieure et dont la pointe antérieure effilée se prolonge en avant jusqu'à
une faible distance du sillon médian antérieur. La sclérose intéresse
donc le faisceau cérébelleux direct et le faisceau de Gowers. Ce dernier
est surtout atteint du côté droit. A gauche, au contraire, la zone dégé-
nérée atteint la plus grande largeur dans la partie exactement latérale
de la moelle. Cette dégénérescence n'est pas absolument totale, il per-
siste encore quelques rares tubes sains, elle n'est pas non plus exac-
tement marginale, car elle est limitée en dehors par un petit champ très
mince indiqué par la présence d'un plus grand nombre de tubes. Cette
Fig. 13. — Cas n° III. — Coupe au niveau de la quatrième racine cervicale.
(Méthode de Pal.)
dernière particularité prouve qu'il ne s'agit certainement pas ici d'une
dégénération consécutive à l'envahissement du cordon latéral par un
tissu inflammatoire émané des membranes d'enveloppe. Les autres por-
tions de la moelle sont régulièrement conformées et bien colorées.
RÉGION CERVICALE INFÉRIEURE. — La distribution des zones dégé-
nérées est la même. Le cordon de Goll s'élargit dans sa partie antérieure,
si bien qu'au niveau de la septième cervicale il a la forme d'un rec-
tangle dont les deux côtés latéraux sont concaves en dehors et le petit
côté antérieur appuie sur la substance grise. La zone latérale dégénérée
tend à se prolonger dans la profondeur du cordon latéral et à gagner
le territoire du laisceau pyramidal croisé.
L'altération est toujours totale pour le cordon de Goll et très pro-
noncée dans la zone atteinte du cordon latéral.
— H19 —
RÉGION DORSALE SUPÉRIEURE. — Dans la partie toute supérieure, les
zones dégénérées occupent encore une situation correspondant à celle
que nous avons constatée dans la région cervicale ; cependant la sclérose
s'étend un peu en profondeur dans le cordon latéral et sort un peu des
limites du faisceau de Goll dans le cordon postérieur.
Au niveau de la troisième racine dorsale (fig. 14), dans le cordon
FiG. 14. — Cas n" III. — Coupe au niveau de la troisième racine dorsale.
autéro-latéral, la sclérose envahit toute la zone marginale et se pro-
longe irrégulièrement dans les parties profondes, de sorte que la limite
intérieure de la zone dégénérée est déchiquetée et diffuse.
Dans le cordon postérieur, le cordon de Goll est toujours complète
ment dégénéré. Dans les zones de Burdach, il existe de petites taches
irrégulières où les tubes sont raréfiés. A ce faible grossissement, il est
facile de constater également un très léger épaississement de la pie-mère
et de l'arachnoïde. Une portion de la dure-mère qui a été comprise
dans la coupe est au contraire absolument normale. On voit, de plus,
de volumineux vaisseaux, tant dans l'épaisseur de la pie-mère que dans
l'intérieur de la moelle même et des cordons veineux oblitérés dans la
cavité sous-arachnoïdienne.
RÉGION DORSALE MOYENNE ET RÉGION DORSALE INFÉRIEURE. — A partir
de la quatrième racine dorsale, les lésions sont beaucoup plus étendues
et offrent leur maximum d'intensité en deux régions dont le centre cor-
respond à la cinquième racine dorsale d'une part, et d'autre part aux
dixième et onzième racines dorsales.
Cinquième racine dorsale (fig. 15). — A ce niveau, la dure-mère
— 320 —
adhère à la pie-mère sur une surface très limitée, un peu au-dessus de
l'émergence de la cinquième racine dorsale antérieure gauche, et sur la
ligne verticale qui correspond à l'émergence des racines antérieures de
ce côté. L'étendue de cette adhérence est de quelques millimètres seu-
lement, la dure-mère d'ailleurs ne présente aucun épaississement.
Le contour de la moelle est légèrement déformé, présentant des
encoches, les cornes sont déplacées. Ces modifications résultent de la
rétraction du tissu de sclérose qui, ainsi que nous l'avons noté donnait
à cette partie de la moelle une consistance plus ferme que de coutume.
La sclérose envahit la presque totalité de la moelle, il ne persiste plus
qu'une zone mince et irrégulière qui entoure la substance grise. Dans
le cordon postérieur, en particulier, on ne trouve plus de fibres ner-
veuses que dans une région qui correspond à peu près à la bandelette
radiculaire externe. Les cornes de la substance grise sont fortement
décolorées, le réticulum de la colonne de Clarke a disparu.
r
YiG. 15. Cas n° III. — Coupe au niveau de la cinquième racine dorsale. Dans
les zones dégénérées, petites taches grises indiquant les foyers de corps gra-
nuleux.
Dans le tissu de sclérose coloré en jaune par la méthode de Weigcrt,
on trouve de petits foyers arrondis ou à contours polycycliques oîi le
tissu a pris une teinte gris bleu sale et correspondant k des amas de
corps granuleux ainsi que nous le verrons plus loin.
On voit encore un grand nombre de vaisseaux très épaissis oblitérés
qui criblent toute la surface de coupe. La coupe, au niveau de la sixième
racine dorsale, présente les mêmes particularités
Les différentes coupes du segment médullaire qui correspond aux
— 321 —
septième, huitième, neuvième racines dorsales présentent à peu près
uniformément l'aspect suivant (fig. 16).
" Fig. 16. — Cas n" III. — Coupe au niveau de la neuvième racine dorsale.
Le contour de la moelle est plus régulier bien qu'encore festonné.
La pie-mère n'offre qu'un léger épaississement uniformément réparti et
n'adhère que faiblement au tissu médullaire.
La destruction des tubes nerveux est presque totale dans le cordon
postérieur, excepté au niveau des bandelettes radiculaires externes, et
dans le cordon latéral sauf dans une petite zone contiguë à la substance
grise. Dans le cordon antérieur, la zone saine qui entoure la corne
antérieure est un peu plus étendue, mais la partie marginale du cordon
et celle qui correspond au faisceau de Turck sont dégénérées.
La coupe du tissu sciéreux est semée de foyers grisâtres de corps
granuleux et piquetée d'un grand nombre de vaisseaux extrêmement
altérés. La substance grise présente les mêmes altérations que plus
haut.
Dixième racine dorsale (fig. 17). — La distribution de la sclérose
dans la moelle offre à peu près la même topographie, cependant l'alté-
FiG. 17. — Cas n° III. — Coupe au niveau de la dixième racine dorsale.
ration des zones dégénérées paraît plus prononcée. La moelle était
induiée à l'état frais et sur la coupe microscopique son contour est
S. 21
— 322 —
marqué d'encoches qui semblent résulter de la rétraction du tissu
scléreux.
Le champ de dégénération offre d'ailleurs les apparences que nous
connaissons, le nombre des vaisseaux altérés est très considérable et la
destruction des tubes nerveux totale.
La pie-mère présente un épaississement un peu plus marqué dans la
région postérieure où elle adhère à l'arachnoïde qui semble constituée
par plusieurs feuillets.
Onzième racine dorsale (flg. 18). — La surface de coupe tout entière
est envahie par la sclérose et les tubes nerveux sont extrêmement
raréfiés même dans les parties centrales de la moelle. La substance
grise absolument décolorée est déformée, les cornes sont étalées, mal
limitées.
Toute la surface de coupe est semée de vaisseaux altérés et de foyers
grisâtres de corps granuleux.
Douzième racine dorsale (flg. 19). — Au-dessous du foyer d'altération
FiG. 19. — Cas n° III. — Coupe au niveau de la douzième racine dorsale,
maxima que nous venons de décrire, la moelle reprend peu à peu un
- 323 —
aspect plus normal ; au niveau de la douzième racine dorsale la sclérose
est encore très marquée dans les parties périphériques, elle s'avance
assez profondément dans le cordon latéral et forme des foyers diffus
dans le cordon postérieur, mais les parties centrales de la moelle sont
mieux respectées.
RÉGION LOMBAIRE. — A partir de la région dorso-lombaire, les zones
scléreuses affectent une disposition systématique qui indique une dégé-
nérescence secondaire descendante. En effet, au niveau de la deuxième
racine lombaire (fig. 20), le faisceau pyramidal et le cordon antérieur
dans la partie voisine du sillon médian sont seuls atteints. La petite zone
dégénérée du cordon antérieur doit être considérée comme appartenant
aux fibres pyramidales non entrecroisées (faisceau de Turck).
Fig. 20. — Cas n» III. — Coupe au niveau de la deuxième racine lombaire.
A la hauteur de la quatrième racirie lombaire, la dégénérescence
de ce dernier faisceau est encore représentée par une petite zone déco-
lorée tout à fait marginale et située dans l'angle antérieur du cordon
antérieur.
Le reste de la surface de coupe dans toute la région lombo-sacréc est
intact, on constate seulement que de nombreux vaisseaux sont soit
épaissis dans leurs parois, soit dilatés et remplis de sang.
La pie-mère ne paraît ni notablement épaissie ni anormalement adhé-
rente au tissu médullaire. Néanmoins, on voit encore de nombreuses
veines volumineuses et oblitérées soit en contact avec la pie-mère, soit
dans l'espace sous-arachnoïdien.
Examen microscopique des éléments de tissu à un fort grossisse-
ment. (Obj. 4,7 Leitz, F Zeiss; oc. 1, 3) Colorations : carmin; éosine,
hématoxyline, etc.
Région bulbaire. — Dans l'examen des coupes de cette région ce
qui frappe tout d'abord, ce sont les modifications des vaisseaux. Les
artères vertébrETles et basilaires avec les branches qui s'en détachent
ont été incluses dans le collodion et étudiées par des coupes transver-
sales. Les altérations des gros troncs sont assez peu prononcées, néan-
moins on constate sur presque tous une périartérite manifeste. L'en-
dartère est sain d'une façon générale, il existe cependant par places des
épaississements qui font saillie dans la lumière du vaisseau. Les lésions
de l'endartère sont souvent en concordance avec des lésions accen-
tuées des parties correspondantes de l'adventice, mais d'autres fois
c'est l'endartérite qui est prédominante. Toutes les petites branches
artérielles voisines du bulbe sont bien plus atteintes, la périartérite est
constante et très accentuée ; l'endartérite également généralisée et très
intense.
La tunique musculaire est ordinairement intacte et les noyaux mus-
culaires bien ordonnés.
Le tissu qui compose l'adventice épaissie est généralement fibreux et
assez pauvre en noyaux. Il existe cependant des petits foyers de noyaux
qui entourent des vasa-vasorum dilatés.
L'endartère épaissi est constitué par un tissu stratifié mêlé de noyaux
dont l'orientation varie.
La lumière rétrécie du vaisseau ordinairement remplie de globules
rouges contient aussi quelquefois un nombre considérable de globules
blancs ou de cellules endothéliales desquamées.
La membrane élastique qui sépare l'endartère de la tunique moyenne
est souvent déplissée et même complètement effacée. Il est à remarquer
que ces vaisseaux très altérés sont libres de toute adhérence et de tout
envahissement par un tissu pathologique étranger.
Les veines qui cheminent dans la cavité sous-arachnoïdienne sont
épaissies et souvent oblitérées. Le tissu qui compose ces cordons pleins
offre alors un fond homogène assez mal coloré dont la partie périphé-
rique est le plus souvent striée par des fibrilles ondulées et semée de
nombreux noyaux embryonnaires.
Dans la pie-mère, on retrouve les mêmes altérations vasculaires,
cependant il n'y a que très peu de veines complètement oblitérées, mais
elles ont toutes leurs parois très épaissies et infiltrées de cellules
rondes. Toutes les petites artères sont également atteintes, mais l'infil-
tration reste limitée à la tunique adventice. Les deux ou trois grosses
artères spinales antérieures sont perméables, l'adventice seule est
notablement épaissie, l'endartère l'est très peu et d'une façon iné-
gale.
Dans l'intérieur même du bulbe les altérations vasculaires sont bien
moins marquées, il n'existe pas de vaisseaux volumineux; cependant
même en dehors des zones de dégénération secondaire, les capillaires
sont indiqués par des traînées de noyaux abondants. De nombreux
petits vaisseaux un peu plus gros ont leurs parois infiltrées.
— 325 —
La pie-mère n'est pas épaissie, et présente seulement de, nombreux
amas embryonnaires peu étendus qui entourent principalement les vais-
seaux. L'infiltration embryonnaire a, en effet, manifestement pour point
de départ les gaines périvasculaires. De là^ elle s'insinue entre les lames
fibreuses de la méninge dans laquelle elle forme des traînées qui
réunissent entre eux les nodules périvasculaires.
Notons encore, au niveau du plancher du quatrième ventricule la pré-
sence de nombreuses granulations épendy maires. Ces petites néoforma-
tions sont formées par une nodosité d'apparence névroglique et fibreuse
entourée d'une zone embryonnaire qui est revêtue du côté de la cavité
ventriculaire par une couche de cellules épendymaires.
Le parenchyme nerueu.x dans la région bulbaire est sain, en exceptant
les zones atteintes de dégénération secondaire. A ce niveau, les tubes
nerveux sont presque complètement détruits. Il n'en reste plus dans le
faisceau de Goll, le tissu qui le compose est constitué par une trame
serrée de fibrilles névrogliques semée de nombreux noyaux embryon-
naires et d'espaces vacuolaires qui contiennent souvent des cellules
granuleuses nucléées.
La substance du noyau gris adjacent (noyau du cordon de Goll) a
perdu beaucoup de ses fibrilles nerveuses, mais les cellules nerveuses
paraissent intactes comme nombre et comme configuration.
RÉ&iON CERVICALE. — On peut, pour cette région, appliquer les mêmes
remarques à l'état des vaisseaux et des méninges.
Les veines sont les plus altérées, elles ont toutes leurs parois totale-
ment infiltrées de noyaux ou bien sont oblitérées. Les artères sont
moins atteintes, elles présentent cependant toutes une périartérite pro-
noncée. Cette périartérite a d'ailleurs les caractères d'une lésion ancienne
car elle est surtout fibreuse.
L'artère spinale antérieure est largement béante dans toute la hauteur
de cette région, mais offre un épaississement moyen et régulier de
l'endartère.
Le stroma fibreux de la pie-mère n'est pas notablement épaissi dans
la partie supérieure de la région cervicale, mais l'importance de ce
tissu est légèrement augmentée dans les parties moyenne et inférieure.
Ce qui domine, c'est l'infiltration nucléaire. Celle-ci est incomparaljle-
ment plus prononcée autour des vaisseaux, mais il existe également des
traînées importantes entre les plans fibreux de la méninge.
Pour la moelle même, nous connaissons la distribution des zones
scléreuses. Le tissu qui compose le cordon de Goll est beaucoup plus
dense que celui des faisceaux cérébelleux directs dégénérés et prend
plus vivement le carmin, c'est d'ailleurs une particularité qui s'observe
toujours dans les cas de dégénérescence secondaire, le tissu de sclérose
est toujours beaucoup plus serré dans le cordon postérieur. Dans le cas
— 326 —
actuel, il est représenté par des fibrilles névrogliques et de nombreuses
cellules araignées volumineuses dont les prolongements s'enchevêtrent.
Ces éléments constituent un feutrage épais qui présente par places des
vacuoles remplies soit par une cellule granuleuse nucléée, soit par un
corps granuleux purement graisseux ou par une boule liyaline.
Au niveau du cordon de Goll il n'y a plus un tube nerveux; au con-
traire, dans le faisceau marginal latéral, on en compte encore quelques-
uns qui sont d'apparence normale ou bien possèdent un cylindre-axe
hypertrophié.
Le reste du parenchyme médullaire ne présente pas grande modifi-
cation, il faut cependant noter que les cellules araignées sont plus déve-
loppées qu'à l'ordinaire. Les petits vaisseaux intramédullaires ont leurs
parois épaissies et infiltrées et cette modification s'accentue dans la
partie inférieure de la région cervicale, elle est aussi prédominante
dans le cordon de Goll dégénéré.
La substance grise, dans toute la région cervicale , ne présente aucune
altération, les éléments cellulaires sont intacts ainsi que le réseau
flbrillaire nerveux. Les fibres radiculaires antérieures et postérieures
sont absolument normales.
Les racines médullaires paraissent intactes; sur les préparations
colorées par la méthode de Weigert ou de Pal, on ne constate pour
ainsi dire pas un vide au milieu des faisceaux de fibres coupées trans-
versalement et colorées en noir.
Sur les préparations colorées par l'hématoxyline alunée, on décèle des
altérationsvasculairesanaloguesà celles que nous avons décrites dans la
moelle. Le périnèvre ne présente pas d'épaississement, on trouve seule-
ment une légère infiltration du corps même du faisceau nerveux, infil-
tration qui émane particulièrement des gaines périvasculaires.
RÉGION DORSALE. - Nous avons vu que c'est dans cette région que
les altérations étaient le plus prononcées et que le maximum d'intensité
des lésions portait sur deux segments situés vers la cinquième racine
dorsale et vers la dixième.
Cette portion de la moelle a été étudiée sur toute sa longueur par des
coupes transversales et longitudinales. Les modifications portent sur.
toutes les parties constituantes de l'organe et les aspects du tissu sont
très variés; nous essaierons d'en donner une description eu étudiant
chaque groupe d'éléments en particulier.
Enveloppes molles et vaisseaux périphériques. — La dure-mère est
absolument saine et ainsi que nous l'avons vu n'adhère à la pie-mère
que sur une très petite surface à la hauteur dé la cinquième racine
dorsale.
L'arachnoïde est manifestement épaissie et présente par places de
petits amas de cellules embryonnaires. De cette membrane se détachent
— 327 —
quelques tractus épaissis qui la réunissent à la pie-mère et englobent
souvent les vaisseaux qui présentent des altérations que nous décrirons
plus loin.
La pie-mère, dans toute l'étendue de la région dorsale, est légèrement
épaissie, mais cet épaississement est dû surtout au développement de
nombreuses cellules embryoïmaires entre les lames fibreuses de la
membrane. Cette augmentation d'épaisseur, peu marquée et inappré-
ciable à l'œil nu, ne prend une véritable importance qu'en un point, au
niveau des cinquième et sixième racines dorsales, à l'origine du sillon
médian antérieur. Au niveau de la cinquième racine dorsale, la mem-
brane se confond d'ailleurs avec la dure-mère en un petit espace et la
substance médullaire sous-jacente est remplacée par un tissu scléreux
fibreux et embryonnaire très dense (v. fig. 15).
Les travées fibreuses qui constituent la chai'pente de la pie-mère ne
sont pas notablement augmentéés, mais les différents plans sont comme
dissociés par l'infiltration embryonnaire qui s'insinue dans les fentes
du tissu.
L'envahissement est à peu près général, mais il est prédominant dans
la région dorsale et surtout localisé au pourtour des vaisseaux.
La pie-mère n'adhère que faiblement au tissu médullaire sous-jacent,
elle en est même le plus souvent détachée. Le tissu de la moelle, qui s'est
plus ou moins retracté sous l'influence du liquide durcissant, s'est séparé
de l'enveloppe méningée qui devenue trop lâche s'est plissée en plu-
sieurs points.
En un endroit seulement, la pie-mère fait corps avec le tissu de la
moelle.c'est au point précisément oîi elle est unie à la dure-mère. Partout
ailleurs, l'inflammation de la pie-mère n'envahit pas la moelle, on trouve
seulement une infiltration des tractus pie-mériens qui pénètrent dans la
moelle lorsque ces tractus correspondent à la section d'un vaisseau.
Vaisseaux. — Le système des vaisseaux spinaux antérieurs est pro-
fondément atteint dans toute la hauteur de la région dorsale. L'artère
présente une périartérite manifeste accompagnée d'une endartérite
dont l'intensité augmente progressivement depuis la première racine
dorsale jusqu'à la cinquième et à la sixième oîi elle atteint son maximum
pour diminuer un peu au-dessous et reprendre vers la dixième et la
onzième racines dorsales. La tunique musculaire au contraire reste à
peu près intacte, elle forme sur les coupes une bande régulière semée
de noyaux musculaires parallèles et bien ordonnés,
Au niveau des cinquième et sixième racines dorsales, l'épaississement
va jusqu'à l'oblitération. Dans cette région qui correspond au plus fort
épaississement de la pie-mère, l'artère spinale et ses branches collaté-
rales sont englobées dans le tissu fibreux. La périphérie du vaisseau est
envahie par une infiltration cellulaire exubérante, en sorte que la mem-
brane adventice fait corps avec le tissu environnant (pl. III, fig. 2 et 3).
— 328 —
La couche musculaire peu modifiée est seulement un peu déformée
et n'est pas envahie par l'infiltration,
La membrane élastique est distendue, déplissée et même souvent
indistincte sur une partie de son contour.
Quant à Vendartère, il forme une couche épaisse composée de strates
de cellules plates dont les noyaux se placent d'ordinaire concentrique-
ment; au voisinage de la partie centrale du vaisseau totalement ou
presque complètement oblitéré, les noyaux sont plus nombreux et se
disposent plus irrégulièrement. S'il existe encore au centre une lumière
à contour irrégulier, les cellules endothéliales multipliées s'entassent
et se placent perpendiculairement à la paroi, pénétrant plus ou moins
dans l'intérieur de la lumière du vaisseau et se mêlant aux quelques
globules rouges qui y sont contenus.
Les veines voisines sont complètement obturées, le tissu qui les
forme est plus trouble, plus homogène et moins riche en cellules que
celui des parois artérielles. Toutefois, à la périphérie de la veine,
l'abondance cellulaire reprend et devient le point de départ d'une infil-
tration qui irradie dans les mailles du tissu environnant.
Les vaisseaux du système spinal postéro-latéralet du groupe postérieur
présentent les mêmes modifications : péri-endartérite et phlébite obli-
térante.
Tous les vaisseaux, d'ailleurs, compris dans l'épaisseur de la pie-mère
ou accolés à cette membrane, sont envahis par l'infiltration embryon-
naire, mais les vaisseaux isolés qui circulent dans l'espace sous-arach-
noïdien sont atteints d'altérations aussi prononcées. En particulier, les
artères et les veines qui accompagnent les racines offrent des modifi-
cations très accentuées, sans que d'ailleurs leurs parois soient englobées
par un tissu voisin. Dans ces conditions, l'artère présente une péri-
endartérite dont nous connaissons les caractères et la veine est généra-
lement plus atteinte que l'artère. Mais le contour extérieur de la tunique
adventice de ces vaisseaux est nettement limité et libre d'adhérences
pathologiques.
Tissu médullaire. — Les altérations du tissu médullaire sont extrê-
mement polymorphes. Elles sont excessivement prononcées dans toute
la hauteur du segment dorsal et atteignent leur maximum d'intensité
dans les deux foyers que nous avons signalés.
Éléments nobles du parenchyme nerveux. — Les tubes nerveux de
la substance blanche sont extrêmement altérés ou, pour mieux dire, ils
sont complètement détruits dans les parties dégénérées de la moelle, et
ne sont plus représentés que par les produits ultimes de leur désinté-
gration. Toutefois, au pourtour de la substance grise, on retrouve une
zone où les tubes nerveux ont conservé à peu près leur structure nor-
male. Il existe cependant quelques gaines dilatées et privées de myéline
avec un cylindre-axe mis à nu et souvent pelotonné ; d'autres tubes sont
remplis par un cylindre-axe hypertrophié.
— 329 —
A mesure qu'on s'éloigne de la substance grise, les tubes nerveux
deviennent plus rares et sont remplacés par des éléments de désinlé-
gration et par du tissu scléreux névroglique.
Dans la substance grise, les cellules nerveuses sont très altérées,
mais leur destruction n'est à peu près totale qu'au niveau des deux
foyers signalés. Dans les autres régions, ces cellules sont granuleuses^
triangulaires ou arrondies, en tous cas la plupart du temps dépouillées
de leurs prolongements et souvent réduites à un petit moignon homo-
gène fortement coloré.
Tissu interstitiel. — Le tissu névroglique est extrêmement liyper-
plasié. Pour obtenir des préparations nettes, les coupes faites dans des
segments de moelle durcis à la gomme ont été traitées par l'acide acétique
ou la potasse, puis par l'alcool et l'éther, et débarrassées ainsi de tous les
éléments granulo-graisseux de nécrobiose. Dans ces conditions, le tissu
des coupes laites au niveau des régions les plus altérées apparaît comme
constitué par un réseau névroglique pour ainsi dire pur (pl. III, fig. 1).
Dans la substance grise, ce réseau forme une trame délicate dont les
mailles sont plus ou moins serrées suivant les régions. Au voisinage du
canal central, la névroglie peu modifiée est dense, au contraire dans le
centre des cornes, surtout des cornes antérieures, elle forme une sorte
de dentelle très fine et souvent effondrée, en sorte qu'il y a une véritable
perte de substance. Les cellules névrogliques sont extrêmement nom-
breuses et donnent naissance à de nombreux prolongements qui irradient
dans tous les sens et s'enchevêtrent.
Dans les cordons blancs, la névroglie présente des aspects différents
suivant les points considérés et selon le sens des coupes. Dans les cor-
dons latéraux, elle forme des travées rayonnées irradiant du- centre
de la moelle vers la périphérie. De ces travées partent des prolongements
secondaires qui s'entre-croisent et forment des mailles arrondies conte-
nant les éléments de destruction des tubes.
Dans les cordons postérieurs, l'aspect de la névroglie est plus varié.
Sur les coupes transversales, les filaments névrogliques forment un
enchevêtrement inextricable ou bien se groupent par faisceaux, en cons-
tituant des sortes de tourbillons de fibres parallèles. En certains points,
le tissu est beaucoup plus raréfié, ces points cnrrespondent aux foyers
de corps granuleux qui ont été en partie dissous ou éclaircis par l'alcool
et les essences; les mailles sont très larges, le tissu très lâche, sauf
souvent au centre du foyer où il forme comme un noyau d'où irradient
des prolongements filamenteux qui rejoignent la périphérie du foyer.
Dans toutes les parties sclérosées, les filaments névrogliques s'amas-
sent aussi en couches concentriques autour des vaisseaux, mais n'adhè-
rent nullement à la paroi de ces vaisseaux dont ils sont généralement
séparés par une fente. Sur les coupes transversales, on trouve de
nombreux petits points vivement colorés (carmin) qui représentent
— 330 —
les filaments névrogliques longitudinaux coupés transversalement.
La disposition longitudinale des filaments de névroglie est surtout
manifeste sur les coupes longitudinales.
Dans les cordons postérieurs surtout, les faisceaux de filaments for-
ment des bandes ondulées et parallèles qui composent presque uni-
quement tout le tissu sur des portions étendues. De nombreuses cellules
araignées et des noyaux libres sont semés dans les interstices des fila-
ments névrogliques (pl. IV, flg. 1).
Tout ce tissu de sclérose est d'une structure fine et délicate et l'élément
conjonctif paraît presque étranger à sa formation. Il n'y a qu'un très
faible épaississement des gaines conjonctives périvasculaires qui accom-
pagnent les vaisseaux des travées pie-mériennes. Mais au niveau d'un
point sur lequel nous avons déjà attiré l'attention et qui correspond à la
symphyse des méninges, ces méninges soudées et la partie adjacente
du tissu médullaire forment un tout constitué par un tissu scléreux dense
dont les travées conjonctives fibreuses sont beaucoup plus épaisses que
des travées névrogliques. De nombreux vaisseaux compris dans cette
masse cicatricielle qui se prolongo jusqu'à la corne antérieure gauche
sont oblitérés et semés de granulations brunes de pigment sanguin.
Dans les parties de la moelle relativement saines, le réseau névro-
glique qui sépare les tubes sains est plus développé que normalement,
il forme un réticulum très accusé dont les noeuds sont occupés par de
grandes cellules araignées nombreuses et très ramifiées.
Éléments de désintégration. — Les produits de destruction des élé-
ments du parenchyme nerveux sont très abondants, ils comblent tous
les vides laissés entre les travées du tissu de sclérose.
Ils sont surtout représentés par des corps granuleux. Ceux-ci sont
formés par un élément cellulaire arrondi, volumineux, rempli de gra-
nulations graisseuses et possédant un noyau.
On trouve aussi des masses considérables de gouttelettes graisseuses
agglomérées sans limite exacte qui semblent formées par la fusion de
nombreux corps granuleux. Pour étudier la disposition de ces corps
granuleux, nous avons fait des coupes dans des fragments congelés de
la moelle fraîche, les coupes colorées et montées dans la glycérine
élaient ainsi mises à l'abri de l'action de l'alcool. Dans ces conditions,
on trouvait des corps granuleux excessivement nombreux qui tapis-
saient toute la surface de coupe. Au niveau des foyers les plus altérés
ils remplissaient toutes les mailles du tissu et formaient même des amas
confluents au niveau desquels la trame névroglique était plus lâche.
Ce sont précisément ces amas qui représentent les taches jaunâtres
d'apparence caséeuse que nous avions reconnues sur les surfaces de
coupe de la moelle fraîche. Dans la substance grise, les corps granu-
leux sont bien moins nombreux.
Sur les préparations coloréés par la méthode de Weigert, on ne voit
— 331 -
que peu de granulations de myéline libres et colorées en bleu noirâtre ;
cette substance a en effet totalement disparu dans les zones dégéné-
rées, au contraire les corps granuleux isolés et ceux qui sont réunis en
foyers forment des taches d'un bleu grisâtre et sale.
Il faut noter encore la présence de nombreuses cellules granuleuses
mais non graisseuses et d'éléments nucléés en voie de division, enfin
de granulations de pigment sanguin. On voit qu'il n'existe plus trace
de tubes nerveux, il ne nous a pas été possible de trouver de produits
reconnaissables de provenance cylindre-axile. Il existe d'ailleurs toute
ime partie du tissu qui est indéfinissable et qui est représentée par une
substance granuleuse répandue entre tous les éléments figurés que nous
avons décrits. Cette substance homogène est surtout répandue dans la
substance grise dont le tissu moins chargé de produits graisseux est
moins compact et laisse mieux percevoir la charpente névroglique.
Vaisseaux. — Nous avons vu jusqu'à quel point était poussée l'alté-
ration des vaisseaux phériphériques de la moelle. Ceux qui sont
contenus dans la moelle même sont aussi atteints et présentent plusieurs
particularités intéressantes.
Dans toute l'étendue du segment dorsal aussi bien dans les parties
les plus atteintes que dans celles qui sont relativement saines, tous
les vaisseaux ont des parois énormes hyalines et beaucoup sont complé-
ment oblitérés (pl. III, fig. 1).
La paroi vasculaire ainsi épaissie est généralement hyaline surtout
dans sa partie moyenne; les parties périphériques et centrales sont
ordinairement parcourues par des stries ondulées et parallèles. Dans
l'épaisseur de cette couche hyaline on trouve souvent un débris de
membrane élastique ondulée; les noyaux y sont rares, d'aspects variés,
souvent fusiformes, on trouve aussi de petits vaisseaux néoformés rem-
plis de sang.
Au voisinage de la lumière du vaisseau, quand elle persiste, les
noyaux se multiplient ; les cellules endothéliales sont d'apparence nor-
male ou sont hyperplasiées et pénètrent plus ou moins dans l'intérieur
de la lumière déformée. Les portions périphériques du vaisseau sont très
chargées de cellules embryonnaires qui forment une couche considé-
rable. Au milieu de cette masse de noyaux on trouve de nombreux gros
capillaires qui représentent les vasa-vasorum dilatés de l'adventice. On
voit ainsi au pourtour des vaisseaux oblitérés une couronne de cellules
embryonnaires parcourue par un lacis important de capillaires jouant
sans doute un rôle important dans la suppléance du vaisseau obturé
(pl. III, fig. 4).
Beaucoup de vaisseaux sont complètement oblitérés et forment des
blocs d'apparence hyaline, homogène, dont les parties périphériques
sont cependant striées par des fibres ondulées, concentriques. Ces vais-
seaux semblent avoir été comblés par un rétrécissement progressif de
— 332 —
la lumière. D'autres vaisseaux paraissent oblitérés par un autre pro-
cessus. En effet, on trouve souvent dans la lumière un bloc hyalin dont
le contour est séparé par une fente de la paroi vasculaire. Ce bloc
hyalin contient cependant des noyaux fusiformes, souvent un frag-
ment de membrane élastique et est parfois creusé de vaisseaux néo-
formés (pl. IV, fig. 1).
De nombreux bouchons intravasculaires ont ainsi subi la dégénéres-
cence hyaline, mais certains caillots ont conservé leur apparence fibrino-
globulaire et leucocytique. En somme, il est à remarquer que les capil-
laires néoformés sont très nombreux et siègent dans toutes les parties
du vaisseau : caillot central, paroi hyaline et surtout tunique adventice
infiltrée (pl. IV, fig. 2).
Les vaisseaux, très nombreux et très volumineux, sont situés tantôt
en plein tissu névroglique dense, tantôt dans un foyer de corps granu-
leux ou bien même dans des parties relativement saines. Ils présen-
tent ceci de particulier que le processus dont ils sont atteints n'a aucun
lien avec l'altération du tissu environnant. En effet, la zone embryon-
naire péri-vasculaire forme un nodule circonscrit, bien différent comme
structure du tissu névroglique voisin dont il est d'ailleurs souvent
séparé par une fente (pl. III, fig. 1).
En dehors de ces vaisseaux volumineux et à parois hyalines, toute
la surface de coupe est semée de nombreux capillaires dont les parois
sont totalement infiltrées et la lumière souvent même comblée par les
cellules lymphoïdes. Tous ces petits vaisseaux sont le centre de petits
nodules embryonnaires qui restent généralement circonscrits, mais sont
souvent assez denses pour que la présence du vaisseau central soit fort
difficile à reconnaître.
Racines. — Dans toute la hauteur du segment dorsal les racines sont
assez altérées. Partout on trouve une infiltration embryonnaire du péri-
nèvre sans grand épaississement toutefois. Le tissu interstitiel inter-
fasciculaire est aussi très riche en noyaux et cette infiltration nucléaire
atteint son maximum à la périphérie des vaisseaux. Ceux-ci présentent
des modifications identiques à celles que nous avons décrites. On trouve
souvent au niveau de l'émergence des racines (particulièrement des
racines postérieures) des groupes de vaisseaux énormes dont les uns
sont très dilatés, les autres presque oblitérés. Ces vaisseaux se touchent
presque, ils sont contenus dans les faisceaux radiculaires dont ils refou-
lent les fibres. La destruction des tubes nerveux se présente avec ses
caractères ordinaires, elle est à peu près également répartie dans les
racines antérieures et postérieures, mais elle n'est pas en proportion
avec l'altération profonde de la moelle. En effet, la disparition des fibres
nerveuses dans les racines n'est réellement marquée qu'à la hauteur des
deux foyers médullaires dans lesquels les lésions senties plus accentuées.
Dans les parties intermédiaires, sur les préparations colorées par les
— 333 —
méthodes de Pal et de Weigert, les chaiiips des racines sont fort bien
colorés et comme sur ces coupes l'infiltration embryonnaire n'est pas
décélée, ces faisceaux radiculaires (à part les lésions vasculaires) parais-
sent normaux.
RÉGION LOMBAIRE. — A partir des premières racines lombaires, l'alté-
ration des méninges, des vaisseaux et de la moelle diminue d'intensité.
Méninges et vaisseaux. — L'arachnoïde et surtout la pie-mère pré-
sentent une infiltration modérée et surtout périvasculaire, infiltration
qui diminue peu à peu vers la terminaison de la moelle. Les altérations
des vaisseaux de la pie-mère et des vaisseaux contenus dans l'espace
sous-arachnoïdien sont encore importantes.
L'artère spinale antérieure est atteinte d'une périartérite distribuée
régulièrement qui se propage jusqu'à la terminaison inférieure du vais-
seau. L'endartère présente sur certaines coupes un épaississement
tantôt régulier et continu, tantôt limité à certains points du contour
interne du vaisseau, mais toujours modéré. La lumière est d'ailleurs
largement perméable et remplie de sang. Les veines correspondantes
sont plus atteintes mais restent béantes, à part quelques petites veines
oblitérées qui s'enfoncent dans le sillon médian antérieur.
Les vaisseaux des parties postérieure et postéro-latérales sont plus
altérés. Beaucoup de veines sont réduites à un cordon plein, homogène
et vitreux entouré d'une couronne embryonnaire. Enfin, les plus petits
vaisseaux compris entre les plans fibreux de la méninge sont épaissis,
entourés d'une couche de noyaux et assez fréquemment oblitérés.
Les prolongements intra-médullaires de la pie-mère ne sont pas épais-
sis, ils ne présentent d'infiltration que sur le trajet des vaisseaux.
Tissu médullaire. — Déjà dans la région de transition dorso-lombaire,
les taches de dégénération encore diffuses et surtout périphériques ten-
dent à se limiter au faisceau pyramidal croisé et à l'angle antéro-interne
du cordon antérieur.
A la hauteur de la douzième racine dorsale, on note encore quelques
foyers confluents de corps granuleux dans le cordon postérieur. Plus
bas, la dégénérescence secondaire du cordon latéral se limite de plus en
plus et se comporte comme d'ordinaire. La petite tache marginale du
cordon antérieur disparaît à la hauteur de la première racine sacrée.
Dans les parties sclérosées, on note une disparition presque complète
des tubes nerveux, du moins dans le triangle latéral, la névroglie est
hyperplasiée et fibrillaire, les corps granuleux peu abondants.
Les autres parties de la moelle sont saines, les cellules araignées
sont cependant plus évidentes et plus nombreuses que dans une moelle
normale.
Les éléments de la substance grise reprennent leurs caractères nor-
maux à partir de la deuxième racine lombaire. Au niveau de la douzième
— 334 —
racine dorsale, la plupart des cellules étaient encore altérées tant dans la
corne antérieure que dans la colonne de Clarke et le réseau nerveux
très appauvri, mais dans la région lombaire, la substance grise est par-
faitement constituée.
Les vaisseaux intra-médullaires sont encore assez modifiés, ils sont
modérément épaissis et fibreux, et plus apparents que d'ordinaire.
Dans la région lombaire supérieure on voit un assez grand nombre
de vaisseaux très dilatés à parois très épaisses surtout dans les confins
de la substance grise.
Les racines reprennent leurs caractères normaux, les tubes nerveux
sont sains, la pie-mère est à peine infiltrée, les altérations des vaisseaux
sont encore très manifestes.
En résumé, les altérations consistent en une inflammation des mé-
ninges qui semble avoir eu pourpoint de départ le système vasculaire
ou plutôt péri-vasculaire. Le tissu même de la membrane n'est pas
notablement hyperplasié d'une façon générale ; les travées fibreuses
sont seulement séparées par l'infiltration embryonnaire irradiée des
parties péri-vasculaires. Les prolongements intra-méningés delà pie-
mère ne sont pas non plus élargis, on ne trouve pas d'envahissement
de la moelle par le tissu inflammatoire de l'enveloppe méningée,
sauf peut-être en un point à la hauteur de la cinquième racine dorsale.
Cette membrane est peu adhérente au tissu de sclérose médullaire, sauf
au niveau du point que nous venons d'indiquer.
Les altérations des vaisseaux tant méningés que médullaires sont
énormes et prépondérantes ; elles sont surtout prononcées à la hau-
teur des deux foyers de nécrose médullaire très accentuée.
Le tissu médullaire présente des lésions qui se rapportent à deux
processus. D'une part les altérations nécrobiotiques des éléments
nerveux et d'autre part une inflammation du tissu interstitiel propre
à la moelle, c'est-à-dire la névroglie.
On peut comprendre le rapport qui unit l'évolution de ces deux
processus de la façon suivante.
Les troubles circulatoires produits par les altérations vasculaires
et celles de toute la membrane nourricière de la moelle ont déterminé
la nécrose des éléments nerveux. A la suite du ramollissement isché-
mique de ces éléments, le tissu névroglique est entré en activité, il a
proliféré et s'est substitué peu à peu aux éléments de désintégration.
En certains points, cette substitution est complète et la névroglie
— 335 —
forme un tissu de cicatrice compact. En d'autres points, les éléments
de désintégration sont encore présents et forment souvent des masses
considérables, témoin par exemple les gros foyers de corps granuleux
que nous avons signalés.
La vitalité du tissu névroglique est entretenue par le développement
de la circulation collatérale redevenue suffisante; cette reprise de
la circulation se manifeste par la production de nombreux capil-
laires néoformés dans les caillots intra-vasculaires et par le dévelop-
pement compensateur des vasa-vasorum.
La sclérose de la moelle ne résulte pas, ainsi que nous l'avons dé-
montré, d'un envahissement embryonnaire parti de la méninge. Elle
n'est pas non plus une conséquence d'une extension de Tinflammation
péri-vasculaire, car nous avons fait remarquer combien les éléments
voisins des vaisseaux restaient indifférents à l'état de ces vaisseaux.
Les altérations des vaisseaux n'ont de conséquences que dans les
territoires qu'ils irriguent, c'est pourquoi l'on peut voir des parties
saines traversées par degrés vaisseaux trèsaltérés, car les capillaires
propres à ces régions peuvent être tributaires de vaisseaux éloignés
relativement sains.
L'altération de la moelle dans le cas qui nous occupe est déjà an-
cienne, car le processus de nécrose est extrêmement accentué, mais
celui-ci est encore en pleine activité, car les éléments de nécrobiose
sont encore pour la plupart sur place. Le travail de substitution delà
névroglie est en plein développement, et il n'a atteint la formation
d'un tissu de cicatrice que sur un petit nombre de points.
L'évolution de la nécrose anémique médullaire s'est faite progres-
sivement, toutefois le processus a pu présenter des poussées corres-
pondant au ramollissement de territoires étendus et se traduisant en
clinique par une aggravation brusque des symptômes, aggravation
qui s'est manifestée par les deux attaques subites de paraplégie que
nous avons notées dans l'histoire pathologique de notre malade.
Cas no IV. — Observation 111 (personnelle). — Ce sujet a été observé
à rhospice de Bicêtre pendant cinq ans par M. Dejerine.
Résumé clinique. — Homme. Chancre induré à 51 ans (mai 1819).
Accidents secondaires. Traitement mercuriel. Onze mois après
l'affection (avril 1880), symptômes prodromiques d'une affection
— 336 —
spinale. En juillet 1880, attaque légère de paraplégie suivie d'aggra-
vation rapide des symptômes. — 1881, amélioration, puis état sta-
tionnaire dans les années suivantes. Paraplégie spasmodique,
prédominance à droite, douleurs légères, sensibilité objective
presque normale, trouble des sphincters. Le malade n'est pas confiné
au lit. — Mai 1890. Pleurésie, affaiblissement général, urines amyno-
niacales, décubitus; mort le 5 août 1890.
Autopsie. — Pleurésie, symphyse cardiaque, tuberculose crétacée au
sommet des poumons. Cerveau sain. Canal rachidien et dure-mère
normaux. Induration et sclérose de la région dorsale supérieure de
la moelle.
Examen microscopique. — Sclérose diffuse de la moelle dans la
région dorsale supérieure. Altérations de la substance grise. Dégé-
nérescence secondaire ascendante des cordons de Goll et des fais-
ceaux cérébelleux directs, descendante des cordons pyramidaux
croisés. Pie-mère très légèrement épaissie au niveau du foyer pri-
mitif. Altérations vasculaires très prononcées dans la pie-mère et
dans la moelle.
Diagnostic anatomique. — Lésions vasculaires syphilitiques primi-
tives, nécrose ischémique de la moelle, sclérose locale consécutive.
Dégénérescence secondaire ascendante et descendante.
Histoire clinique. — Louis H..., employé de commerce.
Antécédents héréditaires. — Père mort à 68 ans d'une attaque d'apo-
plexie.
Mère morte subitement à 67 ans.
Sur six enfants, trois sont morts jeunes, un quatrième a succombé à
l'âge adulte.
Anlécédenls personnels. — Pas de fièvres éruptives dans l'enfance,
mais constitution assez délicate.
A 18 ans, santé chancelante, le malade fut considéré comme tubercu-
leux, il toussait fréquemment, avait des sueurs nocturnes mais pas
d'hémoptysies. Ce n'est qu'au bout de deux ou trois ans qu'il récupéra
ses forces. Il exerce alors un métier fatigant, portant des sacs de grains,
se nourrissant mal. A 24 ans, blennorrhagie compliquée de cystite du
col qui dure deux à trois mois.
Se marie à 27 ans et a six enfants dont quatre sont morts en bas âge.
Il a perdu un fils de 22 ans par la fièvre typhoïde, en 1883 ; il lui reste
actuellement (1884) une fille de 18 ans, bien portante.
Depuis l'époque de son mariage jusqu'en 1879, l'histoire du sujet ne
présente rien de particulier.
Mai 1879. Le malade, alors âgé de 51 ans, prend un chancre induré qui
dura un mois environ et fut suivi de taches sur la poitrine, les bras et
les cuisses, de maux de gorge, de croûtes dans les cheveux, accidents
— 337 —
pour lesquels le malade se présenta à la consultation de l'hôpital du
Midi. Il suivit alors un traitement mercuriel dont la durée n'a pas été
notée.
Maladie nctuelle. Commémoratifs. — Vers le mois d'avril 1880, onze
mois après le chancre, H... ressentit des douleurs sourdes, indéfinis-
sables, dans la fesse droite, puis dans la fesse gauche, et bientôt il
éprouva de la faiblesse dans les reins avec une sensation pénible lors-
qu'il se baissait. De plus, ses jambes étaient un peu lourdes, embarras-
sées et, lorsqu'il se levait après un instant de repos, il les sentait faibles.
Il éprouva également à cette époque une céphalalgie surtout nocturne
qui dura un mois environ. Quelques semaines après le début de ces
accidents, il eut une brusque rétention d'urine, avec impossibilité absolue
de vider sa vessie malgré les plus grands efforts ; ce ne fut que lorsque
la vessie se trouva complètement distendue qu'il urina goutte à goutte,
par regorgement. Il alla alors à la clinique de M. Guyon où on le sonda,
et depuis ce jour il dut fréquemment avoir recours au cathétérisme.
Les troubles de la vessie continuèrent pendant quelque temps à occu-
per le premier rang; le malade éprouvait de fréquents besoins d'uriner,
et tantôt il lui était impossible de retenir ses urines, tantôt, lorsqu'il
voulait satisfaire ce besoin, la miction ne s'accomplissait pas, et plu-
sieurs minutes après, une nouvelle envie se présentant, les urines
s'échappaient malgré lui.
Vers le mois de juillet ou août 1880, le malade, qui marchait encore
très bien malgré un certain engourdissement dans les jambes, voulant
un jour courir après l'omnibus, sent ses jambes faiblir tout à coup, il
est forcé de s'asseoir, puis peut rentrer chez lui.
A la suite de cet accident, les phénomènes paralytiques s'accentuent
rapidement dans les jambes en même temps que la raideur et vers la
fin de l'année, le malade est obligé de cesser tout travail. A cette
époque les jambes étaient raides, le malade ne pouvait marcher qu'avec
des cannes, en traînant les pieds sur le sol, surtout le bout du pied
droit.
Dès le début des accidents spinaux, le malade avait suivi un traite-
ment spécifique, assez irrégulièrement.
Dans le cours de l'année 1881, il se produisit une légère amélioration,
mais depuis cette époque, l'état est resté absolument stationnaire, au
dire du malade.
Du 4 septembre au 16 octobre 1883, le malade fait un séjour à l'hô-
pital Cochin, où on lui donne de l'iodure de potassium
Il retourne à Cochin, ofi il reste du 4 décembre 1883 au 25 février 1884.
Au mois de mars 1884, il entre à l'hospice de la Salpêtrière, dans la
cHnique du professeur Charcot; il est alors examiné par M. Huet qui a
eu l'obligeance de nous communiquer la note suivante.
Etat actuel, mars 1884. — Le malade peut a la rigueur marcher sans
S. 22
— 3;^8 —
cannes, mais s'il veut fournir une certaine course, il se sert de deux
bâtons. 11 marche en traînant sur le sol la pointe des pieds, surtout à
droite.
Les réflexes rotuliens sont très exagérés et le phénomène du pied
très net des deux côtés ; la trépidation se produit d'ailleurs spontané-
ment lorsque le malade descend de son lit. Réflexe plantaire aff'aibli à
droite. Réflexes crémastériens abolis.
Sensibilité objective normale. Le malade se plaint de douleurs
faibles, c'est plutôt un sentiment de chaleur désagréable dans les pieds
et les jambes. Cette impression s'exagère parfois et le malade la com-
pare à celle qui résulterait d'un bain de pieds sinapisé.
Les muscles extenseurs de la jambe ont conservé leur force et
résistent bien, les fléchisseurs sont un peu affaiblis, surtout à droite.
Les extenseurs et fléchisseurs du pied sont également peu vigoureux. ,
Le malade éprouve do fréquentes envies d'uriner, non seulement le
jour, mais aussi la nuit, il est réveillé quatre à cinq fois par ce besoin,
Il lui est arrivé plusieurs fois d'uriner dans son lit ou dans ses vête-
ments. Constipation habituelle.
Il n'existe aucun phénomène morbide appréciable ni dans les membres
supérieurs ni à la face. L'examen des yeux n'indique ni amblyopie ni
troubles dans le fonctionnement des muscles ; le fond de l'œil et les
réflexes iriens sont normaux.
Le malade présente sur l'abdomen quelques syphilides papuleuses
qui se sont développées il y a une vingtaine de jours.
Le traitement antisyphilitique est institué (frictions mercurielles.
iodure de potassium intus).
Le 16 avril, les frictions sont interrompues, mais l'administration de
l'iodure est continuée par la suite. Pointes de feu sur la région rachi-
dienne.
En mars 1885, le malade entre l'hospice de Bicètre, dans le service
de M. Dejerine. Il a été, depuis cette époque, examiné plusieurs fois,
et nous trouvons dans les notes les renseignements suivants :
État actuel, mars 1885. — Parésie des membres inférieurs un peu
plus marquée à droite, marche possible sans cannes, démarche spasmo-
dique. Au lit, le malade lève bien les jambes, peut les croiser, mais avec
lenteur.
Réflexes rotuliens exagérés, phénomène du pied. Pas de troubles
marqués de la sensibilité, cependant la sensibilité au contact et à la
douleur est un peu diminuée dans les membres inférieurs. Le malade
aurait, à son dire, éprouvé un peu d'hyperesthésie autrefois. Actuelle-
ment, il a quelques crampes. Pas de troubles tropliiques, ni vaso-
moteurs appréciables. Pas de rétention d'urine, mais besoins fréquents
et impérieux d'uriner. L'incontinence passagère se manifeste quelque-
fois à l'occasion d'un faux pas, d'un eff'ort, d'une secousse de toux.
— 339 —
Urines claires, pâles et sans albumine. Alternatives de constipation et
de diarrhée.
Membres supérieurs et région céphalique sains. État général satis-
faisant, pas d'altérations manifestes dans les différents viscères.
Le malade est envoyé dans les divisions de chroniques.
État actuel, 2 février 1889 (interne, M. Macaigne). Molilité. — La
marche est régulière et lente avec deux cannes, le malade frotte la
pointe des pieds sur le sol, mais ne talonne pas. La force musculaire
des jambes est assez conservée et le malade peut se soutenir sur une
jambe. Les yeux fermés, il ne vacille pas, il ne présente aucune incoor-
dination et a conservé la notion de position de ses membres. Les réflexes
patellaires sont exagérés, la trépidation épileptoïde du pied facile à
produire.
Sensibilité objective. — Le réflexe cutané plantaire est conservé, il
est même exalté, car le chatouillement de la plante du pied détermine
de vives secousses réflexes dans les jambes. Dans la perception du tact
et de la douleur, il n'y a ni diminution ni retard. Au niveau des jambes,
légère diminution dans la perception et quelques erreurs de lieu dans
l'appréciation de la température (eau à -f- 70" et glace).
Phénomènes subjectifs. — Douleurs sourdes très supportables dans
les deux membres inférieurs surtout à droite, se propageant générale-
ment de la région fessière à la partie postérieure des cuisses et la face
externe des jambes^ s'accompagnant d'une légère sensibilité à la pres-
sion de ces parties. Parfois crampes dans les mollets.
Troubles de la miction. — Le malade actuellement urine presque
toutes les heures ou toutes les deux heures; les envies sont impérieuses
et suivies de miction involontaire mais perçue par le malade s'il n'a pas
le temps de se rendre aux latrines. Le jet est sans force et fréquemment
interrompu par des contractions du sphincter ; la miction se fait ainsi
en trois ou quatre actes. Le sujet, pour faciliter l'évacuation de la ves-
sie, se frotte le bas-ventre et piétine sur place. Enfin, la miction sem-
blant complètement terminée^ il s'écoule encore ({uelques gouttes
d'urine dans les vêtements.
Rectum. — Constipation habituelle qui se prolonge trois ou quatre
jours et aboutit souvent à une débâcle précédée de vives coliques. Pas
de troubles trophiques.
L'état des membres supérieurs est considéré comme normal dans les
notes ; cependant on a relevé que la pression des mains marquait au
dynamomètre 26» à gauche et 26°, 5 à droite, ce qui est un chiffre assez
inférieur, car un sujet sain marque 50° à 60". Fonctions digestives et res-
piratoires normales.
21 mai 1890. Le malade monte à l'infirmerie pour des manifestations
pulmonaires, on constate à l'examen une pleurésie du côté gauche. L'état
des membres inférieurs n'a pas changé, mais l'état général est très affaibli.
— 340 —
Dans la poitrine, on trouve à gauche les signes d'un épanchement
d'abondance moyenne avec légère déviation de la pointe du cœur et
skodisme sous-claviculaire. On fit à quelques semaines d'intervalle
deux ponctions qui fournirent un liquide trouble.
II se déclara bientôt une fièvre subcontinue à caractère rémittent,
accompagnée d'un état saburral et d'anorexie. Les urines devinrent trou-
bles, ammoniacales et une escarre se développa au niveau du sacrum;
depuis deux mois le malade garde le lit.
Mort le 5 août 1890.
Autopsie. — Trente-quatre heures après la mort; le cadavre est bien
conservé, légère infiltration dans les membres inférieurs et la région
sacrée.
A l'ouverture de la cavité thoracique, on trouve des adhérences pleu-
rales des deux côtés, et dans la plèvre gauche un épanchement d'envi-
ron 1,500 gr. d'un liquide louche. Emphysème pulmonaire. Quelques
tubercules crétacés aux deux sommets.
Cœur volumineux, symphyse cardiaque surtout développée dans la
région antérieure, où les deux feuillets du péricarde sont intimement
unis.
Les organes abdominaux n'offrent aucune particularité intéressante ;
la muqueuse vésicale est congestionnée et pulpeuse, le contenu vésical
trouble.
Les enveloppes du cerveau sont saines, la pie-mère se détache par-
tout facilement des circonvolutions, le cerveau lui-même ne présente sur
les coupes aucune modification de structure. A l'ouverture du canal
rachidien, on ne trouve aucune altération des parois osseuses ; la dure-
mère est saine et sans adhérences anormales.
La pie-mère paraît normale, mais à l'examen extérieur de la moelle
on trouve une teinte gris rosé diffuse, répandue surtout dans la région
dorsale supérieure qui semble augmentée de consistance.
Sur les coupes de la moelle fraîche, on trouve dans la région cervi-
cale une dégénérescence légère des cordons de Goll, et dans la partie
dorsale une teinte rose diffuse, localisée surtout à la périphérie de la
coupe. Cette modification se localise au-dessous dans les cordons laté-
raux.
Examen microscopique de la moelle à un faible grossissement.
(Obj. a var. Zeiss ; oc. 1).
La moelle, après durcissement dans le liquide de Millier, a été débitée
en coupes sériées intéressant tous les étages Déjà à l'œil nu, sur les
surfaces de section, on distinguait très bien, après imprégnation par le
sel chromique, les taches de sclérose, qui se détachaient par leur couleur
jaunâtre sur le fond brun du reste de la substance blanche. Toutefois,
— 341 —
après coloration des différentes coupes par les métliodes de Weigert et
de Pal, l'examen à un faible grossissement permet de délimiter plus
exactement la topographie des régions scléreuses.
Leur disposition indique dans la région cervicale une dégénérescence
secondaire intéressant le cordon de GoU et le faisceau cérébelleux
direct des deux côtés. Dans la région dorsale in férieure et la région
lombaire, elle est représentée par une sclérose descendante, exclusive-
ment limitée au faisceau pyramidal croisé du cordon latéral de chaque
côté. Quant à la région dorsale supérieure, elle présente une sclérose
diffuse, qui est surtout marquée dans les cordons de Golf et les cordons
latéraux, mais se propage également à la périphérie des cordons anté-
rieurs.
On remarque également soit à l'œil nu, sur les segments de moelle de
cette région, soit sur les coupes, que les cornes antérieures de la sub-
stance grise offrent une certaine raréfaction du tissu qui s'est crevassé
pendant le durcissement. Il en est résulté une sorte de petite cavité,
purement artificielle d'ailleurs.
Le détail de la topographie des altérations visibles à ce faible grossis-
sement varie un peu suivant les segments de moelle considérés.
RÉGION CERVICALE SUPÉRIEURE (ûg. 21). — Dans Cette région, la sub-
FiG. 21. — Cas no IV. — Coupe au niveau de la troisième racine cervicale.
(Métliode de Pal.)
stance grise est d'apparence normale. Les cordons blancs présentent
une sclérose ascendante qui occupe :
1° La périphérie du cordon latéral, oià elle forme un croissant dont la
pointe postérieure ne vient pas tout à fait au contact du sillon collatéral
postérieur, et dont la pointe antérieure ne dépasse pas le niveau de la
corne antérieure. Elle n'est pas exactement marginale, il existe une
petite bande de tubes bien colorés par l'hématoxyline qui la borde en
— 342 —
dehors. Enfin elle n'est pas très accentuée, mais se manifeste par une
raréfaction importante des tubes nerveux;
2° La partie moyenne du cordon de Goll oîi elle se dispose en trian-
gle dont la pointe antérieure (lieu où elle est le plus marquée) est à peu
près à égale distance de la commissure grise et de la périphérie posté-
rieure du cordon. Les côtés latéraux de ce triangle sont également un
peu plus décolorés. Dans la partie moyenne contiguë au septum médian,
au contraire, le nombre des tubes iuiprégnés est plus considérable.
RÉGION CERVICALE MOYENNE (fig. 22). — La sclérose du cordon latéral
FiG. 22. — Cas n" IV. — Coupe au niveau de la sixième racine cervicale.
tend à gagner un peu la partie centrale du cordon. Elle est assez mar-
quée dans la zone périphérique en croissant et très faible dans la partie
sous-jacente du cordon latéral.
L'aspect du cordon de Goll ne s est d'ailleurs pas modifié.
RÉGION CERVICALE INFÉRIEURE (fig. 23). — La sclérose latérale est
plus prononcée et plus étendue, elle est contiguë en arrière au sillon
collatéral postérieur, et tend également à se prolonger en avant. Elle
gagne aussi en profondeur et envahit la partie adjacente du faisceau
pyramidal ; mais toujours, dans cette région profonde, la sclérose est
beaucoup moins marquée.
Dans le cordon postérieur, la lésion est encore limitée aux cordons
de Goll, les zones radiculaires sont intactes. La partie antérieure du
triangle de sclérose, plus décolorée, se rapproche de la commissure
grise. La partie centrale est toujours moins atteinte que les bords laté-
raux, mais l'ensemble du faisceau est plus sclérosé qu'à la région cer-
vicale supérieure.
— M3 —
Enfin la corne antérieure droite présente dans sa partie centrale une
légère raréfaction du tissu.
FiG. 23. — Cas no IV. — Coupe au niveau de la huitième racine cervicale.
Jusqu'ici, la distribution des altérations est presque absolument symé-
trique.
RÉGION DORSALE SUPÉRIEURE. — Dès le niveau de la première dorsale,
la distribution de la sclérose perd beaucoup de sa régularité.
Première racine dorsale. Dans le cordon antéro-latéral, la zone
marginale est très altérée, et la sclérose y est presque totale dans la
partie exactement latérale ; la périphérie du cordon antérieur est égale-
ment atteinte, mais à un plus faible degré. Le faisceau pyramidal adja-
cent est franchement sclérosé; le faisceau pyramidal direct (faisceau de
Turck) est au contraire absolument sain. Il faut ajouter que l'intensité
de l'altération est plus prononcée du côté droit.
Dans le cordon postérieur, le faisceau de GoU présente toujours le
même aspect, avec une certaine augmentation dans l'intensité de la
sclérose. Dans les zones radiculaires, existe une légère diminution de
teinte à la partie centrale. Les deux cornes sont un peu plus transpa-
rentes que normalement.
Deuxième racine dorsale (fig. 24). L'altération atteint son maximum
dans cette région. La distribution de la sclérose est assez diffuse ; il
existe une diminuton déteinte à peu près générale, en exceptant toute-
fois les portions de la substance blanche contiguës à la périphérie de
la substance grise. Mais la sclérose est surtout accentuée dans toute la
zone marginale du cordon antéro-latéral et dans le faisceau pyramidal
croisé.
Pour le cordon postérieur, la pointe antérieure, la base et les côtés
latéraux du cordun de Goll sont surtout atteints. Dans le faisceau de
Burdach, c'est surtout la région centrale qui est altérée; les parties con-
^1
— 344 —
tiguës à la corne postérieure en dehors, et au septum intermédiaire en
dedans, sont plus colorées.
FiG. 24. — Cas n° IV. — Coupe au niveau de la deuxième racine dorsale.
Les deux cornes antérieures sont très décolorées; dans la partie cen-
trale de la corne gauche il y a une petite perte de substance.
Troisième et quatrième racines dorsales. La distribution des alté-
rations est à peu près la même, la sclérose diminue d'étendue dans le
cordon antérieur, d'étendue et d'intensité dans le cordon postérieur. Le
tissu des cornes antérieures est raréfié des deux côtés, les colonnes de
Clarke décolorées.
Cinquième racine dorsale (flg. 25). Le cordon de GoU présente
Fis. 25. — Cas n° IV. — Coupe au niveau de la cinquième racine dorsale.
encore une très légère diminution de teinte dans les parties antérieure
et latérales, le cordon de Burdach dans sa partie moyenne.
La sclérose latérale n'est pas encore exclusivement limitée au fais-
ceau pyramidal, elle se prolonge un peu en avant à la périphérie du
cordon latéral, sans dépasser le niveau d'émergence des racines anté-
rieures. Il existe toujours une prédominance marquée du -côté droit.
Les cornes antérieures sont^encore décolorées.
— 345 —
RÉGION DORSALE INFÉRIEURE. — A partir delà sixième racine dorsale,
la sclérose du cordon postérieur disparaît, à part quelques petites taches
diffuses dans la portion marginale (fig. 26).
FiG. 26. — Cas n" IV. — Coupe au_niveau de la huitième racine dorsale.
Dans le cordon latéral, elle dépasse encore les limites du faisceau
pyramidal et son intensité est extrêmement marquée à droite.
Les cornes antérieures paraissent moins altérées.
Au niveau de la onzième et de la douzième (fig. 27) racine dorsale,
Fig. 27. — Cas n" IV. — Coupe au niveau de la douzième racine dorsale.
toutes les parties de la moelle présentent leur coloration habituelle, la
substance grise et les colonnes de Clarke en particulier ont récupéré
presque entièrement !a richesse de leur reticulum nerveux.
Le l'aisceau pyramidal croisé seul est décoloré. La tache de sclérose
offre des deux côtés la même topographie, elle est coutiguë à la pie-
mère et séparée de la substance grise profonde par une zone de tissu
sain, mais l'inteasilé de l'altération est plus prononcée du côté droit.
En ce point, les tubes nerveux ont presque tous disparu.
— 346 —
RÉGION LOMBAIRE ET RÉGION SACRÉE. — Dans ses portions termi-
nales, la moelle reprend l'aspect normal, on note seulement la dégéné-
ration descendante du faisceau pyramidal, plus marquée à droite. Le
petit triangle marginal de sclérose descend en s'atténuant, pour
disparaître dans la région sacrée.
Dans toutes ces coupes, la pie-mère ne présentait pas d'épaississement
manifeste à ce faible grossissement, les racines paraissent également
saines, nous étudierons d'ailleurs ces parties plus minutieusement.
Examen des éléments de tissu dans les coupes précédentes à un fort
grossissement (Obj. 4, 7 Leitz, F Zeiss ; oc. 1, 3). Colorations
par le carmin, V hématoxyline alunée et l'éosine. Méthodes de
Weigert et de Pal, etc.
RÉGION CERVICALE. — La pie-mère ne présente aucun épaississement,
cependant on note déjà à la hauteur de la troisième racine cervicale des
altérations vasculaires.
L'artère spinale antérieure et les artères de calibre sont saines en
général, à part une certaine augmentation dans l'épaisseur des tuniques
moyenne et externe. On trouve au contraire deux à trois veines radi-
culaires importantes oblitérées et constituées par un tissu homogène
trouble peu coloré. Les autres grosses veines sont perméables, mais
leurs parois sont épaissies. Les veines spinales antérieures et posté-
rieures présentent l'aspect suivant : entre deux lames élastiques ondu-
lées, on trouve une épaisse couche de tissu hyalin, sans structure
apparente, contenant de rares noyaux arrondis ou fusiformes; elle
représente la tunique moyenne. En dedans de cette couche, on trouve
une ou deux assises de noyaux arrondis séparés par du tissu fibrillaire
bien coloré, et enfin les cellules endothéliales saillantes et proliférées.
En dehors, la tunique adventice est épaissie, composée de gros trous-
seaux fibreux avec très peu de noyaux.
Les petits vaisseaux de la pie-mère ont tous des parois remarquable-
ment épaisses et hyalines.
Le parenchyme de la moelle elle-même (en dehors des cordons de
GoU et des faisceaux cérébelleux directs) est sain dans la région cervi-
cale supérieure ; les septa détachés de la pie-mère ne sont nullement
épaissis.
Dans les parties sclérosées, la lésion est constituée par la disparition
d'un certain nombre de tubes nerveux. Cette disparition est loin d'être
totale, même dans les parties les plus sclérosées des cordons dégénérés.
Les tubes persistants sont sains pour la plupart, quelques-uns contien-
nent un cylindre axe hypertrophié,mais on ne trouve pas de cylindres-axes
mis à nu, ni de gaines de myéline fragmentées. L'intervalle qui sépare
les tubes est presque uniquement rempli de fibrilles de névroglie. Ces
— 347 —
fibrilles ont une tendance manifeste à se placer parallèlement et dans
le sens des fibres nerveuses, en sorte que, sur les coupes transversales,
les espaces qui séparent les tubes nerveux sont remplis d'une infinité
de petits points rouges (carmin) qui représentent les fibrilles névro-
gliques sectionnées transversalement. On trouve aussi quelques fibrilles
perpendiculaires aux premières, qui se disposent surtout en forme de
rayons dirigés vers le centre de la moelle, et ça et là quelques cellules
araignées. En plein tissu scléreux, dans l'intervalle des tubes sains,
existent quelques très rares espaces clairs, qui devaient être occupés
par des corps granuleux. Les vaisseaux, dans ces régions sclérosées,
ont des parois très épaisses et fibro-hyalines, mais on retrouve dans
toutes les autres portions de la moelle, même dans celles où le tissu
nerveux est absolument sain, des vaisseaux semblables. La paroi du
vaisseau est formée de deux parties ; une couche externe nettement
fibreuse et contenant quelques noyaux, et une couche interne absolu-
ment hyaline ou ne présentant que quelques stries concentriques. La
limite interne est sinueuse et revêtue de cellules endothéliales nor-
males, la lumière est très petite par rapport à l'épaisseur des tuniques
vasculaires et généralement remplie de globules rouges. Quant au con-
tour externe du vaisseau, il est souvent nettement séparé du tissu
nerveux voisin par une fente artificielle qui n'est certainement pas la
gaine lymphatique. Celle-ci a été englobée par le tissu fibreux de la
tunique externe. Le parenchyme nerveux est absolument sain, il est
seulement séparé du vaisseau par une couche de névroglie fibrillaire
très dense, qui reste localisée et n'a nulle tendance à la pénétration
entre les lubes nerveux.
La substance grise est saine, on note seulement la présence d'un
assez grand nombre de petits vaisseaux modifiés, quelques-uns sont
dilatés, d'autres ont des parois épaisses et hyalines.
Renflement cervical. — Cet état se maintient à peu près sans modi-
fication dans la partie moyenne de la région cervicale; cependant, au
niveau de la sixième racine cervicale le nombre des cylindres-axes
hypertrophiés augmente notablement dans les cordons latéraux, tandis
que le développement de la névroglie s'accentue entre les tubes ner-
veux.
Un certain nombre de cellules des cornes antérieures ont pris une
forme arrondie, le pigment qu'elles contiennent est très développé et
le volume de la cellule est diminué.
La pie-mère ne présente pas d'épaississement marqué et aucune trace
d'infiltration. Les vaisseaux ont le même aspect que plus haut, l'artère
spinale antérieure est saine, à part une augmentation notable dans
l'épaisseur de la tunique adventice, qui est fibreuse. Deux ou trois
grosses veines qui accompagnent les racines sont oblitérées.
— 348 —
Les travées parties de la pie-mère ne sont nullement élargies, mais
dans le parenchyme médullaire, aussi bien dans les parties saines que
dans les régions sclérosées, existent de nombreux petits vaisseaux à
parois épaisses et hyalines.
RÉGION CERVICALE INFÉRIEURE. — Les altérations des vaisseaux, tant
méningés que médullaires, sont plus marquées; elles prédominent tou-
jours dans les veines et les petits vaisseaux. De nombreuses veines ne
sont plus représentées que par des cordons pleins, en particulier une
grosse veine placée à l'origine du septum médian postérieur. Celui-ci
est occupé dans toute sa longueur par des vaisseaux altérés, tandis que
le septum médian antérieur est d'apparence normale. Un certain nombre
de gros prolongements pénètrent dans la moelle, ils sont toujours occu-
pés par des vaisseaux malades.
Les petits vaisseaux de la moelle et de la pie-mère présentent les
aspects que nous avons décrits; à ce niveau ils sont déjà plus nombreux
et plus volumineux.
La pie-mère est légèrement épaissie sur les parties latérales, mais cette
apparence relève de la présence, dans l'intervalle des plans fibreux, d^un
grand nombre de vaisseaux augmentés de volume et oblitérés. Les
vaisseaux, transformés en cordons de tissu hyalin, tranchent par leur
couleur rose sur les tractus fibreux plus foncés de la méninge (carmin).
Ces trousseaux fibreux sont toutefois un peu plus épais que de coutume,
ils ne sont d'ailleurs envahis par aucune prolifération cellulaire.
La sclérose augmente d'intensité dans les parties atteintes, elle se
prononce surtout dans la zone marginale du cordon latéral, oi^i le nombre
des tubes nerveux est très restreint ; au niveau du cordon pyramidal
croisé et du cordon de Goll, ils sont bien plus nombreux. Les tubes per-
sistants ont un contour régulier, mais sont occupés souvent par un
cylindre-axe volumineux. On trouve aussi de petits cyjindres-axes
ponctiformes, exactement circulaires et très vivement colorés en rouge ;
ils se distinguent des fibrilles de névroglie par un diamètre plus consi-
dérable ; ils sont tantôt entourés d'une gaine très mince, tantôt parais-
sent absolument libres. L'élément interstitiel est presque exclusivement
représenté par des fibrilles de névroglie adultes, il faut y joindre un
assez grand nombre de cellules araignées très développées et quelques
vacuoles claires, dont quelques-unes contiennent des corps granuleux
et d'autres des boules arrondies, hyalines, colorées en rose. Ces deux
derniers éléments sont assez peu répandus, ils sont surtout rassemblés
dans les gaines périvasculaires.
Les autres parties des cordons blancs contiennent des tubes nerveux
sains, on note cependant encore quelques cylindres-axes hypertrophiés
et quelques cellules araignées exubérantes.
La partie centrale des cornes antérieures a subi un certain degré de
— 349 —
désorganisation. Les cellules nerveuses présentent des prolongements
variqueux ou bien sont arrondies, très colorées ou même réduites à un
petit bloc de granulations pigmentaires. On voit encore des groupes de
cylindres-axes volumineux, moniliformes, un grand nombre de cellules
araignées, des corps amyloïdes, des cellules granuleuses, enfin quelques
noyaux libres mal colorés.
Dans toute la région cervicale, l'aspect des racines médullaires est
normal, du moins pour tous les faisceaux qui sont compris dans les
préparations. Le périnèvre n'est pas épaissi, on note seulement la pré-
sence de nombreux vaisseaux à parois hyalines épaissies.
RÉGION DORSALE SUPÉRIEURE. — C'est à cc niveau que les altérations
sont le plus prononcées ; nous avons décrit la topographie de la sclérose
et l'aspect des coupes à un faible grossissement, nous n'y reviendrons
pas.
Dans toute la hauteur de cette région, la pie-mère ne présente qu'un
très léger épaississement sur les parties latérales. On n'y trouve aucune
infiltration embryonnaire importante, excepté dans le voisinage de
quelques vaisseaux.
D'une' façon générale, le tissu qui la compose est formé de tractus
fibreux à contours nets. Elle n'adhère d'ailleurs que faiblement à la
substance médullaire sous-jacente, sauf dans les parties latérales, où
l'union est plus intime. Les tractus qui partent de la méninge pour
plonger dans la moelle ne sont pas très développés, excepté quelques-
uns qui accompagnent des vaisseaux modifiés.
L'arachnoïde, dans cette région, est fibreuse et légèrement épaissie,
elle est unie à la pie-mère en certains points par des tractus impor-
tants.
Tous les vaisseaux englobés dans la pie-mère ou accolés à cette mem-
brane sont malades, mais à un degré variable. Les altérations, d'une
façon générale, sont plus prononcées dans les parties postéro-latérales^
elles présentent les caractères que nous connaissons déjà en partie.
L'artère spinale antérieure, sauf un léger épaississement fibreux de la
tunique externe, est intacte dans toute cette région. La plus grande
partie des veines est, au contraire, oblitérée. Enfin tous les petits vais-
seaux sont bouchés ou constitués par une tunique hyaline épaisse. On
trouve aussi, dans l'espace sous-arachnoïdien, des veines isolées obli-
térées.
Mais ce sont surtout les vaisseaux compris dans l'épaisseur même de
la moelle qui offrent les lésions les plus accentuées. Tous ceux qui sont
visibles ont des parois très épaisses. Les plus gros sont si volumineux
qu'ils sont très nettement visibles à la loupe. Leur paroi est constituée
par du tissu fibreux très dense ou bien par une couche hyaline où per-
siste à peine une trace de striation concentrique et ondulée. Dans
— 350 —
l'épaisseur de ce tissu, on ne trouve que quelques noyaux arrondis ou
fusiformes. Ceux-ci sont, au contraire, plus nombreux à la limite externe
de la paroi, qui reprend alors une texture fibreuse plus nette.
Certaines parois sont composées de deux couches très bien séparées :
une couche externe, formée de fibrilles ondulées, et une couche interne,
hyaline, contenant parfois des vacuoles et des blocs de substance gra-
nuleuse.
Dans l'épaisseur de cette paroi, on observe souvent la coupe de petits
vaisseaux néoformés, limités par une assise de cellules endothéliales.
De nombreux vaisseaux sont complètement oblitérés et forment, au
milieu du tissu scléreux névroglique, des masses à contours arrondis ou
festonnés, dont la texture est ou presque purement hyaline ou bien net-
tement fibreuse (pl. IV, flg. 3 et 4).
Ces vaisseaux sont, pour la plupart^ nettement séparés du tissu sclé-
reux ambiant, souvent même ils sont entourés par une fente circulaire
vraisemblablement artificielle et due à la rétraction du tissu par le dur-
cissement. La gaine lymphatique a presque toujours disparu par
symphyse avec la paroi vasculaire. Sur quelques vaisseaux cependant,
elle persiste, et son existence est affirmée par la présence d'une cou-
ronne d'éléments dégénérés de résorption qui entoure le vaisseau.
En tous cas, la paroi du vaisseau ne fait pas corps avec le tissu sclé-
reux voisin, et il ne s'en détache aucun prolongement. Les fibrilles
névrogliques tassées forment autour du vaisseau une ceinture qui en
est souvent séparée par la fente que nous avons indiquée.
On retrouve les mêmes modifications dans les vaisseaux des régions
de la substance blanche, relativement saines, et dans la substance grise.
Le parenchyme nerveux est altéré dans toute l'étendue des coupes^
mais à un degré variable. La presque totalité des tubes nerveux a dis-
paru dans la zone marginale de la moelle, surtout dans les parties
latérales. Leur destruction est également très étendue dans les parties
centrales des cordons latéraux et postérieurs. Les portions qui sont
contiguës à la substance grise sont, au contraire, relativement res-
pectées.
Au niveau des parties les plus atteintes, le tissu de sclérose est
constitué en majeure partie par des fibrilles névrogliques et de nom-
breuses cellules araignées. Dans les mailles formées par l'enchevê-
trement de ces éléments, on ne trouve qu'un petit nombre de cellules
granuleuses, quelques boules hyalines arrondies et souvent vacuolaires,
et presque pas de corps granuleux. Les granulations libres de myéline
manquent totalement dans les préparations colorées par l'hématoxyline
de Weigert. En somme, les produits de désintégration des tubes nerveux
sont très peu abondants. On trouve surtout, mêlés au tissu névroglique,
des noyaux mal colorés et des petits vaisseaux capillaires souvent com-
plètement oblitérés. Il existe de plus des cylindres-axes hypertrophiés
— 351 —
dépourvus de gaine, et quelques très rares tubes nerveux, constitués par
une petite gaine et un cylindre-axe ponctlforme.
Dans les parties profondes des cordons latéraux et postérieurs, la
sclérose revêt les mêmes caractères, mais le nombre des tubes conservés
est un peu plus considérable, ceux-ci se présentent soit avec leurs
caractères normaux, soit avec un cylindre-axe volumineux.
Il existe encore un grand nombre de cylindres-axes hypertrophiés dans
les régions qui entourent la substance grise, mais à ce niveau le tissu
interstitiel est peu développé, on note seulement une augmentation de
volume et de nombre des cellules araignées.
La substance grise, dans toute la région dorsale supérieure, est très
altérée, un grand nombre de cellules sont réduites à de petits moignons
pigmentés; cependant celles qui sont situées dans la région antérieure
de la corne ont conservé pour la plupart leurs prolongements.
Dans la partie centrale de la substance grise des cornes, elles sont, au
contraire, presque totalement détruites, le tissu est d'ailleurs en ce point
très raréfié et comme effondré; les fibrilles nerveuses font défaut et le
tissu, très lâche, n'est constitué que par des fibrilles névrogliques très
espacées, des cellules araignées très nettes, des cellules granuleuses,
des noyaux libres et quelques boules hyalines. Indépendamment de ces
éléments qui peuvent être caractérisés, on trouve une substance amorphe
granuleuse qui remplit les vides.
La colonne de Clarke ne forme plus une région distincte, elle est
englobée dans le tissu que nous venons de décrire.
RÉGION DORSALE MOYENNE. — A partir de la sixième racine dorsale,
la sclérose se cantonne dans les cordons latéraux aux faisceaux pyra-
midaux, elle présente alors les mêmes caractères que dans le cordon
de Goll à la région cervicale .supérieure, mais l'intensité de l'altération
est bien plus prononcée. Le tissu de sclérose est presque uniquement
constitué par des fibrilles névrogliques très serrées et disposées longi-
tudinalement par rapport à l'axe de la moelle. Les tubes persistants sont
très nettement distincts du tissu névroglique et bien conformés en
général. Ils sont assez nombreux dans le cordon pyramidal gauche et
très rares dans celui du côté droit.
La substance grise présente encore quelques modifications dans sa
partie centrale et au niveau de la colonne de Clarke.
Il existe toujours un léger épaississemeut fibreux de la pie-mère et
de l'arachnoïde. Les altérations vasculaires sont très prononcées, elles
offrent les mêmes caractères et la même topographie que plus haut;
elles sont surtout marquées dans les parties postéro-latérales. Dans la
moelle, le nombre des vaisseaux oblitérés ou épaissis est extrêmement
considérable, surtout dans le cordon latéral droit où ils acquièrent un
développement énorme; mais on trouve également des vaisseaux avec
— 352 —
le même état dans le cordon latéral gauche et même dans les régions
de la moelle où le parenchyme est resté à peu près sain.
Les racines médullaires, dans les deux tiers supérieurs de la région
dorsale, présentent sur les coupes des altérations manifestes, bien qu'as-
sez peu accentuées. Ces modifications portent principalement sur les
racines antérieures. Le nombre des tubes nerveux détruits est très peu
considérable. L'intégrité d'un grand nombre de tubes, celle du tissu
interstitiel et du périnèvre forment un contraste frappant avec l'épais-
sissement considérable des parois vasculaires.
La dégénérescence des tubes nerveux des racines antérieures est
purement secondaire, elle relève des altérations de la substance grise.
Elle n'est certainement pas provoquée par l'iufiltration inflammatoire
du tissu interstitiel, car celui-ci est presque absolument normal; enfin,
en contact avec des vaisseaux presque oblitérés, on trouve des tubes
nerveux absolument sains.
RÉGION DORSALE INFÉRIEURE. — Ce n'est qu'à la hauteur de la onzième
ou de la douzième racine dorsale que la substance grise reprend ses
caractères normaux; les cellules nerveuses sont cependant encore
atteintes dans les parties postéro-latérales des cornes antérieures
(cornes latérales). La colonne de Clarke a récupéré en grande partie ses
cellules et ses fibrilles nerveuses ; mais il existe toujours, tant dans la
substance blanche que dans la substance grise, un certain nombre de
vaisseaux à parois é])aisses et hyalines, qui forment des taches claires
sur le fond du tissu. Le parenchyme de la substance blanche est d'ail-
leurs sain, à part la sclérose du faisceau pyramidal.
Les méninges sont d'épaisseur normale et les altérations vasculaires
diminuent d'intensité; on note cependant un certain nombre de veines
oblitérées dans le voisinage des racines postérieures et du sillon médian
postérieur.
Les racines sont saines, à parties lésions vasculaires que nous avons
signalées et qui se retrouvent ici.
RÉ&ioN LOMBAIRE. — Le parenchyme nerveux de la substance grise
et des cordons blancs est normal, àpart lasclérosedu faisceau pyramidal,
dont l'intensité est plus prononcée à droite, et qui diminue peu à peu
d'étendue pour disparaître dans la partie terminale de la moelle.
On trouve encore dans toutes les parties de la moelle quelques vais-
seaux à parois épaisses et hyalines.
La pie-mère ne présente plus aucun épaississement et cependant,
jusqu'au niveau des racines sacrées, les v^aisseaux sont encore très
altérés. L'artère spinale antérieure isolée a des parois épaisses, l'en-
dartère est relativement sain, mais la tunique adventice et la tunique
moyenne sont bien plus développées qu'à l'état normal et fibreuses.
— 353 —
Les veines spinales antérieures et postérieures possèdent encore une
large lumière, mais les parois sont très épaisses et fibreuses. Quelques
veines satellites des racines sont oblitérées. Tous les petits vaisseaux
de la pie-mère ont des parois épaisses et fibreuses (fig. 28). Dans cette
FiG. 28. — Cas n° IV. — Système vasculaire spinal antérieur. Bpaississement
hyalin des parois des vaisseaux. Intégrité des'méninges et de la moelle. Coupe au
niveau de la troisième racine lombaire. (Méthode de Weigert.)
région on note donc, à côté d'un parenchyme méiiuUaire sain, l'existence,
dans les parois vasculaires, d'altérations généralisées, mais arrêtées
dans leur évolution, peu prononcées, et de date ancienne.
L'histoire clinique du malade qui fait l'objet de cette observation
peut se résumer en quelques mots. Onze mois après un chancre infec-
tant, le sujet éprouve quelques symptômes indiquant le début d'une
lésion médullaire, puis au bout d'un certain temps deux accidents
aigus à quelques semaines d'intervalle; d'abord une rétention brusque
d'urine, puis une attaque de paraplégie. A partir de ce moment, les
symptômes marchent rapidement. A la suite d'un traitement spécifique,
l'état du malade présente une certaine amélioration, puis reste absolu-
ment stationnaire. Un an et demi après le début des accidents, le
malade offre tous les symptômes d'une paraplégie spasmodique qui
persiste ensuite à l'état chronique sans modifications. Au bout de dix
ans, il meurt d'une affection intercurrente.
S, 23
— 354 —
L'évolution et la nature des lésions anatomiques nous paraissent
reconnaître l'interprétation suivante : nous avons vu que, d'une façon
générale, les altérations du tissu propre de la pie-mère étaient très
peu marquées et que les lésions vasculaires, au contraire, étaient pré-
dominantes. Ces dernières atteignent leur maximum au niveau de la
région dorsale supérieure, et c'est précisément en ce point que la
sclérose de la moelle s'est manifestée d'une façon diffuse.
L'altération du tissu médullaire doit être considérée comme la con-
séquence des lésions vasculaires. En effet, la sclérose de la moelle
n'a pas eu pour point de départ une infiltration embryonnaire partie
de la pie-mère, car celle-ci n'adhère que faiblement au tissu médul-
laire, elle ne fournit qu'un petit nombre de prolongements pénétrant
dans le parenchyme de la moelle, et ces prolongements sont toujours
formés par des vaisseaux épaissis.
La sclérose médullaire n'a pas eu non plus son point de départ dans
la paroi des vaisseaux, car dans les parties sclérosées ceux-ci sont le
plus souvent isolés du tissu environnant. De plus, en plein paren-
chyme sain, on trouve des vaisseaux qui présentent les mêmes carac-
tères que ceux des parties sclérosées, et ces vaisseaux sont en contact
avec des tubes nerveux normaux. C'est aussi ce qu'on observe au
niveau des racines.
Deux particularités permettent d'affirmer que les altérations des vais-
seaux sont primitives et autonomes, et qu'elles ne sont pas consécu-
tives soit aux lésions de la méninge, soit à la sclérose des parties qu'ils
traversent. C'est d'abord ce fait que, dans les régions cervicale et
lombaire où la pie-mère est normale, tous les vaisseaux sont très mani-
festement altérés (v. fig. 28) et que, dans toute la hauteur de l'axe spinal,
de nombreuses veines isolées dans la cavité sous-arachnoïdienne sont
complètement oblitérées. En outre, ainsi que nous l'avons déjà fait
remarquer, on trouve, à côté de tubes nerveux absolument sains, des
vaisseaux dont l'altération est extrêmement prononcée.
La sclérose médullaire qui est presque purement névroglique dans
ce cas est consécutive à la dégénération des éléments nerveux. Quant
à la cause de cette dégénération, elle doit être cherchée dans l'insuffi-
sance d'irrigation sanguine qui a résulté des altérations vasculaires.
Les lésions vasculaires, bien qu'existant dans toute la hauteur de la
moelle, ont leur maximum d'intensité au niveau de la région dorsale
— 355 —
et c'esl en ce point que s'est produit le ramollissement diffus de la
substance médullaire. Les éléments dégénérés ont été peu à peu
remplacés par la sclérose, en même temps que se manifestait la dégé-
nération ascendante ou descendante des tubes détruits.
Toutes les lésions que nous avons décrites offrent un caractère
manifeste d'ancienneté. Les parois vasculaires sont fibreuses et même
hyalines, l'infiltration nucléaire est extrêmement discrète, la sclérose
névroglique et conjonctive est fibreuse, les produits de désintégration
des éléments du parenchyme médullaire sont très rares. En somme
il s'agit, tant pour les méninges que pour la moelle, d'un véritable
tissu de cicatrice. Le processus était donc arrêté depuis longtemps
dans son évolution : les vaisseaux, d'abord infiltrés, ont subi ensuite la
transformation fibreuse de leurs parois et le processus, qui a été bien
loin dans la partie moyenne de l'axe spinal s'est arrêté en chemin au
niveau des deux extrémités ; en tous cas, dans ces régions, la circula-
tion sanguine est restée suffisante
Il existe une concordance satisfaisante entre l'observation clinique
d'une part, les lésions constatées et l'interprétation que nous en avons
donnée, d'autre part. Les altérations vasculaires ont produit au début
les symptômes prodromiques que nous avons notés. A la destruction
définitive des éléments nerveux répond l'établissement rapide de la
paraplégie.
Le temps d'arrêt suivi de sclérose subi par le processus, et l'aspect
d'ancienneté des lésions constatées à l'autopsie sont bien en rapport
avec l'état stationnaire dans lequel la maladie est restée pendant de
nombreuses années.
A l'intégrité de la région lombaire répond la conservation des forces
et des mouvements dans les membres inférieurs, les phénomènes
spasmodiques étant la conséquence de la sclérose descendante du
faisceau pyramidal.
Les altérations de la substance grise, que nous avons notées dans
les régions dorsale supérieure et dorsale moyenne, ne paraissent pas
avoir produit de symptômes bien accusés, du moins ceux-ci ont
échappé à l'observation. Quant à celles de la substance grise de la
région cervicale, elles expliquent l'état de faiblesse qui a été constaté
dans les membres supérieurs.
L'observation précédente peut être considérée comme un type de
— 356 —
syphilis médullaire d'intensité moyenne arrivée au dernier stade de
son évolution naturelle. Dans ce cas, le processus éteint n'a subi
aucune recrudescence, et la mort a résulté d'une affection intercur-
rente. Si les lésions de décubitus se sont produites vers la fin, c'est
que l'état général qui, jusque-là, s'était montré satisfaisant, avait subi,
par le fait d'une affection intercurrente grave, une atteinte profonde,
permettant le développement de ces altérations.
Les trois observations suivantes nous ont été communiquées par
M. Dejerine avec les préparations microscopiques qui offraient dans
l'aspect des lésions une grande similitude. Ces cas sont remarquables
par l'analogie de leur évolution, ils répondent au type complet carac-
térisé par la série des phénomènes suivants : début brusque ; établis-
sement, puis persistance pendant un certain temps d'une paraplégie
grave ; amélioration et finalement état stationnaire.
Cas no V. — Obs. 112 (inédite). Communiquée par M. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. A 22 ans, chancre, accidents, secon-
daires, deux mois de traitement. A 27 ans, pendarit quelques jours,
difficulté dans la miction, attaque de paraplégie pendant la nuit;
trois mois de séjour au lit, amélioration, puis état stationnaire :
paraplégie spasmodique, intégrité de la sensibilité, incontinence
d'urine, mort douze ans après le début, d'accidents urinaires.
Autopsie. — Pas de lésions macroscopiques, à part un foyer de sclé-
rose transverse d'environ 2 centim. de haut au niveau de la région
dorsale moyenne. Au microscope, sclérose névroglique du foyer,
méninges peu épaissies, altérations scléreuses très prononcées des
vaisseaux. Dégénérescence secondaire ascendante et descendante.
Histoire clinique. — M..., âgé de 38 ans, entre à Bicêtre en 1884,
pour une paraplégie.
Antécédents personnels. — Le sujet avait toujours été bien portant
jusqu'en 1871. A cette époque, étant alors âgé de 22 ans, il contracte la
syphilis. Il eut un chancre et des plaques muqueuses, et suivit alors un
traitement mercuriel pendant deux mois seulement.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Cinq ans après cet accident, en
1876, à l'âge de 27 ans, le malade éprouva de la difficulté à uriner, puis
eut de l'incontinence passagère d'urine. Ces accidents duraient depuis
quelques jours seulement, lorsqu'un matin il se réveilla complètement
paralysé des membres inférieurs. La paraplégie était à peu près abso-
— 357 —
lue ; le malade no resseatit, paraît-il, à cette époque, aucune douleur vive,
mais ses jambes étaient engourdies. Incontinence d'urine.
Le malade dut garder le lit pendant trois mois ; au bout de ce temps,
il commença à se lever, puis à marcher peu à peu, d'abord avec des
béquilles, puis avec des cannes. Ses jambes, dit-il, étaient très raides.
L'état s'améliora pendant un certain temps, mais depuis des années
le malade est resté dans la même situation.
En 1884, il entra à l'hospice de Bicêtre et îut envoyé dans une division
de malades chroniques.
Etat actuel. — Homme de constitution moyennement vigoureuse,
atteint de paraplégie spasmodique avec contracture très prononcée. Le
malade marche avec deux cannes; ses jambes sont très raides, les pieds
se détachent très ditïicilement du sol; la démarche est lente, mais le
malade peut fournir une assez longue course.
La force musculaire n'est pas sensiblement diminuée dans les mem-
bres inférieurs, on éprouve une grande diflfîculté à fléchir les jambes
contre la volonté du malade, et celui-ci peut porter un homme sur ses
épaules, à la condition qu'il ait pris auparavant une position d'équilibre
satisfaisante.
L'intensité de la contracture gêne la recherche des réflexes tendineux
des membres inférieurs. Le pied se place en extension et on ne peut
produire le clonus caractéristique, à cause de la raideur du membre. La
même cause empêche de provoquer le réflexe patellaire. Dès qu'on
percute le tendon rotulien, la jambe se place dans l'extension forcée
par exagération de la contracture.
Le malade est atteint d'incontinence intermittente d'urine, les envies
sont impérieuses, et le malade ne quitte jamais son urinai en caout-
chouc.
Sensibilité. — Dans les membres inférieurs, comme dans les autres
parties du corps, la sensibilité est, en gros, normale dans ses modes :
tact, douleurs, température.
Les membres supérieurs sont intacts.
Pupilles égales sans myosis, réagissant normalement à la lumière et
à la convergence.
Les urines sont troubles et ammoniacales.
Au mois d'avril 1888, le malade, qui avait été renvoyé dans les divi-
sions de chroniques, remonta à l'infirmerie de l'hospice : les urines
étaient très troubles, chargées de pus, contenaient de l'abumine. L'état
général du sujet était fortement atteint, la fièvre était assez forte, l'ap-
pétit nul. On fit des lavages de la vessie avec de l'eau boriquée, mais
les accidents de cystite persistèrent et le malade succomba le 25 avril.
Autopsie. — Le cerveau et la moelle seuls ont pu être examinés.
Encéphale. — Boîte crânienne normale, pas d'exostoses. Dure-mère
saine sur ses deux faces, sans trace d'épaississement ni d'exsudat. Pie-
— ;^58 —
mère fine, normale sans adhérences pathologiques. Les vaisseaux de la
base paraissent sains.
Les coupes macroscopiques pratiquées sur le cerveau, le cervelet, la
protubérance et le bulbe, ne permettent de découvrir aucune altération
appréciable.
Moelle épinière. — Pas de lésions osseuses, tissu cellulaire périmé-
ningé d'apparence saine. Dure-mère normale sur ses deux faces.
Au niveau de la région dorsale moyenne de la moelle, on constate
une teinte grisâtre des cordons blancs, s'étendant un peu plus sur la
face antérieure que sur la face postérieure, et siégeant sur une hauteur
de 2 centimètres. A ce niveau, la pie mère présente une teinte légère-
ment grisâtre et paraît un peu gonflée.
Sur une coupe de la moelle fraîche, passant parla partie moyenne de
cette plaque, on constate à l'œil nu qu'à ce niveau la substance blanche
a pris une teinte gris rosé et que les limites de la substance grise et la
substance blanche sont beaucoup moins nettes qu'à l'état normal. On sent
à la pression que le tissu est induré, scléreux.
Quelques fragments, isolés au moyen de ciseaux courbes, et dissociés
dans le picrocarmin, montrent au microscope des corps granuleux, des
fibrilles névrogliques serrées et enchevêtrées, des petits vaisseaux
dont les parois hyalines sont très épaisses, beaucoup sont transformées
en un cordon fibroïde sans lumière centrale.
Les coupes transversales des autres parties de la moelle montrent
à l'œil nu une dégénérescence ascendante du cordon de GoU et une
dégénérescence descendante du faisceau pyramidal latéral.
Gasn°VI. — observation 113 (inédite). Communiquée parM. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme de 19 ans, chancre, plaques muqueuses,
trois mois de traitement. A 28 ans, faiblesse brusque des jambes, gué-
rison. Quelques jours après, mêmes phénomènes, puis paraplégie ;
six mois de séjour au lit, amélioralion, puis état stalionnaire : para-
plégie spasmodique, intégrité de la sensibilité, troubles des sphinc-
ters; mort, quatorze ans après le début, de pneumonie.
Autopsie. — Plaque grisâtre diffuse de la moelle au niveau de la
septième et de la huitième racine dorsale. Au microscope, foyer
de sclérose névroglique diffus, occupant surtout les cordons posté-
rieurs et les cordons latéraux; épaississement léger des méninges,
altérations des vaisseaux. Dégénérescence secondaire ascendante et
descendante.
Histoire clinique. — Pis..., ferblantier, âgé de 42 ans.
Antécédents personnels. — A l'âge de 19 ans, en 1865, le malade eut
un chancre syphilitique suivi de plaques muqueuses, et se soumit à
cette époque à un traitement mercuriel pendant trois mois.
— 359 —
Maladie acluelle. Commémoralifs. — A l'âge de 28 ans, en 1874, le
malade, jusque-là bien portant, éprouva un jour, dans les jambes, une
faiblesse brusque qui le fit tomber : mais ce n'était là qu'un avertisse-
ment; la faiblesse ne dura que quelques instants, et le malade recouvra
bientôt l'usage de ses jambes.
Trois jours plus tard, le même accident se reproduisit : le malade se
rendait à son travail, lorsqu'il fut pris de tremblement dans les jambes
qui faiblirent sous lui. On dut le transporter chez lui. La paralysie fut
d'abord presque totale, s'accompagna d'incontinence d'urine et le
malade garda le lit pendant six mois. Au bout de ce temps, il commença
à marcher, d'abord très péniblement, puis, son état s'améliorant peu à
peu, il lui fut possible de reprendre ses occupations.
A partir de ce moment, la situation ne s'est guère modifiée, le malade
marche avec deux cannes, mais il peut exercer sa profession, fait d'assez
longues courses et reste debout plusieurs heures par jour.
Eu 1886, le malade entra à l'hospice de Bicêtre et fut placé dans les
divisions de chroniques.
Le 21 mai 1888, il fut admis à l'infirmerie de l'hospice pour des
symptômes de grippe.
On constate alors l'état suivant : le malade marche avec deux cannes,
en se balançant, les jambes raides incomplètement étendues, il est
digitigrade, car la pointe des pieds appuie fortement sur le sol, tandis
que les talons y reposent à peine.
En temps ordinaire, le malade peut marcher assez longtemps, il va
par exemple assez souvent depuis l'hospice jusque dans Paris et fait
ainsi plusieurs kilomètres, mais l'allure est lente, il bute facilement et
se fatigue assez vite.
La force musculaire est encore très grande dans les membres inférieurs
et il n'y a pas de signes évidents d'atrophie musculaire; mais dans les
mouvements passifs on constate une raideur accentuée des membres
inférieurs ; les réflexes rotuliens sont très exagérés, on provoque des
deux côtés le phénomène du pied et même le tremblement clonique de
la rotule.
La sensibilité objective est intacte et le malade n'accuse aucune dou-
leur. A aucune période de sa maladie il n'a d'ailleurs jamais souffert de
douleurs vives, il aurait simplement éprouvé au début des fourmille-
ments et de l'engourdissement dans les jambes.
Les envies d'uriner sont impérieuses et parfois la miction se fait
spontanément.
Les membres supérieurs et la tête sont indemnes, les pupilles réagis-
sent normalement.
Il s'agit, en somme, d'une paraplégie spasmodique de moyenne inten-
sité et à peu près égale des deux côtés.
Le malade succomba à une broncho-pneumonie le 6 juin 1888, à l'âge
de 42 ans, quatorze ans après l'attaque de paraplégie.
— 360 —
Autopsie. — Les enveloppes crâniennes et l'encéphale ne présentent
aucune anomalie pathologique, les méninges paraissent saines à l'œil nu,
en tous cas sans adhérences entre elles ni avec la substance nerveuse.
Les coupes fraîches du cerveau et du cervelet ne montrent aucune
lésion.
Moelle. — Pas d'altérations macroscopiques du rachis ni de la dure-
mère; la pie-mère ne présente pas d'épaississement appréciable ; la
moelle est indurée et d'une teinte grisâtre dans la région dorsale
moyenne; à la coupe, on constate une sclérose incomplète, diffuse et de
couleur gris rosé, envahissant irrégulièrement la région dorsale moyenne
et présentant son maximum d'intensité au niveau des septième et
huitième racines dorsales. Dégénérescence secondaire ascendante et
descendante.
Cas n» VII. — Observation 114 (inédite). Communiquée par
M. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme ; h W ans chancre, plaques muqueuses,
traitement insuffisant ; à 26 ans, faiblesse et fourmillements des
jambes, puis paraplégie complète développée en vingt-quatre heures.
Huit mois de séjour au lit, amélioration et état stationnaire : para-
plégie spasmodique, troubles des sphincters, sensibilité intacte, pas
de douleurs, pas d'atrophie musculaire. Mort, vingt ans après le
début, de tuberculose pulmonaire.
Autopsie. — Pas de lésion macroscopique de la moelle sauf un foyer
de sclérose transverse long de 3 centim. dans la région dorsale
moyenne. Au microscope : mêmes modifications que dans les cas
précédents.
Histoire clinique. — Dub..., menuisier, âgé de 45 ans, à l'hospice de
Bicêtre depuis 1886.
Antécédents. — A l'âge de 20 ans, en 1863, le malade prit un chancre
qui fut suivi de plaques muqueuses. Traitement pendant cinq semaines
à l'hôpital du Midi.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — A l'âge de 26 ans, en 1869, le
malade éprouva dans les jambes un sentiment de faiblesse, accompagné
de fourmillements douloureux. Ces symptômes se manifestèrent pen-
dant quelques jours avec une intensité variable, lorsqu'un jour la fai-
blesse augmenta tout à coup assez rapidement, si bien que, vingt-quatre
heures après, la paraplégie était complète.
Le malade fut transporté à l'hôpital Lariboisière oiî il resta plus d'une
année. Pendîint huit mois, il garda le lit, la paraplégie était très accen-
tuée et s'accompagnait d'incontinence d'urine. Au bout de ce temps, le
malade put se lever et commença à marcher peu à peu.
— 361 —
Après avoir bénéficié d'une amélioration notable et progressive, il
est resté depuis de longues années dans un état absolument station-
naire.
La marche était assez pénible, mais le malade pouvait cependant
exercer tant bien que mal sa profession de menuisier.
Il fit plusieurs séjours dans différents hôpitaux, et finalement fut
admis à Bicètre en avril 1886.
Étal actuel, février 1889. — Le malade présente les signes clas-
siques de la paraplégie spasmodique, la contracture est très prononcée
même à l'état de repos; le malade étant assis, les genoux sont rappro-
chés, il ne peut croiser une cuisse sur l'autre.
Dans les mouvements communiqués, on sent une grande raideur, et à
ce moment la contracture prend une telle intensité qu'elle rend difficile
la recherche des réflexes ; le pied se place en position équine, il ne
peut être relevé, et l'on ne peut pour cette raison provoquer le trem-
blement clonique caractéristique. Dans la marche, la raideur est égale-
ment extrêmement prononcée, le sujet marche difficilement avec deux
cannes, les pieds sont comme attachés au sol, le corps est penché en
avant.
La sensibilité est intacte dans tous ses modes, le malade ne se plaint
d'aucune douleur.
Incontinence fréquente d'urine.
Intégrité des membres supérieurs, de la face, des yeux.
Au mois de décembre 1890, le malade entre à l'infirmerie : il est
atteint depuis longtemps de tuberculose pulmonaire, mais l'état général
s'est beaucoup afl'aissé depuis quelques mois. Mort le 23 décembre, à
l'âge de 46 ans, vingt ans après l'attaque de paraplégie.
Autopsie. — Intégrité à l'examen macroscopique des enveloppes
crâniennes; méninges saines. Aucune lésion sur les coupes fraîches du
cerveau et du cervelet.
Moelle. — Pas de lésions du canal rachidien ni des méninges appré-
ciables à l'œil nu. La moelle, dans la partie moyenne de la région dorsale,
est indurée et grisâtre sur une étendue de 3 centim. A la coupe,
on trouve un tissu gris rosé qui envahit inégalement toute l'épaisseur
de la moelle à ce niveau, mais est surtout disposé dans la zone péri-
phérique et dans la partie postéro-latérale du cordon latéral et du
cordon postérieur. Dégénérescence secondaire ascendante et descen-
dante.
Examen microscopique des cas n"^ V, VI et VII.
Les préparations microscopiques correspondant à ces trois cas
nous ont été confiées par M. Dejerine. Les préparations que nous
— 362 —
avons examinées, colorées par le carmin ou la méthode de Weigert,
offrent des lésions très caractéristiques, qui peuvent être rappro-
chées de celles que nous avons décrites dans notre cas n" VI.
Elles présentent d'autre part, dans ces trois derniers cas, une
telle similitude qu'il est possible d'en donner une description d'en-
semble.
Lésions des méninges et des vaisseaux périphériques. — Dans
aucune des coupes, la pie-mère n'offre d'épaississement bien marqué.
Aux régions cervicale et lombaire, elle est ;iussi déliée qu'à l'ordinaire ;
mais dans les régions qui correspondent aux altérations primitives du
parenchyme médullaire, elle offre une augmentation manifeste d'épais-
seur qui forme même quelques amas fibreux importants aux environs
des systèmes vasculaires importants (système spinal antérieur et sys-
tèmes spinaux postéro-latéraux). On ne note cependant pas d'élargisse-
ment important des travées conjonctives qui pénètrent dans la substance
nerveuse, sauf dans les points oii ces prolongements accompagnent un
vaisseau à parois très épaisses et scléreuses.
Toutes ces altérations offrent une apparence sclérense bien en rap-
port avec l'ancienneté du processus. En aucun point on ne trouve
d'infiltration embryonnaire jeune, soit sous forme de nappe diffuse, soit
sous forme de nodule circonscrit. La pie-mère, bien qu'accolée à la
moelle, n'y adhère pas d'une façon intime dans les parties dégénérées.
Le tissu scléreux de la méninge est tout à fait distinct de la sclérose
de la moelle sous-jacente. Souvent, entre une zone scléreuse du paren-
chyme nerveux et la méninge, il existe une mince bande où les tubes
nerveux persistent, ce qui indique nettement que l'altération de la moelle
n'est pas le fait d'un envahissement par une infiltration émanée de la
pie-mère. Aussi bien, dans les parties qui correspondent à l'altération
transverse primitive, bien que la pie-mère soit plus épaissie, il n'existe
aucune trace de pénétration de la moelle par un tissu conjonctif de
même nature que celui qui constitue la méninge.
Les altérations des vaisseaux périphériques offrent les mêmes aspects
dans les trois cas.
D'une façon générale, les veines sont plus atteintes que les artères, et
les grosses branches artérielles sont respectées. En aucun point on ne
constate l'oblitération de l'artère spinale antérieure, il n'existe même
pas d'endartérite bien caractérisée; les parois du vaisseau sont seule-
ment épaissies et fibreuses, principalement au niveau de la tunique
externe. Ces mêmes remarques sont applicables aux troncs artériels
principaux des systèmes spinaux postéro-latéraux.
Les veines correspondantes sont bien plus affectées ; on trouve de gros
troncs complètement oblitérés et réduits à un cordon hyalin dont la
— 363 —
périphérie seule présente un aspect fibrillaire. Il est remarquable que
ces derniers vaisseaux se montrent le plus souvent isolés et sans adhé-
rence avec la méninge plus ou moins épaissie. Tous les petits vaisseaux
compris dans l'épaisseur de la pie-mère, vaisseaux dont la nature arté-
rielle ou veineuse est d'ailleurs diflicile à définir, sont au contraire pro-
fondément modifiés. Ils offrent tous une paroi hyaline très épaisse
comparativement à la lumière, beaucoup sont complètement oblitérés
et apparaissent au milieu du tissu scléreux de la méninge comme de
petits cercles fibreux ou hyalins.
Dans les régions extrêmes de la moelle, éloignées par conséquent du
foyer d'altération maximum, les lésions inéningo-vasculaires présentent
un aspect intéressant que nous avons décrit à propos du cas n° IV. Le
stroma propre de la pie-mère est régulier et d'épaisseur normale,
mais on trouve, accolés à cette même membrane, de petits vaisseaux
dont la tunique externe est très épaissie et comme doublée extérieure-
ment par une couche fibreuse. On observe aussi à la surface externe de
la méninge de petits épaississements fibreux formant comme un dépôt
organisé surajouté au stroma propre de la membrane.
Altérations du tisnu nerveux. — Dans les trois cas, il existe à la
région cervicale une dégénérescence secondaire bien accusée du cordon
de Goll et du faisceau cérébelleux direct, et à la région lombo-sacrée
une sclérose franche du faisceau pyramidal. Quant aux altérations pri-
mitives, nous avons déjà indiqué dans les protocoles d'autopsie les
points oîi elles présentaient leur maximum de développement.
Dans les trois cas, la moelle n'est intéressée en aucun point dans toute
son épaisseur, les lésions sont nettement prédominantes dans les cordons
latéraux et les cordons postérieurs, la substance grise est généralement
respectée, bien qu'on y trouve des lésions manifestes des cellules
nerveuses.
Il existe d'ailleurs quelques difi'érences pour la topographie des
lésions primitives dans les trois cas.
Dans les cas n"^ V et VI, les altérations primitives, bien que manifes-
tement prédominantes dans la partie postérieure des cordons latéraux
et dans la partie adjacente des cordons postérieurs, sont répandues
d'une façon assez dilïuse dans toute la périphérie de la moelle, sur une
hauteur qui correspond au foyer d'altération que nous avons signalé.
Elles constituent un véritable foyer transverse assez limité, bien
qu'incomplet, d'où est partie la dégénérescence secondaire ascendante
ou descendante. Dans le cas n» VII, au contraire, la dégénérescence
semble avoir atteint primitivement et symétriquement les deux cordons
latéraux sur presque toute leur étendue transversale au moins dans un
long segment de la moelle. Le cordon postérieur, au contraire, n'est
atteint sérieusement qu'au niveau de la zone marginale. Aux parties
supérieures de la moelle, la sclérose du cordon latéral dépasse les
— 364 —
limites ordinaires assignées à la dégénérescence secondaire du faisceau
cérébelleux et envahit quelque peu la région pyramidale. C'est un
aspect que nous avons déjà constaté dans le cas no IV. D'ailleurs, à
mesure qu'on s'élève dans la région cervicale, l'importance de cette
dégénération pyramidale s'atténue, si bien qu'à la région cervicale supé
rieure il ne reste que la sclérose classique du faisceau cérébelleux et
peut-être celle du faisceau de Gowers sur une faible étendue.
La dégénérescence secondaire du cordon de Goll est assez peu mar-
quée, au moins comme intensité, beaucoup moins que dans les cas n" V
et no VI.
La dégénérescence pyramidale descendante, est au contraire^ extrê-
mement accentuée dans la région lombaire, tandis que le cordon posté-
rieur est absolument intact.
Dans les cas n° V et n° VI, la dégénérescence du cordon latéral
remonte aussi un peu en s'atténuant rapidement au-dessus de la région
qui semble répondre au foyer d'altération transverse primitive, mais la
dégénérescence du cordon latéral est moins accusée et la sclérose pyra-
midale remonte bien moins haut que dans le cas n° VII. Au contraire, le
cordon postérieur est plus atteint et le cordon de Goll dégénéré est
presque totalement dépourvu de tubes nerveux, excepté dans la partie
médiane contiguë au septum médian postérieur. La sclérose pyramidale
descendante est d'ailleurs nettement caractérisée.
Dans les trois cas, même à la hauteur du foyer transverse, il persiste
dans la partie intermédiaire qui entoure la substance grise une zone
de substance blanche intacte, alors que la substance grise voisine pré-
sente des modifications importantes.
Les apparences histologiques du tissu nerveux dégénéré sont absolu-
ment identiques dans les trois cas.
Les foyers de sclérose primititive et les cordons dégénérés secondai-
rement sont constitués par du tissu névroglique très dense, ils ne se
distinguent les uns des autres que par les altérations vasculaires très
développées dans les premiers.
Le tissu de sclérose névroglique est composé de fibrilles très serrées
et enchevêtrées, affectant les dispositions que nous avons déjà décrites.
On trouve au milieu de ce tissu quelques tubes nerveux absolument
intacts, et quelques cylindres-axes bien constitués, à coupe nettement
circulaire, bien colorés et entourés d'une très mince gaine de myéline.
Les zones scléreuses qui affleurent le contour de la moelle et vien-
nent au contact de la pie-mère se distinguent parfaitement du tissu
fibreux de la méninge et il n'y a aucune continuité de tissu. On n'observe
en aucun point la pénétration dans la moelle d'une bande conjonctive
importante, en forme de coin, émanée de la pie-mère, contrairement à
ce que nous avons constaté dans d'autres cas.
Le processus d'altération semble absolument univoquc dans les trois
cas et dans tous les points atteints primitivement.
— 365 —
Les produits de désintégration des éléments nerveux et les corps
granuleux sont peu nombreux ; leur existence est d'ailleurs très difficile
à établir sur des préparations anciennes montées dans le baume du
Canada. Cependant, les zones scléreuses sont ponctuées de vacuoles
claires et disséminées, et parfois confluentes, qui peuvent être considérées
comme les loges de corps granuleux dissous ou éclairais par les essences
et le baume.
La sclérose névroglique des cordons dégénérés secondairement n'offre
aucun caractère spécial et ces zones, dans les points où elles sont super-
ficielles, se comportent vis-à-vis de la pie-mère adjacente comme les
parties atteintes primitivement.
Les altérations vasculaires du tissu médullaire sont très développées
et très importantes. Dans les zones scléreuses du foyer transverse, ou
trouve des vaisseaux énormes, à parois hyalines, souvent oblitérés et
présentant tous les aspects que nous avons déjà décrits à propos du
cas n° IV. La paroi est généralement composée de deux couches : une
couche externe fibreuse, striée de fibrilles fines, ondulées et parallèles,
mêlées de noyaux' peu nombreux, et une couche interne hyaline, colo-
rée en rose par le carmin, souvent séparée de la couche externe par
une fente ou une zone ondulée, brillante, qui peut être considérée
comme une membrane élastique. Dans ces conditions, la couche interne
hyaline représenterait la membrane interne hypertrophiée du vaisseau.
Souvent, le vaisseau est complètement oblitéré et forme un cordon
hyalin contenant un débris de membrane élastique et quelques noyaux
fusiformes. Il est très fréquent de voir un semblable cordon creusé de
deux à trois capillaires néoformés nettement caractérisés par un rang
de cellules endothéliales (pl. IV, fig. 5).
Enfin le vaisseau hyalin ou fibreux est parfaitement distinct du tissu
névroglique qui l'entoure et lui forme comme une ceinture de fibrilles
névrogliques concentriques. Ces vaisseaux sont particulièrement nom-
breux et volumineux, dans les zones qui paraissent avoir été atteintes
primitivement, mais on en trouve encore un grand nombre dans les
cordons atteints de dégénérescence secondaire.
Enfin, remarque d'importance capitale, même dans les parties de la
moelle où le tissu nerveux est intact, ou voit de nombreux vaisseaux
très volumineux, à parois hyalines très épaisses, presque oblitérés et en
contact avec des tubes nerveux absolument sains, ou séparés de ceux-
ci seulementpar quelques fibrilles névrogliques disposées circulairement.
Ce fait prouve]^ d'une manière péremptoire que les altérations vascu-
laires sont primitives et ne résultent pas de l'action de la sclérose qui
les environne.
Les altérations de la substance grise sont peu marquées ; cependant,
dans les régions qui correspondent au foyer des lésions primitives du
tissu nerveux, beaucoup de cellules nerveuses ont disparu, celles qui
— 366 —
persistent sont u:lobuleuses ou réduites à un moignon arrondi ou trian-
gulaire fortement coloré, et n'occupant qu'une partie de la loge qui le
contient.
Les racines sont, d'une façon générale, peu compromises; sur aucune
des préparations elles ne sont englobées par une uéoformation fibreuse, et
le périnèvre est peu épaissi. Les tubes nerveux y sont très nombreux
et la plupart conservés intacts, ainsi que le démontrent les préparations
colorées par l'hémotaxyline de Weigert, mais les vaisseaux sont épaissis
et fibreux, les espaces conjonctifs interfasciculaires élargis. En somme,
les lésions sont absolument analogues à celles que nous avons consta-
tées dans le cas u° IV.
Il est difficile, dans ces trois cas, d'établir d'une façon irréprochable
la marche du processus, à cause de l'ancienneté des lésions. Cependant,
nous remarquerons que les lésions vasculaires sont prépondérantes,
qu'en plusieurs points elles se montrent isolées et manifestement pri-
mitives ; d'autre part, que l'épaississement des méninges est modéré
et qu'en aucun endroit on ne trouve les traces d'un envahissement du
tissu de la moelle par un processus émané de la pie-mère.
Les altérations de la moelle doivent être considérées : les unes
(celles qui sont diffuses), comme consécutives à la nécrose anémique
du tissu nerveux dans des régions où la membrane nourricière de la
moelle et en particulier les vaisseaux se montrent le plus altérés ; les
autres (celles des cordons dégénérés systématiquement), comme le
résultat de la dégénérescence secondaire des tubes nerveux inter-
rompus dans leur trajet.
Cette interprétation est appuyée par l'étude anatomique antérieure
que nous avons faite de cas à évolution plus rapide, dont le tableau
clinique ne diffère de celui des trois derniers que par la plus grande
intensité des symptômes. Dans les uns comme dans les autres, le début
a été brusque, ainsi qu'il convient à une altération résultant d'un
trouble circulatoire ; mais ces derniers cas, qui ont permis la survie
du sujet, ont offert le tableau clinique complet de l'affection et ont
laissé le processus scléreux atteindre le dernier terme de son évo-
lution.
— 3fi7 —
Cas no VIII. — Observation 115 (personnelle). Recueillie dans le
service de M. Dejerine, à l'hospice de Bicêtre.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. En 1810, à l'âge de 30 ans, chancre,
accidents secondaires ; traitement. — Août 187 'i, refroidissement
suivi de quelques troubles de la sensibilité dans les jambes ; quatre
semaines après, brusque rétention d'urine, faiblesse, puis raideur
des jambes, douleurs lombaires. Développement progressif d'une
paraplégie spasmodique qui persiste ensuite à l'état chronique. —
Juillet 1891, affaiblissement général, cystite. — Mort le 26 octobre
1891.
Autopsie. — Tuberculose pulmonaire avancée. Pas de lésions macros-
copiques dans le canal rachidien, ni dans les enveloppes de la
moelle. Foyer d'altération transverse dans la région dorsale infé-
rieure. Dégénérescence secondaire ascendante et descendante. Pas
d'examen microscopique.
Histoire clinique. — Adolphe Froid.., employé, âgé de 49 ans, entré
au mois d'avril 1889 à l'infirmerie de l'hospice de Bicêtre dans le service
de M. Dejerine.
Antécédents héréditaires. — Père mort à 60 ans d'une affection de
l'estomac. Mère morte à 83 ans, atteinte de rhumatisme chronique
déformant. La famille comprenait six enfants, dont l'aîné est mort à l'âge
de 37 ans, à la suite d'une affection cérébrale qui avait duré quatre ou
cinq ans et s'était manifestée par une hémiplégie droite avec aphasie.
Les autres sont en bonne santé, à l'exception de notre malade.
Antécédents persomiels. — F... était dans sa jeunesse d'un tempé-
rament nerveux et délicat, il avait de fréquents maux de tête et des
saignements de nez. Il reçut une instruction assez soignée, mais vou-
lant préparer les examens du baccalauréat, il ne put supporter la fatigue
cérébrale qui résultait de la vie confinée à laquelle il était astreint. Il
souffrait de céphalalgie, d'insomnie et de vertiges. Il mod'fia alors sa
façon de vivre et, de 20 à 30 ans, se mit à voyager comme placier en
vins.
Malgré sa profession il échappa à l'alcoolisme.
En 1870, il eut une bronchite assez sévère qui dura plusieurs mois et
s'accompagna de crachements de sang.
Il resta célibataire.
En 1870, à l'âge de 30 ans, il eut un chancre syphilitique. Il ne suivit
à ce moment aucun traitement, mais quelque temps après il eut des
manifestations syphilitiques cutanées assez sérieuses sur les bras
et les jambes; il prit alors des sels de mercure et de l'iodure de
potassium.
— 368 —
Deux ans aprè^s, il renonça aux voyages et alla vivre à la campagne
comme cultivateur.
1874. Au mois d'août, étant occupé aux champs à un travail fatigant,
qui l'avait mis en sueur, il fut trempé par un orage et resta à l'abri
pendant deux heures, transi et frissonnant. Le lendemain il éprouvait
dans les orteils des fourmillements qui gagnèrent rapidement les jambes
et les genoux; puis presque aussitôt des douleurs très vives dans les
membres inférieurs. La sensibilité objective plantaire était en même
temps plus ou moins pervertie. Il existait de plus une céphalalgie très
violente. A cette époque, le malade suivit un traitement banal, mais nul
traitement spécifique. Néanmoins, ces symptômes semblaient s'amender,
ils étaient presque complètement eÉfacés au bout de quatro à cinq
semaines, lorsqu'à cette époque il eut une brusque rétention d'urine
qui persista toute une journée et fut suivie d'une incontinence qui n'a
pas cessé depuis. En même temps, il existait des troubles dans les fonc-
tions du sphincter anal : il y eut d'abord une constipation opiniâtre,
suivie d'alternatives de constipation et de diarrhée. Enfin, assez souvent,
les matières s'échappaient malgré la volonté du malade.
Les jambes, cependant, devenaient raides, lourdes et inhabiles, la
marche de plus en plus pénible. Ces symptômes, toutefois, se dévelop-
paient insidieusement, sans obliger le malade à garderie lit.
En 1879, le sujet vint à Paris et pendant plusieurs années resta dans
le même état. Les principaux symptômes étaient l'incontinence des
urines et parfois des matières fécales, un certain degré de faiblesse et de
raideur des membres inférieurs gênant la marche. L'état général était
satisfaisant, les facultés intellectuelles intactes, le malade était alors
économe dans un pensionnat.
Juillet 1887. Le malade éprouve de vives douleurs dans la région
lombaire et expulse dans ses urines un calcul phosphatique du volume
d'une noisette (?) accompagné de petit graviers.
Décembre 1887. Quelques troubles cérébraux, affaiblissement de la
mémoire. Le malade eut même un jour une absence, il se perdit dans
la rue, erra pendant un certain temps, à moitié inconscient, et rentra
chez lui sans se rendre un compte exact de ce qui lui était arrivé. Le
lendemain, il entra à l'hôpital Laennec, dans le service du professeur
Bail et y resta trois mois. Novembre 1888, entre à l'Hôtel-Dieu, dans le
service de M. Bucquoy. Avril 1889. Admission à l'hospice de Bicêtre
Éia.t actuel, motilité. — Il existe un mélange de parésie et de rai-
deur dans les membres in férieurs. Les mouvements sont lents, mais sans
incoordination. La force est considérablement diminuée; la jambe étant
étendue, le malade ne peut résistera l'effort que l'on fait pour la flécliir;
de même, si l'on veut étendre la jambe fléchie, il ne peut s'y opposer.
D'autre part, les réflexes rotuliens sont très exagérés, surtout à
droite, la trépidation clonique du pied s'obtient des deux côtés. Le
— 369 —
réflexe cutané plantaire est plus marqué du côté droit. Debout, le
malade ne présente aucune trace du signe de Romberg, mais il ne se
sent pas très solide sur ses jambes et pourrait être facilement renversé.
La marche est lente, les pas sont réguliers mais mal assurés, l'occlu-
sion des yeux rend la démarche encore plus hésitante, sans amener
toutefois de perte d'équilibre. Les pieds traînent sur le soi, le malade
bute souvent s'il veut marcher vite, et tombe quelquefois à l'occasion
d'un faux pas.
Sensibilité. — Actuellement, le malade éprouve encore quelques
douleurs lombaires, mais il n'a dans les jambes aucune sensation
pénible. La sensibilité objective présente quelques altérations dans les
membres inférieurs. La sensibilité plantaire est quelque peu altérée,
le malade croit marcher sur une surface molle comme du coton. Le
chatouillement de la plante du pied est bien pergu à gauche, mais ne
provoque aucune réaction; à droite, au contraire, il produit dans tout le
membre une agitation involontaire de courte durée.
Le tact et la perception de la douleur sont conservés dans les
membres inférieurs. L'appréciation de la nature de l'excitation n'est
pas toujours correcte ; le pincement est souvent perçu comme une
piqûre et réciproquement. La sensibilité thermique est également un
peu altérée, surtout vers les pieds, elle ne devient normale qu'à partir
de l'abdomen. Si l'on touche la jambe avec un flacon contenant de l'eau
chaude à 80°, le malade sent d'abord un contact, et ce n'est qu'un ins-
tant après qu'il perçoit la chaleur.
Le sens musculaire paraît conservé, le malade a la notion exacte de
la position qu'on donne à ses membres ; pas d'incoordination motrice.
Les sens spéciaux sont indemnes, les membres supérieurs intacts.
Difficulté de la miction, assez souvent rétention qui nécessite un cathé-
térisme.
Amaigrissement marqué des mollets et des cuisses, pas de troubles
trophiques cutanés.
Le malade reste quelque temps à l'infirmerie, puis est renvoyé dans
une division d'infirmes de l'hospice.
Au mois de juillet 1891, il rentre à l'infirmerie. Les troubles moteurs
des jambes sont les mêmes, mais l'état général a beaucoup baissé ; le
malade est amaigri, l'appétit est très diminué. Les troubles urinaires
se sont compliqués d'accidents de cystite, les urines sont troubles et
d'odeur ammoniacale.
Le malade succomba le 26 octobre.
Autopsie. — A l'autopsie, on constata une tuberculose pulmonaire
avancée dont les progrès avaient amené la mort, et une cystite puru-
lente. A l'ouverture du canal rachidien, on ne trouva aucune altération
des parois osseuses ni de la dure-mère, ni des enveloppes molles de la
moelle, du moins constatables à l'œil nu. La moelle, sectionnée à l'état
B. 24
— 370 —
frais, présentait au niveau de la région dorsale un foyer d'altération
transverse dont la nature histologique restait à déterminer; en tous
cas, la consistance de la moelle était plutôt augmentée à ce niveau. II
existait de plus unedégénérescence secondaire manifeste, siégeant dans
le cordon de Goll au-dessus du foyer, et dans les cordons latéraux au-
dessous.
Cette moelle fut mise dans le liquide de Millier pour un examen ulté-
rieur, mais elle fut par la suite égarée.
CHAPITRE II
observations cliniques avec autopsie et examen ilistologique
(empruntées)
SOMMAIRE : 1 Observation de Leyden, 1876.
1 » Greiff, 1882.
1 » RuMPF, 1885.
1 » schmauss, 1889.
1 » Môller, 1891.
3 Observations de Siemerling, 1891.
3 » GOLDFLAM, 1893.
I
Observation 116.
Leyden. — Casuistische Mittheilungen. (Charité Annalen, Bd III,
année 1876, édité en 1878, p. 260.)
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Femme, 30 ans. Syphilis probable à l'âge de
16 ans. A 27 ans, en 1871, symptômes prodromiques : douleurs et
fourmillements dans les membres inférieurs, jjuis faiblesse brusque
suivie de parésie. Amélioration. — 4 octobre 181k,récidive brusque,
suivie d'amélioration incomplète. — 13 décembre 181k, nouvelle
rechute, suivie de symptômes graves et persistants : paraplégie
presque absolue, atrophie musculaire, douleur dans les jambes
avec diminution très marquée de la sensibilité objective, troubles
des sphincters. Aggravation progressive, à partir de janvier 1875;
décubitus, mort le 10 août 1875.
Autopsie. — Ramollissement et sclérose de la moelle lombaire, obli-
tération artérielle, pie-mère épaissie, adhérente. Dégénérescence
secondaire ascendante et descendante.
Histoire clinique. — Emma K..., âgée de 30 ans. Antécédents héré-
ditaires insignifiants. Sujet ordinairement sain. Réglée à 14 ans; à
partir de cette époque, quelques migraines au moment des menstrues.
Mariée à 16 ans avec un homme âgé qui semble lui avoir commu-
niqué la syphilis. Jusqu'à l'âge de 20 ans, elle eut ijuatre enfants qui
moururent rapidement.
Un peu plus tard, ayant perdu son mari, elle vint à Paris oîi elle mena
la vie de « femme entretenue ». Jusqu'à cette époque (1870), elle avait
vécu à Strasbourg.
En 1871, pendant le siège de Paris, elle avait alors 27 ans, elle souf-
frit de privations et éprouva alors dans les jambes des douleurs et des
fourmillements. Bientôt survint brusquement une faiblesse des jambes,
telle que la malade qui était dans la rue à ce moment dut s'asseoir
sous une porte cochère pour ne pas tomber. A la suite de cet accident^
flaccidité et amaigrissement des mollets.
Amélioration^ mais guérison incomplète, car la malade, revenue à
Strasbourg en 1873, se plaignait de faiblesse dans les jambes.
Retour à Paris. Le 4 octobre 1874, récidive des accidents ; brusque-
ment douleur vive dans la jambe gauche et paralysie totale. Au bout de
— 374 —
deux mois, amélioration incomplète. La malade retourne à Strasbourg
et entre à l'hôpital le 15 décembre 1874 pour une troisième atteinte.
État actuel, 20 décembre. — Femme bien constituée, membres supé-
rieurs et région céphalique sains, état général satisfaisant. La malade
se plaint de douleurs dans les jambes et de paralysie. Les deux extré-
mités inférieures sont profondément et presque également paralysées;
de faibles mouvements des orteils et des articulations des pieds sont
seuls possibles. Si l'on essaye de mettre la malade debout, ses jambes
ploient sous elle; atrophie des mollets, atrophie moins accentuée aux
cuisses. Réflexes diminués, mais pas complètement abolis.
Sensibilité altérée, une piqûre d'épingle est mal perçue et mal
localisée.
La partie inférieure du rachis est douleureuse à la pression, mais
sans déformation.
Sphincters incomplètement paralysés.
La paralysie se complète jusqu'au 13 janvier, époque à laquelle elle
est totale. La sensibilité disparaît peu à peu ; perte totale des réflexes,
paralysie des sphincters. Les membres supérieurs étaient faibles, trem-
blaient dans les mouvements, mais n'étaient pas paralysés à proprement
parler.
Depuis le 15 janvier, développement rapide des accidents de décubi-
tus. Mort le 10 avril 1875.
La maladie comprend trois périodes.
La première commence en 1871 : après quelques prodromes, faiblesse,
paralysie brusque, amélioration progressive mais guérison incomplète.
Deuxième attaque le 4 octobre 1874, amélioration encore incomplète
Nouvelle rechute à la suite d'un voyage le 13 décembre, rechute qui
produit une paralysie totale et amène la mort le 10 avril 1875.
Autopsie. — Ramollissement et coloration grise par places dans la
moelle lombaire. L'examen détaillé à la suite du durcissement a donné
les résultats suivants.
Il s'agit d'un foyer morbide de la partie inférieure de la région dor-
sale empiétant sur le renflement lombaire et long de plusieurs centi-
mètres. Le foyer offre d'ailleurs des aspects variés sur les différentes
coupes.
Dégénération secondaire ascendante du cordon de Goll et, dans la
région cervicale, atrophie de la substance grise.
Dégénérescence secondaire descendante des cordons latéraux dans le
renflement lombaire avec un ratatinement de la substance grise des
cornes antérieures, plus prononcé à droite qu'à gauche.
Le territoire du foyer de myélite off're des particularités remarquables.
Dans sa partie moyenne, il envahit toute la largeur delà moelle, mais
d'une façon inégale.
Au premier coup d'œil, on voit que la moitié gauche est atrophiée et
— 375 —
fortement imprégnée de couleur rouge. La moitié gauchie est spongieuse,
verdâtre, de consistance finement vésiculeuse. Il s'agit à gauche d'une
sclérose vulgaire de la moelle, nous n'y insisterons pas. Dans la moitié
droite, il s'agit, au contraire, d'un processus qui revêt tous les caractères
d'une myélite aiguë.
On remarque de plus, dans la partie gauche sclérosée, un petit foyer
situé à la périphérie de la partie postérieure du cordon latéral, d'une
consistance ferme, et presque décoloré. C'est un tissu de cicatrice privé
de fibres nerveuses et assez pauvre en cellules embryonnaires. Dans le
centre, on trouve une artère complètement oblitérée et remplie de gra-
nulations jaunes, de pigment sanguin. Ce foyer est assez peu étendu et
ne se retrouve que sur un petit nombre de coupes.
Enfin, dans toute l'étendue de la partie malade, la pie-mère est épais-
sie, infiltrée de cellules et adhérente.
Il est à remarquer que la lésion anatomique, comme l'histoire clinique,
comprend trois stades.
A la première période correspond la cicatrice fibreuse avec l'artère
oblitérée; à la seconde, la sclérose; à la troisième, le foyer de myélite
aiguë.
L'auteur considère la sclérose médullaire comme une cicatrice (résidu
d'un foyer de ramollissement) et le foyer de myélite comme une réci-
dive.
Les circonstances qui plaident en faveur de l'origine syphilitique du
processus sont :
1° L'infection syphilitique relevée dans les antécédents ;
2» L'évolution de l'affection, qui a présenté des alternatives de rémis-
sion incomplète et d'aggravation ;
3» Au point de vue anatomique, la constitution cicatricielle qu'on
retrouve dans une faible étendue de la moelle comme résidu d'une myé-
lite antérieure, et l'oblitération artérielle.
De nombreuses recherches sur la syphilis cérébrale ont appris que
l'artérite oblitérante suivie de ramollissement est une caractéristique
fréquente delà syphilis cérébrale. Cette donnée peut s'appliquer logi-
quement à la moelle, surtout dans le cas actuel.
Observation 117 (résumée).
Greiff. Ueber Riickenmarkssyphilis. Arch. f. Psych., 1882, Bd XII,
p. 564.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Femme, i3 ans, ulcérations aux parties génitales
il y a douze ans; fausse couche. Avril 1880, céphalalgie, troubles
cérébraux. Septembre 1880, troubles de la motilité dans les membres,
mais les phénomènes psychiques occupent le premier rang. Etat de
— 876 —
la sensibilité inexplorable à cause de l'état mental. Dépression,
paraplégie, collapsus. Mort le 2 mars 1881.
Autopsie. — Cerveau. Méningite, petits foyers de ramollissement
(cerveau et protubérance). Moelle. Méningite dans la région cervi-
cale, dilatations vasculaires.
Examen microscopique. — Inflammation de la pie-mère surtout péri-
vasculaire ; lésions considérables des artères et des veines. Alté-
rations relativement peu prononcées des éléments propres du tissit
nerveux.
Histoire clinique. — Femme de 43 ans; rien dans les antécédents
héréditaires.
Mariée depuis douze ans ; douze grossesses, dont une fausse couclie
de trois mois suivie de métrorrliagies abondantes. Tous les enfants
sont morts au bout de quelques mois ou de quelques semaines, sauf
une petite fille qui est actuellement en bonne santé.
Le mari affirme avoir toujours été bien portant, mais il a remarqué
que sa femme présentait des ulcérations aux parties génitales au
moment de son mariage. L'existence de la malade est pleine de fatigues
et de privations ; sauf l'anémie, elle ne se plaint de rien ; cependant, après
sa fausse couche (mars 1880), elle fut atteinte de manie puerpérale :
insomnie, excitation^ accès de colère, troubles psychiques; ces acci-
dents durèrent quatorze jours. La malade reprit alors son travail, mais
il existait une diminution notable des forces.
En avril, douleurs frontales, caractère sombre, puis insomnie, tris-
tesse, crainte, tendance au suicide. Cet état s'accentue et la malade
entre à l'hôpital le 19 juin 1880.
Elle semble d'abord n'être qu'une mélancolique simple: dépression,
peur, démence et obnubilatioa ; il n'existe pas de troubles moteurs,
seulement quelques modifications pupillaires passagères.
A la fin de septembre, il survient de l'excitation nocturne, la malade
est agitée, marmotte sans cesse les mêmes phrases. De plus, il existe
des troubles de la motllité, du tremblement et des mouvements cho-
réiques dans les mains et dans les bras. Parésie faciale droite. Marche
naturelle. Quelques éclairs d'intelligence, pendant lesquels la malade se
plaint de céphalalgie, d'étourdissements, d'odeurs désagréables.
Cet état se maintient jusqu'en janvier 1881. A cette époque, elle est
tout à fait démente, ne reconnaît plus personne, se promène toute la
journée, cherche à s'enfuir, a peur de tout. Inégalité pupillaire, parésie
faciale, quelques phénomènes passagers de paralysie dans les muscles
des yeux fptosis persistant à droite, ptosis variable à gauche; diplopie
probable. La parole est embrouillée, mais la malade tire la langue
directement.
Démarche trépidante, chutes fréquentes, pas de diminution notable
dans la force musculaire.
- 377 —
La sensibilité ne peut être explorée à cause de l'état mental, mais la
conductibilité douloureuse et réflexe est conservée.
Le d janvier, la température tombe à + 32», sans état de collapsus, et
se maintient du 13 au 16 entre + 30o et + 35". Elle se maintient à + 36o
jusqu'au 24, puis remonte à la normale, qu'elle dépasse le 26 et le 28,
où elle marque -f 40» et + 42°, 2. La peau est sèche, il existe un état de
somnolence. Dans la suite, la courbe thermométrique subit de grandes
oscillations.
Au commencement de février, l'état de dépression fait place à la gaieté,
au rire, à la loquacité. Les jambes sont alors très faibles, la malade ne
peut se tenir debout. Ptosis gauche, convulsions dans le domaine du
nerf facial gauche.
Dans le courant de février, Texcitatiou reparaît, accès de violences,
boulimie; la température retombe à 32°, le 2 mars. Le soir, collapsus.
Mort.
Autopsie. — Calotte crânienne épaisse et compacte. Vaisseaux de
la dure-mère vides. Pie-mère congestionnée ; à la base , elle est
congestionnée et trouble, surtout au voisinage de la protubérance et
du chiasma ; adhérences dans la fente cérébrale antérieure, épaississe-
mont de la pie-mère au niveau des tractus olfactifs ; de même au niveau
du lobe temporal, jusqu'à la fosse sylvienne à droite, et sur une moins
grande étendue à gauche.
Les artères de la base du cercle de Willis et de la scissure de
Sylvius présentent des plaques blanchâtres et des nodosités.
Plaques grisâtres sur les nerfs optiques et sur les nerfs crâniens.
Ventricules latéraux dilatés par de la sérosité,
La substance cérébrale est ferme. A droite, au niveau de la partie
antérieure du corps strié, existe une place ramollie et jaunâtre. La
substance corticale est normale, sauf dans les parties qui correspondent
aux adhérences. En ces points, la limite nette entre la substance grise
et la substance blanche a disparu.
Dans la protubérance : à gauche, un point ramolli et jaunâtre, de
la grosseur d'un pois ; à droite un foyer analogue plus petit.
Moelle. — Région cervicale ferme ; l'aire de la substance grise
est plus étendue à droite, mais plus bas cette différence disparaît.
Moelle plus ferme qu'à l'état normal. Aorte et artères principales saines
et lisses.
Néphrite interstitielle des deux côtes. Urne masse gommeuse dans le
foie. Ostéo-sclérose de la tête fémorale.
Examen microscopique [résumé). — Pour le cerveau, on constatait
dans les artères l'altération décrite parHeubner.
Moelle. — ■ Asymétrie des cornes antérieures, dégénérescence des
cordons de Goll et des faisceaux cérébelleux directs.
Dans la substance grise et dans les sillons, on constatait à l'œil nu de
nombreux petits points noirs et des stries dus aux vaisseaux.
La dure-mère est saine. L'arachnoïde est épaissie, mais a conservé
sa transparence.
La pie-mère est épaissie surtout au niveau de la région cervicale, où
elle a près d'un demi-millimètre d'épaisseur.
Les vaisseaux qui rampent à sa surface sont très sinueux, en partie
remplis de sang. En certains points, il existe des dilatations des bran-
ches anastomotiques ([ui partent des vaisseaux spinaux et se dirigent
avec les racines vers les orifices de la dure-mère.
Sur une artère de la région pyramidale, on trouve un renflement
nodulaire de la grosseur d'un grain de chènevis.
Pour la commodité de l'étude, la pie-mère avec les vaisseaux fut dé-
tachée de la moelle et incluse à part.
Il existe des modifications très prononcées des' artères et des veines.
Les artères sont atteintes de l'affection décrite par Heubner.
Pour les veines, il s'agit d'une altération d'un caractère différent,mais
dont le résultat ultime est l'oblitération du vaisseau.
Artères. — Au niveau des pyramides, on trouve une endartérite d'in-
tensité variable suivant les vaisseaux, mais d'un degré moyen en géné-
ral. La tunique musculaire est normale. C'est seulement dans les points
où la tunique interne atteint son plus haut degré d'altération qu'on
constate une infiltration légère de la tunique adventice ; on trouve le
plus souvent une endartérite manifeste avec quelques lésions de l'ad-
ventice, la musculaire étant intacte ; celle-ci n'est affectée que plus
tard.
Arièrespinale antérieure (cinquième racine cervicale). — Légèrement
épaissie, endartérite oblitérante, accompagnée de lésions dans la
tunique adventice, musculeuse intacte.
La pie-mère présente le maximum d'altération dans les régions qui
entourent la tunique adventice des vaisseaux. — (Région dorsale supé-
rieure.) Épaississement de l'endartère , tissu composé de cellules
allongées et fusiformes ; tunique moyenne intacte, légère infiltration
de l'adventice et des parties voisines de la pie-mère. — (Région dorsale
inférieure.) Endartérite très légère ; tuniques moyenne et externe
intactes. En certains points cependant, il existe une infiltration très
prononcée de l'adventice et la pie-mère, dans le voisinage, est très épais-
sie. — (Région lombaire.) — Endartérite de moyenne intensité. Ici
l'adventice est également infiltrée.
L'infiltration de la pie-mère et des veines du voisinage est très mar-
quée.
Veines. — Le processus est tout différent de celui qui atteint les
artères. La paroi entière du vaisseau est intéressée; il s'agit d'un épais-
sissement avec rétrécissement concentrique qui aboutit à l'oblitération.
Dans le premier stade de simple épaississement, il existe une aug-
mentation du nombre des cellules entre les plans des tuniques, surtout
— 379 —
dans les couches externes ; ces cellules s'apf^loinèrent, tandis que la
pie-inère du voisinage est aussi très infiltrée. Puis il se fait une diminu-
tion progressive du calibre de la lumière,jusqu'à la disparition complète;
il en résulte un cordon solide composé de fibres ondulées et de cellules
rondes.
Ces lésions sont surtout développées dans les régions cervicale et
lombaire.
A côté de cette « phlébite oblitérante », on trouve des dilatations des
veines, tantôt cylindriques, tantôt fusiformes.
Pie-mère. — Le stroma conjonctif est très épaissi, les faisceaux sont
élargis et le tissu d'apparence presque homogène et peu coloré. L'infil-
tration embryonnaire est surtout développée au voisinage des vaisseaux.
On peut constater très souvent que là où les modifications des artères
et des veines sentie plus marquées, l'infiltration delà pie-mère est aussi
la plus massive, et que l'infiltration de l'adventice des artères et des
veines est en rapport immédiatavec l'infiltration delà pie-mère enflam-
mée.
Dans la région où l'épaississement de la pie-mère était le plus accen-
tué et visible à l'œil nu (région cervicale), le prolongement du sillon
antérieur a cinq fois son diamètre normal. Tout le sillon est comblé par
un stroma fin rempli de cellules rondes. L'épaississen ent part du sillon
antérieur et se propage sur les côtés de la moelle jusque dans la partie
moyenne des cordons latéraux où il s'atténue. Dans le voisinage et
dans le centre de cette néoformation, les vaisseaux sont extrêmement
altérés. L'arachnoïde est également épaissie en ce point.
Dans toute l'étendue de la moelle même, et surtout dans les parties
cervicale et lombaire, il y a des modifications en rapport avec les lésions
des vaisseaux et de la pie-mère. Sur une coupe dans la moelle cervicale,
où l'épaississement de la pie-mère est le plus prononcé, on trouve un
élargissement considérable des septa conjonctifs qui vont de la pie-
mère dans la moelle. Ces prolongements sont quatre à cinq fois plus
considérables que normalement, ils donnent naissance à des prolonge-
ments secondaires également élargis. Ce processus est étendu irrégu-
lièrement sur la coupe transversale des cordons blancs, surtout dans
les points où la pie-mère est le plus affectée, et dans les points où les
vaisseaux entrent dans la moelle. En quelques endroits, le processus
d'envahissement de la moelle est si intense que tout un segment de la
substance est remplacé par ce tissu. Les septa les plus larges englo-
bent des vaisseaux dont les parois sont épaissies et la gaine périvascu-
laire remplie de masses de cellules; un vaisseau peut être ainsi entouré
par une ou plusieurs assises de cellules. Les vaisseaux, coupés longitu-
dinalement, montrent des élargissements fusiformes et des irrégularités
de leur lumière. Dans la substance grise et surtout dans la blanche, il
y a autour de ces vaisseaux un exsudât homogène tel qu'il a été décrit
— 380 —
par Hayem, principalement au voisinage du canal central et en arrière
de la commissure postérieure. On trouve encore des plaques homogènes
très colorées, à contour en zigzags, qui suivent les septa, ou bien sont
isolées. Parfois elles englobent la coupe d'un vaisseau ou un groupe
de fibres nerveuses qui paraissent comprimées. Ces plaques contien-
nent quelquefois un grand nombre de noyaux, dans leur voisinage on
voit des corps amyloïdes, mais pas de corps granuleux.
Les éléments nerveux sont peu altérés, cylindres-axes et gaines sont
conservés en général ; la gaine manque le plus souvent dans les tubes
entourés par les plaques et, au voisinage des vaisseaux élargis, il y a
quelques cylindres-axes gonflés ; le tissu paraît dissocié et friable.
Les cordons de Goll présentent la prolifération du tissu interstitiel
ordinaire aux dégénérescences secondaires ; il n'y a pas de dégénéres-
cence des cordons latéraux.
La substance grise, en dehors des altérations vasculaires et périvas-
culaires, est à peu près saine, les cellules ^nerveuses sont normales,
pigmentées. Le canal central est entouré de nombreuses cellules et
souvent double.
Pas de ramollissement ni de lésion systématique bien prononcée.
En résumé : infiltration très accentuée de la pie-mère au début de
son évolution ou très avancée suivant les points. Altération très pro-
noncée des artères et des veines, avec lésion de la moelle caractérisée
par un gonflement et une hyperplasie du tissu interstitiel, une exsuda-
tion inflammatoire autour des vaisseaux et une participation modérée'
des éléments nerveux.
Greiff explique la genèse des lésions artérielles de la façon suivante:
raffection débute dans la tunique externe, l'endartérite est secon-
daire. Cependant celle-ci est jusqu'à un certain point indépendante,
car une fois provoquée elle peut s'étendre au loin et se propager dans
des parties du vaisseau où il n'y a pas de modifications des couches
externes. La tunique moyenne, au contraire, n'est affectée que quand
l'adventice et l'endartère sont profondément altérés, elle n'a par elle-
même aucune tendance à s'infiltrer primitivement.
L'affection des veines est toute particulière et Greiff semble être
le premier à la décrire dans les veines de la moelle.
Les altérations du tissu nerveux propre sont consécutives à la
fois à l'infiltration partie de la pie-mère et aux altérations vasculaires
qui produisaient un ralentissement de la circulation.
— 381 —
Observation 118 (résumée).
RUMPF. — Beitrâge zur pathologischen Anatomie des Centralnerven-
systems ( ueber Geliirn und Ruckenmarks syphilis). A rch. Psych.,
1885. Bd XVI, H. 2, p. 410.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Si/phUis à 29 ans ; onze mois après, hémiplégie
droite, puis, quelques mois plus tard, paraplégie spasmodique avec
troubles des sphincters. Mort deux ans après le début de l'hémi-
plégie.
Autopsie. — Foyer appoplectique ancien dans le cerveau du côté
gauche, dégénérescence secondaire du faisceau pyramidal droit
dans la moelle. Sclérose primitive du cordon latéral gauche et foyer
de myélite transverse dans la région dorsale. Altérations vascu-
laires considérables.
Histoire clinique (résumée). — Un tailleur de pierres prend la syphilis
à 29 ans (éruption et angine), traitement par des frictions mercurielles.
Onze mois après, hémiplégie droite subite qui s'améliore par l'élec-
tricité et le traitement spécifique. A la suite de cette hémiplégie, il sur-
vint au bout de quelques mois une paralysie spasmodique des membres
inférieurs, puis de l'incontinence d'urine et des matières fécales. Dou-
leurs en ceinture. Finalement la sensibilité diminua dans les deux
membres inférieurs.
Le malade succomba quelques mois plus tard aux accidents du décu-
bitus, deux ans environ après l'apparition de l'hémiplégie.
Autopsie. — On trouva : 1° dans le cerveau : un foyer apoplectique de
vieille date dans l'hémisphère gauche, occupant la partie interne du
noyau lenticulaire, empiétant un peu sur la capsule interne et le corps
strié.
2° Dans la moelle : une dégénérescenc du cordon latéral gauche.
Cette lésion commençait à la partie supérieure de la région cervicale,
oîi elle était très peu marquée, et descendait en s'accentuant et en
s'étendant; une dégénérescence des cordons de Goll, qui gagnait les
cordons cunéiformes au niveau du segment dorsal.
Dans l'épaisseur de ce segment, la moelle était le siège d'un travail
inflammatoire qui occupait toute son épaisseur, et qui se cantonnait
dans les cordons postérieur le long du segment lombaire.
Toutes les parties sclérosées se distinguent par un développement
considérable de vaisseaux et par l'augmentation du tissu conjonctif et
des noyaux. Ces lésions sont particulièrement accentuées dans le cordon
latéral gauche. Elles sont en général limitées à la région pyramidale
— 382 —
des cordons latéraux; cependant à gauche elles s'étendent excentrique-
ment et atteignent la corne postérieure.
En somme, d'après l'auteur, il s'agissait dans ce cas d'une dégéné-
rescence secondaire du faisceau pyramidal droit, à laquelle se sont asso-
ciées plus tard une sclérose primitive du cordon latéral gauche et une
myélite transverse du segment. dorsal, laquelle tenait peut-être sous sa
dépendance la sclérose du cordon latéral gauche.
Les altérations vasculaires étaient extrêmement prononcées et l'au-
teur en donne la description suivante.
« A la région dorsale, le tissu de sclérose contient un nombre consi-
dérable de vaisseaux très développés (artères et veines). Entre ces vais-
seaux, on ne trouve qu'un très petit nombre de tubes nerveux conservés.
Ces altérations sont surtout marquées dans la substance blanche, tandis
que la substace grise est relativement peu modifiée, à part un dévelop-
pement énorme des vaisseaux. A la suite du durcissement, il s'est pro-
duit dans le tissu de nombreuses fentes.
« Dans les préparations, les vaisseaux se trouvent sectionnés, soit
transversalement, soit longitudinalement.
« Sur les coupes transversales, ce qui frappe tout d'abord, c'est le petit
calibre de la lumière, qui est quelquefois si exiguë qu'elle ne peut être
distinguée qu'avec un fort objectif. Enfin sur quelques vaisseaux elle
manque totalement. Sur ces vaisseaux, et sur ceux qui possèdent encore
une lumière, on trouve des parois très épaisses, formées d'anneaux con-
centriques assez irréguliers et composés d'un tissu fibrillaire semé de
nombreux noyaux. Dans beaucoup de vaisseaux, il est impossible de
différencier la tunique interne ; sur d'autres, au contraire, on peut pour-
suivre les modifications de cette membrane. On trouve alors une hyper-
plasie nucléaire considérable, qui envahit la lumière du vaisseau qu'elle
rétrécit ; c'est le tableau de l'endartérite. Mais ces modifications ne se
limitent pas à la tunique interne, et les autres parties de la paroi sont
envahies par le même processus. En d'autres points, on trouve des
vaisseaux, des veines surtout, oià se sont produites des thromboses.
Dans ce cas, on constate dans la lumière du vaisseau l'existence, en dehors
des noyaux qui tendent à y pénétrer, de grandes cellules avec plusieurs
prolongements. Ces cellules, disséminées dans la lumière, souvent unies
entre elles et bien colorées par le carmin, ont l'apparence de cellules
granuleuses. Il faut y joindre un fin réseau fibrillaire qui parcourt le
caillot. Il s'agit évidemment là d'une artérite ou phlébite oblitérante qui
s'est ajoutée aux modifications de la couche interne. Tous ces vaisseaux
sont entourés par une zone de prolifération nucléaire très accentuée.
« Sur les coupes longitudinales des vaisseaux, on voit une paroi relati-
vement compacte entourée d'une gaine qui, selon sa richesse en noyaux,
s'applique plus ou moins à la paroi vasculaire et donne l'impression d'un
espace lymphatique périvasculaire.
— 383 —
« L'infiltration embryonnaire et la prolifération du tissu conjonctif
s'étendent dans le tissu environnant. Cet envahissement est surtout
prononcé dans les points où l'artère ou bien la veine est entourée d'une
gaine abondante en noyaux qui rayonnent dans toutes les directions. La
pie-mère est relativement très peu altérée, sauf dans la région dorsale.
A ce niveau, les vaisseaux sont épaissis et le tissu conjonctif hyper-
plasié, surtout dans le sillon médian postérieur oîi le prolongement de la
pie- mère contient des vaisseaux épaissis et de nombreux noyaux. Au-
dessus et au-dessous de cette région, la pie-mère redevient normale.
« A mesure que l'on considère dans la moelle des régions plus éloignées
de la région dorsale, les altérations vasculaires diminuent d'intensité.
Toutefois, dans ces parties, les nombreux vaisseaux que l'on y trouve
sont encore atteints soit d'artérite, soit de phlébite dont les apparences
sont analogues à celles que nous avons décrites.
« Ces altérations sont surtout développées dans le cordon latéral gauche
pour presque toute la longueur de la moelle. Elles sont moins accentuées
dans le cordon latéral droit.
« Dans la région lombaire, tous les cordons affectés montrent des allé-
rations vasculaires également assez prononcées, moins toutefois qu'au
niveau du segment dorsal. »
L'auteur établit une comparaison entre les lésions vasculaires qu'il
a constatées et celles qui ont été décrites par Heubner dans les vais-
seaux du cerveau et par Greiff dans ceux de la moelle. 11 reconnaît
toutefois que ces modifications, bien que pouvant être logiquement
attribuées à la syphilis, n'ont cependant rien d'absolument caracté-
ristique.
Observation 119 (résumée).
ScHMAUSS. Zur Kenntniss des Ruckenmarkssyphilis. Deutsches Arch.
f. hlin. Med., Leipzig, 1888-89, XLIV, p. 244-264, 2 pl.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. Syphilis à 25 ans, en 1875, traitement .
Printemps 1887, iritis. Avrit 1887, symptômes prodromiques d'une
affection spinale. Début en septembre 1887 , à 37 ans; traîne la jambe
pendant quelques jours, puis paraplégie brusque, rétention d'urine,
troubles de la sensibilité, décubitus, mort en deux semaines.
Autopsie. — Pas d'altérations osseuses ni méningées ; dans la moelle,
plaques diffuses de sclérose.
Examen microscopique. — Méninges saines, à part des lésions vascu-
laires. Vaisseaux de la moelle ét de la pie-mèrv très altérés, infil-
tration et dégénérescence hyaline des parois; thromboses. Altéra-
~ 384 —
tions du parenchyme médullaire en rapport avec les lésions vascu-
laires.
Histoire clinique (résumée). — Le sujet était un homme, qui vers
râge de 25 ans, en 1874 ou 1875, contracta la syphilis. Le traitement
spécifique fut institué à cette époque.
Au printemps de 1887, le malade, alors âgé de 37 ans, eut une iritis
syphilitique.
Au mois d'avril de la même année il se maria, bien qu'à cette époque
il commençât à éprouver de la fatigue dans les jambes, des douleurs
dans la région sacrée et une abolition de la perception du sol sur lequel
il marchait; il lui semblait que son pied reposait sur une semelle de
caoutchouc. Au conimencement de septembre, il commença à traîner la
jambe, et quelques jours après il fut pris d'une paralysie subite, avec
rétention de l'urine et des matières fécales.
On constata alors des altérations très marquées de la motilité et de la
sensibilité. Un peu plus tard, la sensibilité s'améliora un peu, puis elle
disparut complètement. Il se produisit des secousses dans les jambes.
La paralysie du rectum et de la vessie persista. Vers la fin, l'urine
s'écoulait goutte à goutte et les matières fécales s'échappaient en dehors
de la volonté du malade.
Puis, phénomènes de décubitus aigu, escarre énorme qui dénude le
sacrum, œdème périmalléolaire. Fièvre, 39o-40o, frissons, diarrhée, col-
lapsus. Mort le 14 septembre 1887.
Autopsie. — Aucune altération macroscopique des enveloppes osseuses
ou molles de la moelle.
L'autopsie fut assez imcomplète et Schmauss n'eut à sa disposition
que les portions cervicale et dorsale de la moelle, avec la partie corres-
peudante de la colonne vertébrale.
Examen microscopique {passiin). — La moelle présentait des foyers
d'altération en plaques et en stries.
Cordons postérieurs. — Dans le renflement cervical, le cordon de
GoU est dégénéré en entier jusqu'à la commissure grise. Les parties
antéro-latérales des cordons postérieurs sont également atteintes, et il
existe une légère augmentation du tissu conjonctif dans les faisceaux
cunéiformes.
Un peu plus bas, la partie dégénérée du cordon de Goll n'atteint pas
la commissure. Les portions antérieures du cordon postérieur sont
saines; mais des deux côtés, la zone marginale voisine de la racine pos-
térieure est le siège d'une dégéoération qui se prolonge dans le cordon
grêle. Plus bas encore, le cordon de Goll seul est pris, les cordons grêles
sont sains.
Dans la région dorsale, la sclérose des cordons postérieurs est irré-
gulièrement distribuée. En certaines régions, elle so limite aux cordons
- 385 —
de Goll ; eo d'autres, elle forme des plaques diffuses. Dans d'autres
poiuts, la portion antérieure des cordons de Goll est saine, etc.
Cordons latéraux. — Dans les régions cervicale et dorsale, il existe
des plaques irrégulières de sclérose, le plus souvent disposées à la péri-
phérie, plus rarement dans les parties centrales. Il n'y a pas de locali-
sation exclusive aux pyramides ; les lésions sont plus prononcées au
voisinage des racines postérieures.
Cordons antérieurs. — Même localisation à la périphérie ; élargisse-
ment des septa conjonctifs.
Les méninges sont saines, à part des lésions vasculaires. Dans la
moelle, les vaisseaux sont, les uns normaux, les autres à parois très
épaisses, avec une lumière rétrécie. Les trois couches des tuniques vas-
culaires ne se comportent pas de la même façon: la couche interne est
épaissie et hyaline, la membrane fenètrée éloignée du centre. Sur cer-
taines places, l'endartère épaissi présente une structure fibrillaire ou
esl infiltré de cellules rondes. Dans les portions hyalines, il existe
aussi des espaces circulaires remplis de cellules.
Les cellules endothéliales sont quelquefois multipliées, mais pas
constamment ; dans quelques vaisseaux, les noyaux endothéliaux ont
disparu ou sont réduits à quelques vestiges.
La membrane élastique est très nette et quelquefois multiple.
Parfois l'infiltration de la tunique interne fait défaut, ou bien se place
au second plan, les altérations étant plus marquées dans la tunique
moyenne ou la gaine lymphatique.
L'altération de la couche moyenne se caractérise par la perte des
noyaux musculaires et par le développementde cellules analogues àcelles
qui envahissent l'endartère.
Parfois l'infiltration est surtout prédominante dans les parties péri-
phérii{ues du vaisseau artériel.
Il existe entre ces trois formes des types de transition et des types
combinés.
Il faut ajouter que, dans la dégénérescence hyaline, le bloc hyalin
semble avoir une structure fibrillaire, avec peut-être une dégénération
homogène partielle. On constate dans beaucoup de petits vaisseaux des
thrombus formés pendant la vie. L'abondance des globules blancs et le
nombre restreint des globules rouges indique une formation lente. Le
caillot est parcouru par un fin réseau fibrineux avec des granulations.
Les parois présentent d'ailleurs les altérations que nous connaissons.
Les zones sclérosées de la moelle ont partout un rapport défini avec les
vaisseaux modifiés, elles accompagnent les vaisseaux qu'on trouve avec
leur gaine lymphatique infiltrée au milieu des plaques de sclérose.
La destriictirin de'' gaines de myéline et des fibres suit la direction de
la gaine lymphatique qui est le point de départ du processus de dégé-
nération.
S. 25
— 386 —
La sclérose est constituée par une disparition des fibres nerveuses,
avec formations de tractus épais et hyalins, qui séparent les tulles per-
sistants.
Les noyaux sont augmentés de nombre et ne se distinguent pas des
noyaux de névroglie. Pas de caryokinèse.
Il existe de grands noyaux irréguliers, étoilés, dont les rayons très
fins se prolongent dans la substance interstitielle, donnant l'aspect de
cellules araignées. Les autres parties du tissu interstitiel paraissent
sans structure, même avec le plus fort objectif.
Les modifications vasculaires que nous avons signalées existent dans
la substance blanche, la substance grise et dans la pie-mère ; elles ne
se limitent pas à un territoire vasculaire déterminé, mais atteignent
jusqu'aux plus petits vaisseaux.
Les veines étaient également atteintes de phlébite et d'endophlébite
oblitérante.
En résumé, il s'agissait de foyers irréguliers de sclérose de la sub-
stance blanche, sclérose marginale et dégénérescence secondaire des
cordons de Goll qui s'expliquait par les foyers de sclérose situés plus
bas et dont l'ensemble intéressait toute la largeur du cordon postérieur.
Toutefois cette dégénérescence n'est pas exclusivement secondaire, car
les cordons cunéiformes sont également atteints et, de plus, le tissu de
sclérose présente une dégénérescence hyaline analogue à celle des
loyers inférieurs.
L'altération des vaisseaux est certainement primitive ; en effet, dans
les méninges, il n'y a pas de lésions, bien que les vaisseaux y soient
même plus altérés que dans la moelle; de plus les lésions de la moelle
accompagnent partout les vaisseaux.
Les altérations vasculaires sont, les unes régressives, ce sont la dégé-
nération hyaline, la transformation fibrillaire, l'oiîlitération ; les autres
inflammatoires, comme l'infiltration cellulaire. Il existe de plus des
thrombus composés de cellules lymphatiques.
Tantôt c'est l'infiltration cellulaire qui domine, ou bien c'est la dégé-
nérescence hyaline ; d'autres fois ces deux processus sont également
développés ; aussi peut-on regarder l'infiltration comme une inflam-
mation régressive, qui est en tous cas postérieure à la dégénérescence
hyaline.
L'endartérite est consécutive à l'altération des deux couches externes
ou est combinée à ces modifications.
L'altération vasculaire précédente se distingue de l'athérome par
l'absence de processus de nécrose et par Tenvahissement de toutes les
parties de la paroi {panartérite).
L'altération du tissu nerveux peut être considérée comme secondaire
aux lésions vasculaires. L'évolution du processus serait la suivante:
oblitération vasculaire et troubles de nutrition suivis de dégénération
— 387 —
des éléments nerveux. Il se fait ensuite un travail secondaire de proli-
fération de noyaux et de cellules fusiformes. Les corps granuleux sont
un indice de résorption.
Observation 120 (résumée).
Magnus Môller. — Zur Kenntniss des Riickenmarkssyphilis. ^î'c/iiu.
f. Dermatologie und Syphilis. — Wieu, 1891, XIII, p. 207-252,
2 pl.
Dans ce travail, M. Môller rapporte cinq observations de syphilis
médullaire intéressant trois hommes et deux femmes. Ces cas sont sur-
venus moins de deux ans après l'infection. Le cinquième cas fut suivi
de mort et est particulièrement intéressant. L'auteur a constaté des
altérations vasculaires considérables qu'il a décrites et figurées.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme, 4.5 ans, syphilis en automne 1881 . En
1888 , quelques phénomènes cérébraux. — 16 avril 1889, paraplégie
survenue en une journée, rétention d'urine, paresthésies légères,
paraplégie flasque. Décubitus. Mort le 22 juin.
Autopsie. — Pas d'altérations microscopiques de la moelle.
Examen microscopique. — Altérations vasculaires considérables dans
la moelle et les méniyiges. Endartérite et endophlébite prédomi-
nantes. Infiltration embryonyiaire de la pie-mère très discrète et
périvasculaire. Foyer de ramollissement ischémique long de 3 à
4 centim. dans la région dorsale moyenne. Dégénérescence secondaire
ascendante et descendante.
Histoire clinique. — J.-L.-J. Charpentier, 45 ans, entré à l'hôpital
le 16 mai, mort le 22 juin 1880.
A l'automne de l'année 1887, le sujet avait pris la syphilis ; accidents
secondaires, traitement mercuriel.
En 1888, quelques phénomènes cérébraux : céphalalgie^ bourdonne-
ments d'oreille, surdité.
IG avril 1889. Le matin, impossibilité d'uriner; l'après-midi, fourmil-
lements dans les cuisses et faiblesse des jambes. Pas de douleurs, ni
dans les jambes ni dans le rachis; pas de douleurs en ceinture ni de
raideur du dos.
Les jours suivants, même état, cathétérisme obligatoire.
19 avril. Escarre sacrée ([ui s'agrandit rapidement.
16 mai. Paraplégie complète, flasque, avec quelques secousses dans
les jambes ; pas de douleurs, à part un sentiment d'engourdissement
dans les jambes, abolition des réflexes rotuliens et cutanés, léger
— 388 —
œdème des malléoles ; hypothermie. Pas de troubles trophiques ni
vaso-moteurs eu dehors de l'escarre gangréneuse.
24 mai. Aggravation des symptômes du décubitus ; incontinence des
urines et des matières fécales ; marasme.
Malgré le traitement spécifique, mort le 22 juin, deux mois et six jours
après Tattaque de paraplégie.
Autopsie. — On ne trouve dans la moelle et les méninges aucune
altération macroscopique appréciable, en sorte qu'on aurait pu croire
à une paralysie « sine materia », comme disaient les anciens auteurs
(Zambaco).
Après cinq. mois de séjour dans le liquide de Mtiller, la moelle présente
sur les coupes examinées à l'œil nu un foyer d'altération long de 3 à
4 centim. et situé au milieu de la région- dorsale. En ce point, on trouve
dans la substance blanche des stries et des petites taches disposées en
rayons qui n'atteignent pas la substance grise. Les plus grands foyers
sont surtout situés à la partie postérieure des cordons latéraux. La
coloration de ces foyers est jaune gris, comme celle de la substance
grise, mais d'un ton plus mat, d'apparence plus granuleuse.
Il n'y a pas d'altérations macroscopiques de la substance grise. On
observe de plus une dégénération ascendante des cordons de Goll et
des faisceaux cérébelleux directs et une dégénération descendante des
cordons latéraux.
Les méninges et les racines paraissent saines.
Examen microscopique. — Au microscope on reconnaît :
1" Une altération des vaisseaux, qui aboutit à la diminution de calibre
et à l'oblitération complète de la lumière du vaisseau;
2° Des altérations de la substance blanche ;
1° Sur toutes les coupes, les vaisseaux compris dans l'épaisseur de
la pie-mère ou situés en dehors d'elle ont leurs parois épaissies ou
sont oblitérés.
A la partie supérieure de la moelle, près du sillon médian postérieur,
on trouve une grosse veine oblitérée.
Au niveau du renflement lombaire, on trouve également un vaisseau
oblitéré près du sillon postérieur.
Si, de ces deux parties extrêmes, on se rapproche du milieu de la
région dorsale, on constate que le nombre des vaisseaux malades aug-
mente progressivement. L'intensité des altérations vasculaires s'accen-
tue également et atteint son maximum au niveau du segment de la
moelle qui à l'reil nu paraissait le plus modifié.
Dans cette région, les vaisseaux sont altérés surtout dans la partie
postérieure (zones radiculaires postérieures et sillon postérieur; pie-
mère et substance médullaire). La moitié au moins des vaisseaux est
oblitérée. Dans la région antérieure, les modifications sont moins pro-
noncées; près du sillon antérieur, il n'y a que des altérations veineuses.
L'affection porte à la fois sur les artères et sur les veines.
— 389 —
Pour les artères, si l'on cherche quel est le point de départ du pro-
cessus et son mode de progression dans la paroi, on constate que c'est
lu membrane interne qui est affectée la première.
Sur la coupe des vaisseaux, on trouve de nombreuses formes de
transition, depuis un léger épaississement de la membrane interne,
jusqu'à l'oblitération complète. Les coupes successives d'une même
artère montrent une série d'altérations croissantes de la membrane
interne. Au début, l'épaississement n'est pas aussi accentué sur tout le
pourtour interne du vaisseau, il a l'apparence d'une prolifération en
forme de croissant et constituée par une masse fondamentale d'appa-
rence granuleuse contenant des cellules fusiformes. Dans un stade plus
avancé, les cellules s'allongent encore et se placent concentriquement
dans la substance intermédiaire légèrement striée. Puis, à mesure que
l'épaississement progresse, le nombre des cellules diminue, les stries
de la substance fondamentale se voient moins et la structure est moins
différenciée.
Tandis que les modifications de la membrane interne atteignent ce
degré d'intensité, les autres couches de la paroi du vaisseau conservent
ordinairement leur aspect normal.
La membrane élastique est partout distincte et la couche musculaire
bien limitée. La tunique adventice a son épaisseur normale, avec des
cellules en quantité ordinaire. Mais peu à peu, la lim.ite entre les di-
verses couches devient plus indistincte, la membrane élastique n'est
plus aussi finement striée, elle devient trouble et semble parfois se
dédoubler; on constate aussi plusieurs membranes élastiques ondulées
sur quelques artères. La tunique musculaire se charge de petites gra-
nulations, les noyaux sont moins nets. L'adventice est encore saine.
Enfin, quand l'artère est complètement oblitérée, on voit en dedans
de la couche élastique une partie centrale d'apparence homogène con-
tenant une petite quantité de cellules fusiformes, ou même complète-
ment privée de cellules.
Quand la membrane élastique a complètement disparu, le centre est
formé par une boule hyaline à la périphérie de laquelle on voit quelques
noyaux allongés indiquant la place de l'ancienne musculaire. Tout à fait
en dehors se trouve la tunique adventice, avec ou sans hyperplasie
cellulaire.
Pour les veines, c'est encore la membrane interne qui est essentielle-
ment affectée. Sur les veines qui ont leur paroi modifiée, mais où la
lumière persiste, l'adventice a à peu près l'aspect normal, tandis
qu'entre elle et l'endothélium on trouve une couche hyaline. On
constate parfois dans cette couche une striation concentrique qui. ici
comme pour les artères, correspond à un stade plus avancé dans l'alté-
ration.
Dans les vaisseaux oblitérés, on trouve parfois un ou plusieurs petits
— 390 —
vaisseaux de nouvelle formation, à la place ordinairement oîi se trouvait
la couche musculaire ou bien en dedans de celle-ci.
Bien qu'eu général les modifications de l'adventice soient plus tar-
dives que celles de la membrane interne, on trouve cependant par excep-
tion des vaisseaux où à l'épaississement de la tunique interne se joint
une infiltration très marquée de la tunique adventice.
La plupart des vaisseaux, même ceux dont le calibre est très rétréci,
contiennent du sang qui a conservé ses caractères normaux. Mais
plusieurs vaisseaux sont thrombosés, la lumière est partiellement rem-
plie par une masse granuleuse riche en cellules qui ont l'aspect de
globules blancs, et parcourue d'un fin reticulum. La pie-mère est d'épais-
seur normale, en dehors des modifications que nous avons décrites.
On ne trouve d'hyperplasie cellulaire qu'au pourtour des vais-
seaux.
2° Pour les altérations du tissu nerveux, sur les coupes faites dans le
segment de la moelle oii les lésions macroscopiques étaient le plus
marquées, coupes colorées par les méthodes de Weigert ou de Pal, on
trouve une dégénération ou une destruction des éléments nerveux. Les
fibres nerveuses ont disparu, elles sont remplacées par des produits de
dégénération et des éléments étrangers.
Sur des champs entiers de microscope, au niveau surtout des cordons
postérieurs, on ne trouve plus une fibre nerveuse normale, ou bien une
ou deux tout au plus ; çà et là, on voit un cylindre-axe granuleux et
renflé dont la gaine de mj'éline est réduite à un contour bleu noirâtre,
le fond est constitué par une masse de grumeaux et de fragments
de nuance plus claire, mais dont la couleur bleu noirâtre indique
l'origine myélinique.
Ces modifications sont encore plus caractéristiques sur les coupes
longitudinales. La gaine de myéline est remarquablement variqueuse,
séparée par places du cylindre-axe mis à nu, formant en d'autres points
des amas fusiformes dont le centre est parfois occupé par une partie
claire en forme de vacuole.
Les cylindres-axes montrent des renflements fusiformes, ils se disposent
en zigzags, en forme de vrille, de crochet, etc. Ces altérations sont
surtout accentuées dans la périphérie de la moelle et aussi au voisinage
de la substance grise ; les fibres de la zone intermédiaire sont moins
altérées.
La substance fondamentale (interstitielle ?) qui résulte de la destruc-
tion des éléments nerveux est partout prédominante. Elle est constituée
par un reticulum de névrogliedans les mailles duquel se trouvent logés
les éléments de dégénération que nous venons d'indiquer. On y trouve
encore des cellules graisseuses plus ou moins grosses, tantôt très nette-
ment dessinées, tantôt irrégulières. Elles ont disparu en certains points,
laissant dans le tissu un espace vide vacuolaire.
— 391 —
On trouve, par places, des îlots formés par un amas de cellules granu-
leuses enserrées dans un réseau névroglique qui est refoulé à la jiéri-
phérie.
A côté de ces produits d'un processus dégénérât! f, on pouvait
s'attendre à trouver des phénomènes d'irritation des vaisseaux : augmen-
tation du nombre des cellules périvasculaires, etc. On constate bien
un certain degré de ce processus, les cellules de l'adventice sont
hyperplasiées, mais les parois des vaisseaux sont à peine épaissies.
Dans quelques vaisseaux, la lumière est remplie par un amas de
globules blancs entourés d'un reticulum fin. Les éléments de la sub-
stance grise, vaisseaux et tissu interstitiel, cellules et tubes nerveux,
sont restés intacts.
Les racines des portions cervicale et dorsale supérieure de la moelle
sont intactes. Pour les racines voisines du foyer, il existe des lésions
irrégulièrement distribuées dans les fibres postérieures. A un faible
grossissement, on voit nettement une hyperplasie embryonnaire au
pourtour des vaisseaux et une destruction accentuée des fibres nerveu-
ses. Avec un fort objectif, on constate des modifications analogues à
celles delà moelle : disparition des fibres nerveuses, prédominance du
tissu interstitiel qui forme un réseau dont les mailles sont vides ou
remplies pas des corps granuleux. Léger épaississement hyalin ou fibril-
laire des parois vasculaires. Les cellules granuleuses sont nombreuses
autour des vaisseaux. Périnèvre intact. Aucune formation pathologique
au point où la racine traverse la dure-mère, ni dans les ganglions racbi-
diens.
Au niveau de la protubérance, on trouve quelques altérations vascu-
laires.
M. Mo lier fait suivre l'exposé de cette observation des considé-
rations suivantes :
Le foyer constaté au niveau de la région dorsale résultait d'une
nécrose anémique consécutive à l'altération des vaisseaux radiculaires
postérieurs.
L'altération des artères consistait surtout en une endartérite analogue
à celle que Huebner a décrite dans les vaisseaux du cerveau. Le sujet
était syphilitique et la lésion présentait les caractères attribués à la
syphilis artérielle.
Deux caractères négatifs importants sont encore en faveur de la
nature syphilitique du processus : c'étaient, d'une part, l'absence de dégé-
nérescence graisseuse dans la paroi des vaisseaux altérés, et d'autre
part, l'absence également de lésions athéromateuses dans l'aorte et les
gros troncs.
Enfin, ni les commémoratifs ni l'examen microscopique n'ont permis
— 392 —
de concevoir une étiologie autre que la syphilis pour expliquer la
maladie.
Le fait de la localisation exclusive de la syphilis aux vaisseaux n'est
pas rare dans la littérature médicale. Le développement soudain de la
paraplégie dans ce cas peut paraître surprenant, mais cette Ijrusquerie
dans le début de la paralysie est ordinaire dans la syphilis artérielle du
cerveau et l'explication est la même pour la moelle.
Dans le rétrécissement progressif des artères, la substance nerveuse
peut plus ou moins s'accoutumer à une diminution lente dans l'apport
des matéiiaux de nutrition; mais cette modification ne peut s'accentuer
impunément au delà d'une certaine limite ; il arrive un moment où la
circulation est insuffisante, et il se produit alors une altération du tissu
nerveux.
Il est possible encore qu'à ce degré l'altération ne persiste pas et
que la substance nerveuse s'iiabitue de nouveau à cette faible circula-
tion ; mais bientôt survient un nouvel accès. On peut ainsi observer
une série d'oscillations avant la nécrose définitive.
Dans le cas actuel, l'absence de phénomènes d'excitation, de contrac-
ture, de raideur et de douleur est en rapport avec l'intégrité des
méninges. Les altérations partielles des racines dorsales et lombaires
expli(iuent l'absence des réfiexes et l'existence de l'hyperesthésie.
Le traitement spécifique a été et devait être inutile, car il était néces-
sairement sans action sur un parenchyme nécrosé.
Les trois observations suivantes sont empruntées à Siemerling,
elles sont complexes, tant par la localisation des lésions primitives que
par l'évolution de ces lésions et les altérations secondaires qui en ont
résulté. En effet, deux de ces observations ont trait à des cas de
Syphilis cérébro-spinale ; de plus, à côté d'altérations médullaires
secondaires relevant des troubles circulatoires produits par l'inflam-
mation des vaisseaux et de la membrane nourricière tout entière, on
trouve dans ces trois cas un envahissement plus ou moins étendu de
la moelle même par l'infiltration spécifique gommeuse.
. Observation 121 (résuméej.
E. Siemerling. Zur Syphilis des Centralnervensystems. Arch. f. Psycli.,
1891, Bd XXII, p. 191 (obs. 1).
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Femme, 47 nns. Syphilitique. Douleurs dans les
jambes pendant plusieurs semaines, puis paraplégie développée en
une nuit (11 mai 1881). — 21 mai : paraplégie flasque, réflexes dimi-
— 393 —
nues, sensibilité amoindrie dam le membre inférieur gauche, para-
lysie des sphincters. Aggravation progressive des phénomènes para-
lytiques et des troubles de la sensibilité. Mort le 7 juin.
Autopsie. — Congestion de la. substance cérébrale, athérome des
artères de la base. Dans la moelle, foyer de myélite transverse au
niveau de la région dorsale inférieure, avec épnississement et infil-
tration gommeuse partant de la pie-mère et envahisssnt le cordon
antérieur gauche jusqu'à la corne antérieure. Foyer de ramollisse-
ment dans le locus niger.
Histoire clinique. — B. M..., femme âgée de 47 ans, alcoolique et
syphilitique; l'époque de la contamination est inconnue, mais elle a subi
plusieurs cures spécifiques, en particulier, au mois de janvier 1886, puis
au mois de septembre de la même année, pour une iritis syphilitique.
En 1887, après plusieurs semaines de symptômes prodromiques, pendant
lesquelles elle éprouva dans les jambes de vives douleurs, elle ressentit
une nuit (le 11 mai 1887) des douleurs au niveau du sacrum et se
trouva paraplégique, elle ne perdit pas connaissance, mais put à peine
se dresser assise sur son lit.
État actuel. 21 mai. — Paralysie flasque des extrémités inférieures^
réflexes diminués, altération de la sensibilité, diminution et lenteur
dans la perception des impressions douloureuses au niveau du membre
inférieur gauche. Incontinence des urines et des matières fécales. L'état
des réflexes patellaires a beaucoup varié d^un jour à l'autre pendant les
dix-neuf jouis qui ont précédé la mort. Au début, il y avait une dimi-
nution des réflexes et même une absence complète du côté gauche, puis
on constata une abolition complète, et bientôt après une exagération,
puis un retour à l'état normal.
La mort survint dans le collapsus, le 8 juin. Température post
mortem, 42o, 5.
Autopsie. — L'étude porta sur le cerveau et sur la moelle. La moelle
montre, sur une coupe de la région dorsale inférieure, des taches rouges
dans la substance blanche. La région lombaire supérieure et le renfle-
ment correspondant paraissent sur tpute la coupe très rouges et semés
d'un grand nombre de taches grisâtres.
La calotte crânienne est extraordinairement rouge et dure. Cerveau
petit, pèse 1,110 grammes, très congestionné.
Les vaisseaux de la base, en particulier l'artère basilaire et l'artère
sylvienne, sont d'apparence athéromateuse de deux côtés. Les ganglions
centraux sont intacts.
Diagnostic. — Myélite transverse, congestion cérébrale, athérome
des artères de la base du crâne.
Etude microscopique. — Les altérations atteignent leur maximum
d'intensité dans la région dorsale inférieure de la moelle, elles dimi-
nuent au-dessus et au-dessous.
— 394 —
Coupe dans la région dorsale inférieure. — Lapie-mère est épaissie,
composée de stratifications conjonctives, surtout au niveau des régions
antérieure et postérieure, moins au niveau des cordons latéraux. Au
niveau du cordon antérieur gauche, elle forme un bourrelet saillant
dans lequel l'infiltration cellulaire est très prononcée. De ce point, l'in-
filtration pénètre en forme de coin dans la substance blanche et envahit
même la corne antérieure dont les éléments cellulaires ont disparu.
Presque tous les septa conjonctifs détachés de la pie-mère sont élargis
et infiltrés de cellules. Dans la substance blanche, comme dans la grise,
on trouve un grand nombre de vaisseaux dont les parois sont épaissies
et infiltrées. Au niveau de la tumeur même, les vaisseaux sont remplis
de sanq- et un grand nombre oblitérés. Çà et là, on trouve une fibre
nerveuse dont la gaine est fragmentée et le cylindre-axe très petit.
Les cellules de la corne antérieure droite sont intactes, tandis que
celles de l'autre côté sont détruites. Un grand nombre de fibres ner-
veuses de la substance blanche, en particulier au voisinage du foyer,
préientent des altérations assez accentuées. La gaine de myéline a
perdu sa disposition concentrique, le cylindre-axe est gonflé ou détruit.
Les vaisseaux de la pie-mère, notamment l'artère et la veine spinales
antérieures montrent des modifications de leurs parois. L'artère spinale
antérieure est atteinte d'une endartérite assez légère ; la veine corres-
pondante est infiltrée de cellules, mais l'oblitération n'est pas complète.
Le même aspect se retrouve sur les grosses et petites veines accolées à
la pie-mère ou contenues dans son épaisseur, les parois sont épaisses,
infiltrées, quelques veines sont oblitérées.
Les racines antérieures sont englobées par le processus et complète-
ment détruites. Les racines postérieures ont beaucoup moins souffert.
Le périnèvre est infiltré, mais les fibres nerveuses sont pour la plupart
intactes. Quelques gaines de myéline et quelques cylindres-axes seule-
ment ont disparu. Les vaisseaux des racines ont leurs parois envahies
par des cellules embryonnaires et sont le point de départ de traînées
de noyaux qui s'infiltrent entre les tubes nerveux.
Dans la région dorsale tout à fait inférieure et dans la région lom-
baire, l'énorme épaississement de la pie-mère a disparu, il existe seu-
lement une légère infiltration, qui pénètre moins dans la substance
blanche.
La veine spinale antérieure est si épaisse qu'elle est complètement
oblitérée, tandis que l'artère correspondante ne montre d'infiltration
qu'au niveau de la tunique adventice.
. A mesure que l'on descend vers la partie inférieure de la moelle,
répaississement de la pie-mère et l'importance de la prolifération dimi-
nuent. Le nombre des septa épaissis est encore assez grand, notamment
dans les cordons latéraux. L'artère spinale antérieure, comme les autres
vaisseaux de la pie-mère, présente les mêmes aspects que plus haut,
— 395 —
mais la veine spinale antérieure n'est pas oblitérée. Beaucoup de vais-
seaux de la substance grise ont leurs parois infiltrées de noyaux, parti-
culièrement les veines voisines du canal central.
Un peu au-dessus du renflement lombaire, les altérations sont beau-
coup moins accentuées. L'épaisseur de la pie-mère diminue, le nombre
des septa épaissis est très restreint. L'infiltration des parois vasculaires,
celle de la veine spinale antérieure, en particulier, est modérée et se
limite à l'adventice. Au niveau du renflement, l'épaississement de la pie-
mère est très léger; les septa sont plus élargis. Les éléments de la sub-
stance nerveuse et les racines sont intacts.
Régions supérieures de la moelle. — Dans la région cervicale, la
pie-mère ne parait pas épaissie, mais elle est cependant infiltrée.
Quelques septa des cordons latéraux sont élargis. Rien de particulier
dans la substance nerveuse. Pour l'artère spinale antérieure, infiltration
très légère de la tunique adventice; même particularité pour la veine,
mais à un degré plus marqué. Toutes les autres veines ont leurs parois
infiltrées.
Racines antérieures intactes. Dans les racines postérieures d'un côté,
il existe un faisceau de fibres complètement dégénéré et remplacé par
du tissu conjonctif riche en cellules.
Dans le renflement cervical, mêmes altérations, racines intactes.
Région dorsale supérieure. — C'est à ce niveau que commence l'élar-
gissement des septa et l'infiltration des parois veineuses. Les vaisseaux
de la substance grise sont intéressés. Le processus augmente d'inten-
sité à mesure qu'on se rapproche de la région dorsale moyenne.
Le bulbe, la protubérance et les tubercules quadrijumeaux ont égale-
ment été étudiés sur des coupes. Il existe un petit foyer de ramollisse
ment dans le locus niger, au voisinage du noyau oculo-moteur commun
d'un côté. Les autres parties sont saines.
L'artère vertébrale d'un côté présente sur la coupe une membrane in-
terne très épaisse, une infiltration de la tunique interne et de la tunique
musculaire, avec de petits foyers hémorrhagiques récents. La membrane
élastique a perdu sa disposition ondulée et est comme tendue.
Observation 122 (résumée).
E. SiEMERLiNG. Loc. cit., p. 197 (obs. II). Syphilis cérébro-spinale.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Femme 65 ans. Date de Vinfection syphilitique
inconnue. En 1882, accidents oculaires. Décembre 1881, parésie
progressive des jambes. 26 décembre, attaque apoplectiforme. 18 jan-
vier 1888, hémiparésie droite, paralysie oculaire, phénomènes pupil-
laires, démence, affaiblissement rapide. Mort le 22 février.
— 396 —
Autopsie. — Gommes et foyers multiples de ramollissement dans les
hémisphères et l'isthme de l'encéphale.
Moelle. — Dégénérescence de la paroi des vaisseaux, épaississement
de la pie-mère, gomme de la région dorsale inférieure et des cor-
dons postérieurs. Dégénérescence ascendante. Foyers hémorrha-
giques dans le segment cervical. Atrophie des racines postérieures.
Histoire clinique. — P..., femme âgée de 65 ans. L'époque de la
contamination syphilitique n'a pu être fixée. En 1878, la malade eut une
éruption sur tout le corps.
A l'été de 1882, après un refroidissement, paralysie des muscles de
l'œil gauche, accompagnée de diplopie.
Au commencement de décembre 1887, parésie progressive des
jambes. La malade put d'abord continuer à marcher, puis le séjour au lit
devint nécessaire.
26 décembre 1887. Attaque aplopectiforme, suivie d'une paralysie
passagère du côté droit, affaiblissement intellectuel.
Le 18 janvier 1888,1a malade entre à l'hôpital. Pendant les trente-quatre
jours qui précédèrent sa mort, elle présenta les symptômes suivants :
démence, hémiparésie droite avec participation du facial. Abolition de la
réaction pupillaire. Paralysie complète de l'oculo-moteur à droite.
Exagération des réflexes patellaires surtout à droite. L'état mental de
la malade ne permet pas de se renseigner sur les troubles de lasensi.
blité. La malade succombe dans le coUapsus le 22 février 1888.
Autopsie. — On trouve des gommes et des foyers multiples de ramol-
lissement dans les ganglions centraux et dans la capsule interne gau-
che. Un foyer situé dans la couche optique à droite se continuait dans
le pédoncule. L'examen histologique a fait constater des altérations des
parois des artères de l'encéphale, la dégénérescence des noyaux et
troncs de l'oculo-moteur commun et de l'oculo-moteur externe du côté
gauche. Infiltration du chiasma; atrophie des nerfs optiques.
Moelle. — Dure-mère intacte. La pie-mère, dans la région cervi-
cale supérieure et la région dorsale inférieure, estmodéréraentépaissie.
Dans le renflement cervical, le septum antérieur forme un coin épais.
Les amas de noyaux de la pie-mère sont surtout localisés autour des
vaisseaux.
A la région lombaire, l'épaississementde la pie-mère cesse, on trouve
seulement cà et là une légère infiltration de cellules rondes. Les alté-
rations des vaisseaux de la pie-mère sont surtout prononcées dans les
veines, tandis que les artères sont proportionnellement très peu inté-
ressées. Cette différence est partout sensible, mais elle est surtout mani-
feste dans les gros vaisseaux. L'artère spinale antérieure ne présente
dans la région cervicale supérieure qu'un léger épaississement de
la membrane interne et une faible infiltration de la tunique adventice ;
— 397 —
dans les autres points de son parcours, on ne trouve pas d'altérations
marquées. Il en est tout autrement de la veine : l'adventice est infil-
trée au niveau de la région dorso-lombaire sur une longue étendue, la
membrane interne est très épaissie.
A la hauteur du renflement cervical, la veine est complètement obli-
térée. On trouve un grand nombre de vaisseaux néoformés, on en
compte jusqu'à six dans l'épaisseur du thrombus ; quelques-uns contien-
nent des globules rouges, ils ont tous une lumière très nette. Malgré
cette oblitération complète, la membrane élastique a bien conservé son
aspect de ruban ondulé, la tunique musculaire est peu infiltrée, il n'y
a que l'adventice qui soit épaisse et riche en noyaux.
Pour la substance médullaire, on trouve par places des altérations
variées de la substance grise et de la substance blanche, jusqu'au niveau
delà région dorsale inférieure. Plus bas, la moelle et les racines émer-
gentes sont intactes, à part une légère infiltration de la pie-mère.
A partir de la partie moyenne de la région dorsale, on constate une
dégénération ascendante du cordon de Goll, avec prédominance d'un
côté. Cette dégénération a pour point de départ une tumeur gommeuse
qui siège dans la région dorsale inférieure. Cette tumeur est accolée à
la pie-mère légèrement épaissie et pénètre comme un coin dans un des
cordons postérieurs. La corne postérieure du même côté est complè-
tement détruite ; les deux cornes antérieures sont intéressées, les cel-
lules et les fibrilles nerveuses en grande partie détruites. Cette néo for-
mation comprime le cordon postérieur du côté opposé et l'envahit
même un peu plus haut, en faisant disparaître la séparation constituée
par le septum postérieur. Dans le cordon postérieur ainsi comprimé,
on constate une atrophie très marquée des tubes nerveux. Les racines
postérieures sont dégénérées.
Les cordons latéraux ont également souffert de la pression excen-
trique de la tumeur. Les septa sont élargis, infiltrés de noyaux. La plu-
part des tubes nerveux sont en voie de dégénération.
En un poiût du cordon antérieur, on trouve encore une petite infiltra-
tion partie de la pie-mère.
Sur les coupes qui intéressent des parties plus élevées de la région
dorsale, on note un développement marqué des vaisseaux dans la sub-
stance blanche et surtout dans la substance grise, et un élargissement
des septa. La tumeur se prolonge un peu en avant.
Les nombreux vaisseaux qui parcourent la substance grise ont leurs
gaines lymphatiques très élargies, souvent remplies de globules rouges ;
les parois elles-mêmes du vaisseau sont épaisses, infiltrées de cellules
rondes.
La dégénération ascendante du cordon de Goll se prolonge dans la
moelle allongée jusqu'au noyau du cordon grêle. Dans la région cervicale
supérieure et le renflement cervical, on voit des foyers hémorrhagiques
— 398 —
dans la substance médullaire (substance grise et cordons blancs surtout).
Ces foyers ont amené le déplacement de certaines parties ; une des
cornes postérieures est ainsi déjetée. Après résorption partielle du sang,
il se produit une rétraction du tissu et une diminution du diamètre de
toute la coupe ; ainsi, en un point de la région cervicale inférieure, à la
suite d'une Jiémorrhagie dans la corne antérieure et la substance blanche
voisine, le cordon blanc est réduit presque de moitié. A la périphérie
du foyer, on voit encore quelques globules sanguins, mais le tissu
détruit, d'aspect homogène, ne présente aucune structure, aucun déve-
loppement de tissu conjonctif. Dans la corne antérieure opposée, il y a
quelques globules rouges.
En certains points, notamment au niveau du cordon antéro-latéral
d'un côté, il existe un envahissement embryonnaire parti de la pie-
mère.
Les racines antérieures des régions cervicale et dorsale supérieure
sont intactes. Dans les racines postérieures, quelques fibres sont le siège
d'une atrophie simple.
Observation 123 (résumée).
E. SiEMERLiNG. — Loc. cit., p. 205 (OBS. III). Syphilis cérébro-spinale
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Femme, 42 ans, pas de traitement spécifique
antérieur. Depuis le mois de mars 1887, nombreuses manifestations
de syphilis cérébrale : ictus, phénomènes convulsifs et paraly-
tiques. État actuel, 8 février 1888 : démence, hémiplégie gauche,
parésie de la jambe droite, troubles pupillaires, hémianopsie droite
réflexes variables. Sensibilité (?). Dans la suite aggravation, phéno-
mènes bulbaires; mort dans le coma après une attaque apoplecti-
forme le 26 mars 1888.
Autopsie. — Gommes, foyers hémorrhagiques et foyers de ramollis-
sement dans le ceroeau et l'isthme, dégénérescence partielle des
nerfs crâniens.
Moelle. — Epaississement considérable des méninges, altération
des parois vasculaires. Foyers gommeux dans la substance de la
moelle, altérations myélitiques diffuses. Dégénérescence ascendante
du faisceau pyramidal antérieur à droite, atrophie des racines
antérieures et postérieures. Destruction d'une moitié de la moelle,
consécutive à une hémorrhagie et à un ramollissement.
Histoire clinique. — A. E..., âgée de 42 ans. L'époque de l'infection
syphilitique est inconnue, en tous cas la malade n'a jamais suivi de
traitement spécifique.
Au mois de mars 1887, attaque apoplectiforme suivie d'une paralysie
du côté gauche qui s'améliore rapidement.
— 399 —
Retour de la paralysie quelques mois plus tard. Août 1887, fin janvier
1886: deux attaques convulsives avec perte de connaissance.
Le 7 février, troisième attaque de paralysie du côté gauche. Le len-
demain, la malade entre à l'hôpital en état de démence, avec une para-
lysie de tout le côté gauche, facial compris ; parésie de la jambe droite,
abolition de la réaction pupillaire, hémianopsie droite. Parole traînante)
nasillarde. Conservation des réflexes patellaires. Plus tard, l'état des
réflexes varie beaucoup d'un jour à l'autre. La paralysie gauche rétro-
cède ; nouvelles attaques épileptiformes. Les réactions pupillaires repa
raissent.
Par moments, symptômes graves de paralysie bulbaire.
L'état de démence ne permet pas de se renseigner sur l'état de la
sensibilité.
Mort dans le coma après une attaque apoplectiforme, 26 mars 1888.
Autopsie. — Cerveau et isthme : ramollissement de l'hémisphère
gauche ; une gomme du volume d'une noix dans le lobe temporal gauche.
Sclérose des artères de la base. Foyers hémorrhagiques dans la moelle
allongée, dans la protubérance, dans les tubercules quadrijumeaux.
Dégénérescence descendante de la pyramide droite. Tuméfaction et
infiltration du chiasma, atrophie partielle rétrobulbaire du nerf optique.
Légère dégénérescence des deux nerfs oculo-moteurs communs.
Moelle. — Les enveloppes molles, la substance médullaire et les
racines sont très altérées.
La pie-mère est épaissie depuis le haut de la région cervicale jusqu'à
la région sacrée, stratifiée, et infiltrée de cellules rondes. Le maximum
d'épaississement siège dans la région cervicale et le renflement lom-
baire, le minimum dans la région dorsale moyenne. Les parois des
vaisseaux de la pie-mère sont très altérées, surtout celles des veines.
Cette prédominance est du moins manifeste pour les vaisseaux dont le
calibre permet d'établir leur nature artérielle ou veineuse.
L'artère spinale antérieure n'est pas atteinte au même degré dans les
différentes régions :
Au niveau du renflement cervical, l'endothéliura est soulevé par
une hémorrhagie, la membrane élastique et la tunique musculaire sont
saines, l'adventice est infiltrée.
Dans la région dorsale supérieure, l'adventice seule est envahie par
des cellules rondes.
Dans la région dorsale moyenne, l'épaississement considérable de
l'endartère oblitère presque complètement la lumière du vaisseau. A
partir de ce point, Tadventice seule est infiltrée, les autres membranes
sont saines.
Au commencement de la région lombaire, l'artère est intacte ; puis
l'infiltration de l'adventice reparait au niveau du renflement lom-
baire.
— 400 —
Dans les autres vaisseaux, l'endartère est aussi épaissi.
La veine spinale antérieure est également atteinte comme l'artère.
Elle est absolument saine juste aq-dessus du renflement lombaire.
Dans les autres régions, la paroi' est infiltrée de cellules, mais l'épais-
sissement ne va pas jusqu'à l'oblitération.
La substance blanche est très altérée et par divers processus.
Dans toute la hauteur de la moelle, on trouve une dégénération des-
cendante de la pyramide latérale gauche et de la pyramide antérieure
droite jusqu'au milieu de la région dorsale.
La pîe-mère épaissie envoie dans la substance médullaire des septa
épaissis et riches en cellules. En plusieurs points, on trouve une infil-
tration très prononcée qui pénètre comme un coin à des profondeurs
variées. Cette infiltration n'a pas toujours l'aspect du tissu conjonctif
émané de la pie-mère, en certains points elle a les caractères d'un épais-
sissement gommeux et paraît même en état de nécrobiose. Cet aspect
est surtout manifeste pour une masse qui, dans la région dorsale infé-
rieure, a détruit une corne avec une grande partie de la substance
grise.
Au niveau de la région dorsale supérieure, une tumeur gommeuse
s'est développée dans l'épaisseur du faisceau pyramidal dégénéré et a
envahi une grande partie du cordon latéral. La pie-mère à ce point n'est
pas particulièrement épaissie et la périphérie de la moelle contient
même encore des fibres saines. Les coupes pratiquées à ce niveau
semblent indiquer que la néoplasie n'a pas eu la pie-mère pourpoint de
départ; tout au contraire, l'existence d'une bande marginale saine semble
prouver qu'elle a pris naissance dans le faisceau pyramidal dégénéré,
et qu'elle s'est étendue excentriquement.
L'infiltration embryonnaire émane le plus souvent de la pie mère des
régions antérieures ; celle-ci envoie d'épais tractus dans la substance
blanche au niveau du renflement cervical, de la région dorsale inférieure,
de la région lombaire supérieure et du renflement correspondant.
Les racines antérieures traversent sans altération la partie atrophiée
du renflement cervical. L'infiltration gommeuse des cordons antérieurs
est surtout prononcée dans la région dorsale inférieure. En ce point, on
trouve la tumeur que nous avons déjcà mentionnée et qui détruit une
grande partie de la substance grise.
Les cordons latéraux adjacents, principalement celui du côté gauche
dans lequel existe la dégénération descendante, sont fortement
envahis.
Dans la région dorsale inférieure, la destruction porte sur presque
toute une moitié de la moelle. Quelques portions des cordons antérieur
et latéral persistent encore. Les deux cornes de ce côté sont fortement
prises. La pie-mère adjacente est très épaissie. L'ensemble de la coupe
est déformé, le septum médian déplacé.
— 401 —
L'origine du processus est difficile à déterminer, il n'a pas l'aspect
d'un tissu de cicatrice, mais résulte peut-être de la fonte d'une tumeur
gommeuse ou de la résorption d'un foyer hémorrhagique, peut-être des
deux à la fois. L'affaissement de la région et le déplacement du septum
antérieur s'accordent bien avec l'idée d'une tumeur qui aurait existé en
ce point.
Les altérations des cordons postérieurs sont relativement plus légères.
La dégénération d'une partie des cordons postérieurs est certai-
nement secondaire à l'atrophie très marquée des racines postérieures ;
lésions que nous décrirons plus loin. Cette dégénération est visible dans
le renflement cervical, les régions dorsale inférieure, lombaires supé-
rieure et moyenne et le renflement correspondant. Cependant, dans les
étages où les racines postérieures sont moins atteintes, les altérations
des cordons postérieurs sont également moins prononcés ; dans les
régions cervicale inférieure et dorsale supérieure, par exemple. Il n'y a
d'infiltration dans les cordons postérieurs qu'au niveau d'une mince
zone périphérique à la hauteur de la région cervicale inférieure ; autre-
ment, il ne s'agit que d'une atrophie simple avec disparition des
fibres.
Au sujet des altérations de la substance grise que nous avons déjà
en partie décrites, il faut ajouter qu'ici, comme dans la substance
blanche, les parois des vaisseaux sont très épaissies, notamment celles
des veines qui se trouvent au voisinage du canal central. Les parois
vasculaires sont surtout très épaisses dans la région dorsale supérieure,
oii se trouvent également des hémorrhagies récentes Les cellules des
cornes antérieures sont intactes.
Le processus d'altération de la substance blanche est surtout repré-
senté par une infiltration de cellules rondes. La pie-mère épaissie
envoie des tractus élargis et riches en noyaux dans le tissu nerveux.
Les vaisseaux sont dilatés, leurs parois sont infiltrées de cellules rondes,
bon nombre sont oblitérés. La plupart des tubes nerveux sont détruits
ou en voie de dégénérescence.
Il ne nous reste plus que les racines à étudier. Les racines anté-
rieures et postérieures sont atteintes de la même façon. Cependant le
processus est plus marqué là où, avec un épaississemenl prononcé de la
pie-mère, on constate un envahissement du tronc nerveux, en particu-
lier dans la région dorsale inférieure. Dans les régions cervicale et
dorsale supérieure, les racines ont moins souffert.
Les altérations ne sont pas non plus régulièrement réparties dans
toutes les racines d'un même étage; c'est ainsi que dans la région lom-
baire on trouve sur les racines divers degrés d'altération, et les nerfs
de la queue de cheval présentent des faisceaux intacts, à côté d'autres
complètement détruits.
La nature du processus de destruction est la même que pour la moelle.
S. . 26
Le périnèvre est épaissi, infiltré de cellules, il entame le faisceau ner-
veux sans le pénétrer. D'autres fois l'endonèvre est intéressé, il est
épaissi, rempli de noyaux qui s'amassent surtout autour des vaisseaux.
L'intensité de cette prolifération est très variable. En certains points,
il existe, comme dans la moelle, du tissu gommeux en voie de nécrose.
Cet aspect est surtout net dans une racine antérieure de la région dor-
sale supérieure; tandis que la moitié du faisceau nerveux est infiltrée
de noyaux, le reste est composé d'un tissu nécrosé, riche en vaisseaux
et pauvre en noyaux, qui entourent les quelques tubes nerveux persis-
tants.
Dans cette prolifération, les tubes nerveux ont plus ou moins souf-
fert. En certains points ils ont totalement disparu, ailleurs on trouve
des fibres avec cylindre-axe et gaine de myéline en plein tissu infiltré ou
nécrosé. La gaine de myéline a souvent perdu son apparence concen-
trique, le cylindre-axe est gonflé ou très petit. Dans les faisceaux où le
périnèvre seul est atteint, les tubes nerveux sont sains.
L'auteur fait remarquer la variété des altérations constatées dans
ces trois cas.
Infiltration de la pie-mère, altérations vasculaires, envahissement
du tissu nerveux (substance blanche et racines) parrinfiltration,hémor-
rhagies et foyers de ramollissement, altérations rayélitiques des élé-
ments de la substance blanche, dégénérescence secondaire ascendante
et descendante. Enfinil existait de véritables tumeurs gommeuses dont
le point de départ, le plus souvent méningé, a été aussi dans un cas
rant médullaire. Ces néoplasies gommeuses ont subi en certains
points la caséification centrale.
Les altérations des éléments nerveux sont toujours secondaires.
Mais c'est principalement sur les altérations des vaisseaux que
l'auteur attire l'attention. Il rappelle les cas où des altérations ana-
logues ont été constatées et fait remarquer la diversité de ces modi-
fications.
Tantôt c'est dans la tunique adventice que domine l'infiltration, les
autres parties du vaisseau restant presque saines , d'autres fois on
constate une endartérite type prédominante telle que l'a décrite
Heubner .
Les veines sont toujours plus profondément modifiées et atteintes
de phlébite oblitérante.
Les parois vasculaires sont infiltrées de cellules embryonnaires ou
hyalines ; la lumière souvent oblitérée.
— 403 —
De nombreux vaisseaux néoformés apparaissent, tant dans les parois
du vaisseau épaissi que dans le caillot central organisé.
L'intensité de l'altération n'est pas toujours proportionnelle à celle
du tissu environnant. C'est ainsi que dans des parties où la pie-
mère est très épaissie, les vaisseaux peuvent être peu touchés ; dans
d'autres, au contraire, leurs lésions sont prédominantes.
Ces lésions vasculaires n'ont d'ailleurs rien de spécifique, et c'est
plutôt dans l'ensemble des lésions qu'il faut chercher une caracté-
ristique de la syphilis.
Observation 124. (résumée).
S. GoLDFLAM. Ueber Ruckenmarks-syphilis. Wiener Klinik. Feb.-
Mârz 1893, p. 41. (obs. X), p. 65. Myelitis acuta. Myelomalacia.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme, 31 ans, syphilis depuis quinze mois.
Période prodromique : douleurs lancinantes et engourdissement
dans les jambes, douleurs en ceinlure. Puis rétention d'urine. Après
douze ou quatorze jours, paraplégie rapide et complète. Etat actuel,
quatre semaines après le début {29 août 1885) : paraplégie absolue,
flasque, anesthésie jusqu'à la ceinture, douleurs en ceinture légères,
constipation, incontinence d'urine. Dans la suite escarres, infec-
tion, mort le 11 septembre.
Autopsie. • — Épaississement léger de la pie-mère cérébrale, pas de
lésions du cerveau. Moelle : deu.x foyers de ramollissement (cin-
quième et sixième racines dorsales), (douzième dorsale, première
racine lombaire).
Examen microscopique. — Pie-mère infiltrée surtout au pourtour des
vaisseaux. Altérations vasculaires extrêmement prononcées dans la
pie-mère et dans la moelle. Foyers hémorrhagiques, nécrose des
éléments nerveux, au niveau des foyers de ramollissement. Dégé-
nérescence secondaire des cordons de Goll. Racines très altérées
dans la région dorsale.
Histoire clinique. — H..., 31 ans, entre à l'hôpital le 29 août 1885,
pour une paraplégie.
Début il y a quatre semaines, par des douleurs vives dans les jambes
et les organes génitaux externes, pendant quelques minutes seulement le
premier jour. Le jour suivant (mercredi) les douleurs reprennent et
cèdent à un bain ; douleurs en ceinture d'abord légères. Jusqu'au ven-
dredi, le malade se sentait assez biea; le soir, reprise des douleurs en
ceinture et des élancements dans les jambes, amélioration par l'huile
de ricin, les douches, la quinine.
— 404 —
Le mardi suivant, état assez bon, légères douleurs en ceinture et épi-
gastriques, engourdissement des extrémités inférieures.
Jeudi, rétention d'urine, le lendemain cathétérisme obligatoire, les
jambes sont plus raides et le malade est obligé de se coucher. Quelques
jours plus tard, treize ou quatorze jours après le début des accidents,
le malade ne pouvait plus faire aucun mouvement avec ses jambes.
Au bout de quelques jours, escarre sacrée, puis escarre des trochan-
ters, oedème des jambes, constipation, incontinence des urines qui sont
troubles, douleurs en ceinture légères.
Le malade, quinze mois auparavant, avait eu un chancre induré avec
ganglions cervicaux, angine; àla suite, traitement mercuriol etabsencede
manifestations jusqu'en janvier 1885. A cette époque, céphalalgie, puis
paralysie passagère du bras droit sans participation de la face ni de la
parole ; guérison en quatre ou cinq jours. Un peu plus tard, douleur et
gonflement du coude droit.
Dans le jeune âge, scrofule, excès sexuels, fièvre typhoïde, pas d'al-
coolisme.
État actuel. — Bonne constitution, alopécie, ganglions inguinaux et
épitrochléens, pas d'autres signes de la syphilis, arthrite modérée du
coude droit, avec atrophie partielle des muscles du bras et de l'épaule,
diminution de l'excitabilité électrique.
Pieds et jambes enflés. PJscarres sacrée et trochantériennes.
Extrémités inférieures complètement paralysées et flasques.
Persistance de quelques petits mouvements.
Réflexe rotulien très faible à droite, un peu plus accusé à gauche,
perte de l'excitabilité électrique.
Sensibilité (tact, douleur, température) abolie dans les pieds et les
jambes, très émoussée dans les cuisses.
Perte du sens musculaire, conservation du réflexe cutané plantaire.
Incontinence des urines, qui sont alcalines et troubles, constipation,
absence d'érections.
L'anesthésie remonte jusqu'à l'ombilic.
Les muscles abdominaux sont paralysés, et le réflexe abdominal
aboli.
Nerfs crâniens sains, intelligence conservée.
5 septembre. Frissons depuis quelques jours, affaiblissement général.
Les jours suivants : extension des escarres, fièvre, état infectieux.
Mort le 11 septembre 1885.
Autopsie. — Épaississement des méninges cérébrales. Substance
cérébrale congestionnée, mais sans lésions macroscopiques.
Dure-mère spinale adhérente aux corps vertébraux dans la région
lombaire.
Moelle ramollie en deux points.
1° A la hauteur des cinquième et sixième racines dorsales. La coupe
— 405 —
dans cette partie montre de nombreux petits foyers hémorrhagiques,
surtout dans la moitié gauche de la moelle et dans la substance grise.
Dans le cordon latéral droit, une tache jaunâtre. La couleur de la sub-
stance médullaire est gris jaunâtre. Le dessin de la substance grise est
conservé.
2° A la hauteur des douzième dorsale et première lombaire. La pie-
mère est épaissie, congestionnée, les cordons latéraux comme gonflés,
la consistance est encore plus molle que celle du premier foyer, la
teinte jaune plus accusée; la substance grise est déformée.
Les vaisseaux de la pie-mère, à la hauteur de la queue de cheval, sont
remplis de caillots rouges et mous.
Les préparations à l'état frais montrent des boules et des granula-
tions de myéline, des gouttes de graisse, des tubes nerveux gonflés et
des corps granuleux.
Pas de tuberculose pulmonaire, cystite, pyélonéphrite ascendante.
Examen microscopique. — Après durcissement de la moelle, l'examen
microscopique décèle des altérations surtout marquées dans les deux
foyers dorsal et lombaire.
Foyer dorsal (cinquième et sixième racines dorsales). — On trouve
une masse de vaisseaux sur la coupe, car les petits eux-mêmes sont
remplis de sang. Les parois vasculaires sont très épaisses et scléreuses,
aux dépens surtout de la membrane interne qui est fibreuse. La tunique
adventice et la gaine lymphatique sont remplies de cellules lymphoïdes.
Les cellules de l'endothélium sont augmentées de nombre et pénètrent
dans la lumière du vaisseau. Les plus petits vaisseaux présentent cet
épaississement prononcé de la tunique interne et l'infiltration péri-
vasculaire.
L'épaississement des parois est tel que les vaisseaux voisins arrivent
à se confondre. Certains vaisseaux ont un volume absolument inaccou-
tumé.
Le rétrécissement de la lumière est souvent extrême et va jusqu'à
l'oblitération complète.
A côté des vaisseaux, il y a des épanchements sanguins microscopi-
ques et même visibles à l'œil nu et souvent, dans l'épaisseur même des
parois vasculaires, des granulations de pigment sanguin.
L'infiltration de la tunique adventice et de l'espace périvasculairc
s'étend souvent dans les parties environnantes du tissu médullaire.
Les éléments nerveux sont très altérés. Dans la substance blanche,
principalement dans les cordons latéraux au niveau des points qui con-
stituent les taches jaunes visibles à l'état frais, les tubes nervi'ux sont
détruits presque complètement. Le degré de l'altération est variable :
fibres ne se colorant plus, cylindres-axes hypertrophiés, corps granu-
leux.
Le réseau névroglique est hypertrophié, riche en noyaux. En maints
— 406 —
endroits, le tissu médullaire prend l'aspect d'un tissu granuleux semé
de noyaux, ou bien est constitué par un réseau de travées épaissies; les
mailles sont occupées par des corps granuleux ou forment des vacuoles
privées de corps granuleux par l'action de l'alcool et des essences. Les
fibres nerveuses saines sont relativement plus nombreuses dans le
voisinage de la substance grise.
Les cellules nerveuses des cornes antérieures se colorent mal, elles
sont gonflées, arrondies, vitreuses, sans noyau et privées de prolon-
gements; un petit nombre seulement a conservé son noyau et ses nu-
cléoles. Mêmes altérations dans les cellules des colonnes de Clarke.
ha, pie-mère est épaissie, infiltrée de cellules qui sont surtout groupées
autour des vaisseaux. Les parois de ceux-ci présentent au plus haut
degré les mêmes modifications que les vaisseaux intramédullaires.
L'épaississement porte surtout sur la membrane interne. L'adventice
est infiltrée, la lumière rétrécie est obstruée par un caillot ou complè-
tement oblitérée. Dans le centre des vaisseaux, on trouve de nombreuses
cellules lymphoïdes. Il y a de plus dans la pie-mère des épanchements
sauguins et des granulations de pigment hématique, mais pas d'épaissis-
sement des prolongements de la pie-mère dans la moelle.
Dans les racines tant antérieures que postérieures, on ne trouve
presque plus de tubes nerveux, le périnèvre et l'endonèvre sont infiltrés,
on trouve des faisceaux de fibres détruits et des corps granuleux. Les
vaisseaux des racines sont épaissis et infiltrés.
L'intensité des altérations atteint son maximum à la hauteur des
cinquième et sixième racines dorsales; au-dessus et au-dessous, elle
diminue, surtout dans la direction du segment cervical.
Au niveau du premier nerf dorsal, les modifications sont encore
notables : hyperliémie, foyers hémorrhagiques peu nombreux, épaissis-
sement et infiltration modérés des parois vasculaires, tissu névrogiique
hyperplasié et riche en noyaux, fibres nerveuses détruites, corps gra-
nuleux, vacuoles. Dans les cordons de Goll, début de la dégénérescence
secondaire ascendante.
Mais à cette hauteur il y a déjà beaucoup de fibres nerveuses saines.
Les cellules nerveuses sont encore gonflées, vitreuses sans prolonge-
ments ni noyau.
Les modifications de la pie-mère sont analogues à celles que nous
connaissons, mais moins prononcées. Les racines sont encore très
infiltrées et presque complètement privées de fibres.
Dans la région cervicale inférieure et le renflement cervical, l'aspect
est presque absolument normal, mise à part la dégénérescence secon-
daire du cordon de Goll. Pas d'altération des vaisseaux, la névroglie
est déliée, les tubes nerveux se colorent bien. Dans les cornes anté-
rieures, le réseau nerveux reparaît, les groupes de cellules nerveuses
occupent leur place ; ces éléments sont polygonaux, possèdent leurs
— 407 —
prolongements et leur noyau. La pie-mère est mince et sans modification,
à part quelques petits foyers d'infiltratioa périvasculaire. Les racines
nerveuses sont intactes.
L'aspect normal s'accentue à mesure qu'on remonte vers la moelle
allongée.
Au-dessous du foyer dorsal, les altérations continuent assez marquées.
A la hauteur de la huitième racine dorsale, on trouve les modifications
des vaisseaux, les foyers hémorrhagiques, des foyers de nécrose dans
la substance blanche^ l'altération des cellules nerveuses, l'infiltration de
la pie-mère surtout autour des vaisseaux comme plus haut.
A la hauteur de la dixième racine dorsale, les altérations s'atténuent.
Les tubes nerveux sont conservés partout, les vaisseaux sont moins
nombreux, moins remplis de sang, les parois sont moins épaisses et
moins infiltrées. La névroglie n'est épaissie que dans les zones péri-
phériques. Beaucoup de cellules nerveuses sont bien formées, mais
quelques-unes sont dégénérées. La pie-mère, mince et peu infiltrée,
contient encore de nombreux vaisseaux, notamment de grosses veines
énormément épaissies, très infiltrées et oblitérées. Les racines sont peu
touchées.
Au niveau du deuxième foyer d'altération {douzième dorsale, pre-
mière lombaire), le processus atteint le plus haut degré d'intensité.
La pie-mère est épaissie et l'infiltration, développée surtout autour
des vaisseaux, prend même en certains points l'aspect d'une tumeur
gommeuse qui ne pénètre d'ailleurs jamais dans le tissu même de la
moelle. Les vaisseaux de la méninge sont épaissis, infiltrés, le rétré-
cissement de leur lumière va jusqu'à l'oblitération.
L'infiltration cellulaire envahit les racines dont les tubes sont détruits,
les gaines de Schwann sont vides. Le périnèvre, l'endonèvre et les
vaisseaux sont épaissis.
Par suite vraisemblablement de l'épaississement de la pie-mère, la
moelle est déformée, le diamètre antéro-postérieur est diminué, la fis-
sure antérieure est sinueuse, les cornes antérieures, surtout celle de
droite, sont inclinées vers les cordons latéraux. Dans la substance médul-
laire il existe une hyperplasie des noyaux, les vaisseaux sont conges-
tionnés, leurs parois épaissies, infiltrées, entourées de petits foyers
hémorrhagiques moins nombreux toutefois que dans le foyer dorsal. Le
nombre des cellules nerveuses, surtout dans la corne gauche, est dimi-
nué; celles qui persistent sont hyalines ou granuleuses, sans prolonge-
ments ni noyau.
Dans la partie moyenne du renflement lombaire, l'hyperplasie
nucléaire est encore notable, on trouve encore des foyers hémorrhagi-
ques. Les altérations vasculaires sont plus modérées ; dans la sub-
stance grise, il y a de nombreux larges capillaires (néoformés) dont les
parois sont infiltrées (ces néocapillaires ont déjà été notés par
Oppenheim et Jiirgens).
— 408 —
Les tubes nerveux sont conservés, le réseau nerveux de la substance
grise bien formé, les cellules nerveuses saines pour la plupart, la pie-
mère normale. Dans les racines : nombreuses fibres saines, péri-
nèvre et endonèvre peu infiltrés.
Région lombaire inférieure. — Les altérations sont minimes. La pie-
mère est mince ; dans les racines, quelques fibres seulement sont détruites.
Dans la substance grise, de nombreux capillaires néoformés et quelques
petits foyers hémorrhagiques.
L'artère vertébrale et ses branches étaient atteintes d'une endartérite
très prononcée, la périartérite était au contraire peu marquée.
Pas d'altération des troncs nerveux périphériqnes ni des muscles des
membres inférieurs.
L'auteur considère ce cas comme un exemple de ramollissement
{myélomalacie) relevant des altérations du système circulatoire de la
moelle.
Observation 125 (résumée).
S. GoLDFLAM. Lac. cit. (obs. XI), p. 73. Myelomalacia.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme, 22 ans, Au début du mois de mai 1890,
chancre induré, accidents secondaires, traitement. Céphalalgie
précoce. Au commencement de septembre 1890 : symptômes prémo-
nitoires, rachialgie, etc., quelques jours après, paralysie de la jambe
droite, puis de la jambe gauche. Bientôt paraplégie complète. Anes-
thésie jusqu'aux fausses côtes, rétention d'urine. Puis escarres,
fièvre, marasme. Mort le 12 octobre 1890, trente-deux jours après le
début des phénomènes paralytiques, cinq mois après l'infection.
Autopsie. — Pas de tuberculose pulmonaire, cystite, pyélo-néphrite.
Cerveau sain. Ramollissement de la moelle dorsolombaire.
Examen microscopique. — Altératio7is légères du tissu projjre de la
pie-mère. A Itérations vasculaires énormes, nécrose anémique de la
moelle.
Histoire clinique. — Homme de 22 ans, entré à l'hôpital le 24 sep-
tembre 1890. Au commencement de mai 1890, chancre induré^ ganglions,
roséole. Traitement : frictions et KL Un peu plus tard, céphalalgie
intense, sensation de froid dans le dos, puis rachialgie qui privait le
malade de sommeil. Quatorze jours avant l'entrée l'hôpital, paralysie
des sphincters, paresthésie et paralysie de la jambe droite dans la
même journée. Le lendemain, la jambe gauche est prise. La sensibilité
a persisté encore quelque temps, dans la jambe gauche surtout. Cathé-
térisme obligatoire. Constipation. Traitement mixte infructueux.
État à Ventrée. — Paralysie flasque et complète des membres infé-
— 409 —
rieurs. Réflexe plantaire faible. Disparition des réflexes crémastérien
et abdominal. Sensibilité et sens musculaire complètement abolis, le
malade ne perçoit ni les piqûres, ni le pincement, ni le contact de l'eau
bouillante.
Rétention complète d'urine, perte du sentiment de distension vésicale
et du besoin de la défécation. Urines alcalines, purulentes. Le malade
ne peut s'asseoir sur son séant sans aide, les muscles abdominaux ne
se contractent plus. La colonne vertébrale n'est pas sensible à la
pression.
L'anesthésie remonte jusqu'aux fausses côtes en avant et jusqu'à la
dernière vertèbre dorsale en arrière.
Pupilles égales, réagissant bien. Les organes des sens, la face, l'intel-
ligence, sont intacts. Traitement mixte.
29 septembre. Escarre sacrée; petits frissons depuis quelques jours.
Les jours suivants, l'escarre s'étend, d'autres se produisent au niveau
des trochanters; oedème des jambes, fièvre, frissons répétés, anorexie,
marasme.
Mort le 12 octobre 1890, trente-deuxième jour de la maladie, cinq mois
après l'infection syphilitique.
Autopsie. — Cadavre amaigri^ etc. Poumons sains, cystite purulente
avec péritonite circonscrite dans le voisinage. Pyélonéphrite ascen-
dante.
Dure-mère cérébrale saine ; pie-mère œdémateuse. Cerveau sain à la
coupe.
Dure-mère spinale lisse, mais congestionnée. A la coupe de la moelle
dorsale, on trouve des foyers gris rosé dans la substance blanche et la
substance grise. Dans la région lombaire supérieure, cette apparence
envahit toute la surface de la coupe, sauf une mince bande marginale.
Les contours de la substance grise sont diffus (myélite aiguë disséminée
dorso-lombaire).
Examen microscopique de la moelle. Région cervicale supérieure.
— Cordons de GoU dégénérés secondairement. Nombreuses veines à
parois infiltrées.
Région cervicale inférieure. — La pie-mère, surtout dans la partie
postérieure, est épaissie et infiltrée. La plupart des vaisseaux ont des
parois très épaisses et infiltrées de cellules. Altération qui va jusqu'à
l'oblitération. L'infiltration cellulaire est surtout prononcée au niveau
de la tunique adventice ; cependant beaucoup de vaisseaux présentent
un épaississement de la membrane interne. Ces modifications intéres-
sent surtout les veines, les artères sont bien moins malades. Infiltration
légère des racines antérieures et postérieures.
Dans la moelle, les vaisseaux sont congestionnés, beaucoup ont leurs
parois infiltrées. Hémorrhagie dans la corne antérieure. Sur les confins
de la corne antérieure, on trouve dans le cordon antérieur une accu-
— 410 —
mulation de cellules rondes qui correspond vraisemblablement à un
vaisseau. Le nombre des tubes nerveux est diminué dans la partie
postérieure des cordons postérieurs, la névroglie est gonflée.
Région dorsale supérieure. — Pie-mère assez infiltrée de cellules.
Les vaisseaux, surtout les veines, ont des parois énormément épaissies,
la tunique adventice est infiltrée, beaucoup de lumières sont oblitérées.
Dans les racines, il y a presque autant de fibres altérées que de fibres
saines.
Les vaisseaux de la moelle sont dilatés ou à parois infiltrées. Dans la
substance blanche, les petits foyers visibles à l'œil nu montrent des
altérations très prononcées des tubes nerveux : la myéline a disparu, le
cylindre-axe est gonflé, souvent granuleux ; corps granuleux ; destruction
complète des tubes; vacuoles vides. A la périphérie de la moelle, il y
a cependant encore quelques fibres saines ; la névroglie est en proli-
fération.
Parmi les cellules nerveuses, il n'y en a que quelques-unes qui ont
conservé leurs prolongements ; les autres sont atrophiées, arrondies ou
triangulaires, avec ou sans noyau. Cet aspect se retrouve en particulier
au niveau des colonnes de Clarke.
Région dorsale moyenne. — Mêmes altérations de la méninge; c'est-
à-dire épaississement énorme des parois vasculaires surtout pour les
veines, oblitérations vasculaires, infiltration de la tunique adventice. '
Racines antérieures et postérieures très altérées : destruction de la
gaine de myéline, hypertrophie des cylindres-axes, vacuoles, destruction
complète. Infiltration modérée du périnèvre et de l'endonèvre. Parois
vasculaires épaissies ; mais tous les tubes ne sont pas détruits, il en
persiste même un assez grand nombre.
Dans cette région, le tissu médullaire est très altéré. Pour la sub-
stance blanche, on trouve une foule de petits foyers ou de grands oià les
tubes sont complètement détruits. Entre ces foyers, il y a encore des
parties relativement saines. Cet état de ramollissement siège surtout
dans les zones marginales ; il existe aussi dans la partie centrale, et
couvre sur la coupe une étendue plus considérable que les parties rela-
tivement saines surtout disposées autour de la substance grise.
L'altération s'étend partout, mais intéresse les cordons antéro-latéraux
plus que les postérieurs.
La forme des foyers est irrégulière : ils sont tantôt triangulaires à base
périphérique, tantôt ronds ou ovales, ou irréguliers. Dans ces foyers, les
cylindres-axes sont énormes, la myéline a disparu, les vaisseaux sont
dilatés, infiltrés, çà et là existent des petits foyers hémorrhagiques.
Altérations profondes des cellules nerveuses des cornes antérieures
et des colonnes de Clarke ; elles sont gonflées, granuleuses, vacuo-
laires, rondes ou ovales, ordinairement sans prolongements ni noyau.
Région dorsale inférieure. — Mêmes altérations. Dans les parois
— 411 —
épaissies des vaisseaux on trouve de nombreux capillaires néoformés
dont le nombre peut aller jusqu'à une dizaine.
Région lombaire supérieure. — Les altérations vasculaires de la pie-
mère sont ici très marquées. En un point de la partie latérale, on trouve
dans la pie-mère une grosse veine très épaissie, infiltrée et oblitérée,
qui déprime la moelle sans quô l'infiltration pénètre dans son intérieur
entre les tubes nerveux.
Dans la substance blanche, il n'y a presque pas de modifications,
quelques tubes nerveux seulement sont détruits à la périphérie de la
coupe et la névroglie est hyperplasiée.
Les cellules nerveuses sont encore profondément altérées.
Région lombaire moyenne. — Pie mère mince, légèrement infiltrée,
vaisseaux peu altérés, à part un certain nombre de veines oblitérées.
Racines saines. Dans la moelle, congestion peu prononcée, la plupart
des cellules et des tubes nerveux sont sains.
Dans une corne antérieure, il y a un amas de cellules lymphoïdes qui
semble correspondre à la coupe d'un vaisseau, mais le fait n'est pas
absolument certain.
Région lombaire inférieure. — Pie-mère légèrement infiltrée, vais-
seaux légèrement épaissis et infiltrés mais sans diminution de calibre.
Les parties périphériques de la moelle présentent une légère hyperplasie
de la névroglie. Les cellules nerveuses sont normales pour la plupart.
L'auteur insiste sur la faible intensité des lésions propres à la pie-
mère, l'absence de participation des prolongements pie-mériens dans
la moelle. Il fait ressortir l'importance des lésions vasculaires, en fai-
sant remarquer l'existence de la vascularisation secondaire. Enfin, il
considère la lésion médullaire comme un ramollissement anémique
consécutif aux altérations des vaisseaux.
Observation 126.
S. GOLDFLAM. Loc. cit. (obs. 'VIT), p. 55.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme, syphilis en 188^, à 49 ans. En 1885, dou-
leurs sacrées, faiblesse des jambes, puis paralysie déoeloppée pro-
gressivement, paralysie des sphincters. État en 1888 (11 mars) :
paraplégie complète avec participation des sphincters. Sensibilité
conservée, sauf pour la température. Réflexes rotuliens conservés.
Les jours suivanls aggravation, escarres, marasme, mort le
3 juin 1888.
Autopsie. — Cerveau sain, la moelle présente de nombreuses taches
de sclérose, surtout dans la région dorso-lombaire, pie-mère légère-
ment épaissie et trouble.
— 412 —
Examen microscopique. — Pie-mère épaissie, infiltrée, surtout autour
des vaisseaux. Altérations vasculaires énormes. Dans lanioelle, dégé-
nérescence ascendante du cordon de Goll, sclérose ynarginale dans
la région dorsale moyenne et inférieure. Moelle déformée et perte
de substance centrale à la région dorsale inférieure. Ramollissemen
dans la régioii lombaire supérieure. Nécrose des éléments nerveux,
sclérose névroglique. Racines médullaires du segment dorsal très
altérées.
Histoire clinique. — L..., 53 ans, entre à l'hôpital le 11 mars 1888.
Depuis trois ans, il souft're de douleurs dans la région sacrée. Progres-
sivement il s'est développé une faiblesse des jambes qui est allée j usqu'à
la paralysie complète. Depuis le début de l'affection, incontinence des
urines et des matières fécales.
Il y a quatre ans, infection sypiiilitique suivie de traitement.
Etat actuel. — Homme vigoureux, sans lésions des viscères. Paralysie
complète des jambes, sensibilité conservée sauf pour la température,
réflexes conservés.
Traitement mixte, bains, électrisation.
17 mars 1888. Apparition des symptômes de décubitus au niveau du
sacrum.
Le 22. Œdème des jambes, les plaies des pointes de feu ne se gué-
rissent pas.
Avril. Escarres aux malléoles externes, bulles remplies de sérosité à
la plante des pieds.
Le 13. Perte des réflexes rotuliens; la sensibilité disparaît au niveau
des pieds.
Mai. Légère amélioration, quelques mouvements reparaissent dans
les pieds.
Le 27. Aggravation ; les jours suivants, extension des escarres, abcès,
fièvre, marasme.
Mort le 3 juin 1888.
Autopsie. — Lésions du décubitus, etc. Aortite chronique, cœur gros,
poumons sans lésions tuberculeuses, néphrite.
Cerveau. — Pie-mère laiteuse, surtout à la convexité des hémisphères
petit foyer hémorrhagique de la pie-mère au niveau de la protubérance.
Artères de la base du cerveau épaissies. Substance cérébrale pàle, ven-
tricules dilatés, granulations épendymaires sur la paroi des ventricules
latéraux et du quatrième ventricule.
Moelle. — Liquide sous-arachnoïdien abondant. Pie-mère épaisse et
trouble, unie à la dure-mère par de nombreux tractus lâches. La sub-
stance médullaire est pâle. La moelle, un peu grêle dans la région dorsale
inférieure, est aplatie latéralement; dans la moitié gauche, on trouve
une cavité arrondie, large de 2 niillim. et haute de trois quarts de centi-
— 413 —
mètre qui semble formée surtout aux dépens de la corne postérieure
droite et est remplie de sang. La sui^stance médullaire présente une
coloration diffuse à cette hauteur, la consistance parait normale.
Examen microscopique après durcissement. Deuxième racine
cervicale. — Dégénération secondaire des cordons de Goll. Dégéné-
ration marginale du cordon latéral. Pie-mère mince, légèrement infil-
trée, vaisseaux sains, sauf l'artère spinale antérieure dont la membrane
interne est épaissie. Dans la substance grise, quelques petits foyers
hémorrliagiques. Beaucoup de cellules nerveuses ont perdu leurs pro-
longements et leur noyau.
Quatrième racine cervicale. — Même disposition des parties dégéné-
rées. Pie-mère mince, mais gros vaisseaux (artères et veines) présentant
un épaississement de la membrane interne. Beaucoup de veines ont une
lumière très rétrécie. Racines : épaississement de Tendonèvre, infiltra-
tion légère et épaississement modéré des parois vasculaires.
Huitième racine cervicale. — Pie-mère épaissie, infiltrée, prolonge-
ments intramédullaires importants. Vaisseaux épaissis, tunique adventice
infiltrée, cellules endothéliales multipliées, pénétrant dans la lumière
du vaisseau. Dans la moelle, dégénération marginale du cordon latéral
et sclérose prononcée des cordons de Goll. Espaces périvasculaires
remplis de cellules. Quelques corps amyloïdes. Nombreuses cellules
nerveuses, sans prolongements ni noyau, remplies de pigment.
Deuxième racine dorsale. — Même état de la pie-mère, vaisseaux,
artères surtout, avec une membrane interne épaissie, lumière très rétrécie,
en partie comblée par des cellules endothéliales. Atrophie partielle des
racines avec infiltration et altérations vasculaires. Dans la moelle, la dégé-
nération marginale s'étend en profondeur. Réseau aévroglique épaissi,
corps amyloïdes. Entre les parties très altérées et les parties saines, zone
de transition oii les tubes nerveux présentent des modifications variées,
depuis la destruction de la gaine de myéline, le gonflement du cylindre-axe,
jusqu'à la disparition complète de la fibre et la formation de corps granu-
leux. Cellules araignées hypertrophiées et multipliées. Cellules nerveuses
très altérées. Les parois des vaisseaux sont épaisses, légèrement fibreu-
ses, les espaces périvasculaires dilatés et remplis de petites cellules, de
corps amyloïdes et de corps granuleux. L'infiltration périvasculaire
s'étend un peu dans le tissu environnant.
Sur les coupes longitudinales, la névroglie forme, au niveau des cor-
dons de Goll, des faisceaux parallèles, et dans la sclérose marginale, un
réseau épais.
Cinquième racine dorsale. — Dégénérescence de presque tout le
cordon postérieur, sauf une petite bande contiguë aux cornes posté-
rieures. La dégénération marginale est toujours prononcée, surtout au
niveau des cordons latéraux. Le tissu médullaire (tubes et racines) et
les vaisseaux présentent les mêmes altérations que plus haut. De même
— 414 —
pour les racines. Dans les cordons postérieurs, la névroglie forme des
tourbillons analogues à ceux qu'ont signalés Dejerine et Letulle dans la
maladie de Friedreich (sclérose névroglique pure).
Septième racine dorsale. — La moelle est déformée, aplatie latéra-
lement du côté droit, la corne correspondante déjetée en dehors. Les
régions scléreuses occupent à peu près la même situation et les modi-
fications du tissu médullaire sont celles que nous avons indiquées. Petit
foyer hémorrhagique à la base de la corne antérieure gauche.
Dixième racine dorsale. — Moelle aplatie d'avant en arrière, cornes
postérieures écartées. Dans la partie postérieure de la moitié droite de
la moelle, il y a une perte de substance, elliptique, formée aux dépens de
la corne postérieure et limitée par un épaississement de la névroglie.
La dégénération marginale est moins large que plus haut. Les altérations
microscopiques du tissu sont celles que nous connaissons.
Région dorso-lombaire. — On voit ici comment le ramollissement
médullaire est sous la dépendance des altérations des vaisseaux de la
pie-mère. En rapport avec un épaississement énorme de la paroi de
l'artère spirale antérieure (épaississement surtout formé par la mem-
brane interne), et avec un rétrécissement excessif de la lumière du
vaisseau, on trouve des altérations très prononcées des cordons anté-
rieurs et des cornes antérieures. Les éléments nerveux sont nécrosés :
tubes nerveux détruits et remplacés par des corps granuleux, etc., cel-
lules nerveuses atrophiées, etc. Il existe quelques petits foyers hémor-
rhagiques dans la substance grise.
Région lombaire inférieure. — Lésions moins prononcées. L'endar-
tère de l'artère spinale antérieure est moins épais, la lumière du vais-
seau largement béante, les vaiseaux de la moelle sont moins altérés.
Cordons postérieurs presque intacts. Dégénération marginale légère.
Dans la substance grise, quelques petits foyers hémorrhagiques. Alté-
ration modérée des cellules nerveuses.
Racines presque absolument saines.
Dans l'aorte descendante, inflammation de la membrane interne.
Endartérite prononcée des branches de l'artère basilaire et de l'artère
cérébrale postérieure.
D'après l'auteur, les altérations de la moelle sont dues à deux causes.
L'épaississement de la pie-mère tient sous sa dépendance la dégéné-
ration marginale. D'autre part, la destruction des tubes, le ramollis-
sement, les petites hémorrhagies sont une conséquence des troubles
circulatoires résultant des lésions des vaisseaux.
CHAPITRE III
OBSERVATIONS CLINIQUES PERSONNELLES
Observation 127 (personnelle).
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. Décembre 1886, 19 ans : chancre,
accidents secondaires, traitement. Juin 1887, six mois après le
chancre faiblesse génitale. 29 juin, refroidissement; lourdeur des
jambes, troubles vêsicaux. l^i juillet, attaque de paraplégie, inconti-
nence des urines et des matières fécales. Amélioration. 22 juillet,
rapide recrudescence des symptômes, douleurs en ceinture, crises
rectales et vésicales. Traitement intensif. 1888 : après amélioration,
guérisonincomplète et persistance des symptômes à l'état chronique.
1892 : paraplégie spasmodique légère, troubles des sphincters, sensi-
bilité intacte.
Histoire clinique. — M. X..., 25 ans, étudiant.
Aiitécédents héréditaires. — Rien d'important à signaler, aïeul
maternel sujet aux rhumatismes, mère rhumatisante.
Antécédents personnels. — Aucune maladie sérieuse, sujet vigoureux.
1886. Décembre. A cette époque, M. X..., alors âgé de 19 ans, eut un
chancre induré de la verge. Cet accident fut bientôt suivi de manifes-
tations secondaires de la syphilis : roséole et plaques muqueuses dis-
crètes. Le traitement du début fut assez suivi, il prit en effet cent
pilules de protoiodure, quelques grammes d'iodure de potassium et
environ 1,000 grammes de sirop de Gibert.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — 1887. Vers le milieu du mois
de juin, six mois par conséquent après l'accident primitif, survint un
affaiblissement très marqué de la puissance virile, ce fut le premier
symptôme qui frappa le malade ; en même temps quelques douleurs
lombaires assez vagues se manifestèrent.
Le 29 juin, étant en sueur, le malade subit un refroidissement brusque
et, deux jours après, il éprouvait une recrudescence des douleurs lom-
baires, les jambes devenaient lourdes, engourdies, il semblait au malade
qu'à chaque membre inférieur un poids très lourd était attaché; néan-
moins, la marche était encore possible quoique assez pénible. La mic-
tion était très gênée, l'urine n'était émise qu'après de longs efforts,
goutte à goutte et en plusieurs reprises.
13 juillet. La faiblesse des jambes augmenta notablement, dans la
soirée, la marche était devenue très difficile, elle n'était même possible
qu'avec l'aide d'un camarade.
Le 14. Au matin, le malade, essayant de se lever, ne peut se tenir
S. 27
— 418 —
sur les jambes qui fléchissent sous lui, il tombe et ne peut se relever.
Il existe d'assez vives douleurs dans la région lombaire et sur le trajet
des nerfs intercostaux, mais pas dans les jambes au niveau desquelles
le malade n'éprouve qu'une sensation d'engourdissement.
Les sphincters sont totalement paralysés, l'urine s'écoule goutte à
goutte et les matières fécales ne peuvent être retenues. En même temps,
il existe une certaine obuubilation de l'intelligence, le malade ne se
rappelle pas très bien tous les détails des accidents qu'il a présentés à
cette époque, car il se trouvait dans un état semi-comateux.
Toutefois ce premier orage ne dura pas, au bout de quelques jours le
malade put se relever ; il se remit même sur pied avec une rapidité
surprenante, puisque à partir du 19 juillet il put sortir et subir, le 21, un
examen pour le baccalauréat. Il éprouvait cependant une grande difïï-
culté dans la marche et souffrait de douleurs lombaires ; l'incontinence
d'urine persistait.
Le 22. Comme conséquence peut-être des fatigues que le malade
avait supportées la veille, il survint une recrudescence des symptômes.
M. X... fut forcé dès lors de garder le lit et commença à suivre un trai-
tement régulier, ce qui n'avait pas encore été fait depuis le début des
symptômes médullaires. Le traitement spécifique fut institué et des
pointes de feu appliquées fréquemment sur la région rachidienne. Les
douleurs lombaires et intercostales étant assez vives, on usa également
de quelques vésicatoires volants. Vers le milieu du mois d'août, les
symptômes tendant à s'amender, le malade put se lever et commença
à faire quelques pas, puis de courtes promenades. Mais il existait toujours
une faiblesse extrême des jambes, la marche n'était possible qu'avec
deux cannes. L'urine et les matières fécales n'étaient retenues qu'à
graud'peine, les besoins étaient absolument impérieux.
Un fait qui mérite d'être signalé, c'est que, pendant que se déroulaient
des symptômes spinaux, il n'en existait pas moins des manifestations
de syphilis cutanée et le malade eut des taches sur la peau jusqu'au
mois de septembre.
Mi-septembre. Au retour d'une promenade, le malade éprouve brus-
quement dans la région vésicale une douleur excessivement vive qui
persiste près de six heures. Ce nouveau symptôme fut un des plus
pénibles que le malade ait ressentis. Ces crises vésicales furent
d'abord très rapprochées, puis ne se manifestèrent que tous les quinze
jours et s'espacèrent encore davantage dans la suite. Elles consistaient
en une sorte de ténesme avec faux besoin d'uriner et émission dou-
loureuse de quelques gouttes d'urine. Un phénomène analogue ne tarda
pas à se manifester au rectum. Les crises reotales toutefois étaient
moins violentes, le malade éprouvait la sensation d'un corps étranger
volumineux qui faisait office de dilatateur. Ce symptôme n'a pas disparu
aujourd'hui et il est très gênant, car outre la douleur qui en résulte,
— 419 —
le malade est dans l'inipossibilité absolue de retenir les gaz intestinaux.
1888. Avec cette année, commence ce que le malade appelle très jus-
tement sa période d'état statioiinaire. Les symptômes ne sont pas assez
accentués pour l'empêcher de participer à la vie commune. La marche
est assez difficile, les jambes sont raides, mais avec une canne il ne s'en
tire pas mal et peut sortir pour se livrer à ses occupations journalières.
II n'existe aucune douleur dans les jambes, seulement quelques dou-
leurs vagues dans les reins, mais surtout des crises vésicales et rec-
tales qui sont le symptôme le plus pénible. Toutefois, ces crises sont
moins fréquentes qu'au début, elles ne surviennent que tous les mois,
elles sont plus supportables bien que leur durée semble augmenter.
Les sphincters sont toujours très insuffisants; l'impuissance génitale
absolue.
Le traitement pendant cette année fut régulièrement suivi :
Pointes de feu trois l'ois par semaine. 2 gr. d'iodure par jour. Bains
sulfureux, un par .semaine. Faradisation ; deux séances par semaine.
En somme, à la fin de l'année, le malade bénéficiait d'une certaine
amélioration, surtout à l'égard du fonctionnement des jambes.
1889. Pendant les mois de janvier et de février, l'administration de
l'iodure est continuée, puis cessée au commencement de mars.
Mars et avril. Le malade essaie quelques séances de suspension. Il
éprouve pendant l'opération une sensation de bien-être dans les jambes,
puis à la suite aucune amélioration. Douches froides et bains alcalins.
De mai en septembre aucun traitement.
Septembre, octobre, novembre. 6 gr. d'iodure par jour.
Décembre. Aucun traitement.
1890. Janvier, février, mars. KL 6 gr. par jour.
D'avril en novembre, aucun traitement ; état stationnaire.
Novembre, décembre. Reprise du traitement et médication intensive.
Tous les trois jours on faisait au malade une injection hypodermique
d'un centimètre cube de la solution suivante :
Peptonate d'hydrargyre 50 centigr.
Eau 10 gr.
L'iodure de potassium est consommé à des doses excessives qui
atteignent jusqu'à 10 gr. par jour.
1891. Cessation du traitement pendant les trois premiers mois.
Avril, mai. Traitement intensif, accidents d'iodisme.
Juin, juillet. Séjour à La Malou. Amélioration sensible pendant la cure,
mais nullement persistante.
Août, septembre. Le malade laisse de côté les médicaments spécifi-
ques et prend des préparations ferrugineuses et de la noix de Kola.
1892. Depuis de nombreux mois, l'état du malade reste le même, les
deux symptômes dominants sont la raideur des jarnbes et l'incontinence
d'urine.
— 420 —
État actuel, septembre 1892. — Sujet vigoureux, de taille moyenne,
santé générale excellente.
Motilitè. — La face est intacte, les membres supérieurs également
à part une légère augmentation du réflexe olécrânien. Tous les phéno-
mènes sont localisés à, la moitié inférieure du corps.
Le malade étant assis, meut ses jambes assez facilement, mais les
mouvements sont gênés par une raideur qui oblige le malade à un effort
considérable pour l'exécution des différents mouvements. Cette gêne
se manifeste lorsqu'on demande au malade de croiser l'une de ses
cuisses sur l'autre pour l'étude des réflexes ; il exécute difficilement ce
mouvement, et est obligé de s'aider de ses mains. Cependant, ce n'est
pas la force musculaire qui manque, car le malade peut opposer une
résistance invincible dans les conditions ordinaires à un mouvement
de flexion communiquée. Il n'existe non plus aucune incoordination
motrice, mais une sorte de maladresse due à la contracture. Les réflexes
rotuliens sont très exagérés des deux côtés et l'on provoque facilement
le tremblement clonique du pied. Les réflexes cutanés sont également
très développés; une excitation un peu vive du tégument provoque un
mouvement brusque dans les jambes. Le malade a lui-même remarqué
ce phénomène : il a au pied un cor qui n'est pas très douloureux, mais,
lorsqu'un choc vient atteindre ce cor, bien que la douleur ne soit pas
très vive, elle détermine néanmoins un mouvement intempestif que le
malade ne peut réprimer.
Dans la station debout, les jambes sont rapprochées, les pieds paral-
lèles et non en équerre comme il est normal.
L'extension des deux membres n'est pas absolue, le membre inférieur
étendu ne forme pas une courbe à concavité antérieure, mais il existe
une très légère flexion de la jambe. Pas de signe de Romberg. La force
est considérable, et l'on peut se suspendre aux épaules du malade sans
faire fléchir ses jambes.
La marche est possible sans canne, elle peut se prolonger un temps
très long, mais le sujet se fatigue cependant plus vite qu'un individu
sain. Les pas sont courts, les genoux frottent l'un contre l'autre. La
trace des pas, au lieu de faire avec la ligne de direction un angle ouvert
en avant, est parallèle à cette ligne ou même forme un angle ouvert en
arrière. En effet, la pointe du pied tend à se porter en dedans en même
temps qu'elle est abaissée. A chaque pas, la pointe du pied frôle le sol
et le bout de la semelle s'use rapidement; c'est pour cette raison que le
malade marche plus facilement avec des chaussures à talon haut. Le
sujet marche à petits pas en exagérant le soulèvement du corps et en
imprimant à son bassin un léger mouvement de rotation pour permettre
au pied qui est en arrière de se porter en avant. Toutes ces particula-
rités modifient l'allure et lui donnent un caractère spécial.
La course est naturellement très gênée; si le sujet veut accélérer
— 421 —
l'allure de son pas, les enjambées deviennent de plus en plus courtes et
les jambes s'embarrassent.
Seyisibililé, phénomènes subjectifs. — Nous avons signalé les dou- '
leurs lombaires du début, elles ont aujourd'hui à peu près complètement
disparu. Le malade n'a jamais éprouvé de véritables douleurs dans les
jambes, il a simplement ressenti au début une sorte d'engourdissement
qui se confondait avec le sentiment de lourdeur qui existait en même
temps.
Depuis un an environ, le malade a une céphalalgie frontale persis-
tante, plutôt diurne que nocturne.
Les crises vésicales sont actuellement très rares ainsi que les douleurs
rectales, et très supportables.
Sensibilité objective. — Il n'existe pour ainsi dire pas de modifica-
tions de la sensibilité objective, le sujet perçoit le moindre contact,
apprécie très exactement les variations de température des corps que
l'on applique sur les téguments. Il semblerait présenter un certain
degré d'hyperesthésie au chatouillement et à la douleur, à cause de
l'exagération des réflexes qui provoquent ces excitations ; mais ce phé-
nomène traduit tout simplement une augmentation de la réflectivité
médullaire et non une exaltation de la perception.
La pression sur les apophyses épineuses de la colonne vertébrale est
douloureuse dans la portion dorsale moyenne. Cette zone s'étend du
niveau correspondant à l'angle interne de l'omoplate jusqu'à G centim.
au-dessous. De plus, l'apophyse mastoïde droite est douloureuse à la
pression, il semble exister en ce point un léger degré de périostite.
Troubles des sphincters. — Les besoins d'uriner sont fréquents et
impérieux, le malade se plaint même de ne pas toujours percevoir très
nettement ce besoin et de perdre ses urines. Chaque fois qu'il fait un
effort, ou, si étant assis, lise lève un peu brusquement, quelques gouttes
d'urine s'écoulent, en sorte que le malade est presque constamment
mouillé. Les matières fécales sont assez bien retenues, il n'en est pas
de même des gaz intestinaux qui s'échappent contre le gré du malade.
Le sens génital est extrêmement troublé dans son fonctionnement.
Dans les premières périodes de l'affection, les érections étaient suppri-
mées, et dans les tentatives de coït, l'éjaculation était remplacée par un
gonflement douloureux du gland et de la verge. Actuellement, il existe
bien des érections, mais le malade les déclare inutilisables ; ou bien,
l'éjaculation survient accompagnée d'une sensation anormale extrême-
ment vive et la verge restant flaccide.
Il n'existe ni troubles trophiques cutanés ni atrophie musculaire, les
urines sont claires. L'état général est excellent, l'examen des différents
appareils n'indique aucune lésion viscérale.
— 422 —
Observation 128 (personnelle). (Malade observé dans le service de
M. Dujardin-Beaumetz, à l'hôpital Cochin, puis dans le service de
M. le professeur Debove à l'hôpital Andral.)
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. En 1880 à 28 ans, chancre, accidents
secondaires, traitement insufftsant. Mai 1801, onze ans après le
chancre : céphalalgie, douleurs lombaires, engourdissement, lour-
deur des jambes. Septembre, même accident suivi de persistance
de phénomènes parétiques. État 1892. Paraplégie spasmodique
de moyenne inlejisité, troubles vésicaux, sensibilité intacte.
1893 : même état.
Histoire clinique. — Edouard Del ajusteur mécanicien, âgé de
40 ans, entré le 3 inai_1892, dans le service de M. Dujardin-Beaumetz à
l'hôpital Cochin.
Antécédents héréditaires. — Père mort à l'âge de 45 ans, d'accidents
palustres (?) Mère vivante bien portante, âgée de 58 ans. Fils unique.
Antécédents personnels. — N'a jamais été malade dans son enfance ;
à 14 ans, il devient apprenti mécanicien, puis soldat de 21 ans à 24 ans.
Il était très vigoureux. Reste célibataire.
En 1880, à l'âge de 28 ans, chancre syphilitique suivi d'une roséole
caractéristique et de plaques muqueuses. Le malade fut traité pendant
deux mois à deux mois et demi par des pilules de protoiodure et du
sirop de Gibert. Ce fut le seul traitement du début.
En 1882, 30 ans. Syphilides cutanées, éruption de boutons sur tout le
corps. Le malade prit à cette époque un « sirop dépuratif « pendant
un mois. Ce furent les seuls accideats que le malade éprouva dans les
premières années qui suivirent l'infection syphilitique.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Au mois de mai 1891, à l'âge
de 39 ans, ofize ans après le chancre, il éprouva quelques maux de tête,
des vertiges pas&agei's, en même temps que quelques sensations péni-
bles dans la région lombaire. 11 éprouvait également de temps à autre,
une sorte d'engourdissement dans les jambes qui lui semblaient plus
sensibles au froid que de coutume, il chercha même à combattre cette
mpression en portant des caleçons de tlanelle. Tous ces symptômes
étaient assez légers ot le malade continuait de travailler. Certain s jours,
il éprouvait un peu plus de fatigue que de coutume, ses jambes étaient
un peu moins souples sans être raides, enfin le soir il ressentait quelques
crampes, mais il n'a noté à cette époque aucun trouble des fonctions
urinaires.
Cet état se prolongea pendant quelques mois, il était assez peu grave
pour queje malade ne songeât pas à se soigner.
Au mois d'à )ût, trois mois environ après le début des symptômes que
nous venons de signaler, il se produisit un phénomène important.
— 423 —
Depuis plusieurs jours, le sujet avait eu un surcroît de besogne ; le
travail pressant un peu dans la fabrique où il était employé, il avait fait
« des heures en plus », et il se sentait assez fatigué, lorsque, un matin,
en sortant de l'atelier pour aller déjeuner, il éprouva tout à coup dans
les reins une sensation de refroidissement, il fut pris à ce moment d'un
tremblement généralisé et ses jambes fléchirent sous lui.
Il vacillait et allait tomber sans l'aide de ses camarades qui l'accom-
pagnaient. Ceux-ci le maintinrent et le firent asseoir. Au bout de quel-
ques instants, il put se relever, mais il se traînait avec peine et se
sentait « éreinté ». Il dut rentrer chez lui et se reposer le reste de la
journée. Le lendemain il reprit son travail, mais ses jambes étaient
faibles et la fatigue survenait rapidement. Un mois plus tard, il eut une
nouvelle attaque de paraplégie qui survint à peu près dans les mêmes
circonstances. Le soir, en revenant de l'atelier, ses jambes faiblirent
sous lui tout à coup, il dut s'asseoir et ne put rentrer chez lui que sou-
tenu par plusieurs personnes.
Néanmoins, les jours suivants, le malade n'était pas complètement
paraplégique, il pouvait encore marcher, mais en traînant les jambes
et avec une canne.
A partir de ce moment, le malade souffre de la constipation, il n'a pas
de rétention ni d'incontinence d'urine, mais il éprouve une longue hési-
tation dans la miction. La sensation pénible que le malade ressentait à
la région lombaire devint plus vive dans les premiers mois qui suivirent
son attaque de paraplégie, c'était une douleur continue, sourde, con-
tusive, il s'y joignait un sentiment de constriction en ceinture. Ces
symptômes douloureux s'exagéraient lorsque le malade, étant assis,
faisait un effort pour se relever. Cependant la raideur des jambes aug-
mentait, c'était elle, plutôt que la faiblesse, qui gênait le malade; les
membres inférieurs tendaient à se fléchir légèrement, le malade ne
pouvait les étendre complètement, et lorsqu'il faisait effort pour y arri-
ver, ses jambes étaient prises de tremblement.
Dans ces conditions, le travail journalier était impossible, le malade
reste chez lui, il prend 2 grammes d'iodure par jour et quelques
bains sulfureux.
Au mois de décembre 1891, il entre à l'hôpital Laennec dans le service
du professeur Bail. On le traite par l'iodure, 4 grammes par jour, des
frictions mercurielles, des pointes de feu sur la colonne vertébrale et
des bains sulfureux. Le malade dit avoir éprouvé une certaine amélio-
ration pendant son séjour à l'hôpital, où il reste jusqu'à la fin d'août 1892.
Il entre le 3 mai à l'hôpital Cochin dans le service de M. Dujardin-
Beaumetz.
État actuel. Mai 1892. — Le malade est un sujet de haute stature et
bien constitué. L'état général est excellent, l'examen des viscères ne
permet de relever aucune altération. Le malade se plaint seulement
— 424 —
d'avoir les jambes raides et d'être fort gêné dans la marche. Il n'existe
pas de troubles céphaliques, ni rien d'anormal dans les yeux ni les mus-
cles de la face. Les fonctions des membres supérieurs sont absolument
intactes. Tous les symptômes sont localisés aux membres inférieurs.
Motilité. — Le malade a la démarche typique d'un sujet atteint de
paraplégie spasmodique. Il s'appuie sur une canne, les jambes sont légè-
rement fléchies et la pointe du pied ne peut être complètement détachée
du sol sur lequel elle traîne. Les jambes frottent l'une contre l'autre,
les pas sont courts et croisés. Le dandinement du tronc qui accompagne
chaque pas traduit l'effort que fait le malade pour porter la jambe en
avant. La partie antérieure de la semelle des chaussures est complète-
ment usée.
Cette raideur des jambes et l'effort que nécessite la marche amènent
une prompte fatigue et s'opposent à toute allure un peu vive. Si le
malade essayait de courir, les jambes s'embarrasseraient et il tomberait.
Cet accident lui est d'ailleurs arrivé plusieurs fois. Il n'existe d'autre
part aucune incoordination motrice, ni signe de Romberg. Le malade
étant assis ne peut croiser une jambe sur l'autre sans le secours de ses
mains. Dans cette situation, ou constate une exagération très marquée
du réflexe patellaire des deux côtés et la trépidation clonique du pied
s'obtient facilement.
Au lit, le sujet éprouve une certaine difficulté à soulever ses jambes,
il ne peut le faire qu'avec lenteur. Toutefois, la force musculaire est
pour ainsi dire intacte, car lorsque le malade maintient ses jambes dans
l'extension, on ne peut les fléchir avec les moyens ordinaires.
Sensibilité. — Les douleurs de reins ont diminué depuis quelque
temps, le malade n'a jamais eu de douleurs dans les jambes, actuelle-
ment il sent parfaitement le sol sur lequel il marche et ne présente
aucun trouble de la sensibilité objective. Il existe une certaine difficulté
de la miction, des envies impérieuses et une tendance à la constipation.
Pendant dix mois le malade fut traité à l'hôpital Cochin par l'iodure,
les pointes de feu sur la colonne vertébrale et les bains sulfureux, sans
qu'on ait pu noter la moindre modification dans son état.
En mars 1893, il entre à l'Iiôpital Andral, dans le service de M. Debove.
Les symptômes sont les mêmes, les douleurs lombaires ont complète-
ment disparu. En somme, après deux attaques brusques de paraplégie,
le malade est resté frappé d'une paraplégie spasmodique de moyenne
intensité.
Le processus d'altération médullaire est aujourd'hui arrêté dans sa
progression, mais la lésion produite n'en persiste pas moins et le malade
est atteint d'une affection vraisemblablement incurable.
Mars 1894. — Même état.
— 425 —
Observation 129 (personnelle). — Recueillie dans le service de
M. Dejerine, à l'hospice de Bicêtre.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme, fin 1885, 22 ans, chancre. Mars 1891,
cinq ans et demi après le chancre, troubles urinaires. Mai, fai-
blesse et raideur des jambes. En juin, établissement d'une paraplé-
gie développée en quelques jours. Cystite, décubitus, infection
urineuse. Mort le 22 août. Pas d'autopsie.
Histoire clinique. — Théodore G..., employé, âgé de 28 ans, entré
le 6 août 1891 à l'infirmerie de l'hospice de Bicêtre, dans le service de
M. Dejerine.
Nous ne trouvons rien de particulier à signaler dans les antécédents,
sinon que, à la fin de l'année 1885, le sujet alors âgé de 22 ans eut un
chancre à la verge. Cet accident fut suivi d'une roséole et de plaques
muqueuses. Il n'a pas été noté dans l'observation si le malade a suivi un
traitement rigoureu.x. au début de sa maladie.
Quoi qu'il en soit, au mois de mars 1891, cinq ans et demi envi-
ron après l'accident primaire, le sujet éprouve quelques troubles
vésicaux, il avait de fréquents besoins, d'autres fois il éprouvait de la
difficulté à uriner. Toutefois ces symptômes étaient légers, si bien que,
au printemps de cette même année, le malade put accomplir comme
réserviste une période d'exercices de vingt-huit jours.
En rentrant du régiment, au mois de mai, il éprouva quelques fai-
blesses dans les jambes avec engourdissement et de lourdeur, en même
temps que les troubles des sphincters s'accentuaient.
Au mois de juin, les symptômes paralytiques atteignirent en quelques
jours un tel degré d'intensité que le malade dut prendre le lit. Il se
manifesta des symptômes de cystite pour lesquels il entra dans le ser-
vice de M. le professeur Guyon à l'hôpital Necker.
DeNecker.le sujet fut transportée l'hospice de Bicêtre et nous avons
constaté à son entrée Tétat suivant.
Etat actuel, 6 août. — Il existe une très grande raideur des jambes
qui rend très difficiles les mouvements spontanés et oppose une vive
résistance aux mouvements communiqués.
Les réflexes rotuliens sont très exagérés.
Le malade peut encore se tenir sur ses jambes et faire même quel-
ques pas, mais il n'y arrive qu'avec peine, les jambes ont tendance à
se croiser, les pointes des pieds ne quittent pas le sol sur lequel elles
frottent.
Le malade se plaint de vives douleurs lombaires, mais ne présente
pas de troubles de la sensibilité objective.
Les urines s'écoulent malgré la volonté du malade, elles sont troubles,
— 426 —
fétides. Le sujet est atteint d'une cystite grave et présente tous les
signes d'une infection urineuse, température dépassant 40», insomnie,
agitation légère, langue sèche et rouge sur les bords.
Pendant les jours qui suivirent, Tétat général ne fit qu'empirer, la
fièvre prit le type rémittent à grandes oscillations.
Le 14 août, on constatait l'état suivant.
L'état spasmodique des membres inférieurs est beaucoup atténué et
a fait place à une paralysie presque complète et flasque. Le malade ne
peut plus lever les jambes au-dessus du plan du lit. Si on lui demande
de soulever les membres inférieurs, il traîne le talon sur le lit et peut à
peine esquisser la flexion de la jambe. Les réflexes rotuliens se mani-
festent encore, mais ils sont beaucoup moins accusés qu'au jour de l'en-
trée du malade.
L'insuffisance du sphincter vésical persiste et les urines sont déplus
en plus altérées.
Une escarre sacrée s'est développée.
L'état général est très affaibli. La sensibilité est toujours à peu près
conservée.
Le malade succomba le 22 août aux progrès de l'infection urineuse.
Il ne nous fut pas possible de vaincre la résistance de la famille qui
s'opposa à Tautopsie.
Observation 130 (personnelle). — Recueillie dans le service de
M. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme : Syphilis à 19 ans, en 186k. 1868, 23 ans ;
phénomènes prémonitoires : incontinence passagère d'urine, effon-
dreynent des jambes, douleurs rachidiennes. 10 jours après, para-
plégie brusque, douleurs en ceinture. Séjour au lit pendant dix
mois, amélioration progressive jusqu'au dix-huitième mois, puis,
état stalionnaire. État actuel, 1800 : paraplégie spasmodique intense,
troubles légers de la sensibilité, incontinence d'urine. 1893, même
état.
Histoire clinique. — Laf., 48 ans. AThospice de Bicêtre depuis 1871.
Antécédents héréditaires. — Père mort de la poitrine à 47 ans,
mère morte à 74 ans à la suite d'une chute. La grand'mère maternelle
a été hémiplégique pendant vingt ans. Deux frères bien portants.
Antécédents personnels. — Rougeole dans l'enfance, pas de rhu-
matismes.
Dans l'adolescence, quelques excès de vin, léger degré d'alcoolisme;
pituites matinales, cauchemars la nuit.
A l'âge de 19 ans, en 1864, il eut des chancres qui furent diagnos-
tiqués infectants à l'hôpital du Midi. A la suite, accidents secondaires
dans la gorge, qui ont traîné six mois. Pas de traitement.
— 427 —
A l'âge de 20 ans, chute grave. Le malade, qui était couvreur, tombe
du deuxième étage ; à la hauteur du premier, il heurte un écliafau-
dage, il s'y accroche d'abord, mais ne peut s'y retenir et arrive sur le
sol les pieds les premiers, puis tombe à la renverse. Cet accident n'eut
pas de suites bien graves, le malade put marcher le reste de la journée,
mais la courbature l'obligea à prendre un repos de huit jours.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — En 1868, à l'âge de 23 ans,
il éprouva un jour de la difficulté à uriner, et constata bientôt après
qu'il urinait malgré lui. Quelques jours après, ce fut un autre symp-
tôme : il l'ut pris en travaillant d'une sorte de commotion vive dans le
jarret qui fléchit brusquement ; il crut d'abord qu'un camarade l'avait
frappé par derrière. Huit ou dix jours après l'apparition de ces acci-
dents, il ressentit dans les reins une douleur intense. Le lendemain
matin, il prit une purgation, alla à la selle, se recoucha, se rendormit
et quand, quelques heures après, il se réveilla, il était paralysé des
jambes.
La marche et la station debout étaient impossibles, le malade resta
confiné au lit pendant dix mois, complètement paraplégique d'abord et
perdant ses urines. L'amélioration se produisit lentement. Au bout de
dix mois, il put commencer à se lever et à se tenir sur ses jambes avec
un solide appui, mais ce n'est qu'au bout de dix-huit mois qu'il parvint
à marcher avec deux cannes. C'est alors qu'il remar(iua surtout la rai-
deur extrême dont ses jambes étaient le siège.
Depuis cette époque, l'état du malade est resté absolument station-
naire.
Dès le début de la paralysie, le malade ressentit dans les membres
inférieurs des douleurs vives, assez brusques, d'un caractère presque
fulgurant, siégeant dans les cuisses, les molleis et la verge. Leur acuité
n'est pas trè.s forte, mais leur fréquence très grande. Certains jours, il
aurait pu compter une centaine de crises, qui s'accompagnaient de
secousses dans les jambes et même dans les muscles de la moitié infé-
rieure du tronc. De temps en temps, mais beaucoup plus rarement, il
existait des douleurs en ceinture à la hauteur delà région lombaire. Ces
phénomènes douloureux ont beaucoup dimin ué dans la suite.
Anaphrodisie à peu près complète depuis le début de l'affection.
État actuel, 1890. — Malade âgé de 45 ans. Homme de constitution
vigoureuse, maigre, mais assez bien musclé, sans atrophie musculaire.
Paraplégie spasmodique. Le malade marche en traînant les jambes
sur le sol, surtout du côté droit. A gauche, le malade parvient à élever
la pointe du pied et à éviter de frôler le sol avec les orteils, ce qu'il ne
peut faire avec le pied droit.
Il existe un état de contracture permanente très prononcé ; le
malade étant assis ou couché, le moindre mouvement volontaire ou
passif détermine une rigidité telle qu'il est impossible de se rendre
compte de la force musculaire des membres inférieurs.
— 428 —
Cependant cet état de contracture intense diminue quelquefois, dans
certaines conditions, lorsque la volonté du malade cessed'intervenir, ou
quand les mouvements communiqués ne sont pas trop brusques. On
peut alors, dans ces conditions, constater une certaine diminution de la
force musculaire, sans qu'il soit possible d'apprécier exactement jusqu'à
quel degré, car cet état de contracture légère fait place immédiate-
ment à une rigidité intense lorsqu'on ordonne au malade de résister au
mouvement passif.
Les réflexes tendineux des membres inférieurs sont très exagérés.
La percussion du tendon rotulien détermine un tremblement de tout le
membre et une exagération de la contracture, qui maintient la jambe
en extension.
Le phénomène du pied est difTicile à obtenir à cause de l'intensité de
la raideur qui maintient le pied en position équine.
Sensibilité. — La sensibilité tactile est diminuée dans la partie infé-
rieure du corps, jusqu'à environ cinq centimètres au-dessous d'une
ligne horizontale passant par le mamelon, en avant et en arrière ; il
semble au malade qu'on le touche à travers un caleçon ou un maillot.
La perception douloureuse est au contraire plus exquise dans les
membres inférieurs que dans les membres supérieurs et la moitié supé-
rieure du tronc. Il existe une zone circulaire, haute de cinq travers de
doigt environ, au niveau de l'ombilic, dans laquelle la sensibilité à la
douleur est au contraire un peu diminuée.
L'appréciation de la température est très altérée dans les membres
inférieurs. Le contact d'un objet en métal froid détermine les sensations
suivantes sur les jambes et sur les cuisses: d'abord une sensation de
chaleur désagréable, presque un sentiment de brûlure, ce n'est qu'au
bout de quatre à cinq secondes que la sensation de froid apparaît. A
partir de la racine des membres inférieurs, cette perversion de la sensi-
bilité au froid disparait peu à peu.
Un flacon rempli d'eau à 50° environ étant appliqué sur les diffé-
rentes parties des membres inférieurs, la sensation de chaleur n'est
provoquée qu'au bout de plusieurs secondes, et elle est très amoin-
drie en comparaison de la finesse de perception au niveau des membres
supérieurs. Le retard dans la transmission et la diminution dans la
perception qualitative s'atténuent dans la racine des membres inférieurs
et disparaissent dans la moitié inférieure de l'abdomen. Le retard dans
la transmission n'existe que pour la perception de la température, il
fait complètement défaut pour le tact et pour la douleur.
Le sens musculaire et la notion de position des membres sont
normaux.
Actuellement, il n'existe pas de douleurs spontanées, le malade se
plaint seulement d'un sentiment d'engourdissement dans les jambes.
Le réflexe crémastérien a disparu.
— 429 —
Le chatouillement de la plante du pied détermine une exagération de
la contracture dans les membres inférieurs.
Sphincters. — Incontinence des urines, le malade ne perd pas ses
urines continuellement, mais elles s'échappent par instants contre sa
volonté. Constipation.
Dans les membres supérieurs et dans la sphère des nerfs crâniens,
on ne note aucun symptôme anormal. Réflexes iriens normaux.
État actuel, mars 1893. — Le malade, examiné de nouveau, se trouve
absolument dans le même état; ce qui frappe surtout, c'est l'extrême
intensité de la contracture développée dans les membres inférieurs.
Dans l'acte de la marche, les pieds sont collés au sol, à la surface
duquel ils décrivent un léger arc de cercle à chaque pas. Lorsque le
malade allonge les jambes, le mouvement d'extension s'exagère, il
gagne tous les segments du membre, la position équine du pied s'ac-
centue et tout mouvement antagoniste est pour un certain temps
devenu impossible.
En somme, depuis vingt-trois ans, l'état est resté absolument sta-
tionnaire.
Observation 131 (personnelle). — Recueillie dans le service de
M. Dejerine, à l'hospice de Bicêtre.
RÉSUMÉ. — Homme, chancre syphilitique à 37 ans, traitement insuf-
fisant. En septembre 1880, apparition des symptômes prémoni-
toires d'une affectio7i médullaire : troubles vésicaux, lourdeur des
jambes, etc., qui durent trois mois. En décembre 1881 : paraplégie
brusque; si.x mois de séjour au lit, puis amélioration, marche pos-
sible. Persistance d'une paraplégie spasmodique avec troubles des
sphincters sans modification jusqu'à l'époque actuelle (1893).
Histoire clinique. — M..., tailleur, âgé de 49 ans, entré le 1«'' mars
1891, dans le service de M. Dejerine à l'hospice de Bicêtre.
Antécédents héréditaires. — Insignifiants.
Antécédents personnels. — Le malade ne présente aucune particu-
larité intéressante dans ses antécédents, il ne s'est pas marié, n'a
jamais souffert d'aucune maladie grave.
En 1879, à l'âge de 37 ans, il eut à la verge un chancre accompagné
d'une induration locale très nette, et d'un engorgement ganglionnaire
inguinal. A la suite, il eut une éruption de syphilides papulo-squameuses
sur tout le corps et des plaques muqueuses dans la bouche. Le traite-
ment à cette époque fut pour ainsi dire nul; le malade a pris quelques
pilules dont il ignorait la composition et pendant un petit nombre de
jours seulemer^t.
Maladie actuelle. Commémorai ifs. — Au mois de septembre 1880,
— 430 —
juste un an après l'infection, le malade remarqua que les besoins d'uri-
ner devenaient plus fréquents ; ils furent bientôt impérieux si bien que,
lorsqu'il ne les satisfaisait pas à bref délai, la miction s'opérait en
dehors de sa volonté. Presque simultanément il sentit que son membre
inférieur gauche devenait lourd et était le siège de picotements. La
jambe droite fut bientôt prise de phénomènes analogues, quoique plus
légers. Néanmoins tous ces symptômes étaient assez légers pour que le
malade pût continuer à marcher et à se livrer à ses occupations journa-
lières. Cet état durait depuis trois mois environ avec une faible accen-
tuation progressive, lorsque, au mois de décembre, il survint une para-
plégie brusque sans douleur dans l'espace d'une nuit.
Le malade fut alors transporté à l'hôpital Beaujon dans le service de
M. Millard. La paraplégie était absolue, mais le malade ne se souvient
pas s'il existait en même temps une anesthésie correspondante, en tous
cas il n'a souffert à cette époque d'aucune douleur vive. Pendant les cinq
ou six premiers mois, le malade ne put quitter son lit, puis peu à peu,
sous l'influence d'un traitement énergique (pointes de feu, Kl dont le
malade prenait jusqu'à 8 gr. par jour), l'amélioration se produisit, et la
marche redevint possible.
En juin 1881, il fut envoyé aux eaux de Bagnères-de-Luchon.
Au mois d'octobre 1881, le malade entra dans le service de Damas-
chino à Laennec, où il resta quatre ans. Pendant tout ce temps, il fut
soumis à un traitement régulier, mais son état ne subit aucune modifi-
cation. Le malade nous dit qu'il marchait comme actuellement, c'est-à-
dire avec deux cannes, que ses jambes étaient raides tandis que ses
bras ont toujours été absolument indemnes. Ses reins étaient faibles
et lorsqu'il voulait s'asseoir, il se laissait tomber plutôt qu'il ne s'as-
seyait. Il avait également de la difficulté à se relever.
Au sortir de l'hôpital Laennec, à la fin de l'année 1885, le malade qui
pouvait marcher avec deux cannes et dont les bras étaient valides,
reprit son ancien métier de tailleur. Il vécut ainsi pendant plusieurs
années assez misérablement, tantôt livré à ses propres ressources, tan-
tôt séjournant pendant quelque temps à l'hôpital ; il obtint enfin son
admission à l'hospice de Bicêtre.
État actuel, mars 1891. — Le malade marche avec deux cannes et
traîne les pieds à la surface du sol ; il peut à peine soulever ses pieds et
ne peut non plus étendre complètement les jambes qui, dans la station
debout, présentent toujours un certain degré de flexion. Dans ces con-
ditions, la station verticale est possible sans appui pourvu que le
malade n'essaye pas de faire un mouvement avec les jambes ; il conserve
l'équilibre après l'occlusion des paupières.
Dans la marche, les pieds butent contre les moindres saillies et les
chaussures sont très usées à la partie antérieure de la semelle.
Lorsque le malade est assis, la contracture en flexion s'exagère, les
— 431 —
jambes ue se mettent toutefois pas facilemeut à angle droit ainsi qu'il
est naturel dans cette position, il doit faire de grands efforts pour les y
placer et il lui est encore plus difficile de les allonger complètement.
La raideur est très prononcée, mais la force musculaire très déve-
loppée.
Les réflexes rotuiiens sont très exagérés des deux côtés.
La sensiblité paraît intacte dans tous ses modes.
Envies impérieuses d'uriner et mictions involontaires si le malade ne
peut satisfaire immédiatement ce besoin. On institue dès cette époque
un traitement suivi par l'iodure de potassium et le malade est envoyé
dans les divisions de chroniques.
État actuel, avril 1893. — A un nouvel examen, le malade présente
l'état suivant :
Motilité. — L'état des membres inférieurs est toujours le même.
Etat assis, le malade ne peut croiser une jambe sur l'autre qu'au prix
de grands efforts et en s'aidant de ses mains. Les jambes ne peuvent
être allongées complètement et lorsqu'elles sont dans cette situation
d'extension incomplète, le malade éprouve de grandes difficultés à
rapprocher ses pieds de la chaise. En somme, tous les mouvements des
ziiembres inférieurs s'accompagnent d'une raideur extrême. Cette con-
tracture latente ne cesse d'ailleurs jamais complètement et, si on
ordonne au malade de se laisser aller en s'abandonnant absolument,
on éprouve une extrême résistance dans les mouvements communiqués.
La force musculaire parait d'ailleurs intacte; si l'on dit au malade de
s'opposer aux mouvements imprimés à ses jambes, il résiste avec
énergie et efficacement.
Les réflexes rotuiiens sont excessivement exagérés, le clonus du pied
s'obtient facilement des deux côtés ; les mouvements spasmodiques
réflexes se produisent du reste spontanément, le malade éprouve fré-
quemment des secousses dans les jambes et si la pointe du pied est
posée seule à terre, la jambe est prise de trémulation.
Dans la station verticale, le malade garde l'équilibre même les yeux
fermés et peut supporter un poids considérable, mais l'équilibre dispa-
raît si on le pousse ou s'il veut se servir de ses jambes, car alors la rai-
deur se développe et entrave les mouvements.
Dans l'acte de la marche, qui n'est possible qu'avec le secours d'au
moins une canne, la raideur atteint son maximum, les pieds pressent
sur le sol dont ils ne peuvent se détacher, les genoux frottent l'un
contre l'autre et le malade penché en avant, traîne les pieds et accroche
les moindres aspérités du sol.
Il existe de plus une certaine faiblesse dans les muscles lombaires;
la raideur est bien le phénomène qui gêne le plus le malade lorsqu'il
veut s'asseoir et qui l'empêche de se lever librement; niais, lorsqu'il
est assis, il se maintient dans cette position assez faiblement et oscille
facilement à droite ou à gauche lorsqu'on le pousse.
— 432 —
Sensibilité. — Le malade n'a jamais ressenti de vives douleurs, il a
seulement éprouvé, dans les premiers temps de sa maladie, une sensa-
tion pénible de pesanteur dans les lombes et des fourmillements ou des
picotements dans les jambes. Actuellement, les jambes sont un peu
engourdies, mais il n'y a pas de douleurs.
La sensibilité objective est intacte sauf une certaine diminution dans
la finesse de la perception tactile.
Sphincters. — La tendance à la constipation est légère, mais les
troubles vésicaux occupent toujours une place importante : mictions
impérieuses et involontaires à l'occasion.
Troubles trophicp.ies . — Dans la période d'acuité de son affection, le
malade a eu dans la région sacrée des excoriations qui ont guéri dans
la suite. Aujourd'hui il n'existe pas de troubles trophiques cutanés ni
d'atrophie musculaire notables.
Les membres supérieurs sont absolument intacts ainsi que le domaine
des nerfs crâniens. L'intelligence est normale ; l'état général satisfai-
sant.
Observation 132 (personnelle). — Recueillie dans le service
de M. Dejerine.
Résumé clinique. — Homme. Février 1887,26 ans, chancre. Accidents
secondaires, traitement insuffisant. Septembre 1888, vingtième
mois, douleur rachidienne, faiblesse de la jambe droite développée
rapidement, troubles des sphincters. Mars 1889, jambe gauche prise ;
aggravation progressive des symptômes de paraplégie spasmodique.
Amélioration légère, puis état stationnaire. État en mars 1893:
paraplégie spasmodique de moyenne intensité, sensibilité intacte
troubles des sphincters.
Histoire clinique. — Amédée Bail..., cocher, âgé de 22 ans. Hospice
de Bicêtre.
Antécédents héréditaires. ■ — Père et mère encore vivants en bonne
santé. Quatre frères et une sœur bien portants. Un frère mort du
croup.
Antécédents personnels. — Le sujet n'a gardé le souvenir d'aucune
maladie grave dans son enfance. Il travailla aux champs jusqu'à l'âge
de 21 ans ; il n'était pas buveur. De 21 ans à 23 ans, soldat ; pendant
" son service, il prend les oreillons sans complications testiculaires. Au
retour du régiment, il entre comme cocher dans une maison bourgeoise.
En février 1887, àl'âge de 25 ans, chancre induré du prépuce du côté
gauche. A la suite, roséole, plaques muqueuses. Ces accidents cutanés
ont persisté jusqu'au dix-huitième mois après le chancre, puis ont dis-
paru et ne se sont jamais reproduits.
Le malade n'a jamais suivi de traitement sérieux, il a pris seulement
— 433 —
une petite quantité d'iodure de potassium et de sirop de Gibert après
l'apparition de Ja roséole, mais très irrégulièrement.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Le 11 septembre 1888, 19 mois
après le chancre, il menait, à six heures, du matin ses chevaux chez le
maréchal-ferrant, lorsqu'il éprouva un sentiment de refroidissement
général avec des frissons. Lorsqu'il rentra, une heure après, il sentit
sa jambe droite devenir lourde, il put cependant marcher dans l'après-
midi mais en traînant la jambe. Dans cette même journée, il commença
à ressentir une douleur sourde dans la région dorso-lombaire, un sen-
timent de tension qui s'exagérait lorsqu'il se courbait ou qu'il penchait
la tête en avant. Dans les jours qui suivirent, la paralysie delà jambe,
qui était d'abord légère, s'accentua progressivement.
Au bout de trois semaines, il commença à éprouver de la difficulté à
uriner, puis des besoins impérieux, si bien qu'il lui est souvent arrivé
d'uriner dans son pantalon.
Malgré ces accidents, le malade continue à travailler, mais la fai-
blesse et la raideur de la jambe droite augmentaient.
Mars 1889. Six mois après le début des symptômes paralytiques, la
jambe gauche se prend à son tour et les symptômes s'accentuent rapi-
dement dans les deux membres inférieurs. Pendant cette période, le
malade se soumit à un traitement assez régulier qui consistait en bains
sulfureux, frictions mercurielles et iodure de potassium, 2 à 3gr. par
jour.
15 avril 1889. Le malade quitte complètement son service et se
retire chez ses parents, à la campagne, où il reste 14 mois. A son départ
et pendant son séjour à la campagne, il lui était impossible de travailler,
il ne pouvait marcher sans cannes, ses pieds butaient contre tous les
reliefs du sol et il faisait des chutes fréquentes. Il existait toujours de
la pollakiurie et de plus, la constipation qui existait au début avait fait
place à un certain degré de relâchement du sphincter anal. Lorsque le
malade urinait, il lui arrivait souvent de laisser échapper des matières
fécales.
Le traitement était continué sans grand succès.
P'' juin 1890. Le malade revient à Paris et entre immédiatement dans
le service de M. Duguet, à l'hôpital Lariboisière, où il reste cinq mois,
toujours dans le même état.
2 décembre 1890. Il entre à l'infirmerie de l'hospice de Bicêtre, dans
le service de M.Dejerine : on constate l'état suivant:
État actuel. — La marche est à la rigueur possible sans le secours de
cannes, mais elle ne peut se prolonger bien longtemps et le malade
bute contre le moindre obstacle. La base de sustentation est élargie
par l'écartement des jambes, les pieds traînent sur le sol, les muscles
des cuisses et des jambes sont contracturés ; la démarche est nettement
spasmodique. Après un effort, il persiste un certain degré de contrac-
S. 28
ture dans les muscles des jambes et on constate des secousses rapides
qui cessent bientôt.
Au repos, les pieds sont légèrement équins, les orteils peuvent être
fléchis, mais la flexion du pied sur la jambe et de la jambe sur la cuisse
est limitée et difficile.
Les réflexes patellaires et plantaires sont très exagérés, la trépi-
daton épileptoïde du pied très facile à provoquer.
Pas d'atrophie musculaire. Sens musculaire intact.
Sensibilité. — Le tact, la perception de la douleur et de la tempéra-
rature sont normaux. Il existe de la pollakiurie et parfois de l'inconti-
nence d'urine. Constipation habituelle. Les membres supérieurs sont
intacts ainsi que le domaine des nerfs crâniens.
21 mars 1891. Le malade quitte l'hospice de Bicêtre pour entrer dans
le service de M. Landouzy à l'hôpital Laennec. Il y resta deux ans et
suivit un traitement régulier par les frictions mercurielles d'abord, puis
par l'iodure de potassium, sans bénéficier d'aucune amélioration.
Le malade entre définitivement à Bicêtre le 2 mars 1893.
État actuel. 15 mars 1893. — Motilité. — Le malade étant assis, les
jambes ont tendance à se placer dans l'extension, il ne peut croiser une
jambe sur l'autre, ni à droite ni à gauche, il soulève très difficileoient
ses pieds au-dessus du sol, surtout le droit, il lui est très difficile égale-
ment de rapprocher les genoux jusqu'au contact.
Les jambes sont très raides, et Ton a beaucoup de peine à déterminer
des mouvements communiqués rapides, bien que le malade s'efforce de
laisser ses membres aussi souples que possible. La force musculaire
est très développée et l'on n'arrive que difficilement à fléchir la jambe du
malade contre sa volonté. Les réflexes sont extrêmement exagérés, le
clonus de la rotule et du pied s'obtiennent des deux côtés. Cependant la
raideur semble un peu moins prononcée du côté gauche.
Dans la station debout, le malade une fois « calé », se tient bien en
équilibre ; pas de signe de Romberg.
La marche n'est possible qu'avec un bâton, le malade marche sur la
pointe des pieds, il bute facilement et tombe souvent; fréquemment
pendant la marche ses jambes sont prises de tremblement.
Le malade use ses chaussures à la pointe et en dehors surtout du côté
droit, il a fait lui-même cette remarque, que « les talons sont encore
tout neufs lorsque le bout est percé ».
La nuit, il éprouve des secousses dans les jambes.
Sensibilité . — Actuellement, il n'existe aucune altération marquée de
la sensibilité o'ojective. Le malade nous raconte qu'au début de son
affection il existait une diminution très prononcée de la sensibilité :
lorsqu'on lui piquait les jambes avec une épingle, il ne percevait d'abord
qu'un simple contact, et ne ressentait une douleur que lorsque l'épingle
était profondément enfoncée.
— 435 —
Au début également il avait des douleurs lombaires assez vives, des
fourmillements dans les jambes avec un sentiment d'agacement. Les
orteils étaient douloureux.
A l'époque actuelle, le malade n'éprouve plus aucune douleur, il res-
sent seulement une légère impression de froid dans les jambes.
Les apophyses épineuses ne sont pas douloureuses à la pression.
Sphincters. — 11 existe une certaine difficulté de la miction, l'incon-
tinence a disparu, mais les besoins sont toujours impérieux; la consti-
pation domine, le malade reste parfois huit jours sans aller à la selle.
Au début, il perdait ses matières, mais cet accident ne lui est pas
arrivé depuis plus d'un an. Le sens génital est complètement aboli.
Les membres supérieurs, la face, sont intacts, l'intelligence parfaite-
ment conservée.
En somme, il s'agit d'une localisation morbide exclusivement spinale;
l'affection est apparue à peine deux mois après la disparition des der-
nières manifestations cutanées, elle a débuté assez brusquement, puis
s'est développée progressivement pendant une annéejusqu'à un certain
degré. Après une légère amélioration à la suite d'un traitement opiniâtre,
l'état est resté stationnaire depuis cinq ans environ.
Observation 133 (personnelle). — Recueillie daus le service
de M. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homine. En 1868, 20 ans, chancre, traitement
incomplet. 1872, douleurs rachidiennes, raideur des jambes, déve-
loppement progressif des accidents, n^ais nombreuses j^efiies
attaques de paraplégie, suivies chaque fois d'une aggravation dans
les symptômes. Depuis 1885, état stationnaire. État en 1891 : para-
plégie spasmodique modérée, sensibilité intacte, pollakiurie, mic-
tions involontaires. 1893 : même état.
Historique clinique. — A. R..., charron, 45 ans.
Antécédents héréditaires. — Père mort à 75 ans et mère morte à
74 ans de vieillesse (?). Douze enfants : quatre morts en bas âge, huit
vivants en bonne santé sauf notre malade.
Antécédents personnels. — Rien de particulier dans l'enfance de
notre sujet, qui commença à marcher à l'âge ordinaire et ne présenta
jamais rien dans les membres inférieurs. A l'âge de 8 ans il est apprenti
fumiste, puis imprimeur à l'âge de 13 ans et enfln, à 15 ans, charron,
métier qu'il a conservé depuis.
En 1867, à l'âge de 19 ans 1/2, il a l'œil gauche crevé accidentelle-
ment et est dans la suite réformé du service militaire pour cette
infirmité.
A 20 ans, en 1888, il prend un chancre et se traite quinze jours seu-
lement.
— 436 —
A 26 ans, il se marie malgré l'apparition depuis déjà près de deux ans
des premiers symptômes de l'affection dont il est atteint actuellement.
Sa femme a eu neuf enfants et n'a jamais fait de fausse couclie. De
ces enfants quatre sont morts en bas âge, deux de la diphtérie, un
d'accident et un autre d'une affection indéterminée, les cinq autres sont
bien portants.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Vers 1872, le malade com-
mença à éprouver dans les jambes un sentiment d'alourdissement qui
augmenta lentement et progressivement. En même temps il éprouvait
quelques douleurs sourdes dans les reins et une sensation de refroidis-
sement au niveau des genoux.
Peu à peu, les jambes devinrent plus raides et la marche devint
difficile, le malade butait souvent.
Ces symptômes étaient très peu marqués dans les premières années,
carie malade continuait son état et put se marier en 1874. Nous avons
vu même qu'il avait eu de nombreux enfants.
Cependant dans la suite, l'affection fit des progrès, de nouveaux
accidents particuliers attirèrent son attention à partir de l'année 1880
à peu près. En effet, au cours de l'évolution de la maladie, le malade a
éprouvé à plusieurs reprises des aggravations brusques qui se mani-
festaient par de petites attaques de paraplégie, à la suite desquelles il
était obligé pendant un ou deux jours de garderie repos. Mais il n'a
jamais éprouvé de paralysie prononcée le forçant à un séjour prolongé
au lit.
Après un certain nombre d'alternatives, d'aggravations et d'amé-
liorations incomplètes, l'état est resté absolument stationnaire de-
puis 1885.
A partir de cette époque, le malade devient un infirme, il peut mar-
cher, mais la marche est difficile, et il ne peut travailler qu'assez irrégu-
lièrement. En 1887, le malade entre à l'hospice de Bicêtre.
État actuel, en 1891. — Homme de constitution vigoureuse, bien
musclé et en bonne santé. Tous les phénomènes sont localisés dans les
membres inférieurs.
Moiilité. — A l'état de repos, il existe une contracture de faible
intensité dans les membres inférieurs qui manquent de souplesse dans
les mouvements passifs. Mais pas de raideur prononcée^ ni d'équinisme.
La force musculaire est considérable, on ne peut fléchir les jambes
du malade contre sa volonté même en déployant une grande force.
Les réflexes rotulicns sont exagérés, mais il n'existe pas de tremble-
ment clonique des pieds.
La démarche est celle de la paraplégie spasmodique ordinaire, elle
est possible sans canne, mais ne peut se prolonger longtemps sans
fatigue. Elle est gênée par la contracture et non par la faiblesse, car le
malade peut porter un homme sur ses épaules sans que ses jambes fai-
blissent
— 437 —
Sensibilité. — La seiiii!)ilité est absolumont normale dans tous ses
modes. Le tact, la douleur, la perception de la température sont aussi
développés que dans les membres supérieurs.
Il n'e.^iste pas de douleurs vives dans les jambes -ni dans la région
lombaire, le malade éprouve seulement un sentiment pénible de tension
au niveau de la région lombaire inférieure dans la station debout. Le
réflexe cutané plantaire est exagéré.
Sphinclers. — Mictions fréquentes et souvent involontaires. Les
membres supérieurs et le domaine des nerfs crâniens sont intacts.
RéHexes lumineux et accommodatif normaux pour l'œil droit, le seul per-
sistant.
État actuel, 10 mai 1893. — Le malade marche avec deux cannes en
traînant la pointe du pied sur le sol, il « pique du bout du pied », bute
souvent et tombe même.
Raideur très marquée des jambes qui, dans la position assise, ne
peuvent être croisées sans le secours des mains.
Réflexes rotuliens très marqués ; pas de clonus du pied.
Sensibilité intacte.
Envies impérieuses d'uriner, pas de constipation marquée. Rien aux
membres supérieurs.
L'état se maintient sans changement.
Observation 134 (personnelle). — Recueillie dans le service
de M. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme, 1857, 30 ans, chancre et accidents
secondaires. — 1801, faiblesse passagère des jambes. Septembre
1862, attaque légère de paraplégie brusque, prédominance dans la
jambe droite, rétention d'urine. Puis aggravation progressive dans
les deux jambes, paralysie des sphincters, douleurs dans les reins.
Depuis l'année 18Gk a peu près, état stationuaire. — État en 1889,
62 ans : paraplégie spasmodique avec prédominance à droite, sen-
sibilité intacte, troubles des sphincters, atrophie musculaire du
membre inférieur droit. — Dans la suite, affaiblissement de l'état
général. — Etat en 1803, 66 ans: séjour au lit, paraplégie spasmo-
dique plus marquée à droite, amaigrissement des jambes, troubles
légers de la sensibilité, paralysie des sphincters, escarre sacrée.
Histoire CLINIQUE. — Prosper J..., garçon de restaurant, âgé de
GG ans, à l'hospice de Bicêtre depuis 1865.
Antécédents héréditaires. — Père alcoolique, mort à 75 ans. Mère
morte à 71 ans. A eu quatre frères dont un est mort à 50 ans et une sœur
morte jeune
Antécédents personnels. — Fièvre typhoïde à l'âge de 16 ans.
— 438 -
Devient garçon de café et de restaurant ; malgré sa profession, n'aurait
pas commis d'excès alcooliques, mais excès vénériens de 20 à 30 ans.
Exempté du service militaire par le sort.
En 1857, à l'âge de 30 ans, il contracte à la verge un chancre dont il"
n'a que la cicatrice; trois ou quatre mois après, apparition de plaques
muqueuses sur les lèvres et dans la bouche, croûtes sur la tête et chute
des cheveux. Ces accidents durent un an. Le malade n'a pas été soigné
par un médecin, mais il prenait chez un pharmacien des médicaments
dont il ne peut indiquer la nature.
En 18G0, à l'âge de 33 ans, il se maria et eut six mois après un fils
qui vécut.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Dans le courant de l'année
1861, le malade éprouva à plusieurs reprises un sentiment de faiblesse
dans les jambes ; le travail était devenu plus pénible. Ce phénomène
n'était pas absolument persistant, mais il se prolongeait quelquefois et
s'exagérait certains jours.
Au mois de septembre 1862, le malade était employé comme garçon
dans un restaurant du Palais-Royal, fut pris soudainement, pendant
qu'il faisait son service, de vives douleurs dans les reins, ses deux mem-
bres inférieurs pris d'une faiblesse subite fléchirent sous lui. Il put
néaiimoias rentrer à pied chez lui, mais il lui semblait qu'il marchait
sur du caoutchouc et que ses pieds s'enfonçaient dans le sol. 11 dut
prendre le lit et vingt-quatre ou quarante-huit heures après, il avait
une rétention complète d'urine. Le médecin appelé pratiqua le cathé-
térisme qui dut être répété deux fois par jour, et soumit le malade à un
traitement qui, au bout de deux mois, n'avait produit aucune amélio-
ration.
En novembre 1862, il entra dans le service de Cullerier, à l'hôpital du
Midi, oîi il fut soumis pendant trois mois à un traitement spécifique :
pilules et KL
Pendant le premier mois, le malade continua à souffrir de rétention
d'urine, puis il se produisit une incontinence de l'urine et des matières
fécales ; le besoin était bien perçu, mais l'expulsion ne pouvait être
retardée. Le malade était atteint d'une diarrhée persistante et l'état
général laissait à désirer.
La faiblesse des jambes, qui au début était plus marquée à droite,
s'égalisait dans les deux jambes et au bout de trois mois de séjour à
l'hôpital elle était encore assez prononcée pour que le malade ne pût
marcher que difficilement avec l'aide d'une canne.
Le malade sort de l'hôpital du Midi pour entrer immédiatement à
l'Hôtel-Dieu où il resta six mois. Traitement : bains sulfureux et iodure
de potassium.
En août 1863, il entre à Necker chez Delpech où il fut soumis à un
traitement spécifique très actif, qui dut être suspendu à cause de la
~ 439 —
salivation abondante et du décliausseinent des dents. L'état général
s'était amélioré, mais l'état des jambes était toujours le même, le malade
ne pouvait marcher qu'avec des cannes, l'incontinence d'urine per-
sistait.
En 1864:, le malade fut successivemient soigné par Hérard, à Lariboi-
sièrc et par Maisonneuve, à l'IIôtel-Dieu, sans plus de résultat.
En 1865, il entre à l'hospice de Bicètre. De 1865 à 1889, l'affection est
restée absolument stationnaire, le malade souffrait toujours un peu des
reins, il marchait avec difficulté et perdait souvent ses urines et les
matières fécales. De temps à autre les douleurs lombaires devenaient
plus vives, et les jambes lui manquaient tout d'un coup complètement,
il s'affaissait alors et avait beaucoup de peine à se relever. Il éprouvait
aussi fréquemment du tremblement dans la jambe droite.
En 1889, les symptômes augmentèrent d'intensité, le malade qui sor-
tait souvent de Bicètre les années précédentes, dut renoncer à le faire
surtout à cause de la paralysie des sphincters.
État actuel, novembre 1889. — Malade âgé de 62 ans. A l'inspection,
ce qui frappe tout d'abord c'est un amaigrissement marqué de tout le
membre inférieur droit.
Les réflexes rotuliens sont exagérés des deux côtés, mais surtout à
droite, le tremblement clonique du pied n'existe que de ce côté.
Le malade ne peut marcher qu'avec une canne qu'il tient de la main
gauche, il fauche de la jambe droite qui est dans l'extension et contrac-
turée ; la pointe du pied est abaissée et traîne sur le sol.
La sensibilité est intacte dans tous ses modes, le réflexe plantaire
peu modifié.
La miction est lente, l'urine ne sort qu'après de grands efforts et en
petite quantité, les matières fécales s'échappent fréquemment au cours
de la miction. D'autres fois au contraire il existe des envies impérieuses
suivies immédiatement de miction involontaire.
L'atrophie musculaire est très nette dans le membre inférieur gauche,
les mesures circonférentielles des différents segments des deux membres
indiquent une différence de 2 à 3 centimètres.
Les membres supérieurs, les nerfs crâniens, les organes des sens sont
intacts. L'examen des différents organes décèle des lésions pulmonaires
localisées aux sommets.
Dans les années suivantes l'état général s'affaiblit peu à peu, le
malade souffre d'une bronchite chronique, la motiiité disparait peu à
peu dans les membres inférieurs.
État acluei, en mai 1893. Malade âgé de 66 ans.
Le malade est presque incapable de se maintfuir debout. 11 présente
les signes d'une paraplégie spasmodique avec prédominance dans la
jambe droite. Assis dans un fauteuil, il peut encore croiser la jambe
gauche sur la droite, mais non la droite sur la gauche. Au lit, il arrive
— 440 —
encore à soulever ses deux membres inférieurs à une faible hauteur
au-dessus du plan du lit, mais le droit moins facilement. Raideur à
l'occasion des mouvements volontaires, surtout à droite. Quandla jambe
est dans l'extension, il résiste assez bien aux tentatives de flexion. Les
mouvements de flexion sont limités, le malade ne peut amener la face
postérieure de la jambe en contact avec la cuisse.
Amaigrissement des membres inférieurs, état flasque et atrophie des
deux mollets. Pas de contraction fibrillaire, pas d'exagération de la
contraction idio- musculaire.
Trépidation épileptoïde du pied surtout à droite, réflexes rotuliens
exagérés des deux côtés. Marche et station debout impossibles.
Sensibililé. — Il existe une légère diminution de la sensibilité dans
tous ses modes, et un peu de retard dans la perception. La diff'érence
est à peine sensible entre la partie inférieure et la partie supérieure
du tronc, cependant Thypo-esthésie semble remonter sur le tiers infé-
rieur de l'abdomen.
Troubles trophiques. — Léger oedème cachectique des jambes.
Escarre sacrée.
Pas de phénomènes douloureux actuellement dans les jambes.
Sphincters. — Insuffisants. Incontinence des matières fécales. Alter-
native de rétention et d'incontinence d'urine ; actuellement, le malade
est atteint de rétention avec incontinence par regorgement ; on est
obligé de le sonder, l'urine est épaisse, trouble, ammoniacale, sédimen-
teuse et renferme du pus. Douleuràla fln de l'évacuation par lecathéter.
Le malade se plaint d'une douleur continue avec exacerbations dans la
région vésicale et irradiations dans les reins. Alternatives de constipa-
tion et de diarrhée. Les membres supérieurs, le domaine des nerfs crâ-
niens et les sens spéciaux sont indemnes.
Mais l'état général est très atteint, le malade soufîre de sa vessie, il
est atteint de bronchite chronique et a perdu l'appétit.
Depuis deux ou trois ans les phénomènes spasmodiques sont moins
accentués dans les membres inférieurs, mais l'élément parétiquo a fait
des progrès (1).
Observation 135 (personnelle). — Recueillie dans le service de
M. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. En 1882, à 25 ans, syphilis, traitement
mercuriel; accidents secondaires, céphalée^ angine spécifique
grave. Juillet 1888, six ans après le chancre, accidents cérébraux
graves diffus, hémiplégie incomplète, variable, délire, coma ;
traitement, guérison. Septembre 1888, symptômes spinaux, puis
paralysie rapide intéressant d'abord une jambe, puis les deux.
Paraplégie complète, anesthésie, contracture presque immédiate,
(1) Le malade a succombé en février 1894; l'examen anatomique sera publié
ultérieurement.
— 441 —
paralysie des sphincters, escarres. Amélioration. Persistance d'une
paraplégie spasmodique excessivement intense, marche et station
debout impossibles, sensibilité presque intacte, alternatives d'incon-
tinence et de rétention des urines. 1892, même état. 1893, légère
amélioration, mais marche encore impossible.
Histoire clinique. — Joseph ,Gr..., employé de chemin de fer, âgé
de 33 ans, entré en avril 1891, dans le service de M. Dejerine, à l'hospice
de Bicétre.
Antécédents héréditaires. — Père et mère âgés, mais bien portants.
Sur quatre enfants^ un est mort du croup à 5 ans, une sœur est morte à
26 ans de phtisie galopante; restent un frère de 25 ans, bien portant, et
notre malade. Pas d'hérédité nerveuse dans la famille.
Antécédents personnels. — Dans l'enfance, rougeole, croup à l'âge
de 6 ans.
A partir de l'âge de 19 ans, le malade est marin, jusqu'à l'âge de
24 ans, puis il devient employé dans une compagnie de chemins de fer.
En 1882, au milieu de l'année, le malade prend la syphilis et se met
au traitement spécifique trois semaines après avoir reconnu son chancre.
Il prend de la liqueur de Van Swieten pendant deux mois et des bains.
La roséole passe inaperçue, mais le malade perd ses cheveux. Cépha-
lalgie, syphilides, corona veneris. Plaques muqueuses, qui apparaissent
quatre mois après le chancre et se montrent excessivement relielles.
Ces plaques, très étendues et profondément ulcérées, persistèrent d'une
façon presque continue pendant plus de deux ans; elles envahirent la
gorge et provoquèrent des accidents assez graves pour qu'on dût songer,
un moment, à pratiquer la trachéotomie (deux ans et demi après le
chancre). Le malade suivit alors un traitement spécifique énergique
pendant trois mois.
Puis le malade resta pendant deux ans sans présenter aucune mani-
festation, si bien qu'à l'âge de 31 ans, au mois d'avril 1888, il se maria.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Moins de trois mois après son
mariage, dans le courant de juillet, le malade était, paraît-il, occupé
depuis plusieurs jours à des travaux intellectuels fatigants, il avait à
son bureau un surcroît de besogne, lorsque survint dans son caractère
un changement considérable. Il devint irascible, bizarre, puis bientôt
éprouva des vertiges; un jour, il fut pris d'un délire furieux, on dut le
ramener chez lui et le faire coucher, il souffrait d'une céphalée violente,
et le moindre bruit réveillait ses douleurs, il ne reconnaissait personne,
était très agité. Cet état ne s'améliora pas malgré l'administration d'une
dose quotidienne de 8 gr. de bromure ; il durait depuis une quinzaine
de jours, lorsque le malade fut frappé dans la nuit d'une attaque d'hémi-
plégie gauche. Tout d'abord, le malade ne pouvait faire aucun mouve-
ment avec le bras ni avec la jambe; cependant, à son dire, la face était
restée intacte et l'état de délire s'était amendé. On institua un traitement
— 442 -
énergique par l'iodure et les frictions. Peu à peu, les mouvements
revinrent dans les membres paralysés, si bien que le malade se levait
complètement guéri, trente jours après l'attaque de paralysie et quarante-
cinq jours après l'apparition des premiers symptômes cérébraux. Le
traitement fut alors interrompu.
Deux semaines environ plus tard, le malade, qui avait reprisses occu-
pations, éprouva dans les jambes de l'engourdissement avec un sentiment
de lourdeur ; moins de vingt-quatre heures après, la jambe gauche était
paralysée; le lendemain, c'était le tour de la droite. La paraplégie fut
alors complète, absolue etflasque, elle s'accompagnait d'anesthésie dans
les membres inférieurs, car le malade ne percevait à ce niveau ni les
piqûres, ni le pincement, ni les brûlures. Les sphincters étaient complè-
tement paralysés, le malade était absolument incapable de retenir ses
urines ou ses matières. Pendant quelques jours, par contre, la vessie ne se
vidait pas spontanément et l'on dut avoir recours au cathétérisme. La
position assise ne pouvait être maintenue. Les membres supérieurs
étaient intacts ainsi que la tête.
Le malade resta chez lui pendant quelques semaines avec un
traitement mixte, puis entra au conunencement de novembre dans le
service de M. le professeur Fournier, à l'hôpital Saint-Louis. A ce
moment, le malade était encore complètement paralysé des jambes, mais
la paralysie avait changé de caractère, les phénomènes spasmodiques
étaient très développés. La contracture, excessivement intense, était
apparue, au dire du malade, quinze jours environ après l'attaque de
paraplégie. Les jambes se plaçaient dans la demi-flexion, le malade
était incapable de les étendre spontanément, et pour les allonger, on
devait user d'une force considérable.
Durant les vingt-huit mois que le malade p SLSS3, cl l'hôpital Saint-Louis,
il fut soumis au traitement suivant :
Première année : Kl d'une façon continue et jusqu'à 13 grammes par
jour. De plus, frictions pendant les six premiers mois et pilules mercu-
rielles pendant les six autres.
Deuxième année : KBr., 6 grammes par jour.
Pendant les quatre derniers mois, le traitement fut suspendu. On usa
aussi de courants électriques continus.
• Les phénomènes graves persistèrent pendant plus de deux ans, la
paraplégie était absolue, le malade ne pouvait s'asseoir sur son lit, les
contractures étaient excessives, l'incontinence des sphincters perma-
nente, les érections disparues.
La sensibilité revint peu à peu dans les membres paralysés, la per-
ception était même exaltée comme la réflectivité médullaire, qui était
si développée que le moindre attouchement provoquait un mouvement
réflexe désordonné ; un choc contre le lit du malade le faisait tres-
sauter.
— 443 —
Des escarres énormes se développèrent, puis rétrocédèrent dans la
suite, elles n'étaient pas encore cicatrisées lorsque le malade quitta
rhôpital.
Suivant le malade, son état s'améliora un peu vers la fin de la
deuxième année de son séjour à Saint-Louis, mais il ne put jamais se
mettre debout.
En avril 1891, il entra à l'hospice de Bicêtre.
État actuel. — Le malade est incapable de se tenir debout; au lit,
il ne peut se maintenir assis sans l'aide des infirmiers. Les jambes sont
dans l'extension et maintenues dans cette position par une contracture
excessive; elles ne peuvent être soulevées spontanément au-dessus du
plan du lit, et l'adduction est si énergique que les jambes se croisent
souvent sans que le malade puisse les écarter.
On éprouve une difficulté extrême à fléchir la jambe sur la cuisse et
même à soulever la jambe étendue à cause de la raideur musculaire.
Lorsque les jambes sont fléchies, le malade ne peut les allonger, il y
parvient cependant au moyen d'un artifice : en pinçant la peau de la
face antérieure de ses cuisses, il détermine un réflexe qui ramène ses
jambes dans l'extension ; on provoque le même phénomène par la per-
cussion des tendons rotuliens. Lorsque les jambes sont étendues, la
raideur est telle que le réflexe rotulien ne peut être déterminé ; il en
est de même du clonus du pied, les pieds sont maintenus en position
équine, et il est impossible de les. fléchir sur la jambe.
Le malade éprouve de temps à autre des secousses dans les membres
inférieurs; d'autres fois, les jambes se fléchissent spontanément et
lentement et restent pendant un temps variable dans cette position que
le malade est incapable de modifier; souvent alors, elles s'allongent
subitement avec la brusquerie d'un ressort qui se détend. Les muscles
de la région lombaire sont aussi contracturés ; lorsque surviennent les
paroxysmes de contracture, le malade est alors, selon son expression,
comme « une barre de fer ».
La contracture, dans ce cas, atteint son plus haut degré, et les
muscles, loin d'être paralysés, donnent la mesure de leur plus grande
énergie; seuls, les muscles de la ceinture offrent, à côté de la raideur,
une parésie assez marquée; mais il est difficile de reconnaître quelle
part revient à l'un et à l'autre de ces deux phénomènes pour expliquer
l'impuissance où se trouve le malade à se tenir sur son séant.
Sensibilité. — La sensibilité au tact et à la douleur est conservée,
elle est même exaltée, et les excitations cutanées déterminent des
mouvements réflexes exagérés. Le malade n'a jamais souffert de dou-
leurs,''au début de son affection, il a seulement éprouvé un sentiment
de refroidissement et d'engourdissement dans les jambes ; actuellement,
il a encore cette impression, mais n'a aucun élancement, aucune dou-
leur sourde dans les jambes, ni dans les reins.
— 444 —
Sphincters. — Les urines s'écoulent continuellement, tantôt goutte
à goutte, tantôt par jets intermittents. Le malade est absolument inca-
pable de modérer cette miction spontanée qu'il perçoit d'ailleurs à
peine. Le relâchement du si^liincter anal qui existait au début a fait
place à une constipation persistante.
Les érections sont totalement abolies.
Troubles trophiques. — Si l'on en croit le malade, les membres
inférieurs auraient un peu maigri, il n'existe cependant aucune atrophie
musculaire notable et les membres sont bien musclés.
Au niveau du sacrum, on trouve une escarre en bonne voie de gué-
rison, et dont les bords sont entourés d'un tissu de cicatrice.
Les membres supérieurs et le domaine des nerfs crâniens sont intacts,
l'intelligence parfaite, l'état général excellent. Nous avons eu le loisir
d'observer ce malade pendant tout le cours de l'année 1891, dans le
service de M. Dejerine, et nous n'avons remarqué aucune modification
importante dans l'aspect de l'affection. A part la cicatrisation complète
de l'escarre, quelques mois après l'entrée à Bicêtre, l'état du malade
est resté stationnaire.
Laissant de côté le traitement mercuriel, on prescrivit une dose quo-
tidienne modérée d'iodure et des bains sulfureux.
Les contractures persistaient avec la même intensité, l'incontinence
d'urine et la constipation offraient toujours le même caractère et le
malade ne se plaignait d'aucune douleur. Souvent, on le levait dans un
fauteuil, les jambes se mettaient alors en flexion et les pieds se plaçaient
sous le meuble avec une énergie telle, souvent, que le malade était
attiré en avant et qu'il avait beaucoup de peine à se maintenir sur son
siège. Peut-être, à la fin de l'année, le malade avait-il au total bénéficié
d'une très légère amélioration; en tous cas, il était alors incapable de
se tenir debout, même avec un soutien.
État actuel, 26 mars 1893. — Nous avons revu la malade un an après
et noté l'état suivant.
Depuis quatre mois, le malade peut se tenir assis sur son lit. Il peut
même à la rigueur se tenir debout, mais pas plus de quatre à cinq
minutes, appuyé sur son lit, et, pour ainsi dire, en équilibre instable,
car il n'y a que le pied droit qui repose en entier sur le sol; le pied
gauche, en extension forcée, ne touche le plancher que par la pointe.
Dans cette position, le malade ne peut faire aucun mouvement de ses
jambes qui sont raides « comme des piquets ». Ainsi qu'il le fait lui-
même remarquer très justement, c'est cette contracture qui est la cause
de son impotence, il sent bien ses jambes fortes, elles sont même « plus
fortes que lui », car il ne peut modifier les mouvements et les positions
qu'elles affectent spontanément.
Clonus de la rotule et du pied ; réflectivité médullaire extrême.
La sensibilité est intacte, l'incontinence d'urine n'est pas persistante,
— 445 —
mais les envies sont iinpérieus(is. Constipation modérée; le malade va
à la selle deux à trois fois par semaine. Les érections renaîtraient
Mars 1894. Même état.
Observation 136 (personnelle). — Recueillie dans le service de
M. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. A 21 ans, en 1880, chancre induré, acci-
dents secondaires, pas de traitement. 1883 : accidents tertiaires, gom-
mes, douleurs en ceinture. 26 juillet 1883, rétention d'urine brus-
que. Le lendemain fourmillements dans les jambes, puis paraplégie
rapide. Six mois de séjour au lit. Marche possible avec des béquilles
aubout de huit mois Etat stat ionnaire. État en 1891 : paraplégie spas-
modique de moyenne intensité, signe de Romberg, sensibilité objec-
tive h peu près intacte, douleurs rachidiennes légères, troubles
des sphincters.
Histoire clinique. — J. Jeand.., menuisier, âgé de 29 ans à son entrée
à Bicêtre, le 29 décembre 1888.
Antécédents héréditaires — Père mort d'accident à 63 ans; mère
morte de péritonite à 52 ans, un frère vivant, âgé d'une quarantaine
d'années, bien portant.
Antécédents personnels. — Rougeole à 5 ans. A 16 ans, chancre
mou et bubon suppuré.
En 1880, à l'âge de 21 ans, chancre induré, et cinq à six semaines
après, plaques muqueuses multiples de la gorge et de l'anus.
Le malade part au régiment et ne suit aucun traitement. Cependant à
la fin de l'année 1882, deux ans et demi environ après le chancre, il pré-
senta quatre gommes sous-cutanées au niveau de la cuisse gauche, une
sur le troisième métacarpien de la main droite et une entre les doigts
de cette même main.
Il prit alors^ chaque jour, pendant deux mois seulement : 1 gramme
d'iodure de potassium et une cuillerée à café de liqueur de Van
Swieten.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Pendant les premiers mois de
l'année 1883, le malade éprouva quelques douleurs en ceinture, il avait
souvent mal aux reins, se sentait courbaturé, mais ces symptômes
n'étaient pas assez marqués pour l'obliger à cesser son service.
Le 26 juillet 1883, après un fort abus de boisson, il fut pris de vio-
lentes érections, accompagnées de douleurs en ceinture très vives. Le
lendemain il ne put se lever, il lui était impossible d'uriner. Pendant
48 heures, il éprouva des fourmillements dans les jambes, et souffrait
d'une véritable hyperesthésie au niveau des membres inférieurs.
Lorsqu'on transporta le malade à l'hôpital militaire, il était complè-
tement paraplégique ; il ne souffrait plus, mais il ne se rappelle pas si
— 446 —
ses jambes étaient devenues insensibles. Usait seulement que, lorsqu'on
l'examina dans la suite à plusieurs reprises, ses réflexes patellaires et
plantaires étaient exagérés et qu'il présentait le phénomène du pied.
Peu à peu, les mouvements, qui n'avaientd'ailleurspas complètement
disparu, revinrent dans les jambes, mais le malade ne put commencer
à se lever qu'au bout de six mois.
Deux mois après il pouvait marcher avec des béquilles.
Pendant tout le temps de son séjour à l'hôpital militaire, il fut soumis
au traitement par l'iodure, par les frictions mercurielles ou le sirop de
Gibert.
Il fut alors envoyé à Paris en convalescence pendant trois mois, puis
aux eaux de Barèges oià il continua son traitement spécifique. A la suite
de cette cure, il fut réformé du service militaire (fin 1884).
Depuis cette époque, le malade est resté à peu près dans le même
état, il entra successivement dans plusieurs services hospitaliers à
Paris, puis fut définitivement admis à l'hospice de Bicètre le 24 décem-
bre^ 1888.
État actuel, 1891. — Le malade marche d'ordinaire avec une canne,
les jambes écartées et penché en avant, les pieds quittent diflflcile-
ment le sol sur lequel ils traînent par la pointe.
La marche est possible sans canne, mais les caractères particuliers
de l'allure spasmodique sont ici très marqués. Au moment oi^i le malade
se met en marche, la raideur envahit les jambes, elle atteint son maxi-
mum dans les muscles fessiers qui immobilisent l'articulation coxo-
fémorale et, pour porter sa jambe en avant, le malade incline son tronc
tout d'une pièce du côté opposé. Il en résulte une démarche hanchée
particulière accompagnée d'un balancement des bras. Les talons frap-
pent le sol, les jambes sont maintenues dans l'extension, le regard est
fixé sur le sol. Le malade peut fournir une course assez longue sans
fatigue, mais il marche lentement et ne peut courir.
Le malade étant assis ou couché on constate que les réflexes rotuliens
sont très exagérés, le phénomène du pied s'obtient facilement. Les
mouvements sont gênés par la contracture, mais pas incoordonnés, seu-
lement un peu brusques, La force musculaire des jambes est très déve-
loppée bien qu'inférieure à la normale.
Les jambes seraient amaigries, au dire du malade; il n'y a pas d'atro-
phie musculaire vraie.
Nous avons vu que le malade talonne en marchant, d'une façon un
peu spéciale il est vrai; qu'il ne quitte pas le sol des yeux et que les
mouvements sans être incoordonnés sont un peu brusques. Il faut join-
dre à ces particularités l'existence bien caractérisée du signe de Rom-
berg. L'ensemble de ces signes forme l'ébauche du syndrome tabétique
qui prend ici une certaine importance.
Sensibilité. — La sensibilité objective (sensibilité douloureuse, per-
— 447 —
ception du tact et de la température) est bien conservée dans les mem-
bres inférieurs. Cependant, sur le côté gauche du tronc, au niveau d'une
bande large de trois doigts, partant du milieu de la ligne blanche abdo-
minale et allant jusqu'à la colonne vertébrale, il existe une diminution
manifeste de la sensibilité dans tous ses modes.
A intervalles éloignés, douleurs sourdes très supportables dans la
région dorso-lorabaire.
Les sphincters sont atteints dans leur fonctionnement : le malade est
forcé d'obéir immédiatement au besoin d'uriner sous peine d'avoir de
rincontinence. Parfois il y a de l'incontinence noclurne. Plusieurs fois,
au cours de ces dernières années les urines sont devenues troubles et
la miction douloureuse.
Le besoin de la défécation est également impérieux, les matières
s'échappent même souvent lorsqu'elles sont liquides. Fonctions géni-
tales abolies.
Les membres supérieurs, la tête, les sens spéciaux, sont intacts.
1893. Nous avons retrouvé le malade dans le même état. Il marche
avec une canne et sort chaque jour de l'hospice, il présente toujours la
même allure spéciale. A l'examen on constate les mêmes phénomènes
spasmodiques. Les envies d'uriner sont toujours impérieuses, le malade
porte un urinai en caoutchouc.
Observation 137 (inédite). — Tirée du registre d'observations de
M. Dejerine à l'hospice de Bicêtre.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homnn'. Syphilis (?) en 186k, à 28 ans. 181k,
douleurs rachidiennes. Mai lSlô, brusque rétention d'urine, douleurs
en ceinture , paraplégie rapide , flasque, sensibilité (1) Séjour au
lit obligatoire pendant les deux années suivantes. En 1811. État :
paraplégie spasmodique, contracture, station debout impossible,
troubles de la sensibilité, incontinence d'urine par regorgement,
troubles tropkiques.
Histoire CLINIQUE. —François Mich..., garçon de café, 41 ans, entré
à Bicêtre en mai 1877.
Antécédents personnels. — Blenuorrhagie en 1860. Alcoolisme.
En 1864, à l'âge de 28 ans, il eut trois petits chancres sur la nature
desquels il est difficile de se prononcer. Le malade aurait été traité
à l'hôpital du Midi pendant trois semaines sans prendre de mercure.
Ces chancres auraient été diagnostiqués mous. Le malade ne présente
pas d'accidents secondaires.
Dix ans plus tard, au début de l'année 1874, il éprouva des accidents
dont la nature semble indiquer une inoculation syphilitique antérieure
de date récente, bien que l'accident primitif ait passé inaperçu. Il eut
— 448 —
en effet des croûtes sur le cuir chevelu, perdit ses cheveux et présenta
des ulcérations anales pour lesquelles il alla à l'hôpital Saint-Louis ; on
lui prescrivit une pommade mercurielle et des pilules. Ces accidents
durèrent trois à quatre mois.
MsilcLdie actuelle. Commémoralifs. — Un mois plus tard, le malade
ressentit dans les reins des douleurs accompagnées de frissons qui
l'obligèrent à prendre le lit pendant une huitaine de jours ; c'étaient
des douleurs aiguës que le malade compare à des piqûres profondes.
Après quelques semaines de repos, le malade reprit son travail, mais
les jambes étaient pesantes, et la fatigue les envahissait rapidement.
Ces symptômes s'amendèrent peu à peu, mais, pendant le reste de
Tannée 1884 et au commencement de l'année 1875, il ressentait de temps
à autre une douleur lombaire sourde et de la faiblesse des jambes.
Au mois de mai 1875 (39 ans), il fut tout d'un coup dans l'impossibilité
d'uriner malgré une envie pressante, en même temps il se sentait la
tête lourde, ses jambes refusaient de le porter, il chancelait et dut se
coucher.
A ce momentj il n'éprouvait aucune sensation remarquable dans les
jambes, mais il lui semblait avoir un « corset de fer » autour de la
poitrine. Quelques heures plus tard, il était complètement paralysé et
dans l'impossibilité de mouvoir ses jambes. Dans les premiers temps,
la paraplégie était flasque, et il semble qu'à cette époque les membres
inférieurs aient perdu la sensibilité. Il y eut, au début, de la rétention
persistante d'urine et l'on dut sonder le malade pendant six mois, matin
et soir.
Pendant vingt-deux mois, le malade fut soigné chez lui, et ne put
quitter son lit. Il fut traité par l'iodure et le bromure de potassium.
Séjour de deux mois à l'hôpital Lariboisière, puis admission à Bicêtre
en mai 1877, deux ans après Tattaque de paraplégie.
A ce moment, le malade pouvait se tenir quelques instants debout
sur les jambes, en s'appuyant sur un fauteuil, mais la marche était abso-
lument impossible.
Les jambes étaient raides, les réflexes très exagérés et le sphincter
vésical insuffisant.
Vers le mois de décembre 1877, le malade éprouva des douleurs dans
la cuisse droite et un sentiment de brûlure dans les jambes. La con-
tracture augmenta et les jambes se placèrent dans la demi-flexion.
État actuel. Janvier 1878. — L'état général est assez satisfaisant, le
malade paraît bien musclé, mais il est complètement paraplégique, il
est incapable de se tenir debout. Il ne peut faire aucun mouvement de
ses jambes, et parvient seulement à remuer les orteils. Les membres
inférieurs sont contracturés, la jambe droite dans la demi-flexion, la
jambe gauche allongée. La raideur oppose une grande résistance aux
mouvements communiqués et s'exagère lorsqu'on essaie de les déter-
miner.
- 449 -
Sensibilité. — La sensibilité objective dans tous ses modes (tact,
douleur, température) est atténuée dans le membre inférieur droit et
très émoussée à gauche. Il y a de plus erreur dans la localisation des
excitations. Il n'existe pas actuellement de douleurs.
Sphincters. — Incontinence d'urine par regorgement. Avec la sonde,
on retire 300 ou 400 gr. d'urine et le malade reste alors deux ou trois
heures sans perdre d'urine.
Il n'existe pas d'atrophie des muscles des membres inférieurs, la
contractilité faradique est conservée, la sensibilité électrique plus
marquée à droite.
Les membres supérieurs et la tête sont indemnes.
Traitement. — Pointes de feu sur la région rachidienne; 1 gr. d'io-
dure de potassium et une cuillerée de sirop de Gibert par jour.
En février, congestion pulmonaire, point de côté, toux, fièvre, râles
humides et bronchophonie.
Juin. Plaque érythémateuse très étendue, envahissant la face interne
des cuisses, les bourses et la moitié inférieure de l'abdomen. Plaques
analogues sur le flanc gauche et sur la face palmaire de l'avant-bras
gauche. Cette dernière localisation prouve qu'il s'agit d'un érythème
infectieux (urines troubles, ammoniacales) et non d'un trouble trophique
car les bras sont indemnes de phénomènes paralitiques. Janvier 1879.
Même état pour les membres inférieurs. Plaque arrondie, large de
10 centim. environ, indurée et de couleur vineuse sur la fesse droite, il
s'agit bien ici d'une lésion de décubitus.
L'observation s'arrête là et nous ignorons quelle a été la destinée
du malade.
Observation 138 (inédite). — Communiquée par M. Dejerine.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. En mars 1890, à. 52 ans, chancre, trai-
tement incomplet. Août 1891, paraplégie développée en deux ou trois
jours, incontinence d'urine; aggravation rapidement progressive ;
séjour au lit, puis amélioration. Mars 1892. Paraplégie spasmodique,
sensibilité intacte, troubles des sphincters.
Histoire clinique. — M. X..., profession libérale.
Antécédents. — Au mois de mars 1890, M. X..., alors âgé de 52 ans
prit un chancre qui, paraît-il, ne fut pas suivi d'accidents secondaires.
Il suivit un traitement insuffisant car il ne prit que trente pilules de
Ricord en tout.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Depuis cette époque, iln'éprouva
aucun symptôme jusqu'en août 1891 Aceinoment, sans phénomènes
prémonitoires il fut frappé en deux ou trois jours d'une paraplégie
avec incontinence d'urine et constipation. Cependant la paralysie des
S. 29
— 450 —
jambes n'était pas complète, car pendant trois semaines le malade put
encore marcher, quoique avec beaucoup de difficulté.
Il survint alors une aggravation rapide des symptômes et le malade
dut garder le lit pendant plusieurs semaines. Lorsque, au bout de ce
laps de temps, il commença à se lever et à marcher, il constata que
ses jambes, encore très faibles, étaient aussi très raides. Ces symptômes
prédominèrent d'abord dans la jambe gauche, puis s'égalisèrent dans
les deux membres.
Le malade qui, depuis le début des accidents spinaux ne s'était
soumis à aucun traitement spécifique, vint, au mois de mars 1892, con-
sulter M. Dejerine.
État actuel. — Le sujet a tous les symptômes de la paraplégie
spasmodique, la démarche est classique, il traîne les pieds sur le sol et
marche en se dandinant.
La contracture latente se développe dans les mouvements voulus et
même dans les mouvements passifs, car on éprouve de la résistance
dans les mouvements imprimés aux jambes. Incontinence d'urine inter-
mittente.
Réflexes patellaires exaltés, phénomènes du pied.
Force musculaire considérable.
Sensibilité intacte dans tous ses modes.
Intégrité des membres supérieurs, du domaine des nerfs crâniens et
des fonctions psychiques.
Traitement : frictions mercurielles, KL à haute dose.
En août, séjour à Aix, en Savoie. Légère amélioration dans la con-
tracture.
Fonctions génitales complètement abolies.
Observation 139 (inédite). — Tirée du registre d'observations du service
de M. Dejerine à l'hospice de Bicêtre.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme. A 2k ans, en 188.5, chancre et accidents
secondaires. Novembre 1881, élancements dans les jambes, faiblesse
et raideur, pas de douleurs vives. Marche progressive de l'affec-
tion, et en février 1888 aggravation des symptômes : parésie des deux
jambes, anesthésie correspondante. Etat en 1889: paraplégie spas-
modique, sensibilité intacte, troubles des sphincters. 2 avril 1890,
encéphalopathie, phénomènes transitoires, aphasie passagère. Dans
la suite, localisation aux membres inférieurs, état stationnaire.
Histoire clinique. — Dur..., Léon, commissionnaire, entré en
décembre 1888 à l'hospice de Bicêtre dans le service de M. Dejerine.
Antécédeyits. — On ne trouve noté aucune particularité importante
dans les antécédents héréditaires ou personnels du malade, si ce n'est
le fait suivant :
— 451 —
En 1885, a l'âge de 24 ans, le sujet qui était célibataire fut atteint
d'un chancre suivi de roséole et de plaques muqueuses. Il n'est pas dit
s'il suivit un traitememt à cette époque.
Maladie actuelle, Commémoratifs. — En 1887, vers le mois de
novembre, il ressentit dans les deux jambes des élancements qu'il com-
pare à des secousses électriques mais non douloureuses, partant du
bout des pieds et remontant vers les hanches. Ces secousses ont per-
sisté pendant très longtemps, mais ont diminué d'intensité à la suite
d'un traitement spécifique. Le sujet n'éprouvait d'ailleurs aucune dou-
leur vive. A cette même époque les jambes étaient plus faibles que de
coutume et souvent raides,
Tous ces symptômes se développaient très lentement et n'eurent tout
d'abord qu'une très faible intensité. Mais au mois de février 1888, il se
produisit une aggravation rapide des accidents. La jambe gauche sur-
tout faiblit rapidement il arriva même plusieurs fois qu'elle se déroba
sous le malade et occasionna des chutes. La jambe droite ne tarda pas
à se prendre à son tour mais avec moins d'intensité,
A cette époque les symptômes parétiques étaient extrêment accusés
et s'accompagnèrent d'une anesthésie qui remontait jusqu'au pli de
l'aine; le malade, qui ne perdit d'ailleurs pas complètement Tusage de
ses jambes, ne sentait pas le sol sur lequel reposaient ses pieds.
Au bout de quelque temps les accidents subirent un temps d'arrêt
puis le malade soumis à un traitement spécifique vit son état s'amélio-
rer.
État actuel, janvier 1889. — A son entrée à l'hôpital de Bicêtre, le
malade dont l'état reste stationnaire depuis quelques mois i)résente les
symptômes suivants.
Motilité. — Démarche spasmodique caractéristique surtoutdéveloppée
pour la jambe gauche. Quand le malade marche, tous les muscles entrent
en contracture, la jambe ne se fléchit pas, le talon antérieur de la
plante du pied traîne sur le sol. Il n'existe d'ailleurs pas d'incoordina-
tion motrice; le malade ne lance pas ses jambes de côté. La jambe
droite se fléchit plus facilement, les muscles sont bien aussi contrac-
turés mais plus faiblement. Les réflexes rotuliens sont exaltés peut-
être un peu davantage du côté gauche. Le phénomène du pied facile à
provoquer des deux côtés est aussi plus marqué à gauche. Réflexe
plantaire aboli avec conservation de la perception du chatouillement.
Pas de signe de Romberg.
Sensibilité. — Pas de retard dans la perception des diff'érentes
excitations cutanées. La température, le contact, les excitations dou-
loureuses, sont perçus d'une façon égale et normale des deux côtés.
Dans les premiers mois de son aff'ection, le malade eut une anesthésie
complète remontant jusqu'au pli de l'aine des deux côtés; abolition qui
portait sur tous les modes de la sensibilité: il ne sentait pas le parquet
sur lequel reposaient ses pieds, on lui traversait complètement la peau
sans provoquer de douleur.
Nous trouvons dans l'intensité de ce symptôme la preuve de l'exis-
tence d'une période d'acuité à l'origine de la maladie.
Sphinch'rs. — Dans les premiers temps le malade eut de la rétention
d'urine puis de l'incontinence. Il souffrait également d'évacuations invo-
lontaires des matières fécales. Aujourd'hui, il n'a plus d'incontinence
mais est obligé au contraire de faire des efforts pour uriner et pour
aller à la selle.
Pas de troubles trophiques ni d'atrophie musculaire. Le malade mis
au traitement par l'iodure de potassium pendant quelques semaines
quitte au bout de ce temps l'hospice de Bicêtre dans le même état.
Le 21 mars 1890, le malade entre de nouveau dans le service; depuis
un mois ses jambes sont, paraît-il, plus faibles, il ne peut quitter son
bâton et fait de fréquents faux-pas. Il n'y a d'ailleurs rien de changé
dans les autres symptômes.
Le 2 avril 1890, hier au soir, le malade a souffert d'un mal de tête
qui a persisté toute la nuit. Au matin, la céphalalgie a augmenté et
vers dix heures, le malade est devenu totalement aphasique. Les bras
remuaient encore mais étaient pris de tremblement à l'occasion des
mouvements voulus.
Au moment oii nous voyons le malade dans la matinée, il exprime par
des gestes le mal de tête dont il souffre et se montre très affecté de ne
pouvoir parler, la langue d'ailleurs se meut librement et n'est pas
déviée.
Le malade entend et comprend très bien les questions qu'on lui pose,
l'intelligence paraît intacte mais l'aphasie est complète.
Il est incapable de lire et ne peut même reconnaître les lettres. Il est
également incapable d'écrire, il saisit de travers la plume qu'on lui
présente mais parvient après quelques griffonnages à tracer son nom.
Il éprouve des éblouissements passagers et voit moins distinctement
que de coutume. Il existe d'ailleurs de l'inégalité dans les pupilles, la
gauche est plus petite que la droite. Traitement. — Kl, 2 gr., une
pilule de protoiodure de mercure^
3 Avril. Même état que la veille, intelligence intacte, vision plus
claire.
Le 4. Le malade a recouvré complètement l'usage de la parole, pas
de bredouillement. Il lit très bien.
Les jours suivants les phénomènes cérébraux ne se sont pas produits,
mais les symptômes sont toujours les mêmes dans les membres infé-
rieurs.
Quelques semaines plus tard le malade quitte le service.
— 453 —
Observation 140 (personnelle). — Recueillie dans le service de M. le
professeur Debove, à l'hôpital Andral.
RÉSUMÉ CLINIQUE. — Homme Janvier 1886, 17 aiis et demi, chancre, acci-
dents secondaires, traitement incomplet. Septembre 1890, phéno-
mènes prémonitoires : douleurs de reins, difficulté de la miction;
engourdissement, lourdeur des jambes, céphalalgie. Puis paraplégie
progressive qui atteint son ma.ximum en trois semaines. Séjour au
lit pendant trois mois, amélioration aboutissant à une paraplégie
spasmodique persistant à iétat chronique. Mars 1893, paraplégie
spasmodique légère avec signe de Romberg, diminution de la sensi-
bilité, douleurs rectales, miction impérieuse.
Histoire clinique. — Louis Och..., journalier, âgé de 24 ans.
Antécédents héréditaires — Père mort subitement à 60 ans; mère
morte phthisique à 35 ans. Sur cinq enfants, trois sont morts de tuber-
culose pulmonaire, deux restent : un sujet de 21 ans bien portant et notre
malade.
Antécédents personnels. — Le sujet né à terme et élevé au biberon
a marché assez tard, il ne se souvient pas d'avoir fait dans son enfance
de maladie grave, mais il était chétif et a uriné au lit jusqu'à l'âge de
12 ans. 11 alla à l'école justiu'à l'âge de 15 ans, puis travailla depuis
dans les plumes. Au mois de janvier 1889, à l'âge de 17 ans et demi, il
prit un chancre de la verge sur la partie droite du frein, à la suite il
eut une roséole et des maux de gorge. Dès qu'il se fut aperçu de l'exis-
tence de son chancre il alla à l'hôpital Saint-Louis oii il ne resta pas.
Lè traitement qu'il suivit à cette époque fut le suivant: Pilules de
protoiodure, 2 par jour pendant un mois. Kl, 2 gr. pendant trois mois.
A la On de l'année il perdit ses cheveux et éprouva de la céphalée
surtout le soir, il reprit alors KL 2 gr. pendant trois à quatre mois.
Dans la suite rien à signaler, quelques maux de tète sans persistance.
En 1888, il entre à Saint-Louis pour une affection cutanée des deux
mains (eczéma du métier?)
Maladie actuelle. Commémorât ifs. — A la fin de septembre 1800,
trois ans et neuf mois après le chancre |21 ans), le malade éprouva des
maux de reins et des douleurs en ceinture assez fortes. La douleur
rachidienne était surtout marquée la nuit, elle empêchait le malade de
dormir et s'accompagnait d'un sentiment de constriction à la ceinture.
Huit jours après, le malade éprouvait de la difficulté pour uriner, la
miction exigeait de grands efforts.
Huit jours encore plus tard survinrent dans les jambes des fourmille-
ments, des picotements, mais pas de douleurs vives, en même temps
le malade sentait ses jambes lourdes elles n'étaient pas raides, mais
assez faibles, les mouvements étaient incertains et la marche festonnée,
— 454 —
hésitante. Eu même temps il existait de la céphalalgie surtout le soir.
La difficulté dans la marche, puis la paralysie des mouvements
s'accentuèrent rapidement dans les jours suivants, si bien que trois
semaines après l'apparition des premières douleurs le malade ne pou-
vait se tenir debout et qu'on dut le transporter à l'hôpital. Il entra au
mois d'octobre 1890, dans le service de M. Rendu à l'hôpital Necker. Il
fut soigné par les frictions mercurielles, le Kl, jusqu'à 8 grammes par
jour. Révulsion locale : ventouses scarifiées, pointes de feu.
Pendant trois mois le malade garda le lit, il pouvait remuer les jambes
avec difficulté, se tenait bien assis dans un fauteuil, mais était incapable
de marcher.
Les frictions mercurielles furent arrêtées au bout de deux mois à cause
de la gingivite. Bains sulfureux.
Après trois mois de séjour au lit, le malade commença à marcher en
s'appuyant aux lits, puis avec une canne, il ne perdait pas ses urines
comme au début de son affection, mais les envies étaient impérieuses.
Le malade resta cinq mois à l'hôpital ; quand il en sortit, le 15 mars
1891, l'état était considérablement amélioré, si bien qu'il pouvait mar-
cher sans canne. Dans ces conditions, il put reprendre son travail chezlui,
mais il était incapable de retourner à l'atelier. Il dut bientôt abandonner
complètement son métier et s'occupa à coller des bandes de journaux.
Le traitement était continué : Kl, 1 gr par jour pendant cinq à six mois.
A pai'tie de cette époque la situation du malade ne s'est modifiée en
aucune façon à ce qu'il dit.
Il éprouva cependant quelques accidents passagers qui l'obligèrent
plusieurs fois à entrer à l'hôpital.
Il fit successivement les différents stages hospitaliers suivants :
Juillet 1891, entre à l'hôpital Lariboisière chez M. Duguet à cause de
la reprise de la céphalalgie et pour quelques troubles de la vue. Trai-
tement : sirop de Gibert, Kl, bains sulfureux. Reste trois semaines.
Novembre 1891. Entre à l'hôpital Andral, service de M. Debove, pour
de la céphalalgie, des douleurs de reins et des crises de douleurs gas-
triques. Kl et solution de cocaïne pour les douleurs stomacales. Séjour :
1 mois, puis convalescence à l'asile de Vincennes.
Janvier 1892, entre à l'hôpital de la Charité, service de M. Cons-
tantin Paul ; céphalalgie, séjour un mois.
Juillet 1892. Séjour de deux mois à l'hôpital Cochin, dans le service
de M. Gouraud pour des douleurs de reins. Traitement : Kl, pointes
de feu.
Le mars 1893. Le malade entre à l'hôpital Andral.
Étal actuel. — Malade chétif,peu musclé; étant assis, les genoux sont
rapprochés, il a de la peine à les écarter et à croiser une cuisse sur
l'autre. Les mouvements sont gênés par un mélange de parésie et de
raideur, mais il n'existe pas de contracture persistante.
— 455 —
Réflexes rotuliens très exagérés et clonus du pied des deux côtés
avec prédominance des symptômes du côté droit. La force des membres
inférieurs est un peu diminuée.
Jje malade peut se tenir debout mais il perd l'équilibre les yeux
fermés.
La marche s'accompagne du balancement classique qu'on observe
chez les sujets atteints de paraplégie spasmodique, mais la roideur des
jambes n'est pas aussi absolue que dans les cas ordinaires. Le sujet a
le corps penché en avant, il marche sans le secours de cannes; les pieds
frottent sur le sol à chaque pas, et le talon frappe fortement à chaque
pas, surtout à gauche.
Le malade marche beaucoup plus difficilement dans l'obscurité, il
perd l'équilibre quand il change brusquement de direction ou lorsqu'il
fait demi-tour, il ne peut avancer les yeux fermés car il chancelle
immédiatement.
Il n'existe d'ailleurs pas d'incoordination motrice nette, ni de perte
du sens musculaire, mais le malade étant couché ne peut maintenir
ses jambes élevées sans que celles-ci soient prises immédiatement de
tremblement.
Sensibilité. — Le malade n'éprouve aucune douleur au niveau des
jambes mais il souffre encore un peu des reins et la pression de la
colonne vertébrale est douloureuse entre la neuvième et la onzième
vertèbre dorsale. Il se plaint de fréquents maux de tête, surtout le
soir.
Sensibilité objective. — Diminution du tact, l'attouchement n'est pas
perçu dans la partie inférieure du corps jusqu'à un travers de main
au-dessous de l'ombilic en avant et jusqu'à l'extrémité supérieure du
pli interfessier en arrière. Il existe une égale diminution de la percep-
tion douloureuse et de la perception thermique. Le malade souffre
d'envies d'uriner impérieuses, il est en général constipé mais est sujet
à des crises de diarrhée accompagnées de coliques et a parfois à ce
moment de l'incontinence des matières.
Il éprouve parfois, au niveau du rectum, des élancements brusques
et des sensations de brûlure qui rappellent les douleurs fulgurantes.
Appétit génital très atténué.
Les membres supérieurs et le domaine des nerfs crâniens sont
indemnes. Depuis deux ans, le malade a la vue un peu trouble, son
acuité visuelle a diminué, mais ce symptôme relève d'une certaine
opacité du cristallin. Les réflexes iriens sont normaux.
On note quelques signes légers de tuberculose aux sommets des pou-
mons et un souffle systolique à la pointe du cœur. Le malade est soumis
aux frictions mercurielles et à l'iodure de potassium.
Il quitte l'hôpital à la fin d'avril 1893, dans le même état, il y revient
d'ailleurs deux mois après.
— 456 —
Etat actuel, septembre 1893. — État statioanaire, paraplégie spas-
modique légère, réflexes très exagérés, démarche spastique et légè-
rement festonnée, signe de Romberg manifeste, mais aucune douleur,
réflexes iriens normaux, céphalalgie légère intermittente.
Observation 141 (personnelle). — Recueillie dans le service de M. le
professeur Debove à l'hôpital Andral.
RÉSUMÉ CLINIQUE.— //omme de 31 ans, mars 1889,chancre,ti-ailement,
accidents secondaires. Septembre 1892 période prémonitoire : dou-
leurs lombaires troubles des sphincters. 5 octobre, paralysie de la jambe
droite, puis paraplégie les jours suivants;' rétention d'urine, troubles
de la sensibilité objective, douleurs lombaires violentes ; améliora-
tion, marche possible au bout de trois mois, puis état stationnaire.
État en juin 1893 : paraplégie spasmodique très légère, contracture
latente, exagération marquée des réflexes, sensibilité intacte, diffi-
culté de la miction. Traitement. Octobre 1893, guérison presque com-
plète, léger état spasmodique des membres inférieurs.
Histoire clinique. — François P..., employé de commerce, âgé
de 37 ans.
Antécédents héréditaires. — Père asthmatique, 62 ans. Mère morte
d'une affection utérine. Cinq enfants : quatre bien portants et notre
sujet.
Antécédents personnels. — Rien de particulier dans l'enfance.
Appelé sous les drapeaux à l'âge de 21 ans, il accomplit la dernière
année de son service militaire en Algérie, oîi il soufl're d'une légère
atteinte de la fièvre intermittente. A cette même époque, légère poussée
de rhumatisme articulaire.
Retour en France en 1882.
En 1883, le malade vient à Paris pour y exercer la profession d'em-
ployé de commerce.
En mars 1887, à l'âge de 31 ans, il prend un chancre du filet. Traite-
ment immédiat : deux cuillerées de liqueur de Van Swieten pendant
quatre mois. Roséole et quelques plaques muqueuses dans la bouche.
Depuis cette époque, au printemps et à l'automne de chaque année, le
malade prend 3 à4 gr. d'iodure pendant trois semaines ou un mois. Pas
de nouveaux accidents secondaires, pas de céphalalgie marquée.
Maladie actuelle. Commémoratifs. — Vers le 22 septembre 1892
quatre ans et demi après le chancre, le malade commença à éprouver
une douleur de reins et des douleurs en ceinture, qui d'abord légères
s'accentuèrent peu à peu pour devenir violentes au bout de trois semaines
le malade souffrait surtout la nuit et éprouvait de la difliculté pour
uriner, la marche était d'ailleurs normale et les jambes solides.
— 457 —
Dans la nuit du 5 au 6 octobre, le malade ressentit comme une
« crampe » dans la jambe droite ; le lendemain, il put se lever, mais sa
jambe droite était lourde, elle « fauchait », suivant son expression, et le
pied correspondant sentait mal le plancher. Trois ou quatre jours
après, ce fut le tour de la jambe gauche. Le lendemain de ce nouvel
accident, le malade pouvait encore marcher, mais peu à peu la fai-
blesse s'accentua. Le 10, il éprouvait de grandes difficultés pour
uriner,
Le 15, au matin, il ne put se lever, ses jambes étaient presque com-
plètement paralysées. Rétention d'urine, cathétérisme obligatoire
pendant vingt jours. Constipation absolue.
Le malade resta couché pendant trois semaines sans pouvoir se
mettre debout, puis il resta au lit pendant trois mois en se levant un peu
chaque jour tandis que son état s'améliorait.
Dans les premiers temps de sa paraplégie, le malade éprouvait dans
les reins des douleurs excessivement vives, il ressentait également des
fourmillements et des crampes dans les jambes et dans les pieds. Ses
membres inférieurs étaient parfois agités de secousses convulsives ; il
existait également au début une diminution manifeste de la sensibilité
au tact et à la douleur dans les parties paralysées. Pendant ces trois
mois, le malade prit chaque jour de l'iodure de potassium à des doses
croissantes de 4, 6, 8, 10 et 12 gr. Il fut soumis à des frictions mer-
curielles quotidiennes jusqu'à salivation.
Après cette période, le malade pouvait marcher avec une canne ;
quelques semaines plus tard, il marchaitsans canne mais souffrait encore
de douleurs lombaires. A partirde ce moment,rétatdes jambes au point
de vue moteur est resté sensiblement le même, mais les douleurs de
reins ont beaucoup diminué. Le malade continuait d'ailleurs à prendre
de l'iodure de potassium.
Le huitième mois après l'attaque de paraplégie, le malade entra dans
le service de M. le professeur Debove à l'hôpital Andral (5 juin 1893).
Etat actuel. — Le malade marche sans appui. Lorsqu'il est au lit, on
constate que les mouvements des jambes sont conservés, il n'y a pas
d'incoordination motrice, le sens musculaire est intact. La force mus-
culaire des jambes, des reins, des muscles de l'abdomen est normale.
11 n'existe pas de contracture mais une simple raideur modérée dans
les mouvements volontaires. Réflexes rotuliens exagérés, clonus du
pied des deux côtés. Le tremblement dos jambes, les secousses convul-
sives ont disparu. Les phénomènes spasmodiques ont d'ailleurs beau ■
coup diminué au dire du malade. La sensibilité objective est intacte
dans tous ses modes, il existe une légère douleur sourde dans les
genoux et un peu d'engourdissement dans les jambes.
Etant assis, le malade peut croiser spontanément une cuisse sur
l'autre, mais avec un peu de tremblement à grandes oscillations pour
— 458 —
la jambe gauche. Il se lève debout facilement sans le secours de ses
bras.
Debout, l'équilibre est bien conservé, il peut porter un homme sur
ses épaules. Pas de signe de Romberg, mais le malade ne peut se tenir
en équilibre sur une jambe les yeux fermés.
Il talonne un peu en marchant; les yeux fermés, il marche en zigzag
mais ne tombe pas. N'usant d'aucune canne, il fait de fréquents faux pas,
mais il n'est jamais tombé. Les pieds frottent modérément sur le sol,
cependant la partie antérieure de la semelle est fortement usée.
Les jambes manquent de souplesse, le malade ne peut marcher vite
ni courir. Quand il se baisse, ses jambes faiblissent, il ne peut aller à
la selle accroupi.
La miction exige un certain effort et est toujours très hésitante. Pas
d'incontinence.
Au point de vue génital, le malade est resté absolument impuissant
pendant quatre mois au début de son affection ; depuis cette époque, les
érections sont revenues peu à peu, elles seraient même parfois gênantes
la nuit, mais il n'y a pas eu de coït depuis un an. Constipation modérée.
Il n'y a jamais eu de céphalalgie ni aucun phénomène cérébral, ni
avant ni pendant le cours de l'affection spinale. Les membres supérieurs
sont indemnes, la face, les yeux, mouvements, réflexes iriens sont
intacts. Intelligence et sens parfaits.
Le malade est soumis d'une façon régulière au traitement.
Septembre 1893. Amélioration considérable. Jambes souples à l'état
de repos, le malade marche bien sans canne^ mais les jambes sont
encore un peu raides, il ne peut marcher vite ni courir. Il peut monter
sur une chaise d'une seule jambe, mais en descend un peu brusque-
ment. Assis, il croise facilement une cuisse sur l'autre. Les réflexes
sont encore manifestement exagérés, pas de clonus du pied. Pas de
tremblement.
Sensibilité objective intacte. Le malade éprouve encore dans les
mollets une sorte d'engourdissement douloureux continu, mais pas de
douleur lombaire.
Debout, pas de signe de Romberg, équilibre possible sur un pied, les
yeux fermés. Miction normale, érections fréquentes.
Réflexes iriens et mouvements des yeux normaux.
En somme, guérison presque complète.
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TABLE DES MATIÈRES
Pages
Avant- Propos 9
Division du sujet 15
PKEMIÈRE PARTIE
Étude critique et description anatomo-clinique.
Chapitre premier. — Sommaire 17
Étude historique et critique des lésions anatomigues constatées dans les para-
lysies spinales syphilitiques - 19
I 1. — Lésions syphilitiques du rachis 21
I 2. — Syphilis méningo-médullaire 32
I. — Lésions circonscrites et macroscopiques 32
A. — Gommes des méninges 33
B. — Gommes de la moelle 35
C. — Pachyméningite syphilitique 39
II. — La méningo-myélite syphilitique 47
Paraplégies dites sine materia 75
§ 3. — Importance des lésions vasculaires . 80
I 4. — L'ischémie delà moelle et le ramollissement médullaire 92
Ramollissement médullaire expérimental 92
Ramollissement médullaire pathologique 98
I 5. — Du rôle des altérations vasculaires dans la myélopathie syphili-
tique 103
Circulation sanguine dans la moelle 105
Mode de début de la paraplégie syphilitique 109
Chapitre II. — Sommaire 121
Étude anatomique et clinique de la syphilis médullaire. Considérations géné-
rales 123
I 1. — Les lésions 130
A. — Période des altérations méntago- vasculaires 130
B. — Ramollissement médullaire et dégénérescence des éléments ner-
veux 136
Dégénérescence in situ 141
Dégénérescence secondaire 144
— 470 —
Pages
C. — Période de réaction du tissu interstitiel 147
Sclérose névroglique 151
Régénération du tissu nerveux 155
D. — Particularités dans l'évolution des lésions. Formes anatomiques
spéciales , 158
2. — Les symptômes. Considérations générales 162
A. — Période prodromique 171
a) Symptômes extrinsèques (cérébraux) 171
b) Symptômes intrinsèques (spinaux) 174
B. — Attaque de paraplégie et période de paralysie aiguë 180
C. — Période de paraplégie spasmodique 189
3. — L'évolution. Marche. Durée. Terminaisons. Complications 199
4. — Formes anatomiques et cliniques 204
A. — Forme commune 204
B. — Autres localisations 206
G. — Hémiparaplégie syphilitique 208
D. — Formes pseudo-systématiques 209
a) Pseudo-tabes syphilitique 210
b) Myélopathie syphilitique à forme de sclérose latérale 214
(?) Myélopathie syphilitique à forme de sclérose en plaques 215
d) Formes amyotrophiques 217
e) Forme bulbaire 220
E. — Formes spéciales 221
a) Méningite et pachyméningite syphilitique 221
b) Gommes de la moelle 222
5. — Diagnostic 224
6. — Pronostic et traitement. . . 234
7. — Conditions étiologiques 239
A. — Fréquence 239
B. — Conditions résultant de la nature du virus 241
a) Date d'apparition 241
h) Gravité de la syphilis à l'origine 244
e) Influence du traitement antérieur 246
C. — Conditions inhérentes au sujet 247
I" Causes prédisposantes 247
Hérédité 247
Sexe 248
Age 249
Maladies antérieures 250
IIo Causes occasionnelles et localisatrices 250
Surmenage de la moelle 250
Influence du froid 251
Traumatisme . . 261
8. — Conclusions 252
— 471 —
DEUXIÈME PAKTIE
Observations justifîcatiTes.
Pages
Chapitre I. — Observations cliniques avec autopsie et examen
HISTOLOGIQUE (personnelles) 259
Chapitre II. — Observations cliniques avec autopsie et examen
HISTOLOGIQUE (empruntées) 371
Chapitre III. — Observations cliniques (personnelles) 41.")
Index bibliographique 459
imprimerie lemale et c'^, havre
EXPLICATIONS DES PLANCHES
PLANCHE 1. — Cas no I.
Colorations : Carmin, hématoxyline.
FiG. 1. — Partie marginale gauche d'une coupe passant au niveau de la quatrième ra-
cine dorsale.— Trois grosses veines et deux petites artères ont leurs parois très épaissies.
Les éléments se colorent mal, quelques noyaux seulement ont pris l'hématoxyline. Le
contenu des vaisseaux est formé d'une substance granuleuse semée de cellules granu-
leuses et de globules sanguins déformés. Une veine énorme est remplie par un caillot
fibrino-leucocytique. Le sti'oma conjonctif de la pie-mère est peu épaissi, mais tous les
espaces sont remplis par une masse granuleuse, trouble, amorphe, où l'on ne dis-
tingue que des éléments dégénérés sans affinité pour les colorants. Dans la subs-
tance nerveuse, les tubes sont irréguliers, déformés. Pas d'inflammation du tissu
interstitiel, les vaisseaux capillaires seuls sont entourés de noyaux. Les racines
nerveuses sont saines. — Choss. : ob. 4, oc. 3.
FiG. 2. — Veines accolées à la pie-mère dans la région dorsale supérieure. — Le tissu
propre de la méninge est très peu épaissi et nullement infiltré. Les parois veineuses
sont composées de fibrilles et de cellules plates dont les noyaux sont pour la plupart
réfractaires à l'imprégration par l'hématoxyline. On voit dans l'épaisseur des parois
des blocs homogènes qui représentent, soit des cellules géantes dégénérées, soit des
îlots de tissu nécrosé. — Gross.: ob. 4, oc. 1.
FiG. 3. — Veine isolée accompagnant une racine antérieure (région cervicale).
— Epaississement considérable des tuniques par une infiltration de cellules qui ré-
sistent à l'action de l'hématoxyline. — Gross. : ob. 4, oc. 1.
FiG. 4. — Veine spinale postérieure (région cervico-dorsale). — Le processus d'alté-
ration est plus avancé ; la veine complètement oblitérée ne forme plus qu'un cordon
plein dont le tissu homogène et trouble se colore mal. On n'y trouve que quelques
cellules dégénérées, des granulations pigmentaires et des amas granuleux. Pie-mère
normale. — Gi'oss.: ob. 4, oc. 1.
FiG. 5. — Une racine nerveuse dans la région cervicale. — Envahissement de la paroi
d'une veine volumineuse par l'infiltration. Intégrité du reste de la racine. — Gross. :
ob. 4, oc. 1.
FiG. G. — Une racine dans la région dorsale. — Nodules d'infiltration péri vasculaire,
oblitération des vaisseaux. Les noyaux s'insinuent dans les espaces interfasci-
culaires. — Gross.: ob. 4, oc. 1.
FiG. 7 et 8. — Nodules périvasculaires développés autour de petits vaisseaux
dans l'épaisseur de la substance blanche et au voisinage de la pie-mère (région
dorsale supérieure). — Un nodule est accompagné d'une cellule géante. Altération des
tubes nerveux de la substance blanche : hypertrophie des cylindres-axes, dilatation
des gaines. Gonflement, état granuleux et troubles du tissu interstitiel. (Lésions
initiales de la nécrose du tissu nerveux.) — Gross.: ob. 7, oc. \.
PLI
G.Stemheil Editeur.
PLANCHE II. — Cas no II.
Colorations : carmin, hématoxyline. Grossissement : ob. 4. oc 1.
FiG. 1. — Tumeur gommeuse développée dans la paroi d'une grosse veine de la
pie-mère, au niveau du bulbe. — La partie centrale de la tumeur est en dégénérescence
caséeuse ; les couches profondes de la tunique veineuse sont atteintes par le même
processus. La lumière du vaisseau est très aplatie, vide de sang et ne contient que
quelques détritus granuleux étalés sur la paroi interne. Les couches périphériques
de la nôoplasie sont constituées par des cellules vivaces qui envahissent la pie-
mère (dans la partie droite de la figure).
FiG. 2. — Artères et veines au voisinage du bulbe. — Les artères libres dans la cavité
sous-arachnoïdienne offrent les lésions de la ijéri-endartérite. Une veine libre est
complètement oblitérée. La pie-mère est relativement presque normale, elle contient
une artère enflammée et une veine très dilatée, gorgée de sang.
FiG. 3. — Coupe au niveau de la septième racine cervicale, sillon médian anté-
rieur. — L'artère spinale antérieure est très épaissie : la tunique adventice est infiltrée,
l'endartère très épaissi rétrécit considérablement la lumière centrale. La tunique
musculaire est envahie dans une partie de son contour. Les autres branches arté-
rielles présentent des modifications analogues. Une veine montre une infiltration
surtout développée dans les couches externes de la paroi. La pie-mère est relative-
ment peu épaissie et l'infiltration est surtout périvasculaire. Nécrose du parenchyme
nerveux dans la zone marginale.
FiG. 4. — Même région au niveau de la huitième racine dorsale. — La lumière de
l'artère est presque complètement oblitérée par l'épaississement de l'endartère; la
tunique musculaire est détruite eu un point ; l'adventice est scléreuse, infiltrée et
confondue avec le tissu de la pie-mère. Même aspect du tissu nerveux. Entre ces
deux étages^ l'altération de l'artère spinale antérieure augmentait à peu près régu-
lièrement de haut en bas.
PL, II
J. Sûttas del.
Imp^^^ Lemercier, Paris.
G. SteinKeil Ediif-ur.
Nicole Ui th.
PLANCHE III. — Cas no III.
FiG. 1. — Partie antérieure du cordou postérieur gauche au niveau de la dixième
racine dorsale. — Sclérose névroglique totale, sauf en un point où il persiste un petit
groupe de tubes nerveux, au voisinage de la substance grise (partie centrale de la
figure. En canal central dont les cellules épendymaires multipliées forment un
amas irrégulier. En B, foyer de corps granuleux. Vaisseaux énormes à parois épaisses
et hyalines dont les couches externes sont envahies par une infiltration confluente
qui est nettement séparée du tissu de sclérose névroglique environnant. Culur. : carmin,
hématoxyline. Gross. : ob. 4, oc. 1.
FiG. 2 et 3. — Origine du sillon médian antérieur au niveau des cinquième et sixième
racines dorsales. — Oblitération presque complète de tous les vaisseaux artériels et
veineux périphériques. Dans les artères, endartérite extrêmement prononcée, inté-
grité relative de la tunique moyenne, épaississement et infiltration de la tunique
adventice qui se confond avec le tissu fibreux environnant. Oblitération des veines.
Dans la figure 2, sur le côté gauche des artères, existe une grosse veine qui est trans-
formée en un cordon plein, hyalin. — Epaississement considérable et infiltration
de la pie-mère, particulièrement autour des vaisseaux qui plongent dans la moelle
avec les travées conjonctives émanées de la pie-mère. Color. : carmin, hématoxyline.
Gross. : ob. 4, oc. 1.
FiG. 4. — Vaisseaux de la substance blanche dans une coupe transversale de la
moelle au niveau de la région dorsale. — Oblitération du tronc principal qui forme un
cordon hyalin semé de quelques noyaux fusiformes et contenant des débris de
membrane élastique. Epaississement et infiltration de la tunique adventice. Déve-
loppement compensateur des vasa-vasorum. CyZo/*. ; picro-carmin. Gross. .-ob.?, oc.l.
PL. m
G.Steinheil Editeur.
PLANCHE IV
FiCî. 1. — Vaisseau volumineux de la substance blanche dans une coupe longi-
tudinale de la moelle à la région dorsale (cas n° III). — Au centre, se trouve un bloc
de tissu hyalin qui peut être considéré soit comme un caillot organisé ayant subi la
dégénérescence hyaline, soit comme le résultat de l'épaississement de la membrane
interne. La tunique musculaire est indiquée par quelques noyaux musculaires
disposés concentriquement. Le reste de la paroi est très épaissi et infiltré. Dilata-
tion des vasa-vasoruui. La périphérie du vaisseau est nettement séparée du tissu
de sclérose névroglique dont on voit les fibrilles longitudinales ondulées. Nombreux
corps granuleux éclaircis par les essences et le baume. Color. : carmin, hématoxy-
line. Gross. .• ob. 7, oc. 1.
FiG. 2. — Vaisseau de la substance blanche (cas n" III). — Oblitérateur du tronc
vasculaire, développement compensateur de capillaires dans un nodule d'infiltration
de la couche externe. Cvlor. : picro-carmin. Gratis. : ob. 7, oc. 1.
FiG. 3. — Vaisseau de la partie profonde du cordon latéral dégénéré (cas n" IV) .
— Ce vaisseau présente des dimensions énormes. La couche externe est fibreuse
(lésion ancienne) et contient trois vaisseaux capillaires ; le reste de la paroi est
constitué par un tissu hyalin contenant quelques noyaux fusiformes et des fibrilles
(élastiques?) ondulées. La lumière très petite, mais encore perméable, est entourée
par une zone hyaline. Dans l'épaisseur de la paroi, on voit de plus un bloc de
substance trouble, plus colorée et nettement circonscrite, dont la nature reste indé-
cise. Colov. : carmin, hématoxyline. Gruss. : ob. 7, oc. 1.
FiG. 4. — Partie postéro-latérale du cordon latéral droit au niveau delà quatrième
racine dorsale (cas n° IV). — Sclérose dense contenant des vaisseaux très nombreux et
très volumineux, à parois hyalines, et souvent complètement oblitérés, et quelques
rares tubes nerveux.
La pie-mère est scléreuse mais peu épaisse et sans adhérence marquée avec le
tissu scléreux de la moelle. Colvr. : picro-carmin. G7'(m. : ob. 4, oc. 3.
FiG. 5. — Une portion du cordon latéral sclérosé du cas n° VII.— Sclérose névro-
glique très dense au milieu de laquelle se trouvent quelques tubes nerveux intacts.
Vaisseaux hyalins très épaissis formant des cordons creusés d'un ou plusieurs capil-
laires. La partie centrale du cordon est hyaline et parfois séparée de la couche
externe fibrillaire par une zone claire (membrane élastique?) Color. : carmin.
Gross. : ob. 7, oc. 1.
PL.IV.
J. Sottas del.
Imp'^^ Lemerwer , Paris.
CSteinheil, Editeur
Niooletlith.
.^1